Mark Lanegan
Imitations |
Label :
Heavenly |
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En 1999, Mark Lanegan sortait ce qui reste à mon sens comme un des sommets de son œuvre, I'll Take Care of You, un album de reprises (art dans lequel il fait mieux qu'exceller et ce depuis sa version de "Where Did You Sleep Last Night ?" sur The Winding Sheet, son premier album solo en 1990) où il interprétait aussi bien des morceaux de Jeffrey Lee Pierce (son immense version de "Carry Home") que de Tim Hardin, Booker T. Jones ou encore Buck Owens. Sur cet album, publié en plein cœur de sa période folk-rock sous perfusion blues, éclatait son formidable talent d'interprète sensible, fin et puissant. Il s'était entouré pour l'enregistrement, en plus de son collaborateur récurent de l'époque Mike Johnson, de (entre autres) Van Conner, Mark Pickerel et Barrett Martin, ses anciens comparses des Screaming Trees, mais aussi de Mark Hoyt, Ben Shepherd de Soundgarden et Martin Feveyear, qui produisit le disque.
En 2013, Lanegan renoua avec un grand nombre de ces musiciens pour enregistrer son deuxième album de reprises, Imitations, qui nous occupe donc ici. On retrouve par exemple Johnson, Pickerel, Martin et Hoyt, en plus de musiciens apparus plus ou moins récemment dans la galaxie du natif de l'État de Washington : Alain Johannes, Jeff Fielder, auxquels il faut rajouter Feveyear, toujours à la production. La raison d'être de ce disque est simple : se souvenant de ce que sa famille et ses proches écoutaient lorsqu'il était jeune (Andy Williams, Frank Sinatra, Willie Nelson, Johnny Cash...) et de ce qu'il ressentait à l'écoute de ces artistes et de leur musique à cette époque-là, il voulut enregistrer un album qui lui rappellerait et procurerait les mêmes sensations, en reprenant aussi bien quelques-uns de leurs standards et ceux d'autres artistes plus obscurs aussi bien que ceux de musiciens plus récents (Chelsea Wolfe, Greg Dulli, Nick Cave, John Cale), chacun des titres bénéficiant d'arrangements spécifiques.
Autant le dire tout de suite : Imitations n'atteint pas la perfection de I'll Take Care of You, ce n'est pas faire injure à Mark que d'écrire cela. Mais l'intérêt et la démarche de ce dernier sont ici bien différents. Il faut voir ce disque comme une récréation, une respiration, un plaisir personnel avant tout, autant qu'un hommage à la musique qu'il aime et qui l'a sûrement influencé dans son parcours d'artiste et d'homme. Et les réussites et les beaux moments sont bien présents sur Imitations. Citons en premier lieu sa version de "Deepest Shade", originellement écrite par son ami Greg Dulli pour ses Twilight Singers mais jamais parue sur un de leurs albums. Lanegan est réellement vibrant sur ce titre et parvient à faire passer une belle émotion. Son interprétation de "You Only Live Twice", composée par John Barry et chantée par Nancy Sinatra pour le générique du film du même nom consacré à un certain agent secret de sa Gracieuse Majesté, marque par la sobriété de ses arrangements (deux guitares acoustiques en tout et pour tout, exit l'orchestration initiale), ce qui fait sa force, la voix de Lanegan faisant bien entendu le reste. Après une chanson de la fille, une du père (Frank, pour ne pas le nommer), "Pretty Colors", également élégamment arrangée et délicatement chantée. Dans la même veine acoustique sobre, citons aussi "Mack The Knife", simple et touchante.
Mais ce qui surprend vraiment dans cet album, ce sont les morceaux où Lanegan s'entoure d'arrangements de cordes plus étoffés, comme pour recréer l'ambiance originelle des titres qu'il reprend. Parfois discrets, comme sur ses versions des titres d'Andy Williams (superbes "Solitaire" et "Lonely Street"), parfois moins (délicate "Autumn Leaves" du même Andy Williams, qui clôt le disque, le texte original étant de Jacques Prévert), tout s'envole avec "I'm Not the Loving Kind", composée par John Cale. Sur cette dernière, Lanegan passe en mode crooner et, pas vraiment contre toute attente quand on connaît les capacités du gars, cela fonctionne très bien (une preuve de plus qu'il peut tout chanter). À noter, enfin, une curiosité, sa reprise de "Élégie Funèbre" de Gérard Manset, qu'il chante dans la langue de Molière (il nous avait déjà fait le coup sur quelques vers de "The Gravedigger's Song" en 2012 sur Blues Funeral), que l'on qualifiera d'audacieuse (mais non pas inintéressante !) à défaut d'autre chose.
