Bob Dylan
The Bootleg Series Vol. 4 Live 1966, The Royal Albert Hall Concert |
Label :
Columbia |
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Au milieu de l'année 1966, pour entourer la sortie de "Blonde on Blonde", Bob Dylan décide de s'embarquer avec son groupe "The Hawks", futur "The Band" pour une courte tournée européenne. Pratiquement un an après son premier concert à Newport et la sortie de Highway 61, la pilule rouge "rock'n'roll" n'est toujours pas passée. Dylan n'en a cure et cette tournée européenne sera composée d'une partie acoustique (la moins connue des fans ayant fait circuler le bootleg pendant de très nombreuses années) et d'une partie électrique, où le Zim se fait encore traité gaiement de Judas. Mais pour l'instant, Dylan est comme à ses débuts, seul, avec sa guitare et son harmonica, face à son public anglais (de Manchester et non de Londres). "She Belongs To Me" ouvre un bal qui sera assurément folklorique. Nous pouvons déjà constater la qualité du son, inégal sur le bootleg d'origine, mais d'une pureté quasi-démoniaque ici. C'est un réel plaisir d'entendre le folk de Dylan des années 60 avec une telle qualité ; et pour le coup, le témoignage est parfaitement restitué.
Il est toujours compliqué de parler ou d'écrire sur des albums ou des lives mythiques comme celui-ci ; mais il y a toujours quelque chose à dire, et si cette musique est intemporelle, c'est justement pour que les générations qui suivent les auditeurs contemporains de Dylan donnent leurs avis. Le mien est sans appel ; ces rééditions sont d'une réelle qualité. Grand fan de Pink Floyd à mes heures perdues (et priant chaque jour un Dieu hypothétique pour une édition en bonne et due forme d'un live de 1977), j'envie les grands fans de toujours du Zim, à la découverte de ce concert si connu auquel ils n'ont pu assister. Car Bob Dylan est au sommet de sa créativité. Cette partie acoustique sera en effet composée de chansons tirées de ses trois magnifiques derniers albums : "It's All Over Now, Baby Blue" de Bringin'it All Back Home, la fameuse "Visions Of Johanna" tirée de Blonde On Blonde et qui reste pour moi un des grands moments de la plume à caractère gargantuesque de Bob Dylan. Enfin, quelques perles rares de Highway 61 dont cette étrange "Desolation Row" sans fin.
Quelque chose de majestueux plane dans cette salle ce soir là, impossible à décrire. Une sorte de frénésie non contrôlée, de la provocation quand se branche les guitares et de la folie quand rentre ce futur "Band" déjà complètement déjanté et anachronique. "Tell Me Momma" déchaîne les foudres du rock'n'roll, et j'aurais aimé y être pour voir en détail la tête médusé du public anglais applaudissant malgré lui, amère mais sans l'être, sans doute fasciné par la puissance et le contraste vis-à-vis de la première partie un brin mystique. Et cela durera pendant presque une heure, Dylan se déhanchant, haranguant la foule en faux prophète qu'il est, s'éclatant avec Robbie Robertson à la guitare sur "I Don't Believe You", montrant le vrai potentiel scénique de "Highway 61" avec "Just Like Tom Thumb's Blues" où les Hawks maîtrisent de manière hallucinante leur sujet. Que dire ensuite du blues "Leopard-Skin Pill-Box Hat", de la noirceur d'un "Ballad Of A Thin Man" et de la fureur de "Like A Rolling Stone" où plus rien n'arrêtera Dylan, revigoré par ces "Judas" scandés par une partie de la foule?
Comme bien des lives de qualité (Live At Leeds des Who, ou le Is There Anybody Out There - The Wall 80-81 du Floyd), réédités en CD, ce Royal Albert Hall de Dylan ne déroge pas à la règle. Il n'est que le témoignage sonore d'un instant, certes mémorable, mais auquel nous nous sentons légèrement étrangers et dépassés, par tant de mythes et de légendes entourant l'enregistrement d'un live et du contexte dans lequel il fut joué. Mais qu'importe, réentendre Dylan chanter comme si c'était la dernière fois "Like A Rolling Stone" reste grandement jubilatoire.
