The Cure

Killing An Arab

Killing An Arab

 Label :     Fiction 
 Sortie :    décembre 1978 
 Format :  Single / Vinyle   

1978. Alors que sévit en France la première mouture de Starmania ou le "Ca Plane Pour Moi" de Plastic Bertrand, l'Angleterre connaît une évolution lente mais majeure du mouvement punk semblant, certainement à cause dont son format simpliste, s'ouvrir spontanément de plus larges horizons. The Clash se propulse à peine, Siouxsie & The Banshees s'apprête à imposer son style, et The Police commence à faire des émules de l'autre côté de l'océan. C'est alors que Easy Cure, récemment rebaptisé The Cure et refondu en trio, sort avec son tout premier pressage discographique ce qui sera une de ces visions altérées du punk.
Au recto, on peut donc écouter "Killing An Arab", titre qui en a fait, en fait et en fera frissonner plus d'un. D'une part ceux qui n'ont jamais parcouru les pages de L'Etranger d'Albert Camus (The Outsider dans sa traduction anglaise) et préjugent froidement à la vue de l'intitulé d'un morceau raciste et/ou antisémite ; et d'autre part ceux stupéfaits par le morceau en lui-même, portant l'adage ‘simple mais efficace' à son paroxysme. Le batteur est une quiche, le bassiste peut honorer sa partition de son seul index, le guitariste/chanteur ne fait pas les deux en même temps, garde son manche au second plan, et ne s'époumone pas. Quant aux paroles, elles forment un poème sans prétention retraçant non pas toute l'œuvre absurde de Camus (si annoncé comme tel, il n'aurait de toute manière pas été à la hauteur), mais la vision sensorielle de Smith à la lecture du meurtre. La phrase la plus importante en est certainement ‘Staring at myself, reflected in the eyes of the dead man on the beach' (certainement souligné davantage par la pochette du vinyle). La retranscription sonore en est une sombre danse, une plongée dans la folie (cf : la ligne descendante de la basse au début et à la fin), une mélopée enivrante à la profondeur nullement atteinte à travers la musique punk. Moins de 2 minutes 30, mais une anecdote new-wave indélébile.

Dans la tradition de l'adage cité ci-dessus, et pour ce qui tenait à coeur à Smith de sortir ce qu'on peut appeler une ‘double A-Side', l'autre face "10:15 Saturday Night" se trouve être la continuité idéale. Le titre sensé être en retrait est tout aussi intéressant que le premier malgré sa simplicité presque vulgaire : des notes entêtées, un rythme sautillant et abrutissant, un solo de guitare ringard... C'est presque un néant musical qui enrobe le texte de Smith d'une atmosphère pourtant tout aussi profonde. Ce dernier se contentant même d'une courte métaphore (d'en gros deux phrases) faisant un parallèle entre le sablier et les glandes lacrymales – soit le temps et la tristesse - s'écoulant à l'unisson comme fusionnent le mot ‘drip drip drip drip drip...' sur les coups de médiator de la six-cordes. Une sorte de modeste haïku brumeux sur les déboires amoureux du white trash britannique des années 80. Un autre moment de magie fait de bout de ficelle. Doit-on en comprendre dès ce premier objet et ses deux seuls titres la signification métaphysique du nom du groupe, le sombre exutoire qu'est la musique pour Robert Smith ? Le punk n'a en tout cas jusqu'ici jamais été aussi intime et torturé en si peu d'ingrédients, et cette alternative sera bien plus que développée par la suite, que cela soit par Smith lui-même ou les formations new-wave en devenir.

Le tout premier album de The Cure, Three Imaginary Boys suivra peu de temps après, en mai 1979...


Intemporel ! ! !   20/20
par X_YoB


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