Frank Zappa
Guitar |
Label :
Rykodisc |
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Deuxième volume de solis de guitare, pont entre Shut Up 'N' Play Yer Guitar et Trance-Fusion, ce sobrement intitulé Guitar est le témoignage de l'évolution diabolique du style guitaristique de Zappa.
Le son est lourd, les effets plus présents que par le passé, et l'accompagnement se détache de l'atmosphère noire d'un Chunga's Revenge ou d'un Black Napkins (les synthés clinquent, la batterie est plus électronique et le jeu du bassiste Scott Thunes est très mélodique). Ce qui peut expliquer l'évolution spectaculaire du style de Zappa entre 1979 et 1984 est sans doute l'avènement des monstres du hard rock (son fils Dweezil y compris).
En 1979, la guitare de Zappa est avant tout mélodique. Elle suit des gammes claires, lumineuses et incisives ("Outside Now"). Zappa compose en improvisant, traduit des idées. Ses interventions suivent une logique du discours.
En 1981 le son se fait plus lourd, plus hard. Zappa déconstruit davantage son jeu allant jusqu'à mettre en péril le rythme de départ en appuyant sur des modes étrange pour créer une tension géniale entre le thème de départ et la guitare discursive. Zappa prend des risques. Hors de question pour lui de montrer simplement ce qu'il sait faire. Lorsqu'il improvise il est véritablement à la recherche de quelque chose, d'un dialogue nouveau avec le reste du groupe. Et l'on comprend bien à ce moment précis la qualité de ce groupe qui arrive à suivre et à donner de l'éclat au jeu si peu ordinaire (et souvent décrié par les "guitar hero") de Zappa. Lui-même déclarait qu'un guitariste ne peut être plus fort que le groupe qui l'accompagne. Zappa, semble t-il, donnait des directives à ses musiciens lorsqu'il jouait de la guitare, il dirigeait les réactions du groupe.
En 1982, au coté de Steve Vai depuis 1 an, Zappa prendra gout au vibrato élastique qui détend les cordes d'une façon organique. Le jeu devient ici de plus en plus abstrait. Afin de contrecarrer cette dissolution harmonique au profit d'une recherche essentiellement sonore, l'accompagnement devient plus carré, en plein 80's ("Move It Or Park It").
Lors de la tournée de 1984 (celle qui constitue le plus cette compilation), Zappa est en pleine possession de ses moyens. Il joue de diverses façons, allant d'un jeu très hard et extrèmement risqué ("Republicans"), employant des gammes bizarroïdes qui rappellent celles de Bartok, le tout en passant par du rock pur et dur qui rappelle l'amour de Zappa pour les solos tranchants de Neil Young ("Winos Do Not March"), à un jeu clair, reposé et introspectif ("Were We Ever Really Safe In San Antonio?").
Mais comme toujours Zappa échappe à toute généralisation... Il y a des moments à part.
Perles.
"Do Not Pass Go": Zappa prend le temps, la guitare reste fragmentaire, laconique pour venir s'échouer au bout de deux minutes en un rôt joyeux, un vibrato impromptus si drole... Car qui peut prétendre faire rire avec une guitare?
"Too Ungly For Show Business" montre comment Zappa aime jouer des silences comme Thelonious Monk avait traumatisé la trompette pourtant retenue de Miles Davis lors de sessions historiques.
"Outside Now": Zappa nous révèle presque dix ans après comment il a créé le solo d'"Outside Now" de "Joe's Garage" (1979).
"Swans? What Swans?", un exemple unique de jeu free form où Derek Bailey semble rencontrer Brian Eno. Inoubliable.
Et pour finir un morceau qui dévoile une face discrète de l'oeuvre de Zappa: la mélancolie: "Is That All There Is?". Zappa y joue accompagné d'un piano à la Satie. Merveilleux... et si triste.
Les mots sont certes inadaptés pour dévoiler toute la richesse d'un langage guitaristique hors norme et si prolifique, bourré de directions possibles à la manière d'une étoile. Zappa en tant que guitariste échappe à toute classification stylistique. Son jeu est résolument original et c'est d'une grande (et prévisible) injustice qu'il ne soit pas davantage reconnu comme étant celui d'un guitariste de génie. Sachant qu'ici les solos font partie d'anciens morceaux tel que "King Kong" dans lequel il jouait déjà des solos Stravinskiens au côté des Mothers en 1968! Et voir comment il réintègre un jeu totalement métamorphosé en 1984!...
