Frank Zappa
Läther |
Label :
Rykodisc |
||||
Je ne suis pas du tout client des albums post-mortem des artistes. Ceci dit, pour le Läther paru en 1996 c'est une autre histoire. Nous avons vécu, nous, les Zappa addicts, en cette fin de décennies 70, en direct et effarés, l'arrivée, dans les bacs de nos disquaires préférés, de ces pochettes horribles, sans aucune indication de qui jouait quoi... Nous avons pensé tout simplement que Zappa se foutait de la gueule du monde ou qu'il avait pété un câble grave : nous ne savions pas !
C'est plus tard que nous apprîmes le fin mot de l'histoire :
Fin 77 Z a préparé un COFFRET DE 4 DISQUES monté avec des extraits de concerts, des archives studio, qu'il veut sortir chez Mercury ou sous son propre label Zappa Records. Mais Warner n'est pas d'accord du tout, puisque Z leur doit encore 4 albums. Alors Zappa leur apporte les bandes, réclamant sa liberté. Les bandes récupérées Warner refuse de payer et des quatre albums du matériel de Läther la compagnie va saucissonner tout ça en un live le Zappa In New York, et les Studio Tan, Sleep Dirt & Orchestral Favourites.
Donc re-procès pour Z, et il lui faudra attendre10 ans pour récupérer les droits sur ces enregistrements, et nous 10 ans encore pour que le coffret Läther soit publié conforme aux desideratas initiaux du créateur.
Z disait : 'En fait ça a été une monumentale erreur de leur part de refuser de sortir le coffret. A l'époque où je leur avais livré les bandes ce n'était pas la crise du disque. Il y avait un grand coup de marketing à faire, le coffret aurait fait beaucoup de bruit, beaucoup plus de bruit avec une telle quantité de musique publiée d'un seul coup et promue comme un événement sans précèdent qu'avec des disques séparés et sortis le plus banalement du monde. C'eut été plus intelligent de leur part. Ils auraient certainement vendus plus de coffrets qu'aucuns disques séparés.'
Il y a à boire et à manger dans ces sillons au sens propre du terme : on peut se délecter de quelques friandises raffinées à déguster le petit doigt en l'air ou s'empiffrer jusqu‘à vomir des quelques plats de résistance de cette chose, on peut s'enivrer de ces liqueurs capiteuses ou se torcher la tronche aux beuveries proposées ici.
Je ne vais pas vous décortiquer chaque titre du coffret, n'ayez crainte mais vous proposer une vision générale en vous glissant quelques mots sur des titres qui m'ont littéralement transpercés le postérieur, passez-moi l'expression.
D'abord bien sur le pavé "The Adventures Of Greggary Peccary" du haut de ses 21mn bidouillé courant 75, entre studio et live pour un dessin animé sonore, une dérive cartoon entre génie avant-gardiste et dérision totale. Faut l'entendre pour le croire et le grand Z atteint ici son but : on plie le genoux ou se barre en courant en le traitant de taré, c'est au choix.
Captés en 1974, "Flambé", fauteuil en cuir-verre de cognac, où Zappa fait jouer à ses musiciens une étonnante partition (c'est quoi cette musique en devenir exactement ?), comme les "Time Is Money", "Spider Of Destiny", "Läther" qui vont nous balader sur des thèmes magnifiques, c'est de la friandise pour les esgourdes.
"Re-Gyptian Strut" : on se croirait dans un péplum, grandiloquence du thème, orchestration bouffie, bande son iconoclaste, marche triomphale présentée ici en 2 versions (avec celle de 93 avec Chad Wackerman aux baguettes).
"Filthy Habits" : sur une guitare en larsen face à une rythmique élastique (Don Parlatto & Terry Bozzio) Zappa déploie un chorus savant qui s'étale sur 6mn de bonheur, pour une impro qui prouve que le monsieur avait quelques bonnes années d'avance sur son manche.
Les 4'21 de "Duke Of Orchestral Prunes" sont à mourir, tout dedans est un régal, la bagarre que ce livre la guitare en feed-back et les cuivres arbitrée par une batterie du tonnerre, la grande classe.
Nous ne nous priverons pas de signaler le "Revised Music For Guitar & Low Budget Orchestra", passionnante tentative orchestrale aux petits oignons pour un résultat néo contemporain parfaitement abouti.
Et puis ce bijou qu'est "The Legend Of The Illinois Enema Bandit" chanté par un Ray White en état de grâce et cette guitare qui s'immisce en loucedé, pour une démonstration de feeling, 12mn de tension au plus haut niveau, leçon de pelouse explosive.
