Radiohead
The King Of Limbs |
Label :
XL |
||||
Ah, tiens, on dirait que le vent tourne pour les 5 rosbeefs. Oh rien de bien grave, ne vous inquiétez pas. Juste quelques forumeurs, magasines ou webzines, autrefois fervents admirateurs (comme tout le monde), qui laissent paraître cette fois une sorte de lassitude à l'égard du "master groupe" du 21e siècle. On a un peu envie de leur dire qu'ils arrivent avec un métro de retard, et même qu'ils se trompent de cible. Car, oui, The King Of Limbs est meilleur, largement meilleur qu'In Rainbows, (sans être toutefois formidable, attention).
Or quid de cet aîné, In Rainbows, pourtant au ras des pâquerettes ? Eh bien à l'époque tout le monde bavait encore gentiment. Non il faut le dire, la perte de vitesse de Radiohead a commencé il y a longtemps maintenant : rendez vous compte que le dernier album du groupe date de 4 ans déjà ! Eh oui, ça y est, le rythme de croisière de ces jeunes quadras est déjà celui de papys du rock. Et il faudra s'y faire, la folle excitation créatrice est derrière. Bienvenue dans le monde de la mure réflexion artistique, des œuvres caritatives... et des vacances prolongées bien méritées.
Revenons à nos moutons. Doit-il y avoir à la sortie de ce King Of Limbs, un "problème" Radiohead, on veut dire une vraie déception ? Non, sans doute. Le groupe a réussi sa carrière superbement, se remettant en question aux bons moments, en acquérant un très large public au gré de quelques singles bien sentis ; et voilà que depuis 2 albums, le groupe perd un peu de sa superbe... Rien de dramatique, c'est même banal après une dizaine d'années de bons et loyaux services. On ne peut même pas leur reprocher d'avoir pris un virage commercial, et à la limite certains leur reprocheront presque de trop s'éloigner de leur public...
Non, le groupe continue de faire ce qu'il aime, point. En l'occurrence, depuis deux disques, les mélodies léchées semblent les emmerder copieusement, tout comme la section rythmique rock. Ça tombe bien Phil Selway s'est fait son petit disque à lui l'année dernière, pépère dans son coin. Remarquez, on peut le comprendre, les roulements de caisse claire jouissifs, c'est loin derrière maintenant. Du coup il semble même bien absent sur King Of Limbs, à tel point qu'on peut se demander s'il était présent aux sessions. Mais tout cela représente-t-il vraiment un "problème" ? Non.
Les acolytes de Thom Yorke semblent même prendre un nouveau départ, plus franc que celui d'In Rainbows, dans lequel résistaient encore quelques réflexes de l'ancienne époque. Les meilleurs titres d'ailleurs. Aujourd'hui il est clair que Radiohead ne fait plus de rock (vous me direz, ça on le sait depuis longtemps), mais désormais on peut dire qu'ils ne font même plus de la pop. Ce qui était encore pourtant le cas dans Kid A, finalement très mélodieux, tout en étant assez expérimental.
Donc le salut vient aujourd'hui de boîtes à rythme déglinguées, de lignes de basse qui bouffent l'espace, de sons atomiques. A ce titre "Feral" et "Lotus Flower" en sont certainement les meilleurs exemples. A côté de ça, on a l'étrangeté réjouissante de "Mr Magpie" et son riff de guitare bizarre, un beau morceau de folk ("Give Up The Ghost"), et les plus traditionnels "Separator", "Codex" et "Little By Little", tout en finesse. Que demande le peuple ? Alors soit, The King Of Limbs n'est pas facile d'accès, il ne dévoile ses secrets qu'au fil des écoutes, ce qui peut paraître surprenant venant de la part d'un groupe qui a autant de succès public. D'ailleurs le problème Radiohead, s'il existe, ne serait-il pas justement que, derrière les stades et les millions d'albums vendus, se cache tout simplement un groupe de musique pour le moins ambitieux et honnête ?