Il est toujours compliqué de parler ou d'écrire sur des albums ou des lives mythiques comme celui-ci ; mais il y a toujours quelque chose à dire, et si cette musique est intemporelle, c'est justement pour que les générations qui suivent les auditeurs contemporains de Dylan donnent leurs avis. Le mien est sans appel ; ces rééditions sont d'une réelle qualité. Grand fan de Pink Floyd à mes heures perdues (et priant chaque jour un Dieu hypothétique pour une édition en bonne et due forme d'un live de 1977), j'envie les grands fans de toujours du Zim, à la découverte de ce concert si connu auquel ils n'ont pu assister. Car Bob Dylan est au sommet de sa créativité. Cette partie acoustique sera en effet composée de chansons tirées de ses trois magnifiques derniers albums : "It's All Over Now, Baby Blue" de Bringin'it All Back Home, la fameuse "Visions Of Johanna" tirée de Blonde On Blonde et qui reste pour moi un des grands moments de la plume à caractère gargantuesque de Bob Dylan. Enfin, quelques perles rares de Highway 61 dont cette étrange "Desolation Row" sans fin.
Quelque chose de majestueux plane dans cette salle ce soir là, impossible à décrire. Une sorte de frénésie non contrôlée, de la provocation quand se branche les guitares et de la folie quand rentre ce futur "Band" déjà complètement déjanté et anachronique. "Tell Me Momma" déchaîne les foudres du rock'n'roll, et j'aurais aimé y être pour voir en détail la tête médusé du public anglais applaudissant malgré lui, amère mais sans l'être, sans doute fasciné par la puissance et le contraste vis-à-vis de la première partie un brin mystique. Et cela durera pendant presque une heure, Dylan se déhanchant, haranguant la foule en faux prophète qu'il est, s'éclatant avec Robbie Robertson à la guitare sur "I Don't Believe You", montrant le vrai potentiel scénique de "Highway 61" avec "Just Like Tom Thumb's Blues" où les Hawks maîtrisent de manière hallucinante leur sujet. Que dire ensuite du blues "Leopard-Skin Pill-Box Hat", de la noirceur d'un "Ballad Of A Thin Man" et de la fureur de "Like A Rolling Stone" où plus rien n'arrêtera Dylan, revigoré par ces "Judas" scandés par une partie de la foule?
Comme bien des lives de qualité (Live At Leeds des Who, ou le Is There Anybody Out There - The Wall 80-81 du Floyd), réédités en CD, ce Royal Albert Hall de Dylan ne déroge pas à la règle. Il n'est que le témoignage sonore d'un instant, certes mémorable, mais auquel nous nous sentons légèrement étrangers et dépassés, par tant de mythes et de légendes entourant l'enregistrement d'un live et du contexte dans lequel il fut joué. Mais qu'importe, réentendre Dylan chanter comme si c'était la dernière fois "Like A Rolling Stone" reste grandement jubilatoire.
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Reznor |
Posté le 07 mars 2008 à 13 h 58 |
Ce concert de Bob Dylan à Manchester (et non pas au Royal Albert Hall de Londres, erreur des bootleggers) est devenu le concert le plus mythique de tous les temps pour une seule et bonne raison : la minute de transition entre "Ballad Of A Thin Man" et "Like A Rolling Stone". A la fin de la chanson, poussez le volume de votre ampli et appréciez : le public, venu en majorité voir le Dylan folk des débuts, est échaudé par le cataclysme électrique que le Zim lui impose. Des sifflets ont déjà émergé de la fosse. Mais là, après "Ballad Of A Thin Man", sommet psychédélique et allégorique de Dylan, bien loin de ses préoccupations réalistes et populaires des débuts, c'en trop pour la phange réactionnaire du public. C'est à ce moment qu'un idiot aux idées étroites crie dans le silence un "Juuudaaaa", censé montrer la trahison de Dylan. Le public rit et applaudit le benêt. Le Zim, à cette époque très méprisant et irrascible répond "You're a liaaaaaaaar". Se retournant vers son groupe, Dylan, excédé, et là il faut monter encore le volume, arrangue ses musiciens : "Play fuckin' loud". Le groupe s'exécute et démarre un "Like A Rolling Stone" violentissime où Bob Dylan chante comme si sa vie en dépendait, les Hawks (pas encore le Band) donnant chacun leur maximum. On imagine le malaise du public devant un tel spectacle de fureur. Non Dylan n'en a cure du folk et de la protest song, Dylan veut mener sa musique là où il l'entend et le fait violemment savoir ce soir là. Et tant pis pour ceux que ça énerve.
