Johnny Cash
Ride This Train |
Label :
Columbia |
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Chaque semaine, le fantôme de Johnny Cash me rend visite pour que l'on revisite ensemble son impressionnante discographie. Aujourd'hui, on étudie son premier "concept album".
Dylanesque : Quand on dit "concept album", on pense immédiatement à des boursouflures psychés ou des opéras rocks pompeux du genre Sgt. Peppers, The Wall ou Tommy. C'est oublier que, dès 1960, vous lanciez la mode.
Johnny Cash : Oui et non. Oui, j'ai fait ça bien avant tous ces chevelus. Non, j'étais pas le premier. Le premier, c'était Woody Guthrie avec ses Dust Bowl Ballads qui, dès 1940, racontaient une seule histoire en une quinzaine de chansons, le parcours d'un petit gars de l'Oklahoma à travers la Grande Dépression. En 1955, Frank Sinatra a poursuivi l'exercice avec In the Wee Small Hours, l'errance d'un mélancolique au crépuscule. Je n'ai fait que m'inscrire dans cette noble tradition.
Dylanesque : C'est une excellente idée parce qu'on sort enfin de ce qui caractérisait vos albums des fifties, en particulier ceux sortis chez Sun Records : des collections bordéliques d'excellents singles où l'on se retrouvait souvent avec une énième apparition de "Walk the Line" ou "Folsom Prison". Ici, il y a que de l'inédit. Même les reprises de vieux standards country comme le "Lumberjack" du vénérable Leon Payne s'intègrent à la narration.
Johnny Cash : Encore une fois, tout remonte à l'enfance. Les comptines que ma mère inventait pour moi. Les westerns qu'on allait voir au cinéma avec mon maigre argent de poche. Les fables que l'on pouvait lire dans les pages de ma Bible de chevet. J'ai toujours voulu raconter des histoires. Celle de l'Amérique à travers la mienne.
Dylanesque : Et le ton est posé dès l'intro. Comme au cinéma, on a d'abord le décor avec ces bruitages de locomotives et puis vous prenez votre belle voix de narrateur en mode "Père Cash, raconte nous une histoire !" Nous voilà propulsé sur les rails alors que vous énumérez une liste de destinations qui font rêver ceux qui, comme moi, fantasment l'Amérique. C'est un procédé très efficace que vous réutiliserez souvent et qui sera également repris en 63 par le collègue Lee Hazlewood en ouverture de son propre concept album, le légendaire Trouble is a Lonesome Town. Il vous doit beaucoup.
Johnny Cash : Peut-être mais je ne suis pas responsable de sa moustache.
Dylanesque : Ce qui est remarquable, c'est que, contrairement aux albums concepts cités plus haut, vous tenez l'expérience jusqu'au bout. La formule bruitage/narration pour introduire une chanson est présente du début à la fin, faisant de cet album une aventure cohérente aussi bien dans le fond que dans la forme. Un travelogue. On monte à bord et on s'arrête à chaque station avec une nouvelle ritournelle en tête. Le personnel de studio offert par Columbia est à nouveau au sommet de sa forme et au service de votre vision, assez osée pour l'époque parce que moins commercial qu'une simple succession de tubes.
Johnny Cash : Il faut rendre à César ce qui lui appartient et ici, César, c'est Alan Lomax. Le musicologue qui a vraiment traversé le pays en train pour collecter les chants de prisonniers, fermiers, bluesman et troubadours de toutes sortes. C'est lui qui a déniché des perles comme "Going to Memphis" que je reprend ici accompagné du flamboyant piano de Floyd Cramer.
Dylanesque : C'est un des sommets de l'album. Le souci, si je peux me permettre, c'est que le procédé est à double tranchant. Si l'on se laisse aller au jeu de la narration, c'est délicieux. Si l'on veut juste écouter les chansons, il faut se taper les longues intro. Du coup, on n'écoute pas Ride This Train n'importe comment mais plutôt comme si on lançait un film. Un film historique de trente minutes, plus intéressant pour son contexte que pour son histoire.
Johnny Cash : Je vais pas me fâcher car je suis plutôt d'accord. Et je sais que les concept albums qui suivront seront plus convaincant.