A l'écoute de toute cette musique (8 faces de vinyle à l'époque), on se demande encore ce qu'il doit y avoir dans les cartons du bunker... Et si tout ça ne ressortait jamais !
Je ne suis pas du tout client des albums post-mortem des artistes. Mais pour Zappa je ferais bien une exception et j'en reprendrai bien une part.
Zappa diffusa l'intégralité du coffret sur les ondes libres d'une radio indépendante, encourageant les auditeurs à enregistrer le programme pour faire la nique aux barons de l'industrie du disque !
C'est plus tard que nous apprîmes le fin mot de l'histoire :
Fin 77 Z a préparé un COFFRET DE 4 DISQUES monté avec des extraits de concerts, des archives studio, qu'il veut sortir chez Mercury ou sous son propre label Zappa Records. Mais Warner n'est pas d'accord du tout, puisque Z leur doit encore 4 albums. Alors Zappa leur apporte les bandes, réclamant sa liberté. Les bandes récupérées Warner refuse de payer et des quatre albums du matériel de Läther la compagnie va saucissonner tout ça en un live le Zappa In New York, et les Studio Tan, Sleep Dirt & Orchestral Favourites.
Donc re-procès pour Z, et il lui faudra attendre10 ans pour récupérer les droits sur ces enregistrements, et nous 10 ans encore pour que le coffret Läther soit publié conforme aux desideratas initiaux du créateur.
Z disait : 'En fait ça a été une monumentale erreur de leur part de refuser de sortir le coffret. A l'époque où je leur avais livré les bandes ce n'était pas la crise du disque. Il y avait un grand coup de marketing à faire, le coffret aurait fait beaucoup de bruit, beaucoup plus de bruit avec une telle quantité de musique publiée d'un seul coup et promue comme un événement sans précèdent qu'avec des disques séparés et sortis le plus banalement du monde. C'eut été plus intelligent de leur part. Ils auraient certainement vendus plus de coffrets qu'aucuns disques séparés.'
Il y a à boire et à manger dans ces sillons au sens propre du terme : on peut se délecter de quelques friandises raffinées à déguster le petit doigt en l'air ou s'empiffrer jusqu‘à vomir des quelques plats de résistance de cette chose, on peut s'enivrer de ces liqueurs capiteuses ou se torcher la tronche aux beuveries proposées ici.
Je ne vais pas vous décortiquer chaque titre du coffret, n'ayez crainte mais vous proposer une vision générale en vous glissant quelques mots sur des titres qui m'ont littéralement transpercés le postérieur, passez-moi l'expression.
D'abord bien sur le pavé "The Adventures Of Greggary Peccary" du haut de ses 21mn bidouillé courant 75, entre studio et live pour un dessin animé sonore, une dérive cartoon entre génie avant-gardiste et dérision totale. Faut l'entendre pour le croire et le grand Z atteint ici son but : on plie le genoux ou se barre en courant en le traitant de taré, c'est au choix.
Captés en 1974, "Flambé", fauteuil en cuir-verre de cognac, où Zappa fait jouer à ses musiciens une étonnante partition (c'est quoi cette musique en devenir exactement ?), comme les "Time Is Money", "Spider Of Destiny", "Läther" qui vont nous balader sur des thèmes magnifiques, c'est de la friandise pour les esgourdes.
"Re-Gyptian Strut" : on se croirait dans un péplum, grandiloquence du thème, orchestration bouffie, bande son iconoclaste, marche triomphale présentée ici en 2 versions (avec celle de 93 avec Chad Wackerman aux baguettes).
"Filthy Habits" : sur une guitare en larsen face à une rythmique élastique (Don Parlatto & Terry Bozzio) Zappa déploie un chorus savant qui s'étale sur 6mn de bonheur, pour une impro qui prouve que le monsieur avait quelques bonnes années d'avance sur son manche.
Les 4'21 de "Duke Of Orchestral Prunes" sont à mourir, tout dedans est un régal, la bagarre que ce livre la guitare en feed-back et les cuivres arbitrée par une batterie du tonnerre, la grande classe.
Nous ne nous priverons pas de signaler le "Revised Music For Guitar & Low Budget Orchestra", passionnante tentative orchestrale aux petits oignons pour un résultat néo contemporain parfaitement abouti.
Et puis ce bijou qu'est "The Legend Of The Illinois Enema Bandit" chanté par un Ray White en état de grâce et cette guitare qui s'immisce en loucedé, pour une démonstration de feeling, 12mn de tension au plus haut niveau, leçon de pelouse explosive.
A l'écoute de toute cette musique (8 faces de vinyle à l'époque), on se demande encore ce qu'il doit y avoir dans les cartons du bunker... Et si tout ça ne ressortait jamais !
