Radiohead

Fréjus [Arènes] - samedi 17 juin 2000

Deux ans d'absence, deux ans sans rien, sans quasiment aucune nouvelle, la tournée précédente ayant usé le groupe jusqu'à la corde, les sessions d'enregistrements de Kid A et Amnesiac ayant été pire, sans doute le moment le plus éprouvant à vivre dans la carrière du groupe, et pendant ce temps-là le buzz monte. Et avec cela les interrogations, les plus folles rumeurs : qu'allaient donner les chansons de Radiohead après OK Computer ?
Du coup, l'annonce du retour était très attendue.
Et là Radiohead ne fait rien comme personne : alors que tout le monde annonçait le succès immédiat pour leur prochain album, il décident de faire une tournée avant la parution de tout disque. Alors que les plus grandes salles leur étaient offertes, voire même des stades, la formation d'Oxford revient dans des lieux plus réduits mais au cadre majestueux : des arènes romaines ! En Espagne, au Portugal, dans le sud de la France : sans passer par la capitale !
Assister à un concert de Radiohead au cours d'un été 2000 parfait de beau temps, dans l'enceinte provençale de Fréjus se révélait donc comme une bénédiction.
De plus, après avoir failli craquer en studio, péter parfois les plombs, avoir cherché tant et tant un nouveau son, créer puis défaire pour recréer à nouveau, la bande à Thom Yorke frémissait d'impatience à l'idée de tester tout ça sur scène.
En sécurité, sans la pression attendue dans les salles type Bercy, mais sous les yeux de Bono, habitant à Nice, Radiohead jouera décomplexé et avec un rare bonheur. Fini le temps des crises, fini le temps de la paranoïa, fini le climat tendu qui prévalait à l'enregistrement de leurs nouveaux albums avec cette idée de déconstruire et saboter ce style élégiaque tant admiré par tous : aujourd'hui Radiohead savoure. Cette étape était difficile à vivre mais nécessaire pour la démarche artistique voulu par Thom Yorke. Et sur scène, les tensions s'effacent.
Communiant avec le public, profitant d'une ambiance exceptionnelle (le coucher du soleil, les murs antiques, les gens dans les gradins etc...), les membres du groupe jouèrent apaisés, uniquement pour le plaisir. La preuve avec leurs nouvelles chansons, qui sur les albums garderont ce son tortueux et rêche, mais qui joué en live seront beaucoup plus chaleureuses, de l'ouverture qui frappa un grand coup avec "Optimistic" jusqu'au dansant "Kid A" où Thom Yorke se risquera à des pas de danse complètement fou, il y eu beaucoup de place pour la présentation de Kid A et Amnesiac. L'occasion d'être subjugué par le charme des langoureuses ballades que sont "How To Disappear Completly" ou "Pyramid Song" joué au piano. Une ampleur presque mystique commençait à prendre forme, sans doute renforcé par le cadre des Arènes : "Morning Bell" ou "You And Whose Army" furent particulièrement captivantes, avec cette atmosphère oscillant entre noirceur jazzy et élégance racée.
Mais le groupe su également se rappeler à son bon souvenir, livrant avec entrain quelques pépites dans un climat qui ne dénotait pas par rapport aux nouveautés, un mélange de finesse et de langueur : "No Surpises", "Fake Plastic Trees", "Lucky", quelques unes de leurs plus belles chansons, sublimes car déchirantes.
Le tout avec bonne humeur et décontraction, Thom Yorke se risquant à de nombreux sourires, et même une déclaration à propos de l'Euro 2000, et de l'équipe d'Angleterre.
En plus de tout ça, sans oublier bien sûr les singles incontournables en concert, Radiohead réussit à glisser quelques chansons, plutôt rares, mais énormément appréciables : le fumeux et brouillé "Planet Telex", l'étrange et planant "Talk Show Host" ou le tendu et merveilleux "Just", qui évoque tant autrefois, l'époque de The Bends, les souvenirs, les premières fois où on découvrait le groupe, quand on était adolescent et qu'on était amoureux de ce groupe et de sa schizophrénie. Et Thom Yorke et les siens iront même plus loin dans la nostalgie ce soir-là puisque après avoir annoncé "vouloir jouer une vieille chanson", ils gratifieront un public déjà conquis d'un "Lurgee" exceptionnel, un des meilleurs titres de Pablo Honey. Un pur moment de magie rare et émouvant jusqu'à la déliquescence sous des entrelacs de guitares qui n'en finissent plus...
Un retour réussi pour un groupe qui voulait d'abord passer par une pré-tournée discrète et à la portée réduite, inversement proportionnelle à l'admiration portée par les fans. Une occasion en tout cas de côtoyer le groupe et de vivre les moments live avec plus de proximité. Histoire d'en faire un souvenir inoubliable.


Exceptionnel ! !   19/20
par Vic


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