Bref, une légère brise de révolte se lève du côté du fan club, le bateau tangue un peu mais ne coule pas. Le meilleur reste (peut-être) à venir ?
Or quid de cet aîné, In Rainbows, pourtant au ras des pâquerettes ? Eh bien à l'époque tout le monde bavait encore gentiment. Non il faut le dire, la perte de vitesse de Radiohead a commencé il y a longtemps maintenant : rendez vous compte que le dernier album du groupe date de 4 ans déjà ! Eh oui, ça y est, le rythme de croisière de ces jeunes quadras est déjà celui de papys du rock. Et il faudra s'y faire, la folle excitation créatrice est derrière. Bienvenue dans le monde de la mure réflexion artistique, des œuvres caritatives... et des vacances prolongées bien méritées.
Revenons à nos moutons. Doit-il y avoir à la sortie de ce King Of Limbs, un "problème" Radiohead, on veut dire une vraie déception ? Non, sans doute. Le groupe a réussi sa carrière superbement, se remettant en question aux bons moments, en acquérant un très large public au gré de quelques singles bien sentis ; et voilà que depuis 2 albums, le groupe perd un peu de sa superbe... Rien de dramatique, c'est même banal après une dizaine d'années de bons et loyaux services. On ne peut même pas leur reprocher d'avoir pris un virage commercial, et à la limite certains leur reprocheront presque de trop s'éloigner de leur public...
Non, le groupe continue de faire ce qu'il aime, point. En l'occurrence, depuis deux disques, les mélodies léchées semblent les emmerder copieusement, tout comme la section rythmique rock. Ça tombe bien Phil Selway s'est fait son petit disque à lui l'année dernière, pépère dans son coin. Remarquez, on peut le comprendre, les roulements de caisse claire jouissifs, c'est loin derrière maintenant. Du coup il semble même bien absent sur King Of Limbs, à tel point qu'on peut se demander s'il était présent aux sessions. Mais tout cela représente-t-il vraiment un "problème" ? Non.
Les acolytes de Thom Yorke semblent même prendre un nouveau départ, plus franc que celui d'In Rainbows, dans lequel résistaient encore quelques réflexes de l'ancienne époque. Les meilleurs titres d'ailleurs. Aujourd'hui il est clair que Radiohead ne fait plus de rock (vous me direz, ça on le sait depuis longtemps), mais désormais on peut dire qu'ils ne font même plus de la pop. Ce qui était encore pourtant le cas dans Kid A, finalement très mélodieux, tout en étant assez expérimental.
Donc le salut vient aujourd'hui de boîtes à rythme déglinguées, de lignes de basse qui bouffent l'espace, de sons atomiques. A ce titre "Feral" et "Lotus Flower" en sont certainement les meilleurs exemples. A côté de ça, on a l'étrangeté réjouissante de "Mr Magpie" et son riff de guitare bizarre, un beau morceau de folk ("Give Up The Ghost"), et les plus traditionnels "Separator", "Codex" et "Little By Little", tout en finesse. Que demande le peuple ? Alors soit, The King Of Limbs n'est pas facile d'accès, il ne dévoile ses secrets qu'au fil des écoutes, ce qui peut paraître surprenant venant de la part d'un groupe qui a autant de succès public. D'ailleurs le problème Radiohead, s'il existe, ne serait-il pas justement que, derrière les stades et les millions d'albums vendus, se cache tout simplement un groupe de musique pour le moins ambitieux et honnête ?
Bref, une légère brise de révolte se lève du côté du fan club, le bateau tangue un peu mais ne coule pas. Le meilleur reste (peut-être) à venir ?
Très bon 16/20 | par Jekyll |
Posté le 18 mars 2011 à 09 h 50 |
Chaque nouvel album de Radiohead suscite généralement d'immenses attentes, pour un groupe dont la réputation a depuis bien longtemps dépassé ses espérances. Aujourd'hui, cette position particulière a tendance à jouer en leur défaveur, au point de provoquer une avalanche de reproches s'ils ont eu le malheur de ne pas révolutionner le genre, quand ce n'est pas pour débattre une énième fois du mode de distribution.
