Mark Lanegan
Somebody's Knocking |
Label :
Heavenly |
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Comme avec Phantom Radio et Gargoyle, ses deux précédents albums, il m'a fallu du temps pour m'immerger totalement dans Somebody's Knocking, la nouvelle livraison de Mark Lanegan, évidemment toujours accompagné de son fidèle Band. Et comme avec ces deux derniers forfaits, il ne fallait pas se fier aux premières écoutes qui, dans ces cas précis, n'étaient pas les meilleures conseillères. Car Somebody's Knocking, non content d'être le disque le plus long de l'œuvre solo de l'homme d'Ellensburg (il devance de peu Blues Funeral), est sans doute, dans une conséquence directe, l'un de ceux qui demande le plus d'attention et d'écoutes répétées pour en saisir toute l'essence et la dimension.
Prolongeant la veine rock-synthétique à tendance crépusculaire qu'il affectionne et développe depuis maintenant sept ans (il faut s'y faire, il aime autant Jeffrey Lee Pierce que Depeche Mode, Huddie W. Ledbetter que Joy Divison, Tim Hardin que New Order), il atteint ici, avec certaines de ses nouvelles compositions, une forme d'ascétisme, d'austérité, de minimalisme sonore assez bluffante et impressionnante. Ou comment, avec un dispositif relativement réduit (guitare, basse, batterie, boîte à rythmes, synthés, renforcés de temps en temps par de l'orgue et autres piano, mellotron, et mélodica), créer des ambiances prenantes qui captivent pendant l'heure que dure l'ensemble, le tout étant sublimé par sa voix unique et son lyrisme lugubre à tendance biblique. On peut citer en exemple "Playing Nero", "Penthouse High" et "Two Bells Ringing at Once", qui comptent parmi les grandes réussites de ce onzième opus personnel. La première, dotée de nappes de synthé vaporeuses, nous enveloppe de sa beauté mystérieuse et déploie la même langueur paralysante que "Floor of the Ocean" et "Harborview Hospital" avant elle. La deuxième nous invite à une danse funèbre et hantée ("There's ghosts inside this house"), sans retour en arrière possible ("There's no coming back") et se pose un peu en petite sœur de "Ode to Sad Disco" (sur Blues Funeral). Comme avec cette dernière, l'entreprise s'annonçait délicate, mais Lanegan remporte son défi haut la main et nous emporte dans sa transe solitaire sans fin. La troisième, truffée de références religieuses, clôt le disque tout en douceur, sur fond de piano et synthés en apesanteur.
En plus de ce registre soyeux, Mark n'oublie pas les morceaux plus rock et rythmés comme avec le parfait "Disbelief Suspension", placé en ouverture et efficace bien comme il faut, l'entêtant "Night Flight to Kabul", sa ligne de basse tournoyante et ce "Is there gold ?" chanté d'une voix à se damner, ou encore ce "Stitch It Up" qui fracasse tout sur son passage. Dans une veine semblable, "Gazing from the Shore" est à mon sens l'un des temps forts du disque et vaut surtout pour ses paroles très touchantes mêlant espoir et résignation, chantées sur le ton de la confidence ("Please someone leave a light on / A beacon for me to find my way / I washed up on an island / My lifeboat was crushed upon the waves"). Mark est toujours à la recherche d'une lumière pour le guider et l'entendre se livrer si sincèrement fait vraiment chaud au cœur. Sur une autre note, "Letter Never Sent" et "Name and Number", basse et synthé proéminents, confirment, si le besoin s'en faisait encore sentir, son amour des années 80, de la cold wave et de Joy Division, tout comme "Dark Disco Jag", dépouillée jusqu'à l'os et délivrée d'une voix décharnée comme rarement. "Paper Hat" et "War Horse" ralentissent la cadence et suspendent un peu le temps, alors que "Radio Silence" et "She Loved You" relancent la machine et nous emmènent tranquillement vers la fin de l'album.
Une autre des grandes forces de ce dernier, en plus de ses chansons bien sûr, est l'agencement de celles-ci, qui s'enchaînent naturellement en variant les humeurs, les influences et les rythmes, ce qui aboutit à un ensemble très équilibré et enthousiasmant, que l'on se presse de réécouter une fois fini. Lanegan a révélé cette année en interview que c'était l'un des aspects du processus de création qu'il préférait lorsqu'il enregistrait un disque. Et cela s'entend parfaitement tant, sur Somebody's Knocking, tout semble à sa place, idéalement ordonné. Cette notion de plaisir se retrouve aussi dans les deux vidéos qu'il a faites pour promouvoir ce nouvel effort, celles de "Stitch It Up" et "Night Flight to Kabul", chacune hilarante et dans lesquelles il apparaît et a l'air de bien s'amuser.