Bien sûr, la première partie est magique, "Vision Of Joanna" est à couper le souffle, "Mr Tambourine Man" est proprement magique. Bien sûr, "Tell Me Mama" est d'une rage déconcertante, bien sûr, ce live est, rien que par ses chansons, le plus grand de tous les temps mais cette minute, tout de même, cette minute, reste le plus bel acte de courage artistique jamais enregistré, un cri du coeur pour la liberté qui dit plus que cent chansons de Joan Baez. Le plus grand live de tous les temps par l'artiste le plus important de tous les temps!
Euh!! Y a encore quelqu'un là? Allez! Filez l'écouter!
Bien sûr, la première partie est magique, "Vision Of Joanna" est à couper le souffle, "Mr Tambourine Man" est proprement magique. Bien sûr, "Tell Me Mama" est d'une rage déconcertante, bien sûr, ce live est, rien que par ses chansons, le plus grand de tous les temps mais cette minute, tout de même, cette minute, reste le plus bel acte de courage artistique jamais enregistré, un cri du coeur pour la liberté qui dit plus que cent chansons de Joan Baez. Le plus grand live de tous les temps par l'artiste le plus important de tous les temps!
Euh!! Y a encore quelqu'un là? Allez! Filez l'écouter!
Intemporel ! ! ! 20/20
Posté le 16 juin 2010 à 01 h 43 |
Le Dylan électrique, c'est comme l'occupation française, on ne peut pas savoir de quel côté on aurait été, celui des défenseurs ou des opposants du génial poète. Ce que l'on peut savoir néanmoins, avec le recul, c'est que ce concert au Royal Albert Hall, est le témoignage live le plus puissant jamais publié.
En l'écoutant, dans le noir, les yeux fermés, c'est toutes ces images de "No Direction Home" qui reviennent en tête. D'abord, un Dylan pâle, amaigri, usé par une tournée anglaise aussi épuisante physiquement que mentalement. Les drogues qui circulent, les nuits sans sommeils, les hôtels où trainent les parasites. Un type tout faible qui affronte une horde cruel, et commence tranquillement, avec une partie acoustique terrifiante. Parce que c'est un fantôme, Dylan, il n'est pas là, il hante la salle, avec de longues improvisations dans son harmonica, et une voix trainante, qui n'y croit plus du tout. Pourtant, c'est beau. De longs poèmes vomis comme s'il voulait s'en débarrasser. "Visions of Johanna" n'a jamais aussi bien sonné, résonnant dans le vide, "the country music station play soft" et Louise tient des poignées de pluie, personne ne peut la défier. C'est à vous glacer le sang. Dylan ne peut pas lutter, jamais il n'a semblé aussi divin, comme s'il détenait une vérité absolue et qu'il était seul face à l'univers. Alors il continue, inlassablement, on a l'impression qu'il pleure parfois, il me fait pleurer. L'harmonica sur "M.Tambourine Man" me fait pleurer. C'est la mort d'un homme, la fin d'une époque, un tas de sentiments qui s'envolent à chaque fois qu'il souffle dans ce maudit harmonica, comme si son âme lui échappait. Je crois bien que le moment le plus émouvant de toute la discographie de Dylan, c'est cet harmonica, à ce moment précis.
