Neil Young
Roxy: Tonight's The Night Live |
Label :
Reprise |
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À défaut d'enregistrer des disques pleinement satisfaisants ces derniers temps, Neil Young dispose toujours d'une arme fatale imparable : son glorieux passé, qu'il revisite et exhume de manière assez aléatoire mais régulière depuis 2006 (douze ans déjà), sous la forme de ses fameuses Archives. Jonglant entre les différentes époques de son parcours musical sans égal, il a déterré quelques joyaux, très souvent des prestations en public, au premier rang desquels s'élève le fabuleux Live at Massey Hall 1971, publié en 2007. Avec Roxy: Tonight's the Night Live, il avance de deux années et se rend en 1973.
Cette époque n'est pas des plus heureuses pour Neil, bien au contraire. Il déplore en effet la perte récente par overdose de deux amis très proches, Danny Whitten, guitariste du Crazy Horse, et Bruce Berry, un de ses roadies sur ses tournées, mais aussi sur celles de Crosby, Stills, Nash & Young. En plus des drogues qui circulent dans son entourage, l'alcool coule à flots, tout cela impactant profondément la cohésion et le fonctionnement des groupes qui l'accompagnent à l'époque (Crazy Horse donc, et les Stray Gators), notamment pendant les tournées et les concerts. De plus, après le succès de Harvest, paru en février 1972, l'attente autour de ses prochaines sorties va en grandissant toujours davantage. Peut-être en réaction à cette situation inconfortable et à tous les événements qui le tourmentent, il forme mi-73, à la suite de la tournée chaotique avec les Stray Gators (documentée par le live Times Fade Away), les Santa Monica Flyers, avec Billy Talbot (basse) et Ralph Molina (batterie), soit la section rythmique du Crazy Horse, associés à Ben Keith (pedal steel) et Nils Lofgren (piano, guitare). Il enregistre avec eux en août et septembre de cette même année ce qui deviendra un de ses plus grands disques, l'immense, le cathartique et sombre Tonight's the Night, qui reflète et extériorise la douleur, le chagrin et la peine qui anime alors le Canadien. Il faudra néanmoins attendre encore deux années pour voir cet album publié, le label de Young, Reprise Records, le considérant comme trop cru et pessimiste, lui qui espérait un disque dans la veine de Harvest. Mais comme l'Ontarien était dans la période la plus prolifique de sa carrière, il enregistra début 74 le tout aussi ténébreux On the Beach, qui sortit en juillet suivant, histoire de patienter on va dire.
Mais avant ça, pour fêter la fin des sessions en studio consacrées à Tonight's the Night en septembre 73, Neil et ses Santa Monica Flyers ont eu l'honneur de faire l'ouverture d'une nouvelle salle de concert, située sur le Sunset Strip, le Roxy Theatre, plus connu sous le simple nom de Roxy. Ils ont occupé les lieux du 20 au 22 de ce mois, jouant deux sets par nuit, presque uniquement composés de morceaux de leur album fraîchement enregistré. Ce sont donc des extraits de ces concerts qui se trouvent compilés sur ce nouveau volume des Archives du Loner. Selon les mots mêmes de ce dernier, ils ont pris du bon temps lors de ces trois soirées au Roxy. Et cela s'entend parfaitement sur le disque, l'ambiance étant des plus détendues, bien éloignée de celle, pesante et étouffante, de l'enregistrement de Tonight's the Night. Neil, comme d'habitude, parle beaucoup, avec les membres de son groupe, avec le public, qui semble ravi d'être présent. Il remercie son manager, présente ses musiciens, fait des blagues, diverses improvisations parsèment également les concerts. Bref, tout se déroule pour le mieux.