Bref, le grand Mark s'éclate comme jamais à recréer les années 80, décennie qui ne nous a pas offert que du bon, loin s'en faut, mais force est de constater que le baryton le plus rugueux du rock a réussi à en tirer le meilleur et à les adapter à sa sauce pour se réinventer en profondeur d'une façon aussi réussie que surprenante, avec l'aide de ses nombreux collaborateurs, certains anciens, d'autres plus récents (Alain Johannes, Rob Marshall, Shelley Brien, Greg Dulli, Martin Jenkins, Freek Cerutti, Martyn LeNoble, Sietse von Gorkom, Tom Nieuwenhuijs, la Dutch Connection fonctionne à plein). Et que, décidément et quoi qu'il fasse, il parviendra toujours à ses fins.
Prolongeant la veine rock-synthétique à tendance crépusculaire qu'il affectionne et développe depuis maintenant sept ans (il faut s'y faire, il aime autant Jeffrey Lee Pierce que Depeche Mode, Huddie W. Ledbetter que Joy Divison, Tim Hardin que New Order), il atteint ici, avec certaines de ses nouvelles compositions, une forme d'ascétisme, d'austérité, de minimalisme sonore assez bluffante et impressionnante. Ou comment, avec un dispositif relativement réduit (guitare, basse, batterie, boîte à rythmes, synthés, renforcés de temps en temps par de l'orgue et autres piano, mellotron, et mélodica), créer des ambiances prenantes qui captivent pendant l'heure que dure l'ensemble, le tout étant sublimé par sa voix unique et son lyrisme lugubre à tendance biblique. On peut citer en exemple "Playing Nero", "Penthouse High" et "Two Bells Ringing at Once", qui comptent parmi les grandes réussites de ce onzième opus personnel. La première, dotée de nappes de synthé vaporeuses, nous enveloppe de sa beauté mystérieuse et déploie la même langueur paralysante que "Floor of the Ocean" et "Harborview Hospital" avant elle. La deuxième nous invite à une danse funèbre et hantée ("There's ghosts inside this house"), sans retour en arrière possible ("There's no coming back") et se pose un peu en petite sœur de "Ode to Sad Disco" (sur Blues Funeral). Comme avec cette dernière, l'entreprise s'annonçait délicate, mais Lanegan remporte son défi haut la main et nous emporte dans sa transe solitaire sans fin. La troisième, truffée de références religieuses, clôt le disque tout en douceur, sur fond de piano et synthés en apesanteur.
En plus de ce registre soyeux, Mark n'oublie pas les morceaux plus rock et rythmés comme avec le parfait "Disbelief Suspension", placé en ouverture et efficace bien comme il faut, l'entêtant "Night Flight to Kabul", sa ligne de basse tournoyante et ce "Is there gold ?" chanté d'une voix à se damner, ou encore ce "Stitch It Up" qui fracasse tout sur son passage. Dans une veine semblable, "Gazing from the Shore" est à mon sens l'un des temps forts du disque et vaut surtout pour ses paroles très touchantes mêlant espoir et résignation, chantées sur le ton de la confidence ("Please someone leave a light on / A beacon for me to find my way / I washed up on an island / My lifeboat was crushed upon the waves"). Mark est toujours à la recherche d'une lumière pour le guider et l'entendre se livrer si sincèrement fait vraiment chaud au cœur. Sur une autre note, "Letter Never Sent" et "Name and Number", basse et synthé proéminents, confirment, si le besoin s'en faisait encore sentir, son amour des années 80, de la cold wave et de Joy Division, tout comme "Dark Disco Jag", dépouillée jusqu'à l'os et délivrée d'une voix décharnée comme rarement. "Paper Hat" et "War Horse" ralentissent la cadence et suspendent un peu le temps, alors que "Radio Silence" et "She Loved You" relancent la machine et nous emmènent tranquillement vers la fin de l'album.
Une autre des grandes forces de ce dernier, en plus de ses chansons bien sûr, est l'agencement de celles-ci, qui s'enchaînent naturellement en variant les humeurs, les influences et les rythmes, ce qui aboutit à un ensemble très équilibré et enthousiasmant, que l'on se presse de réécouter une fois fini. Lanegan a révélé cette année en interview que c'était l'un des aspects du processus de création qu'il préférait lorsqu'il enregistrait un disque. Et cela s'entend parfaitement tant, sur Somebody's Knocking, tout semble à sa place, idéalement ordonné. Cette notion de plaisir se retrouve aussi dans les deux vidéos qu'il a faites pour promouvoir ce nouvel effort, celles de "Stitch It Up" et "Night Flight to Kabul", chacune hilarante et dans lesquelles il apparaît et a l'air de bien s'amuser.
Bref, le grand Mark s'éclate comme jamais à recréer les années 80, décennie qui ne nous a pas offert que du bon, loin s'en faut, mais force est de constater que le baryton le plus rugueux du rock a réussi à en tirer le meilleur et à les adapter à sa sauce pour se réinventer en profondeur d'une façon aussi réussie que surprenante, avec l'aide de ses nombreux collaborateurs, certains anciens, d'autres plus récents (Alain Johannes, Rob Marshall, Shelley Brien, Greg Dulli, Martin Jenkins, Freek Cerutti, Martyn LeNoble, Sietse von Gorkom, Tom Nieuwenhuijs, la Dutch Connection fonctionne à plein). Et que, décidément et quoi qu'il fasse, il parviendra toujours à ses fins.
Très bon 16/20 | par Poukram |
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