Frank Zappa
Frank Zappa Hammersmith Odeon |
Label :
Vaulternative |
||||
Les disques post-mortem publiés par la famille Zappa s'apparentent de plus en plus à d'heureux reportages. Grâce aux coffrets MOFO et Lumpy/ Money, nous autres mélomanes pouvons enfin découvrir la matière brute que Zappa a arrangé, monté, en un mot complexifié pour créer les œuvres cohérences que nous connaissions déjà. Il serait bien que ce travail de désarchivage suive cette ligne, continue de publier des éléments annexes qui permettraient de comprendre les albums plus à fond encore. Le triple Hammersmith Odeon poursuit cet effort et propose une sélection des concerts donnés à Londres lors de la tournée de 1978. Des shows qui fourniront la majeure partie de la musique de Sheik Yerbouti.
Ce triple nous encourage à comparer les concerts et la finition léchée du Sheik..., un peu comme ce jeu qui consiste à trouver les différences entre deux images a priori identiques. La chansonnette "Baby Snakes" nous est présentée presqu'à l'état d'esquisse. L'entendre ainsi à son état d'émergence rappelle la scène cette fois-ci du film Baby Snakes où Zappa fait répéter cet hommage aux clitoris avec la précision d'un chef d'orchestre. Il est précieux d'assister au travail de tâtonnement qui clarifie peu à peu le contexte d'une chanson, notamment en enrichissant celle-ci de clins d'œil humoristiques ça et là. Grâce à ces différents états d'un même objet, on a l'impression d'assister au processus créateur lui-même, au développement d'un objet vers la complexité.
Hammersmith Odeon comprend aussi une chouette version de "Flakes" dans laquelle le guitariste Adrian Belew se lâche dans un solo aérien, plein de lyrisme, monopolisant à lui seul deux minutes qui restent à part, à l'opposé du style incisif de Zappa. "I Have Been In You" nous fait de nouveau le coup du sermon "anti-Frampton" agrémenté de cette description salace d'une adolescente s'imaginant être pénétrée par sa pop star préférée. Zappa profite de ce monologue pour corriger son groupe qui selon lui prend un tempo bien trop rapide pour une chanson aussi "romantique" (Discipline!).
Ailleurs c'est un scoop ladies gentlemen : Zappa révèle la rencontre qui a inspiré le personnage de Bobby Brown, à savoir trois journalistes qu'il qualifie sans surprise de "trous du cul". En parlant d'anus, "Broken Hearts Are For Assholes", mais aussi "Dancin' Fool", "Tryin' To Grow A Chin" et "City Of Tiny Lites" (doté d'un solo à la polyrythmie rageuse) sont impressionnants par leur similitude avec la perfection du Sheik... déjà impressionnant par sa finition en tant qu'album. "Titties ‘n'Beer" nous offre un dialogue improvisé qui témoigne de la complicité grandissante entre Zappa et le batteur Terry Bozzio, une complicité qu'on ne retrouvera d'ailleurs qu'avec Ike Willis.
Le jeu de Bozzio est capital dans la sonorité du groupe. Il donne une inclinaison plus "couillue" à "Peaches En Regalia", transcende "Punky's Whips" par sa rage joyeuse et délirante tandis qu'il se déchaîne toujours sur "The Black Page", démontrant qu'il peut toujours densifier une partition déjà extra-terrestre. Pour tout dire, son métabolisme a l‘air d'avoir digéré la page noire depuis belle lurette. Quant à "Terry Firma", solo de batterie dont on reconnaît une partie dans le film Baby Snakes, on constate avec effarement que Bozzio invente la drum'n'bass flinguée à la Squarepusher avec vingt ans d'avance. Le public, comme toujours, a le droit à son "audience participation". Ben Watson se propose volontaire en se rebaptisant Eric Dolphy.
Les délires rococo de Tommy Mars sont très mis en avant et peuvent même pointer vers la mélancolie, notamment dans la réorchestration de la première partie pour piano de "The LIttle House I Used To Live In" ou le très wagnérien "Envelopes". On y sent une noirceur qui sera affirmée et approfondie dans le terrible "Sinister Footwear II". La pièce de résistance, "Pound For A Brown", est l'occasion pour Zappa de laisser son groupe improviser. Ed Mann exécute un long solo aux xylophones, soutenu par Bozzio qui s'amuse à hacher la mesure pour créer des accélérations que Patrick O'Hearn amplifie en maintenant une note en bourdon sur sa basse fretless. Tommy Mars lui reste en arrière et harmonise le délire en fusion comme un Mc Coy Tyner à la coupe afro.
