Radiohead
Fake Plastic Trees |
Label :
Parlophone |
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C'est lors du clip de "Fake Plastic Trees" qu'apparaît le plus beau sourire de tous les temps. Sans doute parce que Thom Yorke, petit être fragile, aux yeux mi-clos comme éblouis par le soleil, n'a pas l'habitude de sourire. Celui-là devient alors un vrai trésor et son partage met du baume au cœur et chamboule.
Cette chanson est certainement une des plus émouvantes jamais écrite par le groupe. Alors qu'il était conspué par la presse pour être un simili de groupe pleurnichard à grosse guitare, la formation d'Oxford bluffe son monde avec un songwriting racé que personne n'avait vu venir, sauf les plus obstinés. "Fake Plastic Trees" émeut, puis fait pleurer. Tout d'abord timide, puis de plus en plus lyrique, avec les violons, éminemment tristes et avec cette voix qui s'envole dans la grâce angélique, puis le retour de la fragilité, les quelques accords à la guitare sèche puis ce cri qui s'éraille et cette montée de fièvre. Splendide. Ça sert le cœur une telle démonstration de vulnérabilité. Thom Yorke y jette toute son âme, toutes ses pulsions, toutes ces craintes et en même temps son espoir pour ce monde, qu'il juge trop étouffant, trop factice à son goût. C'est en cela que son sourire est sincère : il survient après qu'il ait craché toute sa bile par-dessus des tourbillons de guitares dures et merveilleuses à la fois. Sur le clip, son visage est tout contorsionné, crispé par la douleur, puis à 3 min 15 s exactement, Thom se met à sourire. Un sourire plein, franc, malicieux. Un sourire enfantin. Qui renvoie à l'image de l'enfant à la fin de la vidéo. Pendant une fraction de seconde, Thom Yorke adresse tout son amour aux gens. Puis ça disparaît.
Car cet homme est littéralement obnubilé par ses démons existentiels. Et redevenir un enfant est non seulement peu fréquent, mais sans doute un réconfort, un soulagement. Car le monde adulte, lui, et il le sait, est laid. Et cruel. Son seul refuge, la musique, dont le rapport est conflictuel : source de bonheur comme origine de pressions. Ce qui lui permettra de véhiculer tout son malaise, ses ressentis, son impression tenace de ne pas être adapté, de ne pas être comme les autres, de ne pas pouvoir être compris.
"Indian Summer" sème parfaitement ce trouble : basé sur un tempo fluctuant, une voix plus grave et plus nonchalante que d'habitude, voire trafiquée, l'ambiance dessinée par les claviers lunaires ou les guitares enveloppantes oscille, devient floue, et se love dans une douceur vague et délicieusement vaporeuse. D'ailleurs on rigole, on entend des gens qui parlent, des samples fantomatiques apparaissent, comme si on écoutait le monde à partir du cerveau d'un détraqué.
Mais dans la tête de Thom Yorke, heureusement, il n'y a pas que des fantômes, car tout être torturé le sait, il y a aussi de la place pour des fulgurances esthétiques inouïes, dont seul les personnes pas sûres d'elles-même sont capables de sortir. Et le résultat parfois aboutit à des miracles de justesse qui touche le cœur de tout un chacun. La délicatesse acoustique de "How Can You Be Sure ?" fait chavirer parce qu'ici la simplicité se superpose parfaitement à une mélancolie innocente. Une mélodie magnifique (qui est en réalité une des premières démos de leur première mouture "On A Friday"), sous fond de guitares acoustiques et de chevauchement de voix magiques. Pour cette chanson, ce sera Diane Swans, un fidèle amie du groupe, qui prêtera sa voix. Mais la chanteuse des méconnus The Julie Dolphin (groupe shoegaze anglais) sera tellement ignoré des fans que certains oseront même dire qu'il s'agira en fait de la voix d'Ed Ball, modifiée par ordinateur et rebaptisée Dying Swans par erreur.
Ce maxi permettra de montrer que Radiohead savait aussi exprimer sa mélancolie et sa personnalité sensible autrement qu'avec des guitares saturées. Il permettra d'ouvrir la voie au deuxième album, The Bends. Album inoubliable qui allait s'écouter en boucle, diffusant rage, frustration, tristesse et bonheur en douze chansons à peine. Dans tous les lycées, les universités et ailleurs, des gens allaient se mettre à gribouiller le nom de Radiohead sur les bureaux, comme on grave une obsession.