The King Of Limbs n'échappe pas à la règle, et à peine quelques heures après sa sortie, les premiers avis, majoritairement négatifs, envahissaient la toile.
Il est vrai que la première écoute se révèle particulièrement déroutante, davantage encore que Kid A ou Amnesiac : une ambiance plutôt minimaliste et des mélodies quasi-inexistantes pour un album que l'on pourrait presque qualifier d'expérimental. L'écart est d'autant plus surprenant puisqu'avec In Rainbows, Radiohead avait réalisé un album pop relativement accessible qui ne laissait absolument pas augurer du nouveau virage musical pris avec ce 8e album.
"Bloom", le magnifique titre d'ouverture, donne le ton avec ses boucles entremêlées et la voix lascive de Thom Yorke, qui nous plonge immédiatement dans l'ambiance nébuleuse et si particulière de cet album. On y retrouve un condensé des principales caractéristiques du disque : un enchevêtrement de couches sonores, dominées par un rythme dicté de concert par le couple batterie/basse (jamais aussi présent chez Radiohead), ainsi qu'un retour en force des sonorités électro.
"Morning Mr Magpie" évolue dans un registre légèrement différent, avec la discrète intégration des guitares pour un résultat finalement très organique, qui a tendance à davantage privilégier la section rythmique au détriment de la mélodie et des émotions "immédiates". En cela, ce titre est probablement l'un des plus difficiles à appréhender, tout comme "Feral", qui marque le sommet de cette démarche poussée à l'extrême. Les fragments de voix y sont mixés aux différentes expérimentations électro et à une basse plus présente que jamais. L'ensemble n'est pas sans rappeler "Pulk/Pull Revolving Doors" ou certaines faces B de l'époque d'Amnesiac. Un choix d'autant plus déroutant sur un album qui ne compte que 8 morceaux au total.
La seconde partie de l'album, bien qu'en parfaite cohérence avec la première, se révèle plus accessible. "Lotus Flower" s'impose naturellement comme le seul single évident, avec sa ligne de basse entraînante et sa mélodie (plus) facilement mémorisable.
L'enchaînement avec "Codex", sombre et introspective, nous plonge à nouveau dans les limbes d'un univers aux contours flous et incertains. Les paroles de Thom Yorke nous invitent malgré tout à faire le grand saut dans ce morceau au piano d'une parfaite maîtrise, comme pour mieux nous entraîner au plus profond des abîmes...
Et lorsque l'on retrouve un semblant de repères, c'est avec la très automnale "Give Up The Ghost", chanson tout en retenue, qui procure un certain apaisement teinté d'espérance.
Un sentiment qui se confirme avec le très épuré "Separator" et ses guitares réverbérées qui offre une fin ouverte et positive, fait peu répandu, voir inédit dans la discographie du groupe.
Une fois l'écoute terminée, les 38 minutes de The King Of Limbs sont loin d'être ridicules, surtout si l'on tient compte de la densité des arrangements, malgré une apparente simplicité au premier abord. Car contrairement à In Rainbows, il s'agit d'un album très introspectif : les compositions ne semblent pas avoir été pensées pour nous donner des frissons ou nous arracher une larme, mais plutôt pour nous immerger dans une ambiance particulière et sophistiquée. En cela, The King Of Limbs requiert une certaine capacité d'écoute et beaucoup d'attention pour en apprécier toute la subtilité.
Une nouvelle fois, Radiohead prouve sa capacité à se détacher des attentes de son auditoire pour créer au gré de ses envies sans se préoccuper de l'ordre établi. Une démarche à laquelle chacun est libre d'adhérer ou non mais qui est tout à leur honneur, pour un groupe auquel on peut difficilement reprocher de jouer la carte du consensuel.
The King Of Limbs n'échappe pas à la règle, et à peine quelques heures après sa sortie, les premiers avis, majoritairement négatifs, envahissaient la toile.
