Mark Lanegan
No Bells On Sunday |
Label :
Flooded Soil / Vagrant |
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Paru sans crier gare à la fin du mois de juillet 2014, No Bells On Sunday, le nouvel EP du Mark Lanegan Band, poursuit de manière radicale la mutation musicale de son auteur, débutée depuis le sombre et torturé Blues Funeral de 2012, qui marquait le grand retour de Lanegan à sa carrière solo, depuis le génial Bubblegum en 2004 et après huit années passées à collaborer avec divers artistes (dont Isobel Campbell, The Gutter Twins avec Greg Dulli ou encore les Soulsavers, pour tout plein d'excellents albums). Blues Funeral nous dévoilait une facette que l'artiste n'avait pas vraiment mis en avant au cours de sa pourtant foisonnante carrière : sa passion pour les musiques électroniques, les sons synthétiques, les boîtes à rythmes et autres claviers faiseurs de sons étranges (quoique ses deux albums avec les Soulsavers auraient dû nous mettre sur la voie...). Toujours est-il que la transformation s'était opérée, au point de désarçonner certains de ses fans les plus ardents. J'avoue moi-même avoir été un peu circonspect au début, mais pas bien longtemps, emporté par le superbe résultat final et l'ampleur que prenaient les titres sur scène.
Semblant résolu à relancer pour de bon son travail en solo trop longtemps délaissé, le Mark nous revient par conséquent un peu plus de deux ans après avec cet EP, composé de cinq pistes pour une durée d'un peu plus de vingt-six minutes. Un assez gros morceau donc. Comme toujours très entouré (le fidèle Alain Johannes, les musiciens du Band Aldo Struyf, Frederic Lyenn Jacques, Jean-Philippe De Gheest, des invités de marque tels Jeff Fielder ou Duke Garwood...), Lanegan reprend d'une certaine façon les choses là où il les avait laissées sur Blues Funeral, en poussant tout de même le processus encore plus loin. Là où le son de ce dernier était imposant, lourd et assez chargé, il s'oriente ici vers davantage de minimalisme, misant comme jamais sur l'ambiance, l'espace, les sensations immédiates que peut dégager sa musique, en faisant appel à nos sens. Il y parvient de belle manière en laissant le temps à ses morceaux de se développer, en les laissant déployer leur charme vénéneux et élégant à la fois, et cela en explosant ses cadres temporels habituels, puisque, sur les cinq morceaux présents, deux approchent ou dépassent les six minutes, quand le dernier surpasse les huit ! Cette tendance à allonger les compositions était déjà présente sur Blues Funeral, elle se confirme donc ici.
"Dry Iced" ouvre le bal sur des sons et des rythmes syncopés, les éléments s'additionnent les uns aux autres, se répondent, disparaissent, reviennent, s'immiscent subrepticement en nous, un beat obsédant traverse le morceau et nous en fait battre la mesure, alors que la voix de Lanegan se fait douce sur une histoire de nuit, de voyage, de rues sales et d'ombres qui parlent. "No Bells On Sunday", qui donne son nom à cet EP, est elle aussi très calme, paisible même. Sur une cadence très posée, un peu lancinante, Mark nous ravit de sa voix profonde et expressive. "Sad Lover" change totalement la donne : le tempo, donné par une vraie batterie et une boîte à rythmes, est beaucoup plus élevé. La basse est bien présente, la guitare électrique également, Lanegan se livre davantage vocalement et l'on retrouve des sons syncopés de synthés, comme dans "Dry Iced". Du bel ouvrage où Mark "prie pour le rêve de son amant triste" (en français dans le texte). "Jonas Pap" (le nom du violoncelliste qui joue sur ce morceau et auquel le texte rend hommage) est le titre qui se rapproche peut-être le plus du Lanegan antérieur. Dépourvu de tout élément électronique, il est en effet entièrement acoustique, Mark jouant même de la guitare dessus, fait, il faut le souligner, réellement rare. Il faut aussi noter la présence du Red Limo String Quartet sur ce titre, qui lui confère une ambiance rapidement très prenante, en dépit de sa longueur de moins de trois minutes. "Smokestack Magic", aux paroles assez cryptiques (ça va du poste de tv à la voix de Jésus Christ en passant par la fin du monde), referme ce disque intriguant et passionnant. Sur plus de huit minutes et tout au long d'un subtil crescendo, le Band bâtit une impressionnante pièce. La recette des autres titres est reprise et fonctionne parfaitement une fois de plus : les sons se succèdent, virevoltent, s'effacent, réapparaissent et s'unissent autour d'une rythmique qui s'épaissit de minute en minute pour se conclure sur un final qui se meurt lentement, hanté par la voix enfumée de la Bête.