Je ne suis pas du tout client des albums post-mortem des artistes. Mais pour Zappa je ferais bien une exception et j'en reprendrai bien une part.
Zappa diffusa l'intégralité du coffret sur les ondes libres d'une radio indépendante, encourageant les auditeurs à enregistrer le programme pour faire la nique aux barons de l'industrie du disque !
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Raoul vigil |
Posté le 04 janvier 2009 à 20 h 42 |
Méprisé par sa maison de disque mais adulé par son public et les musiciens, Zappa a préparé un LP à 8 faces, où il rassemble ses compositions les plus récentes, proche de l'époque de Sheik Yerbouti ainsi que différents morceaux, certains datant de plus de 5 ans.
Le résultat est un intriguant recueil situé au beau milieu de la carrière du bonhomme, et à la fin des années 70s où il ne perdit pas une seule seconde sa créativité.
Zappa ne se cantonne jamais, alors après tout pourquoi différencier la musique contemporaine des délires les plus rocks ? Cependant, nous n'aurons jamais affaire à un mélange; c'est un assemblage. Rien n'est fait pour choquer, au contraire chaque style à son contrepoids, et très vite on prend goût au 'non-transitions' en forme d'interlude parlé, accompagné par piano et percussion sans aucune logique.
"Re-gyptian Strut", réminiscence du Grand Wazoo ouvre le bal : toute la science de l'orchestration, le mariage des timbres percussifs de la délicieuse Ruth Underwood aux cuivres éclatants de Tom Fowler sont un régal et le thème grandiose nous emmène pour plus de deux heures de musique.
On accroche tout de suite à certains morceaux comme "Lemme Take You To The Beach" complétement démodé, ou le doux "For The young Sophisticate". Les textes sont, comme toujours, incisifs et drôles, voire provocateurs. On a aussi le droit à des versions presque minimalistes au niveau de la production de morceaux qui figureront sur Sheik Yerbouti.
Mais ces chansons sont loin d'être le matériau le plus intéressant.
Déjà il y a la rencontre avec l'orchestre, reprise sur "Ochestral Favorites" : des morceaux dans une veine contemporaine proche de Varése, tel le fascinant "Naval Aviation In Art ?". Et puis il surtout,cette reprise de "Duke Of Prunes" où la rugosité de la guitare épouse les chaleurs des vents : un pur moment de bonheur, qui prouve surtout ce que Zappa arrive à faire avec un thème à la base pensé complétement différemment.
Les morceaux qui formeront "Sleep Dirt" méritent aussi le détour. On retiendra surtout "Filthy Habits" : impro magistrale dans un 5/4 parfaitement maitrisé par la basse de Parlatto et la batterie de Bozzio.
Enfin il y a les lives "In New York" : véritable prouesse, puissance Hard-Rock alliée à des timbres de Big Band, on y trouve le démentiel "Punky's Whips" aux changements radicaux dignes d'un "Brown Shoes...", l'hilarant "Titties & Beer" et le fameux "Illinois Ennema Bandit" où le sens du rythme de Ray White lui permet une performance vocale inoubliable. Le génie rythmique de Terry Bozzio éclate sur "Black Page", solo qu'il travailla régulièrement pendant 2 semaines avant de pouvoir retranscrire tous ces rythmes fugitifs qui font oublier qu'on aurait besoin d'une mélodie, qui viendra après.
Avec tout ça on en est déjà à 7 faces, 2 heures pleines de folie. Rien ne pourrait passer après ça si ce n'est un délire démesuré. "The exciting adventures of Gregerry Peccary !" clame Frank-narrateur. Il raconte l'histoire d'un petit personnage, joué par Georges Duke, qui invente le calendrier et en subit les conséquences... On ne comprend jamais si c'est le texte qui dicte la musique où l'inverse. Si Gregerry prend l'ascenseur, on entend l'ascenseur ; Si Gregerry est poursuivi par des voitures, on entend les voitures... Une véritable aventure à chaque aventure, drôle mais aussi bluffante techniquement. La pièce date en fait de 72 et a longuement mûri, été découpée, rassemblée, ré-arrangée avant d'atteindre ce résultat surhumain.
On a même le droit à des morceaux bonus, parce que 2h20 c'est trop court : on est heureux de découvrir "Leather Goods" qui voit Zappa utiliser les pédales de telles façons... qu'il s'accompagne lui même, créant une polyphonie proche d'une fugue, tout à fait étonnante pour finir en beauté sur un riff de Led Zeppelin.
On regrette presque que certains morceaux comme la reprise de "I'm The Slime" en live où le duo de guitare acoustique "Sleep Dirt" ne figure pas sur l'album, mais on a quand même déjà pas mal de choses à écouter en boucle.