Il est vrai que la première écoute se révèle particulièrement déroutante, davantage encore que Kid A ou Amnesiac : une ambiance plutôt minimaliste et des mélodies quasi-inexistantes pour un album que l'on pourrait presque qualifier d'expérimental. L'écart est d'autant plus surprenant puisqu'avec In Rainbows, Radiohead avait réalisé un album pop relativement accessible qui ne laissait absolument pas augurer du nouveau virage musical pris avec ce 8e album.
"Bloom", le magnifique titre d'ouverture, donne le ton avec ses boucles entremêlées et la voix lascive de Thom Yorke, qui nous plonge immédiatement dans l'ambiance nébuleuse et si particulière de cet album. On y retrouve un condensé des principales caractéristiques du disque : un enchevêtrement de couches sonores, dominées par un rythme dicté de concert par le couple batterie/basse (jamais aussi présent chez Radiohead), ainsi qu'un retour en force des sonorités électro.
"Morning Mr Magpie" évolue dans un registre légèrement différent, avec la discrète intégration des guitares pour un résultat finalement très organique, qui a tendance à davantage privilégier la section rythmique au détriment de la mélodie et des émotions "immédiates". En cela, ce titre est probablement l'un des plus difficiles à appréhender, tout comme "Feral", qui marque le sommet de cette démarche poussée à l'extrême. Les fragments de voix y sont mixés aux différentes expérimentations électro et à une basse plus présente que jamais. L'ensemble n'est pas sans rappeler "Pulk/Pull Revolving Doors" ou certaines faces B de l'époque d'Amnesiac. Un choix d'autant plus déroutant sur un album qui ne compte que 8 morceaux au total.
La seconde partie de l'album, bien qu'en parfaite cohérence avec la première, se révèle plus accessible. "Lotus Flower" s'impose naturellement comme le seul single évident, avec sa ligne de basse entraînante et sa mélodie (plus) facilement mémorisable.
L'enchaînement avec "Codex", sombre et introspective, nous plonge à nouveau dans les limbes d'un univers aux contours flous et incertains. Les paroles de Thom Yorke nous invitent malgré tout à faire le grand saut dans ce morceau au piano d'une parfaite maîtrise, comme pour mieux nous entraîner au plus profond des abîmes...
Et lorsque l'on retrouve un semblant de repères, c'est avec la très automnale "Give Up The Ghost", chanson tout en retenue, qui procure un certain apaisement teinté d'espérance.
Un sentiment qui se confirme avec le très épuré "Separator" et ses guitares réverbérées qui offre une fin ouverte et positive, fait peu répandu, voir inédit dans la discographie du groupe.
Une fois l'écoute terminée, les 38 minutes de The King Of Limbs sont loin d'être ridicules, surtout si l'on tient compte de la densité des arrangements, malgré une apparente simplicité au premier abord. Car contrairement à In Rainbows, il s'agit d'un album très introspectif : les compositions ne semblent pas avoir été pensées pour nous donner des frissons ou nous arracher une larme, mais plutôt pour nous immerger dans une ambiance particulière et sophistiquée. En cela, The King Of Limbs requiert une certaine capacité d'écoute et beaucoup d'attention pour en apprécier toute la subtilité.
Une nouvelle fois, Radiohead prouve sa capacité à se détacher des attentes de son auditoire pour créer au gré de ses envies sans se préoccuper de l'ordre établi. Une démarche à laquelle chacun est libre d'adhérer ou non mais qui est tout à leur honneur, pour un groupe auquel on peut difficilement reprocher de jouer la carte du consensuel.
Très bon 16/20
Posté le 04 janvier 2012 à 18 h 06 |
On a tous eu un tonton Jeannot. Le tonton marrant, sympa, que tout le monde aime (sauf les voisins ou les cousins éloignés, parce qu'il parle trop fort et a l'alcool mauvais), qui fait rire la famille lors des repas du dimanche, qui nous passe les chocolats sous la table, sans qu'on ne se fasse engueuler. Le tonton qui nous fait découvrir plein de choses, avec qui on fait tout et rien, qui nous raconte les histoires de sa jeunesse, les groupes de sa jeunesse, les pépées de son époque, le temps des courriers en papier et des téléphones à cadran. Il radote un peu, mais on l'aime bien. Le tonton qui nous a accompagnés en tout temps de notre adolescence et nous a aidés à grandir.