"Shut Up...
-He's playing his guitar?"
Le son est lourd, les effets plus présents que par le passé, et l'accompagnement se détache de l'atmosphère noire d'un Chunga's Revenge ou d'un Black Napkins (les synthés clinquent, la batterie est plus électronique et le jeu du bassiste Scott Thunes est très mélodique). Ce qui peut expliquer l'évolution spectaculaire du style de Zappa entre 1979 et 1984 est sans doute l'avènement des monstres du hard rock (son fils Dweezil y compris).
En 1979, la guitare de Zappa est avant tout mélodique. Elle suit des gammes claires, lumineuses et incisives ("Outside Now"). Zappa compose en improvisant, traduit des idées. Ses interventions suivent une logique du discours.
En 1981 le son se fait plus lourd, plus hard. Zappa déconstruit davantage son jeu allant jusqu'à mettre en péril le rythme de départ en appuyant sur des modes étrange pour créer une tension géniale entre le thème de départ et la guitare discursive. Zappa prend des risques. Hors de question pour lui de montrer simplement ce qu'il sait faire. Lorsqu'il improvise il est véritablement à la recherche de quelque chose, d'un dialogue nouveau avec le reste du groupe. Et l'on comprend bien à ce moment précis la qualité de ce groupe qui arrive à suivre et à donner de l'éclat au jeu si peu ordinaire (et souvent décrié par les "guitar hero") de Zappa. Lui-même déclarait qu'un guitariste ne peut être plus fort que le groupe qui l'accompagne. Zappa, semble t-il, donnait des directives à ses musiciens lorsqu'il jouait de la guitare, il dirigeait les réactions du groupe.
En 1982, au coté de Steve Vai depuis 1 an, Zappa prendra gout au vibrato élastique qui détend les cordes d'une façon organique. Le jeu devient ici de plus en plus abstrait. Afin de contrecarrer cette dissolution harmonique au profit d'une recherche essentiellement sonore, l'accompagnement devient plus carré, en plein 80's ("Move It Or Park It").
Lors de la tournée de 1984 (celle qui constitue le plus cette compilation), Zappa est en pleine possession de ses moyens. Il joue de diverses façons, allant d'un jeu très hard et extrèmement risqué ("Republicans"), employant des gammes bizarroïdes qui rappellent celles de Bartok, le tout en passant par du rock pur et dur qui rappelle l'amour de Zappa pour les solos tranchants de Neil Young ("Winos Do Not March"), à un jeu clair, reposé et introspectif ("Were We Ever Really Safe In San Antonio?").
Mais comme toujours Zappa échappe à toute généralisation... Il y a des moments à part.
Perles.
"Do Not Pass Go": Zappa prend le temps, la guitare reste fragmentaire, laconique pour venir s'échouer au bout de deux minutes en un rôt joyeux, un vibrato impromptus si drole... Car qui peut prétendre faire rire avec une guitare?
"Too Ungly For Show Business" montre comment Zappa aime jouer des silences comme Thelonious Monk avait traumatisé la trompette pourtant retenue de Miles Davis lors de sessions historiques.
"Outside Now": Zappa nous révèle presque dix ans après comment il a créé le solo d'"Outside Now" de "Joe's Garage" (1979).
"Swans? What Swans?", un exemple unique de jeu free form où Derek Bailey semble rencontrer Brian Eno. Inoubliable.
Et pour finir un morceau qui dévoile une face discrète de l'oeuvre de Zappa: la mélancolie: "Is That All There Is?". Zappa y joue accompagné d'un piano à la Satie. Merveilleux... et si triste.
Les mots sont certes inadaptés pour dévoiler toute la richesse d'un langage guitaristique hors norme et si prolifique, bourré de directions possibles à la manière d'une étoile. Zappa en tant que guitariste échappe à toute classification stylistique. Son jeu est résolument original et c'est d'une grande (et prévisible) injustice qu'il ne soit pas davantage reconnu comme étant celui d'un guitariste de génie. Sachant qu'ici les solos font partie d'anciens morceaux tel que "King Kong" dans lequel il jouait déjà des solos Stravinskiens au côté des Mothers en 1968! Et voir comment il réintègre un jeu totalement métamorphosé en 1984!...
"Shut Up...
-He's playing his guitar?"
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Toitouvrant |
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