Sonic Youth

Daydream Nation [Deluxe Edition]

Daydream Nation [Deluxe Edition]

 Label :     Geffen 
 Sortie :    mardi 12 juin 2007 
 Format :  Compilation d'inédits / CD  Vinyle   

Pour la troisième réédition des albums majeurs de Sonic Youth, c'est le sacro-saint monument Daydream Nation qui a droit à son coffret deluxe-collector-director's-cut-platinum. On reprend les mêmes ingrédients : à l'album remasterisé sont ajoutés les morceaux rares de la même période, des titres inédits, un livret et le tout se présente sous la forme d'un joli double digipack.
Au sujet de l'album original, rien de nouveau. La remasterisation en elle-même n'apporte pas grand-chose. Si ce n'est plus de dynamisme et de relief mais rien qui fera découvrir des aspects inconnus du disque. L'enregistrement d'époque étant relativement cheap et artisanal, il n'y avait pas des quantités de pistes sonores à dépoussiérer. L'aspect limpide de la production est juste un peu accentué.
Sur cette première galette vient juste se greffer la version démo d'"Eric's Trip" enregistré par Lee Ranaldo seul dans son appartement. Les détracteurs de Sonic Youth qui pensent toujours que leur musique n'est qu'un amas de larsens et de dissonance peuvent se pencher sur ce document qui met à la lumière le squelette mélodique de base d'un de leurs morceaux.
La pièce de choix de ce coffret se trouve sur le deuxième disque : un live de l'album complet enregistré sur quelques concerts durant la tournée de 1988-1989. La dimension intemporelle des morceaux prend ici toute son ampleur. Orgie de mélodies complexes, de textures denses et de chants vindicatifs, Daydream Nation prend sur scène un impact nouveau. Les thèmes généraux des paroles ont déjà été analysés et décortiqués des centaines de fois mais l'énergie punk qui est ici insufflée décuple leurs caractères revendicatifs et contestataires. L'appel de la jeunesse au culte des icônes pop et à la révolution culturelle qui transparaissait à travers les paroles, mais aussi dans des indices infimes disséminés ici ou là, est magnifié. On retrouve l'énergie de ces anciens adulés (Led Zeppelin, Jimi Hendrix, ZZ Top) qui catalyse cette envie de chamboulement culturel que certains ont qualifiés de gauchistes. L'appel est lancé : J Mascis, Hüsker Dü, The Minutemen, Black Flag, R.E.M., Ian MacKaye... Tous les architectes alliés à Sonic Youth pour échafauder cette nouvelle scène appelée ‘rock alternatif' se devinent en transparence qu'ils soient présents de manière concrète (dans les messages de Mike Watt sur "Providence", dans les noms des morceaux tels "Eliminator Jr" ou "Hey Joni" et bien sûr dans les paroles évidentes de "Teen Age Riot") ou non. Ce pamphlet qui vomit tout ce que l'Amérique de Reagan portait aux nues (le patriotisme, l'autodéfense, le néant culturel, les conflits internationaux, le capitalisme libéral...) se révèle comme un des albums de rock les plus engagés de cette fin de siècle. Sonic Youth avait déjà révolutionné la musique sur ses albums précédents, il veut ici la rendre accessible, la faire exploser au grand jour, donner envie à tous les adolescents blasés par la culture vulgaire des années 1980 de s'y intéresser et, pourquoi pas, d'y participer. Manque de chance (ou de moyens), Enigma sera mis sur la paille peu de temps après, retardant l'explosion de cette bombe. Il faudra attendre qu'un paumé de Seattle soit porté aux nues par une jeunesse avide d'icône pour que cette galette prenne l'ampleur qu'on lui connaît désormais. Mais ce témoignage scénique de l'énergie énorme que Sonic Youth mettra en œuvre pour changer à tout jamais la face du rock montre que tout était déjà là, il ne restait plus qu'à ôter le couvercle.
A la suite de ces titres lives, on trouve quelques reprises sorties sur des albums hommages divers ; Beatles, Captain Beefheart, Mudhoney et la plus intéressante : "Computer Age" de Neil Young.
Reste le livret. Et là aussi le travail effectué doit être salué. Evitant les louanges à deux balles, son rédacteur préfère s'attarder sur la genèse du disque. On y apprend donc tout ou presque sur l'élaboration des morceaux, les tests effectués en live aux quatre coins de New-York, l'enregistrement... Les quatre musiciens racontent leurs souvenirs avec humilité et nostalgie. Les influences, les évènements hasardeux qui amènent des idées de morceaux, les conséquences de certains (comme cette lettre reçue par Thurston où un membre d'un groupe de true black metal affirme que "Cross The Breeze" est une des influences majeures de toute cette scène extrême). Mais ce qui frappe peut-être le plus dans ces témoignages, c'est l'honneur qui est fait (encore une fois) aux comparses de Sonic Youth pour leurs soutiens et leurs influences. Et, au milieu des Hüsker Dü et autres R.E.M., s'il ne devait en rester qu'un ça serait Dinosaur Jr et surtout Jay Mascis. Ami du groupe depuis quelques années, Lee Ranaldo et Thurston Moore rappellent que sans lui, le monde du rock ne serait sûrement pas le même. La puissance mélodique et sonique de ses morceaux était vraiment le phare vers lequel tous les groupes se tournaient en cette période prolifique. Sans lui pas de shoegaze, pas de grunge, pas de slacker rock...
Finalement, même si cette édition apporte relativement peu de nouveautés comparée aux deux précédentes, elle étoffe tout de même l'aura de ce disque oh combien important en en transcendant l'impact. Même les fans hardcore verront leur vision de Daydream Nation amplifiée, ce qui est loin d'être négligeable.


Intemporel ! ! !   20/20
par Abe-sapien


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