Un jour, cependant, tonton Jeannot, il change, du moins, à nos yeux. Il prend de l'âge, il a moins de cheveux, il devient encore plus rouge après ses 7 verres de vin habituels. Il fait plus rire grand monde à table – parfois même, il sort des blagues racistes et tout le monde regarde ailleurs, gêné. Les chocolats, désormais, on peut s'asseoir dessus. Il n'entend plus bien, il ne voit plus bien, et en plus il a ramené une nouvelle copine, une fille de trente ans sa cadette, écolo-bobo et qui fait chier tout le monde à Noël car elle veut du boulgour avec son steak de soja.
C'est exactement ce qui m'est arrivé avec The King of Limbs, lors de sa première écoute. J'étais malgré tout encore jeune lorsque j'ai obtenu In Rainbows presque gratuitement, et c'était le premier album de Radiohead que j'écoutais directement après sa sortie. Avec les albums d'avant, j'avais découvert une autre musique que mon éducation Nostalgie, et de là, je dénichais des dizaines et des dizaines d'autres groupes. Après tout ça, Radiohead a vieilli et moi aussi, d'ailleurs. On a bien vieilli ensemble. Mais quand même, c'est quoi ces morceaux ? Où c'est que c'est les mélodies, les guitares, le rythme, le rock quoi ? La base, putain. On cite comme inspirations et partenaires Flying Lotus et Four Tet ou même Burial : je suis pas hermétique à l'électro, mais là je la cherche. Suffit pas de danser comme Jean-Luc Lahaye en noir et blanc pour faire un bon single, merde. J'allais devoir tuer une idole. Une de plus. Tonton Jeannot devait souffrir mon courroux, à coups de couteau à huîtres.
Puis j'ai réécouté. Inutile de vous la faire longue : l'album est très bon en fait. On le savait pas au début, mais TKOL est bien un album de Radiohead. "Codex", c'est "Pyramid Song" mais en mieux. "Lotus Flower", c'est la petite sœur d'"Idioteque". Les quatre premiers morceaux sont maladroits certes, mais efficaces car culottés. "Little by Little" est le meilleur titre de la galette, avec le temps. Et "Separator", avant d'avoir fait fantasmer des dizaines de sites de fans comme annonciateur d'un TKOL2, est peut-être le meilleur track de fin sur une œuvre du quintet. TKOL est sobre, épuré, parfois fouillis, souvent beau, court. Court... tout est relatif. Depuis sa sortie, les chutes de studio se sont accumulées et quatre singles de très bonne facture sont apparus : "Supercollider" et "The Butcher" (morceaux purement Radiohead-2011), "Staircase" (qui rappelle la période Kid A) et surtout "The Daily Mail" (qui nous ramène au jazzy "Life in a Glasshouse"). En toute honnêteté, si ces quatre morceaux avaient pris la place de "Feral", "Give Up The Ghost", "Morning Mr Magpie" et "Bloom" sur l'album principal, TKOL serait sans hésiter un des meilleurs opus de l'année récemment achevée. Quoi qu'il en soit, on pourrait débattre de leur prétention, de leur discours, du choix de distribution de l'album, du "c'était mieux avant", du prix de leurs places de concert pendant des heures, il ne resterait qu'un constat : Radiohead fait de la musique. Cet album a divisé les fans comme jamais (tant mieux, ça fera le tri), et cet album est surtout un grand doigt adressé au monstre médiatico-musical que York et sa bande ont créé bien involontairement. Même si cela m'amène à m'interroger sur ma sexualité, je n'hésite pas à dire que je l'aime bien, ce doigt.