Mais la perle qui justifie à elle seule l'intérêt du live reste la petite version de "Watermelon In Easter Hay". Sa délicatesse est telle qu'on a le sentiment d'assister à sa genèse. Le fameux arpège tisse le rythme, joué très simplement sur un piano aux sonorités romantiques, dans un tempo plus rapide que celui de "Joe's Garage". Zappa adopte un style de guitare épuré, très intériorisé, proche de l'économie d'un Neil Young, avec un son medium qui rappelle le timbre de sa Gibson SG. En comparant ce moment de grâce avec les épanchements langoureux des années "Zoot Allures" et notamment ceux du live "Philly' 76", ce solo en est comme l'aboutissement, le condensé, la forme parfaite.
Mais Zappa, toujours plein de pudeur, conclut cet instant de grâce en proposant au public de "jouer au docteur", ce qui introduit le medley "Dinah Moe/ Camarillo Brillo / Muffin' Man/ Black Napkins/ San Ber'dino" ; un medley qui, même s'il est chouette c'est vrai, avait déjà bien été mis en valeur par le film Baby Snakes, entre autre...
Ce triple nous encourage à comparer les concerts et la finition léchée du Sheik..., un peu comme ce jeu qui consiste à trouver les différences entre deux images a priori identiques. La chansonnette "Baby Snakes" nous est présentée presqu'à l'état d'esquisse. L'entendre ainsi à son état d'émergence rappelle la scène cette fois-ci du film Baby Snakes où Zappa fait répéter cet hommage aux clitoris avec la précision d'un chef d'orchestre. Il est précieux d'assister au travail de tâtonnement qui clarifie peu à peu le contexte d'une chanson, notamment en enrichissant celle-ci de clins d'œil humoristiques ça et là. Grâce à ces différents états d'un même objet, on a l'impression d'assister au processus créateur lui-même, au développement d'un objet vers la complexité.
Hammersmith Odeon comprend aussi une chouette version de "Flakes" dans laquelle le guitariste Adrian Belew se lâche dans un solo aérien, plein de lyrisme, monopolisant à lui seul deux minutes qui restent à part, à l'opposé du style incisif de Zappa. "I Have Been In You" nous fait de nouveau le coup du sermon "anti-Frampton" agrémenté de cette description salace d'une adolescente s'imaginant être pénétrée par sa pop star préférée. Zappa profite de ce monologue pour corriger son groupe qui selon lui prend un tempo bien trop rapide pour une chanson aussi "romantique" (Discipline!).
Ailleurs c'est un scoop ladies gentlemen : Zappa révèle la rencontre qui a inspiré le personnage de Bobby Brown, à savoir trois journalistes qu'il qualifie sans surprise de "trous du cul". En parlant d'anus, "Broken Hearts Are For Assholes", mais aussi "Dancin' Fool", "Tryin' To Grow A Chin" et "City Of Tiny Lites" (doté d'un solo à la polyrythmie rageuse) sont impressionnants par leur similitude avec la perfection du Sheik... déjà impressionnant par sa finition en tant qu'album. "Titties ‘n'Beer" nous offre un dialogue improvisé qui témoigne de la complicité grandissante entre Zappa et le batteur Terry Bozzio, une complicité qu'on ne retrouvera d'ailleurs qu'avec Ike Willis.
Le jeu de Bozzio est capital dans la sonorité du groupe. Il donne une inclinaison plus "couillue" à "Peaches En Regalia", transcende "Punky's Whips" par sa rage joyeuse et délirante tandis qu'il se déchaîne toujours sur "The Black Page", démontrant qu'il peut toujours densifier une partition déjà extra-terrestre. Pour tout dire, son métabolisme a l‘air d'avoir digéré la page noire depuis belle lurette. Quant à "Terry Firma", solo de batterie dont on reconnaît une partie dans le film Baby Snakes, on constate avec effarement que Bozzio invente la drum'n'bass flinguée à la Squarepusher avec vingt ans d'avance. Le public, comme toujours, a le droit à son "audience participation". Ben Watson se propose volontaire en se rebaptisant Eric Dolphy.