Dylan est mort, et il ressuscite devant les yeux d'un public qui ne peut pas l'accepter, qui ne comprend pas. Comment leur en vouloir, on était pas là, à leur place, on ne peut pas juger, on a trop de recul pour ça. Et avec le recul, on peut dire que c'est puissant, très puissant. On tremble dès que les premiers coups de tonnerres retentissent, dès que l'électricité est enfin dans l'air. Dylan fait jouer ses copains avec lui, il peut enfin s'amuser, laisser toute la rage qu'il a contenu dans son harmonica pendant le set acoustique nous exploser à la gueule. Je frémis dès que j'entends le groupe s'accorder, ces premières notes d'orgue et ces bruits de pas. Et d'un coup, c'est parti et on n'arrête plus les Hawks. "Tell Me Momma", et Dylan sort du coma. Il est libre et va droit devant. Il gueule dans son micro, agitant les bras dans tout les sens, dans une posture qui lui donne un air plus christique que jamais, avec ce rayon de lumière qui l'entoure. Le public est sur le cul, et Dylan s'en fout, il plaisante, se fout de la gueule du monde. Il est déjà en transe et hors du monde lorsqu'il attaque "Just Like Tom Thumb's Blues", et se ballade Rue Morgue sous acide. Impossible d'arrêter la machine, on est hypnotisé par cette voix qui vomit du désespoir et de la haine au fur et à mesure que le public devient hostile, que même le plaisir échappe à un gamin qui, à l'origine, est un artiste de music-hall, pas un putain de chanteur folk, il veut la piétiner cette enveloppe. Alors qu'il se transforme, personne ne le regarde ou l'écoute, il se fait juste siffler. "Ballad of A Thin Man" et son orgue virevoltant, on dirait qu'elle est joué dans une véritable église cette chanson, c'est un sermon acerbe jeté en pâture aux moutons, et Dylan se marre, mais au fond, il souffre, ça ne l'amuse plus tant que ça de faire le pitre.
Et "Judas" finit par tomber, aussi rigolard que cruel. Il est fier de lui, le malin. Et Dylan de répondre que c'est un menteur, et que pour calmer les menteurs, pour prouver que lui il a raison, il ordonne à ses camarades de jouer putain de fort. D'envoyer la sauce et au fond, on entend ce son de caisse tellement familier. Vlan, c'est parti, la plus géniale, la plus folle, la plus puissante des versions de "Like A Rolling Stone" débute. Il faut avoir les images en tête, visualiser Dylan, seul contre tous, dans une dernière joute avec son public, s'égosiller, laisser le refrain monter au ciel, "How Does It Feeeeeel", et l'harmonica dont ressort une fureur, terrible. Allez, rien à foutre, prenez ça dans vos gueules, moi je me casse. Rideau. Hymne nationale. Bruits de pas. Portes qui claquent. Et quelques mois plus tard, pneus qui glissent et la folle tournée est stoppée net.
Parfois oui, j'aime éteindre la lumière, allumer des bougies, et écouter ce disque au casque. Revivre ce moment que j'ai l'impression d'avoir vécu mille fois. Avoir la chair de poule. Avoir moi aussi envie de gueuler, de tout foutre en l'air. C'est le concert le plus fou et le plus puissant et le plus beau qui existe, que je connaisse en tout cas, une véritable expérience religieuse, pleine de symboles, avec un martyr et à la fin, on ne sait plus qui trahit qui. On sait juste que ce cri de désespoir, il fait autant de mal que de bien, avec du recul ou pas, c'est une aventure à chaque écoute, un film, quelque chose de mythique. C'est Bob Dylan, à son apogée.
En l'écoutant, dans le noir, les yeux fermés, c'est toutes ces images de "No Direction Home" qui reviennent en tête. D'abord, un Dylan pâle, amaigri, usé par une tournée anglaise aussi épuisante physiquement que mentalement. Les drogues qui circulent, les nuits sans sommeils, les hôtels où trainent les parasites. Un type tout faible qui affronte une horde cruel, et commence tranquillement, avec une partie acoustique terrifiante. Parce que c'est un fantôme, Dylan, il n'est pas là, il hante la salle, avec de longues improvisations dans son harmonica, et une voix trainante, qui n'y croit plus du tout. Pourtant, c'est beau. De longs poèmes vomis comme s'il voulait s'en débarrasser. "Visions of Johanna" n'a jamais aussi bien sonné, résonnant dans le vide, "the country music station play soft" et Louise tient des poignées de pluie, personne ne peut la défier. C'est à vous glacer le sang. Dylan ne peut pas lutter, jamais il n'a semblé aussi divin, comme s'il détenait une vérité absolue et qu'il était seul face à l'univers. Alors il continue, inlassablement, on a l'impression qu'il pleure parfois, il me fait pleurer. L'harmonica sur "M.Tambourine Man" me fait pleurer. C'est la mort d'un homme, la fin d'une époque, un tas de sentiments qui s'envolent à chaque fois qu'il souffle dans ce maudit harmonica, comme si son âme lui échappait. Je crois bien que le moment le plus émouvant de toute la discographie de Dylan, c'est cet harmonica, à ce moment précis.