Ainsi finit l'himalaya des sommets Zappaïens, que rien ne peut résumer si ce n'est cet affront dans l'imaginaire de la vache de la pochette, et qui résonne tout au long de l'album comme le leitmotiv de la Continuité Conceptuelle : Läther... !
Le résultat est un intriguant recueil situé au beau milieu de la carrière du bonhomme, et à la fin des années 70s où il ne perdit pas une seule seconde sa créativité.
Zappa ne se cantonne jamais, alors après tout pourquoi différencier la musique contemporaine des délires les plus rocks ? Cependant, nous n'aurons jamais affaire à un mélange; c'est un assemblage. Rien n'est fait pour choquer, au contraire chaque style à son contrepoids, et très vite on prend goût au 'non-transitions' en forme d'interlude parlé, accompagné par piano et percussion sans aucune logique.
"Re-gyptian Strut", réminiscence du Grand Wazoo ouvre le bal : toute la science de l'orchestration, le mariage des timbres percussifs de la délicieuse Ruth Underwood aux cuivres éclatants de Tom Fowler sont un régal et le thème grandiose nous emmène pour plus de deux heures de musique.
On accroche tout de suite à certains morceaux comme "Lemme Take You To The Beach" complétement démodé, ou le doux "For The young Sophisticate". Les textes sont, comme toujours, incisifs et drôles, voire provocateurs. On a aussi le droit à des versions presque minimalistes au niveau de la production de morceaux qui figureront sur Sheik Yerbouti.
Mais ces chansons sont loin d'être le matériau le plus intéressant.
Déjà il y a la rencontre avec l'orchestre, reprise sur "Ochestral Favorites" : des morceaux dans une veine contemporaine proche de Varése, tel le fascinant "Naval Aviation In Art ?". Et puis il surtout,cette reprise de "Duke Of Prunes" où la rugosité de la guitare épouse les chaleurs des vents : un pur moment de bonheur, qui prouve surtout ce que Zappa arrive à faire avec un thème à la base pensé complétement différemment.
Les morceaux qui formeront "Sleep Dirt" méritent aussi le détour. On retiendra surtout "Filthy Habits" : impro magistrale dans un 5/4 parfaitement maitrisé par la basse de Parlatto et la batterie de Bozzio.
Enfin il y a les lives "In New York" : véritable prouesse, puissance Hard-Rock alliée à des timbres de Big Band, on y trouve le démentiel "Punky's Whips" aux changements radicaux dignes d'un "Brown Shoes...", l'hilarant "Titties & Beer" et le fameux "Illinois Ennema Bandit" où le sens du rythme de Ray White lui permet une performance vocale inoubliable. Le génie rythmique de Terry Bozzio éclate sur "Black Page", solo qu'il travailla régulièrement pendant 2 semaines avant de pouvoir retranscrire tous ces rythmes fugitifs qui font oublier qu'on aurait besoin d'une mélodie, qui viendra après.
Avec tout ça on en est déjà à 7 faces, 2 heures pleines de folie. Rien ne pourrait passer après ça si ce n'est un délire démesuré. "The exciting adventures of Gregerry Peccary !" clame Frank-narrateur. Il raconte l'histoire d'un petit personnage, joué par Georges Duke, qui invente le calendrier et en subit les conséquences... On ne comprend jamais si c'est le texte qui dicte la musique où l'inverse. Si Gregerry prend l'ascenseur, on entend l'ascenseur ; Si Gregerry est poursuivi par des voitures, on entend les voitures... Une véritable aventure à chaque aventure, drôle mais aussi bluffante techniquement. La pièce date en fait de 72 et a longuement mûri, été découpée, rassemblée, ré-arrangée avant d'atteindre ce résultat surhumain.
On a même le droit à des morceaux bonus, parce que 2h20 c'est trop court : on est heureux de découvrir "Leather Goods" qui voit Zappa utiliser les pédales de telles façons... qu'il s'accompagne lui même, créant une polyphonie proche d'une fugue, tout à fait étonnante pour finir en beauté sur un riff de Led Zeppelin.
On regrette presque que certains morceaux comme la reprise de "I'm The Slime" en live où le duo de guitare acoustique "Sleep Dirt" ne figure pas sur l'album, mais on a quand même déjà pas mal de choses à écouter en boucle.
Ainsi finit l'himalaya des sommets Zappaïens, que rien ne peut résumer si ce n'est cet affront dans l'imaginaire de la vache de la pochette, et qui résonne tout au long de l'album comme le leitmotiv de la Continuité Conceptuelle : Läther... !
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