Les délires rococo de Tommy Mars sont très mis en avant et peuvent même pointer vers la mélancolie, notamment dans la réorchestration de la première partie pour piano de "The LIttle House I Used To Live In" ou le très wagnérien "Envelopes". On y sent une noirceur qui sera affirmée et approfondie dans le terrible "Sinister Footwear II". La pièce de résistance, "Pound For A Brown", est l'occasion pour Zappa de laisser son groupe improviser. Ed Mann exécute un long solo aux xylophones, soutenu par Bozzio qui s'amuse à hacher la mesure pour créer des accélérations que Patrick O'Hearn amplifie en maintenant une note en bourdon sur sa basse fretless. Tommy Mars lui reste en arrière et harmonise le délire en fusion comme un Mc Coy Tyner à la coupe afro.
Mais la perle qui justifie à elle seule l'intérêt du live reste la petite version de "Watermelon In Easter Hay". Sa délicatesse est telle qu'on a le sentiment d'assister à sa genèse. Le fameux arpège tisse le rythme, joué très simplement sur un piano aux sonorités romantiques, dans un tempo plus rapide que celui de "Joe's Garage". Zappa adopte un style de guitare épuré, très intériorisé, proche de l'économie d'un Neil Young, avec un son medium qui rappelle le timbre de sa Gibson SG. En comparant ce moment de grâce avec les épanchements langoureux des années "Zoot Allures" et notamment ceux du live "Philly' 76", ce solo en est comme l'aboutissement, le condensé, la forme parfaite.
Mais Zappa, toujours plein de pudeur, conclut cet instant de grâce en proposant au public de "jouer au docteur", ce qui introduit le medley "Dinah Moe/ Camarillo Brillo / Muffin' Man/ Black Napkins/ San Ber'dino" ; un medley qui, même s'il est chouette c'est vrai, avait déjà bien été mis en valeur par le film Baby Snakes, entre autre...
Excellent ! 18/20 | par Toitouvrant |
Posté le 19 mai 2011 à 22 h 01 |
Récemment, la Zappa Family a décidé de publier encore un fond de tiroir du grand Foustachu décédé. Cette fois, ce n'est pas une compilation (Läther, The Lost Episodes...) mais un Live de la belle époque. Enfin je dis "un" live, mais sous cette pochette toute mignonne se cachent non pas un, non pas deux, mais bien trois CDs ! En somme, encore un disque de bravoure à ajouter à la discographie déjà pléthorique du bonhomme.
Derrière les instruments, le fameux line-up de Sheik Yerbouti ou Baby Snakes. C'est à dire Adrian Belew aux trifouillages à 6 cordes, Patrick O'Hearn aux vrombissements chaloupés, Terry Bozzio au martèlement de peaux de bêtes, corps vocal à l'appui, Tommy Mars & Peter Wolf aux touches d'ivoires et glapissements et Ed Mann aux bruits divers. Et bien sûr, Zappa aux excentricités architecturales et à l'organe grave et malicieux. Peut-être la plus fine équipe de Zappa (avec les Mothers de One Size Fits All...), un cast de professionnels aux oreilles grandes ouvertes à qui Zappa pouvait faire jouer n'importe quoi.
La performance débute de manière assez incongrue sur Zappa accueillant et haranguant la foule présente ce soir là, avec en fond le thème de "Purple Lagoon" et sa rythmique improbable. On y apprend que le show est enregistré (étonnant, non ?) et que le public a intérêt à être putain de bon, parce que franchement les angliches ont été fadasses pendant les trois shows précédents. Et l'assistance d'affirmer bruyamment son intention de faire du boucan parce que sans blague, ça va pas se passer comme ça, on va lui montrer qu'à Londres on est pas bon qu'à lui coller des procès pour obscénité au cul ! Rassuré, le groupe s'élance et nous fait décoller vers les cieux éthérés de la liberté scénique absolue.