Album très personnel avant tout, Imitations nous fait entendre un Mark Lanegan sensible, honnête et profondément impliqué, notamment émotionnellement, dans chacune des versions qu'il nous livre. Les arrangements sont à chaque fois très soignés et le résultat est souvent à la hauteur. On sent particulièrement son attachement à ces chanteurs des années 50-60 qui ont bercé son enfance et sa volonté de leur rendre un hommage sincère. Les amateurs du Lanegan rugueux ne trouveront peut-être pas leur compte avec ce disque. Les autres devraient y jeter une oreille attentive pour découvrir une facette inattendue de cet artiste décidément inclassable.
En 2013, Lanegan renoua avec un grand nombre de ces musiciens pour enregistrer son deuxième album de reprises, Imitations, qui nous occupe donc ici. On retrouve par exemple Johnson, Pickerel, Martin et Hoyt, en plus de musiciens apparus plus ou moins récemment dans la galaxie du natif de l'État de Washington : Alain Johannes, Jeff Fielder, auxquels il faut rajouter Feveyear, toujours à la production. La raison d'être de ce disque est simple : se souvenant de ce que sa famille et ses proches écoutaient lorsqu'il était jeune (Andy Williams, Frank Sinatra, Willie Nelson, Johnny Cash...) et de ce qu'il ressentait à l'écoute de ces artistes et de leur musique à cette époque-là, il voulut enregistrer un album qui lui rappellerait et procurerait les mêmes sensations, en reprenant aussi bien quelques-uns de leurs standards et ceux d'autres artistes plus obscurs aussi bien que ceux de musiciens plus récents (Chelsea Wolfe, Greg Dulli, Nick Cave, John Cale), chacun des titres bénéficiant d'arrangements spécifiques.
Autant le dire tout de suite : Imitations n'atteint pas la perfection de I'll Take Care of You, ce n'est pas faire injure à Mark que d'écrire cela. Mais l'intérêt et la démarche de ce dernier sont ici bien différents. Il faut voir ce disque comme une récréation, une respiration, un plaisir personnel avant tout, autant qu'un hommage à la musique qu'il aime et qui l'a sûrement influencé dans son parcours d'artiste et d'homme. Et les réussites et les beaux moments sont bien présents sur Imitations. Citons en premier lieu sa version de "Deepest Shade", originellement écrite par son ami Greg Dulli pour ses Twilight Singers mais jamais parue sur un de leurs albums. Lanegan est réellement vibrant sur ce titre et parvient à faire passer une belle émotion. Son interprétation de "You Only Live Twice", composée par John Barry et chantée par Nancy Sinatra pour le générique du film du même nom consacré à un certain agent secret de sa Gracieuse Majesté, marque par la sobriété de ses arrangements (deux guitares acoustiques en tout et pour tout, exit l'orchestration initiale), ce qui fait sa force, la voix de Lanegan faisant bien entendu le reste. Après une chanson de la fille, une du père (Frank, pour ne pas le nommer), "Pretty Colors", également élégamment arrangée et délicatement chantée. Dans la même veine acoustique sobre, citons aussi "Mack The Knife", simple et touchante.
Mais ce qui surprend vraiment dans cet album, ce sont les morceaux où Lanegan s'entoure d'arrangements de cordes plus étoffés, comme pour recréer l'ambiance originelle des titres qu'il reprend. Parfois discrets, comme sur ses versions des titres d'Andy Williams (superbes "Solitaire" et "Lonely Street"), parfois moins (délicate "Autumn Leaves" du même Andy Williams, qui clôt le disque, le texte original étant de Jacques Prévert), tout s'envole avec "I'm Not the Loving Kind", composée par John Cale. Sur cette dernière, Lanegan passe en mode crooner et, pas vraiment contre toute attente quand on connaît les capacités du gars, cela fonctionne très bien (une preuve de plus qu'il peut tout chanter). À noter, enfin, une curiosité, sa reprise de "Élégie Funèbre" de Gérard Manset, qu'il chante dans la langue de Molière (il nous avait déjà fait le coup sur quelques vers de "The Gravedigger's Song" en 2012 sur Blues Funeral), que l'on qualifiera d'audacieuse (mais non pas inintéressante !) à défaut d'autre chose.
Album très personnel avant tout, Imitations nous fait entendre un Mark Lanegan sensible, honnête et profondément impliqué, notamment émotionnellement, dans chacune des versions qu'il nous livre. Les arrangements sont à chaque fois très soignés et le résultat est souvent à la hauteur. On sent particulièrement son attachement à ces chanteurs des années 50-60 qui ont bercé son enfance et sa volonté de leur rendre un hommage sincère. Les amateurs du Lanegan rugueux ne trouveront peut-être pas leur compte avec ce disque. Les autres devraient y jeter une oreille attentive pour découvrir une facette inattendue de cet artiste décidément inclassable.
Très bon 16/20 | par Poukram |
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