Dylan est mort, et il ressuscite devant les yeux d'un public qui ne peut pas l'accepter, qui ne comprend pas. Comment leur en vouloir, on était pas là, à leur place, on ne peut pas juger, on a trop de recul pour ça. Et avec le recul, on peut dire que c'est puissant, très puissant. On tremble dès que les premiers coups de tonnerres retentissent, dès que l'électricité est enfin dans l'air. Dylan fait jouer ses copains avec lui, il peut enfin s'amuser, laisser toute la rage qu'il a contenu dans son harmonica pendant le set acoustique nous exploser à la gueule. Je frémis dès que j'entends le groupe s'accorder, ces premières notes d'orgue et ces bruits de pas. Et d'un coup, c'est parti et on n'arrête plus les Hawks. "Tell Me Momma", et Dylan sort du coma. Il est libre et va droit devant. Il gueule dans son micro, agitant les bras dans tout les sens, dans une posture qui lui donne un air plus christique que jamais, avec ce rayon de lumière qui l'entoure. Le public est sur le cul, et Dylan s'en fout, il plaisante, se fout de la gueule du monde. Il est déjà en transe et hors du monde lorsqu'il attaque "Just Like Tom Thumb's Blues", et se ballade Rue Morgue sous acide. Impossible d'arrêter la machine, on est hypnotisé par cette voix qui vomit du désespoir et de la haine au fur et à mesure que le public devient hostile, que même le plaisir échappe à un gamin qui, à l'origine, est un artiste de music-hall, pas un putain de chanteur folk, il veut la piétiner cette enveloppe. Alors qu'il se transforme, personne ne le regarde ou l'écoute, il se fait juste siffler. "Ballad of A Thin Man" et son orgue virevoltant, on dirait qu'elle est joué dans une véritable église cette chanson, c'est un sermon acerbe jeté en pâture aux moutons, et Dylan se marre, mais au fond, il souffre, ça ne l'amuse plus tant que ça de faire le pitre.
Et "Judas" finit par tomber, aussi rigolard que cruel. Il est fier de lui, le malin. Et Dylan de répondre que c'est un menteur, et que pour calmer les menteurs, pour prouver que lui il a raison, il ordonne à ses camarades de jouer putain de fort. D'envoyer la sauce et au fond, on entend ce son de caisse tellement familier. Vlan, c'est parti, la plus géniale, la plus folle, la plus puissante des versions de "Like A Rolling Stone" débute. Il faut avoir les images en tête, visualiser Dylan, seul contre tous, dans une dernière joute avec son public, s'égosiller, laisser le refrain monter au ciel, "How Does It Feeeeeel", et l'harmonica dont ressort une fureur, terrible. Allez, rien à foutre, prenez ça dans vos gueules, moi je me casse. Rideau. Hymne nationale. Bruits de pas. Portes qui claquent. Et quelques mois plus tard, pneus qui glissent et la folle tournée est stoppée net.
Parfois oui, j'aime éteindre la lumière, allumer des bougies, et écouter ce disque au casque. Revivre ce moment que j'ai l'impression d'avoir vécu mille fois. Avoir la chair de poule. Avoir moi aussi envie de gueuler, de tout foutre en l'air. C'est le concert le plus fou et le plus puissant et le plus beau qui existe, que je connaisse en tout cas, une véritable expérience religieuse, pleine de symboles, avec un martyr et à la fin, on ne sait plus qui trahit qui. On sait juste que ce cri de désespoir, il fait autant de mal que de bien, avec du recul ou pas, c'est une aventure à chaque écoute, un film, quelque chose de mythique. C'est Bob Dylan, à son apogée.
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