Et on commence avec un classique de Sheik Yerbouti, l'hilarant "Dancin' Fool" qui nous conte l'histoire d'un imbécile que la nature a tout fait pour empêcher de danser, mais qui y va quand même, disco style. On enchaîne sur une réinterprétation (jamais deux versions identiques) honorable d'une des plus belles pièces instrumentales de Zappa ; "Peaches En Regalia". L'aventure se poursuit avec le premier cheval de bataille du concert, j'ai nommé "The Torture Never Stops", morceau célèbre pour la liberté d'improvisation que Zappa s'offre dessus. Once the torture stopped, le groupe revient au fun avec encore trois extraits de Sheik Yerbouti. "Tryin' To Grow A Chin", où le Bozzio s'époumone en même temps qu'il épuise sa batterie, "City Of Tiny Lites" où c'est au tour de Belew de pousser la chansonnette et le burlesque "Baby Snakes".
Les transitions sont millimétrées, aucun passage à vide ; un des secrets des lives de Zappa. L'ambiance ne retombe jamais, le groupe sait où il va, les improvisations sont cadrées, rien n'est laissé au hasard. Ce même pour la pièce impressionnante qui clôture le premier disque ; "Pound For A Brown" et ses 20 minutes. C'est à Tommy Mars d'ouvrir le bal de ces improvisations en cascades, avec sa manière très personnelle de chanter les notes en même temps qu'il les joue sur son clavier (quand je vous parle de maîtrise...). Ed Mann le percussionniste enchaîne avec son marimba, toujours soutenu par la batterie monumentale de Bozzio qui, tel Keith Moon, semble être constamment en train d'exécuter un solo. Le rythme s'accélère, et c'est à Peter Wolf de prendre le relais, avec une impro crescendo. Aux alentours de 10 minutes, le calme se fait, et le morceau repart en funk, avec un groove bigarré géré de main de maître par le duo des synthés et la session rythmique. À 14 minutes (tenez bon), rien ne va plus. Tout s'immobilise, une sirène retentit, le groupe déblatère brusquement un charabia absurde, s'esclaffe, hurle de terreur, rugit, hulule... On assiste en LIVE à un collage dadaïste dans la plus pure tradition zappaienne. Puis la musique reprend le dessus, la folie se met en veille, une mélodie inquiétante émerge... Une dernière fois, le groupe s'esclaffe grassement, et enfin Bozzio achève le tout d'un ultime coup de cymbale. Voilà, le premier tiers est passé.
"Alright, this is romance time, ladies and gentlemen !" nous susurre Zappa de sa voix ironique. C'est le début d'un long discours sur l'histoire d'une teenage-girl et d'une rockstar. Vous aurez probablement reconnu la chanson "I Have Been In You" et son fameux speech que Zappa s'amuse à improviser avant de la jouer. 13 minutes hilarantes donc, qui passent toutes seules. S'ensuit la sympathique "Flakes", où Belew parodie Dylan. Sur "Broken Hearts Are For Assholes", Bozzio le Clown et son slip noir reprennent du service au chant, accompagnés par O'Hearn à la réponse. Tiens, et puis quitte à parler de Bozzio, autant passer directement à "Punky's Whip" et "Tittie's n Beer", où il joue respectivement le rôle de groupie-pédé-masochiste et de Diable-kidnappeur-de-fille-à-forte-poitrine. Dans cette dernière chanson, Zappa vend son âme pour une paire de sein et une bière (on peut y voir une référence à l'"Histoire du Soldat" de Stravinsky, à vous de juger).
Mais le second disque, c'est aussi et surtout l'"Audience Participation"... où l'on se rend compte que le principal défaut de ce témoignage live est l'absence d'images. En effet, à cette époque, Zappa avait pour coutume de faire grimper quelques membres de l'assistance sur scène. Il leur donnait chacun un rôle (Président de la Warner, par exemple), et ils devaient ensuite essayer de danser le plus mal possible pendant les deux minutes du morceau "The Black Page #2", le morceau du répertoire de Zappa réputé pour avoir la rythmique la plus affreuse. On pourra se rattraper sur le DVD Baby Snakes.
Cette déception passée, on enchaîne sur un "Jones Crusher" sympathique, avec Belew au chant. Le deuxième CD s'achève sur "The Little House I Used To Live In", un morceau aux vagabondages instrumentaux divers à la manière de la première moitié de "Pound For A Brown". À noter une fois de plus les excentricités vocales de Tommy Mars.