Contrairement à ce que le titre de ce live pourrait laisser penser, tous les morceaux de Tonight's the Night n'y apparaissent pas. Il manque en effet "Borrowed Tune", "Come on Baby Let's Go Downtown" et "Lookout Joe", sans doute parce qu'ils étaient antérieurs à ceux qui venaient d'être mis sur bande et de ce fait déjà enregistrés, soit avec le Crazy Horse, soit avec les Stray Gators. Sinon, tous les autres titres sont présents et l'on sent un groupe plein de maîtrise, heureux de jouer ses nouvelles compos sur scène, après le temps passé en studio. L'atmosphère décontractée se ressent dans l'interprétation des chansons, notamment sur "Mellow My Mind" (où la voix de Neil se révèle un peu juste par moment, ce qui n'est pas bien grave), mais aussi sur "Speakin' Out", "World on a String" ou bien encore "Roll Another Number (For the Road)", décidément un des titres les plus cools du répertoire de l'Ontarien, où tous les musiciens s'y mettent joyeusement. L'émotion se fait plus présente sur la superbe version d'"Albuquerque", où la guitare et l'harmonica du Loner émeuvent, tout comme sur "Tired Eyes", que Young introduit lui-même comme étant une "sad song", ou sur "New Mama", les voix se mêlant magnifiquement les unes aux autres. Les deux versions/parties de "Tonight's the Night" sont parfaites, tendues, disposant assurément d'une des meilleures lignes de basse de l'histoire du rock. Enfin, c'est "Walk On" qui termine le disque, un morceau à l'origine prévu pour apparaître sur Tonight's the Night, mais qui ne fut pas retenu au final, peut-être en raison de ses paroles critiques envers, notamment, les dirigeants de Reprise, refroidis par le contenu de l'album. À noter que Young l'introduit comme "an old tune", alors que bien peu de personnes devaient la connaître et qu'elle ne devait apparaître que sur On the Beach l'année suivante, ce qui constitue une nouvelle preuve de l'ébullition créative dans laquelle il se trouvait à l'époque.
Témoignage lumineux d'une période pourtant chaotique, Roxy: Tonight's the Night Live, nouveau volume des Archives de Neil Young, saisit superbement, en un instantané à la fois décontracté et touchant, un artiste alors tourmenté en plein cœur de son évolution musicale. Devant donner un successeur à Harvest, le Loner en prit le total contre-pied, délaissant une country-rock accessible pour un rock cru et désespéré. Surprenant à bien des égards, surtout au niveau de l'atmosphère que l'on peut y entendre, fascinant aussi bien que troublant par le décalage instauré avec l'album dont il tire son nom, ce live au Roxy se place d'emblée comme un indispensable prolongement de ce disque central de la carrière du Canadien, alors en route pour écrire une des œuvres les plus captivantes de l'histoire du rock. Il permet d'envisager de manière légèrement moins sombre la troisième partie de la "Ditch Trilogy" (Time Fades Away-On the Beach-Tonight's the Night, auxquels on pourrait ajouter Zuma et même Harvest selon certains) et se pose comme un des meilleurs chapitres du projet au (très) long cours que forment ces incroyables Archives, qui semblent tout à fait inépuisables. Mais au vu de sa qualité, qui s'en plaindra ?
Cette époque n'est pas des plus heureuses pour Neil, bien au contraire. Il déplore en effet la perte récente par overdose de deux amis très proches, Danny Whitten, guitariste du Crazy Horse, et Bruce Berry, un de ses roadies sur ses tournées, mais aussi sur celles de Crosby, Stills, Nash & Young. En plus des drogues qui circulent dans son entourage, l'alcool coule à flots, tout cela impactant profondément la cohésion et le fonctionnement des groupes qui l'accompagnent à l'époque (Crazy Horse donc, et les Stray Gators), notamment pendant les tournées et les concerts. De plus, après le succès de Harvest, paru en février 1972, l'attente autour de ses prochaines sorties va en grandissant toujours davantage. Peut-être en réaction à cette situation inconfortable et à tous les événements qui le tourmentent, il forme mi-73, à la suite de la tournée chaotique avec les Stray Gators (documentée par le live Times Fade Away), les Santa Monica Flyers, avec Billy Talbot (basse) et Ralph Molina (batterie), soit la section rythmique du Crazy Horse, associés à Ben Keith (pedal steel) et Nils Lofgren (piano, guitare). Il enregistre avec eux en août et septembre de cette même année ce qui deviendra un de ses plus grands disques, l'immense, le cathartique et sombre Tonight's the Night, qui reflète et extériorise la douleur, le chagrin et la peine qui anime alors le Canadien. Il faudra néanmoins attendre encore deux années pour voir cet album publié, le label de Young, Reprise Records, le considérant comme trop cru et pessimiste, lui qui espérait un disque dans la veine de Harvest. Mais comme l'Ontarien était dans la période la plus prolifique de sa carrière, il enregistra début 74 le tout aussi ténébreux On the Beach, qui sortit en juillet suivant, histoire de patienter on va dire.