Dylanesque : Mais il sera difficile de faire plus cool que cette pochette !
Dylanesque : Quand on dit "concept album", on pense immédiatement à des boursouflures psychés ou des opéras rocks pompeux du genre Sgt. Peppers, The Wall ou Tommy. C'est oublier que, dès 1960, vous lanciez la mode.
Johnny Cash : Oui et non. Oui, j'ai fait ça bien avant tous ces chevelus. Non, j'étais pas le premier. Le premier, c'était Woody Guthrie avec ses Dust Bowl Ballads qui, dès 1940, racontaient une seule histoire en une quinzaine de chansons, le parcours d'un petit gars de l'Oklahoma à travers la Grande Dépression. En 1955, Frank Sinatra a poursuivi l'exercice avec In the Wee Small Hours, l'errance d'un mélancolique au crépuscule. Je n'ai fait que m'inscrire dans cette noble tradition.
Dylanesque : C'est une excellente idée parce qu'on sort enfin de ce qui caractérisait vos albums des fifties, en particulier ceux sortis chez Sun Records : des collections bordéliques d'excellents singles où l'on se retrouvait souvent avec une énième apparition de "Walk the Line" ou "Folsom Prison". Ici, il y a que de l'inédit. Même les reprises de vieux standards country comme le "Lumberjack" du vénérable Leon Payne s'intègrent à la narration.
Johnny Cash : Encore une fois, tout remonte à l'enfance. Les comptines que ma mère inventait pour moi. Les westerns qu'on allait voir au cinéma avec mon maigre argent de poche. Les fables que l'on pouvait lire dans les pages de ma Bible de chevet. J'ai toujours voulu raconter des histoires. Celle de l'Amérique à travers la mienne.
Dylanesque : Et le ton est posé dès l'intro. Comme au cinéma, on a d'abord le décor avec ces bruitages de locomotives et puis vous prenez votre belle voix de narrateur en mode "Père Cash, raconte nous une histoire !" Nous voilà propulsé sur les rails alors que vous énumérez une liste de destinations qui font rêver ceux qui, comme moi, fantasment l'Amérique. C'est un procédé très efficace que vous réutiliserez souvent et qui sera également repris en 63 par le collègue Lee Hazlewood en ouverture de son propre concept album, le légendaire Trouble is a Lonesome Town. Il vous doit beaucoup.
Johnny Cash : Peut-être mais je ne suis pas responsable de sa moustache.
Dylanesque : Ce qui est remarquable, c'est que, contrairement aux albums concepts cités plus haut, vous tenez l'expérience jusqu'au bout. La formule bruitage/narration pour introduire une chanson est présente du début à la fin, faisant de cet album une aventure cohérente aussi bien dans le fond que dans la forme. Un travelogue. On monte à bord et on s'arrête à chaque station avec une nouvelle ritournelle en tête. Le personnel de studio offert par Columbia est à nouveau au sommet de sa forme et au service de votre vision, assez osée pour l'époque parce que moins commercial qu'une simple succession de tubes.
Johnny Cash : Il faut rendre à César ce qui lui appartient et ici, César, c'est Alan Lomax. Le musicologue qui a vraiment traversé le pays en train pour collecter les chants de prisonniers, fermiers, bluesman et troubadours de toutes sortes. C'est lui qui a déniché des perles comme "Going to Memphis" que je reprend ici accompagné du flamboyant piano de Floyd Cramer.
Dylanesque : C'est un des sommets de l'album. Le souci, si je peux me permettre, c'est que le procédé est à double tranchant. Si l'on se laisse aller au jeu de la narration, c'est délicieux. Si l'on veut juste écouter les chansons, il faut se taper les longues intro. Du coup, on n'écoute pas Ride This Train n'importe comment mais plutôt comme si on lançait un film. Un film historique de trente minutes, plus intéressant pour son contexte que pour son histoire.
Johnny Cash : Je vais pas me fâcher car je suis plutôt d'accord. Et je sais que les concept albums qui suivront seront plus convaincant.
Dylanesque : Mais il sera difficile de faire plus cool que cette pochette !
Très bon 16/20 | par Dylanesque |
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