Début chaleureux pour le troisième et ultime disque, avec le gospel "Don't Work For Yuda" extrait de Joe's Garage. S'ensuit "Bobby Brown Gets Down", sur des mecs qui profitent du mouvement de libération des femmes pour se faire sucer en toute impunité. Zappa nous apprend qu'il tire l'inspiration de cette histoire d'une interview de deux journalistes venus pour faire passer le moustachu pour un macho, ce afin de passer eux-mêmes pour des féministes acharnés. D'après lui, ça n'a pas marché ! On lui laisse le bénéfice du doute, et on passe tout de suite à "Enveloppes", un titre court où Mars glapit une énième fois à côté de son clavier ! C'est au tour de Bozzio de s'affirmer, puisqu'avec "Terry Firma" il s'offre un solo de batterie de 4 minutes, avec explosion de cymbales garantie. "Disco Boy" prend le relais, et l'on sent la fin approcher ; Zappa présente son équipe, et se prépare pour un long rappel.
C'est un classique des vieux Mothers qui entame ce rappel, la pièce qui occupe le deuxième CD d'Uncle Meat ; "King Kong". La version exécutée ici n'a plus grand chose à voir avec l'originale (éthique Zappa oblige), les cuivres d'Underwood et Don Preston ayant été remplacés par les synthés furieux des compères Wolf et Mars. Mais différente ne signifie pas inférieur, c'est au contraire une version vivifiante et moderne que nous offre le groupe, avec bien évidemment un long et bon solo du Maître en plein milieu. Succède au grand singe le solo de guitare le plus célèbre de Zappa ; "Watermelon In Easter Hay", ici raccourci à 4 minutes. Peut-être pas aussi émouvante que l'original, la version du live reste un régal guitaristique de haute volée.
Une fille qui n'arrive pas à jouir, ça vous dit quelque chose ? "Dinah-Moe Humm", classique absolu réclamé sans cesse par les fans (au point parfois d'irriter le moustachu), est joué à la vitesse de l'éclair, toujours aussi "jouissif", suivi d'un nouvel extrait d'Overnite Sensation, "Camarillo Brillo", suivi par l'écrasant riff de "Muffin Man", joué à tout rompre par le groupe. Et Zappa d'entamer un nouveau solo épique jusqu'à l'épuisement.
Pour terminer, Zappa laisse le choix au public entre deux anciennes chansons de leur répertoire et deux nouvelles. L'assistance vote pour les anciens, et c'est parti pour un "Black Napkins" de toute beauté, emporté par une guitare rugissante, et pour un grand final : "San Ber'dino". 6 minutes d'hystérie musicale et de bravoure vocale plus tard, le concert se termine...
On n'y croit pas vraiment, ça fait presque 3 heures que ça dure et on est prêt pour un deuxième set !
Mais il faut se rendre à l'évidence, c'est bien terminé et pour de bon depuis 93.
Document exceptionnel, cet immense concert voit cependant logiquement sa note baissée d'une unité parce qu'un concert de Zappa sans image, c'est furieusement frustrant. Surtout après avoir été éduqué à l'école Baby Snakes.
Album live excellent au demeurant, la famille Zappa nous prouve qu'elle en a encore sous les souliers et nous promet un futur rempli d'autres témoignages live comme celui-ci.
Chapeau l'artiste.
Derrière les instruments, le fameux line-up de Sheik Yerbouti ou Baby Snakes. C'est à dire Adrian Belew aux trifouillages à 6 cordes, Patrick O'Hearn aux vrombissements chaloupés, Terry Bozzio au martèlement de peaux de bêtes, corps vocal à l'appui, Tommy Mars & Peter Wolf aux touches d'ivoires et glapissements et Ed Mann aux bruits divers. Et bien sûr, Zappa aux excentricités architecturales et à l'organe grave et malicieux. Peut-être la plus fine équipe de Zappa (avec les Mothers de One Size Fits All...), un cast de professionnels aux oreilles grandes ouvertes à qui Zappa pouvait faire jouer n'importe quoi.