Tonton Jeannot, en fait, il sait plus trop quoi faire dans ce monde, donc il fait de son mieux et il pense qu'à lui parfois. Mais moi je l'admire toujours autant.
Un jour, cependant, tonton Jeannot, il change, du moins, à nos yeux. Il prend de l'âge, il a moins de cheveux, il devient encore plus rouge après ses 7 verres de vin habituels. Il fait plus rire grand monde à table – parfois même, il sort des blagues racistes et tout le monde regarde ailleurs, gêné. Les chocolats, désormais, on peut s'asseoir dessus. Il n'entend plus bien, il ne voit plus bien, et en plus il a ramené une nouvelle copine, une fille de trente ans sa cadette, écolo-bobo et qui fait chier tout le monde à Noël car elle veut du boulgour avec son steak de soja.
C'est exactement ce qui m'est arrivé avec The King of Limbs, lors de sa première écoute. J'étais malgré tout encore jeune lorsque j'ai obtenu In Rainbows presque gratuitement, et c'était le premier album de Radiohead que j'écoutais directement après sa sortie. Avec les albums d'avant, j'avais découvert une autre musique que mon éducation Nostalgie, et de là, je dénichais des dizaines et des dizaines d'autres groupes. Après tout ça, Radiohead a vieilli et moi aussi, d'ailleurs. On a bien vieilli ensemble. Mais quand même, c'est quoi ces morceaux ? Où c'est que c'est les mélodies, les guitares, le rythme, le rock quoi ? La base, putain. On cite comme inspirations et partenaires Flying Lotus et Four Tet ou même Burial : je suis pas hermétique à l'électro, mais là je la cherche. Suffit pas de danser comme Jean-Luc Lahaye en noir et blanc pour faire un bon single, merde. J'allais devoir tuer une idole. Une de plus. Tonton Jeannot devait souffrir mon courroux, à coups de couteau à huîtres.
Puis j'ai réécouté. Inutile de vous la faire longue : l'album est très bon en fait. On le savait pas au début, mais TKOL est bien un album de Radiohead. "Codex", c'est "Pyramid Song" mais en mieux. "Lotus Flower", c'est la petite sœur d'"Idioteque". Les quatre premiers morceaux sont maladroits certes, mais efficaces car culottés. "Little by Little" est le meilleur titre de la galette, avec le temps. Et "Separator", avant d'avoir fait fantasmer des dizaines de sites de fans comme annonciateur d'un TKOL2, est peut-être le meilleur track de fin sur une œuvre du quintet. TKOL est sobre, épuré, parfois fouillis, souvent beau, court. Court... tout est relatif. Depuis sa sortie, les chutes de studio se sont accumulées et quatre singles de très bonne facture sont apparus : "Supercollider" et "The Butcher" (morceaux purement Radiohead-2011), "Staircase" (qui rappelle la période Kid A) et surtout "The Daily Mail" (qui nous ramène au jazzy "Life in a Glasshouse"). En toute honnêteté, si ces quatre morceaux avaient pris la place de "Feral", "Give Up The Ghost", "Morning Mr Magpie" et "Bloom" sur l'album principal, TKOL serait sans hésiter un des meilleurs opus de l'année récemment achevée. Quoi qu'il en soit, on pourrait débattre de leur prétention, de leur discours, du choix de distribution de l'album, du "c'était mieux avant", du prix de leurs places de concert pendant des heures, il ne resterait qu'un constat : Radiohead fait de la musique. Cet album a divisé les fans comme jamais (tant mieux, ça fera le tri), et cet album est surtout un grand doigt adressé au monstre médiatico-musical que York et sa bande ont créé bien involontairement. Même si cela m'amène à m'interroger sur ma sexualité, je n'hésite pas à dire que je l'aime bien, ce doigt.
Tonton Jeannot, en fait, il sait plus trop quoi faire dans ce monde, donc il fait de son mieux et il pense qu'à lui parfois. Mais moi je l'admire toujours autant.
Très bon 16/20
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