Rompant avec certaines de ses obsessions des deux dernières décennies (la folk, le blues, une certaine idée de la musique traditionnelle américaine) et prolongeant audacieusement le travail entreprit sur Blues Funeral deux ans plus tôt, Mark Lanegan, avec No Bells On Sunday, nous offre un EP réellement ambitieux et novateur, qui renouvelle en profondeur sa musique et redéfinit totalement ses perspectives futures. À l'aide de morceaux plus sensoriels que jamais, qui prennent le temps de dévoiler leurs charmes un rien insidieux dans l'espace et dans le temps, sans jamais se départir totalement d'une part d'ombre impressionnante au travers des ambiances créées et de paroles souvent crépusculaires, Lanegan, une fois encore, passionne et impressionne. Et il ne semble pas prêt de s'arrêter.
Semblant résolu à relancer pour de bon son travail en solo trop longtemps délaissé, le Mark nous revient par conséquent un peu plus de deux ans après avec cet EP, composé de cinq pistes pour une durée d'un peu plus de vingt-six minutes. Un assez gros morceau donc. Comme toujours très entouré (le fidèle Alain Johannes, les musiciens du Band Aldo Struyf, Frederic Lyenn Jacques, Jean-Philippe De Gheest, des invités de marque tels Jeff Fielder ou Duke Garwood...), Lanegan reprend d'une certaine façon les choses là où il les avait laissées sur Blues Funeral, en poussant tout de même le processus encore plus loin. Là où le son de ce dernier était imposant, lourd et assez chargé, il s'oriente ici vers davantage de minimalisme, misant comme jamais sur l'ambiance, l'espace, les sensations immédiates que peut dégager sa musique, en faisant appel à nos sens. Il y parvient de belle manière en laissant le temps à ses morceaux de se développer, en les laissant déployer leur charme vénéneux et élégant à la fois, et cela en explosant ses cadres temporels habituels, puisque, sur les cinq morceaux présents, deux approchent ou dépassent les six minutes, quand le dernier surpasse les huit ! Cette tendance à allonger les compositions était déjà présente sur Blues Funeral, elle se confirme donc ici.
"Dry Iced" ouvre le bal sur des sons et des rythmes syncopés, les éléments s'additionnent les uns aux autres, se répondent, disparaissent, reviennent, s'immiscent subrepticement en nous, un beat obsédant traverse le morceau et nous en fait battre la mesure, alors que la voix de Lanegan se fait douce sur une histoire de nuit, de voyage, de rues sales et d'ombres qui parlent. "No Bells On Sunday", qui donne son nom à cet EP, est elle aussi très calme, paisible même. Sur une cadence très posée, un peu lancinante, Mark nous ravit de sa voix profonde et expressive. "Sad Lover" change totalement la donne : le tempo, donné par une vraie batterie et une boîte à rythmes, est beaucoup plus élevé. La basse est bien présente, la guitare électrique également, Lanegan se livre davantage vocalement et l'on retrouve des sons syncopés de synthés, comme dans "Dry Iced". Du bel ouvrage où Mark "prie pour le rêve de son amant triste" (en français dans le texte). "Jonas Pap" (le nom du violoncelliste qui joue sur ce morceau et auquel le texte rend hommage) est le titre qui se rapproche peut-être le plus du Lanegan antérieur. Dépourvu de tout élément électronique, il est en effet entièrement acoustique, Mark jouant même de la guitare dessus, fait, il faut le souligner, réellement rare. Il faut aussi noter la présence du Red Limo String Quartet sur ce titre, qui lui confère une ambiance rapidement très prenante, en dépit de sa longueur de moins de trois minutes. "Smokestack Magic", aux paroles assez cryptiques (ça va du poste de tv à la voix de Jésus Christ en passant par la fin du monde), referme ce disque intriguant et passionnant. Sur plus de huit minutes et tout au long d'un subtil crescendo, le Band bâtit une impressionnante pièce. La recette des autres titres est reprise et fonctionne parfaitement une fois de plus : les sons se succèdent, virevoltent, s'effacent, réapparaissent et s'unissent autour d'une rythmique qui s'épaissit de minute en minute pour se conclure sur un final qui se meurt lentement, hanté par la voix enfumée de la Bête.
Rompant avec certaines de ses obsessions des deux dernières décennies (la folk, le blues, une certaine idée de la musique traditionnelle américaine) et prolongeant audacieusement le travail entreprit sur Blues Funeral deux ans plus tôt, Mark Lanegan, avec No Bells On Sunday, nous offre un EP réellement ambitieux et novateur, qui renouvelle en profondeur sa musique et redéfinit totalement ses perspectives futures. À l'aide de morceaux plus sensoriels que jamais, qui prennent le temps de dévoiler leurs charmes un rien insidieux dans l'espace et dans le temps, sans jamais se départir totalement d'une part d'ombre impressionnante au travers des ambiances créées et de paroles souvent crépusculaires, Lanegan, une fois encore, passionne et impressionne. Et il ne semble pas prêt de s'arrêter.
Excellent ! 18/20 | par Poukram |
Nb : originellement paru en vinyle, cet EP fut ensuite inclus en cd bonus dans l'édition digipack de Phantom Radio, le neuvième album de Mark Lanegan, sorti en octobre 2014.
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