La performance débute de manière assez incongrue sur Zappa accueillant et haranguant la foule présente ce soir là, avec en fond le thème de "Purple Lagoon" et sa rythmique improbable. On y apprend que le show est enregistré (étonnant, non ?) et que le public a intérêt à être putain de bon, parce que franchement les angliches ont été fadasses pendant les trois shows précédents. Et l'assistance d'affirmer bruyamment son intention de faire du boucan parce que sans blague, ça va pas se passer comme ça, on va lui montrer qu'à Londres on est pas bon qu'à lui coller des procès pour obscénité au cul ! Rassuré, le groupe s'élance et nous fait décoller vers les cieux éthérés de la liberté scénique absolue.
Et on commence avec un classique de Sheik Yerbouti, l'hilarant "Dancin' Fool" qui nous conte l'histoire d'un imbécile que la nature a tout fait pour empêcher de danser, mais qui y va quand même, disco style. On enchaîne sur une réinterprétation (jamais deux versions identiques) honorable d'une des plus belles pièces instrumentales de Zappa ; "Peaches En Regalia". L'aventure se poursuit avec le premier cheval de bataille du concert, j'ai nommé "The Torture Never Stops", morceau célèbre pour la liberté d'improvisation que Zappa s'offre dessus. Once the torture stopped, le groupe revient au fun avec encore trois extraits de Sheik Yerbouti. "Tryin' To Grow A Chin", où le Bozzio s'époumone en même temps qu'il épuise sa batterie, "City Of Tiny Lites" où c'est au tour de Belew de pousser la chansonnette et le burlesque "Baby Snakes".
Les transitions sont millimétrées, aucun passage à vide ; un des secrets des lives de Zappa. L'ambiance ne retombe jamais, le groupe sait où il va, les improvisations sont cadrées, rien n'est laissé au hasard. Ce même pour la pièce impressionnante qui clôture le premier disque ; "Pound For A Brown" et ses 20 minutes. C'est à Tommy Mars d'ouvrir le bal de ces improvisations en cascades, avec sa manière très personnelle de chanter les notes en même temps qu'il les joue sur son clavier (quand je vous parle de maîtrise...). Ed Mann le percussionniste enchaîne avec son marimba, toujours soutenu par la batterie monumentale de Bozzio qui, tel Keith Moon, semble être constamment en train d'exécuter un solo. Le rythme s'accélère, et c'est à Peter Wolf de prendre le relais, avec une impro crescendo. Aux alentours de 10 minutes, le calme se fait, et le morceau repart en funk, avec un groove bigarré géré de main de maître par le duo des synthés et la session rythmique. À 14 minutes (tenez bon), rien ne va plus. Tout s'immobilise, une sirène retentit, le groupe déblatère brusquement un charabia absurde, s'esclaffe, hurle de terreur, rugit, hulule... On assiste en LIVE à un collage dadaïste dans la plus pure tradition zappaienne. Puis la musique reprend le dessus, la folie se met en veille, une mélodie inquiétante émerge... Une dernière fois, le groupe s'esclaffe grassement, et enfin Bozzio achève le tout d'un ultime coup de cymbale. Voilà, le premier tiers est passé.
"Alright, this is romance time, ladies and gentlemen !" nous susurre Zappa de sa voix ironique. C'est le début d'un long discours sur l'histoire d'une teenage-girl et d'une rockstar. Vous aurez probablement reconnu la chanson "I Have Been In You" et son fameux speech que Zappa s'amuse à improviser avant de la jouer. 13 minutes hilarantes donc, qui passent toutes seules. S'ensuit la sympathique "Flakes", où Belew parodie Dylan. Sur "Broken Hearts Are For Assholes", Bozzio le Clown et son slip noir reprennent du service au chant, accompagnés par O'Hearn à la réponse. Tiens, et puis quitte à parler de Bozzio, autant passer directement à "Punky's Whip" et "Tittie's n Beer", où il joue respectivement le rôle de groupie-pédé-masochiste et de Diable-kidnappeur-de-fille-à-forte-poitrine. Dans cette dernière chanson, Zappa vend son âme pour une paire de sein et une bière (on peut y voir une référence à l'"Histoire du Soldat" de Stravinsky, à vous de juger).