Mais avant ça, pour fêter la fin des sessions en studio consacrées à Tonight's the Night en septembre 73, Neil et ses Santa Monica Flyers ont eu l'honneur de faire l'ouverture d'une nouvelle salle de concert, située sur le Sunset Strip, le Roxy Theatre, plus connu sous le simple nom de Roxy. Ils ont occupé les lieux du 20 au 22 de ce mois, jouant deux sets par nuit, presque uniquement composés de morceaux de leur album fraîchement enregistré. Ce sont donc des extraits de ces concerts qui se trouvent compilés sur ce nouveau volume des Archives du Loner. Selon les mots mêmes de ce dernier, ils ont pris du bon temps lors de ces trois soirées au Roxy. Et cela s'entend parfaitement sur le disque, l'ambiance étant des plus détendues, bien éloignée de celle, pesante et étouffante, de l'enregistrement de Tonight's the Night. Neil, comme d'habitude, parle beaucoup, avec les membres de son groupe, avec le public, qui semble ravi d'être présent. Il remercie son manager, présente ses musiciens, fait des blagues, diverses improvisations parsèment également les concerts. Bref, tout se déroule pour le mieux.
Contrairement à ce que le titre de ce live pourrait laisser penser, tous les morceaux de Tonight's the Night n'y apparaissent pas. Il manque en effet "Borrowed Tune", "Come on Baby Let's Go Downtown" et "Lookout Joe", sans doute parce qu'ils étaient antérieurs à ceux qui venaient d'être mis sur bande et de ce fait déjà enregistrés, soit avec le Crazy Horse, soit avec les Stray Gators. Sinon, tous les autres titres sont présents et l'on sent un groupe plein de maîtrise, heureux de jouer ses nouvelles compos sur scène, après le temps passé en studio. L'atmosphère décontractée se ressent dans l'interprétation des chansons, notamment sur "Mellow My Mind" (où la voix de Neil se révèle un peu juste par moment, ce qui n'est pas bien grave), mais aussi sur "Speakin' Out", "World on a String" ou bien encore "Roll Another Number (For the Road)", décidément un des titres les plus cools du répertoire de l'Ontarien, où tous les musiciens s'y mettent joyeusement. L'émotion se fait plus présente sur la superbe version d'"Albuquerque", où la guitare et l'harmonica du Loner émeuvent, tout comme sur "Tired Eyes", que Young introduit lui-même comme étant une "sad song", ou sur "New Mama", les voix se mêlant magnifiquement les unes aux autres. Les deux versions/parties de "Tonight's the Night" sont parfaites, tendues, disposant assurément d'une des meilleures lignes de basse de l'histoire du rock. Enfin, c'est "Walk On" qui termine le disque, un morceau à l'origine prévu pour apparaître sur Tonight's the Night, mais qui ne fut pas retenu au final, peut-être en raison de ses paroles critiques envers, notamment, les dirigeants de Reprise, refroidis par le contenu de l'album. À noter que Young l'introduit comme "an old tune", alors que bien peu de personnes devaient la connaître et qu'elle ne devait apparaître que sur On the Beach l'année suivante, ce qui constitue une nouvelle preuve de l'ébullition créative dans laquelle il se trouvait à l'époque.
Témoignage lumineux d'une période pourtant chaotique, Roxy: Tonight's the Night Live, nouveau volume des Archives de Neil Young, saisit superbement, en un instantané à la fois décontracté et touchant, un artiste alors tourmenté en plein cœur de son évolution musicale. Devant donner un successeur à Harvest, le Loner en prit le total contre-pied, délaissant une country-rock accessible pour un rock cru et désespéré. Surprenant à bien des égards, surtout au niveau de l'atmosphère que l'on peut y entendre, fascinant aussi bien que troublant par le décalage instauré avec l'album dont il tire son nom, ce live au Roxy se place d'emblée comme un indispensable prolongement de ce disque central de la carrière du Canadien, alors en route pour écrire une des œuvres les plus captivantes de l'histoire du rock. Il permet d'envisager de manière légèrement moins sombre la troisième partie de la "Ditch Trilogy" (Time Fades Away-On the Beach-Tonight's the Night, auxquels on pourrait ajouter Zuma et même Harvest selon certains) et se pose comme un des meilleurs chapitres du projet au (très) long cours que forment ces incroyables Archives, qui semblent tout à fait inépuisables. Mais au vu de sa qualité, qui s'en plaindra ?
Excellent ! 18/20 | par Poukram |
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