Mais le second disque, c'est aussi et surtout l'"Audience Participation"... où l'on se rend compte que le principal défaut de ce témoignage live est l'absence d'images. En effet, à cette époque, Zappa avait pour coutume de faire grimper quelques membres de l'assistance sur scène. Il leur donnait chacun un rôle (Président de la Warner, par exemple), et ils devaient ensuite essayer de danser le plus mal possible pendant les deux minutes du morceau "The Black Page #2", le morceau du répertoire de Zappa réputé pour avoir la rythmique la plus affreuse. On pourra se rattraper sur le DVD Baby Snakes.
Cette déception passée, on enchaîne sur un "Jones Crusher" sympathique, avec Belew au chant. Le deuxième CD s'achève sur "The Little House I Used To Live In", un morceau aux vagabondages instrumentaux divers à la manière de la première moitié de "Pound For A Brown". À noter une fois de plus les excentricités vocales de Tommy Mars.
Début chaleureux pour le troisième et ultime disque, avec le gospel "Don't Work For Yuda" extrait de Joe's Garage. S'ensuit "Bobby Brown Gets Down", sur des mecs qui profitent du mouvement de libération des femmes pour se faire sucer en toute impunité. Zappa nous apprend qu'il tire l'inspiration de cette histoire d'une interview de deux journalistes venus pour faire passer le moustachu pour un macho, ce afin de passer eux-mêmes pour des féministes acharnés. D'après lui, ça n'a pas marché ! On lui laisse le bénéfice du doute, et on passe tout de suite à "Enveloppes", un titre court où Mars glapit une énième fois à côté de son clavier ! C'est au tour de Bozzio de s'affirmer, puisqu'avec "Terry Firma" il s'offre un solo de batterie de 4 minutes, avec explosion de cymbales garantie. "Disco Boy" prend le relais, et l'on sent la fin approcher ; Zappa présente son équipe, et se prépare pour un long rappel.
C'est un classique des vieux Mothers qui entame ce rappel, la pièce qui occupe le deuxième CD d'Uncle Meat ; "King Kong". La version exécutée ici n'a plus grand chose à voir avec l'originale (éthique Zappa oblige), les cuivres d'Underwood et Don Preston ayant été remplacés par les synthés furieux des compères Wolf et Mars. Mais différente ne signifie pas inférieur, c'est au contraire une version vivifiante et moderne que nous offre le groupe, avec bien évidemment un long et bon solo du Maître en plein milieu. Succède au grand singe le solo de guitare le plus célèbre de Zappa ; "Watermelon In Easter Hay", ici raccourci à 4 minutes. Peut-être pas aussi émouvante que l'original, la version du live reste un régal guitaristique de haute volée.
Une fille qui n'arrive pas à jouir, ça vous dit quelque chose ? "Dinah-Moe Humm", classique absolu réclamé sans cesse par les fans (au point parfois d'irriter le moustachu), est joué à la vitesse de l'éclair, toujours aussi "jouissif", suivi d'un nouvel extrait d'Overnite Sensation, "Camarillo Brillo", suivi par l'écrasant riff de "Muffin Man", joué à tout rompre par le groupe. Et Zappa d'entamer un nouveau solo épique jusqu'à l'épuisement.
Pour terminer, Zappa laisse le choix au public entre deux anciennes chansons de leur répertoire et deux nouvelles. L'assistance vote pour les anciens, et c'est parti pour un "Black Napkins" de toute beauté, emporté par une guitare rugissante, et pour un grand final : "San Ber'dino". 6 minutes d'hystérie musicale et de bravoure vocale plus tard, le concert se termine...
On n'y croit pas vraiment, ça fait presque 3 heures que ça dure et on est prêt pour un deuxième set !
Mais il faut se rendre à l'évidence, c'est bien terminé et pour de bon depuis 93.
Document exceptionnel, cet immense concert voit cependant logiquement sa note baissée d'une unité parce qu'un concert de Zappa sans image, c'est furieusement frustrant. Surtout après avoir été éduqué à l'école Baby Snakes.
Album live excellent au demeurant, la famille Zappa nous prouve qu'elle en a encore sous les souliers et nous promet un futur rempli d'autres témoignages live comme celui-ci.
Chapeau l'artiste.
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