Cette chanson est certainement une des plus émouvantes jamais écrite par le groupe. Alors qu'il était conspué par la presse pour être un simili de groupe pleurnichard à grosse guitare, la formation d'Oxford bluffe son monde avec un songwriting racé que personne n'avait vu venir, sauf les plus obstinés. "Fake Plastic Trees" émeut, puis fait pleurer. Tout d'abord timide, puis de plus en plus lyrique, avec les violons, éminemment tristes et avec cette voix qui s'envole dans la grâce angélique, puis le retour de la fragilité, les quelques accords à la guitare sèche puis ce cri qui s'éraille et cette montée de fièvre. Splendide. Ça sert le cœur une telle démonstration de vulnérabilité. Thom Yorke y jette toute son âme, toutes ses pulsions, toutes ces craintes et en même temps son espoir pour ce monde, qu'il juge trop étouffant, trop factice à son goût. C'est en cela que son sourire est sincère : il survient après qu'il ait craché toute sa bile par-dessus des tourbillons de guitares dures et merveilleuses à la fois. Sur le clip, son visage est tout contorsionné, crispé par la douleur, puis à 3 min 15 s exactement, Thom se met à sourire. Un sourire plein, franc, malicieux. Un sourire enfantin. Qui renvoie à l'image de l'enfant à la fin de la vidéo. Pendant une fraction de seconde, Thom Yorke adresse tout son amour aux gens. Puis ça disparaît.
Car cet homme est littéralement obnubilé par ses démons existentiels. Et redevenir un enfant est non seulement peu fréquent, mais sans doute un réconfort, un soulagement. Car le monde adulte, lui, et il le sait, est laid. Et cruel. Son seul refuge, la musique, dont le rapport est conflictuel : source de bonheur comme origine de pressions. Ce qui lui permettra de véhiculer tout son malaise, ses ressentis, son impression tenace de ne pas être adapté, de ne pas être comme les autres, de ne pas pouvoir être compris.
"Indian Summer" sème parfaitement ce trouble : basé sur un tempo fluctuant, une voix plus grave et plus nonchalante que d'habitude, voire trafiquée, l'ambiance dessinée par les claviers lunaires ou les guitares enveloppantes oscille, devient floue, et se love dans une douceur vague et délicieusement vaporeuse. D'ailleurs on rigole, on entend des gens qui parlent, des samples fantomatiques apparaissent, comme si on écoutait le monde à partir du cerveau d'un détraqué.
Mais dans la tête de Thom Yorke, heureusement, il n'y a pas que des fantômes, car tout être torturé le sait, il y a aussi de la place pour des fulgurances esthétiques inouïes, dont seul les personnes pas sûres d'elles-même sont capables de sortir. Et le résultat parfois aboutit à des miracles de justesse qui touche le cœur de tout un chacun. La délicatesse acoustique de "How Can You Be Sure ?" fait chavirer parce qu'ici la simplicité se superpose parfaitement à une mélancolie innocente. Une mélodie magnifique (qui est en réalité une des premières démos de leur première mouture "On A Friday"), sous fond de guitares acoustiques et de chevauchement de voix magiques. Pour cette chanson, ce sera Diane Swans, un fidèle amie du groupe, qui prêtera sa voix. Mais la chanteuse des méconnus The Julie Dolphin (groupe shoegaze anglais) sera tellement ignoré des fans que certains oseront même dire qu'il s'agira en fait de la voix d'Ed Ball, modifiée par ordinateur et rebaptisée Dying Swans par erreur.
Ce maxi permettra de montrer que Radiohead savait aussi exprimer sa mélancolie et sa personnalité sensible autrement qu'avec des guitares saturées. Il permettra d'ouvrir la voie au deuxième album, The Bends. Album inoubliable qui allait s'écouter en boucle, diffusant rage, frustration, tristesse et bonheur en douze chansons à peine. Dans tous les lycées, les universités et ailleurs, des gens allaient se mettre à gribouiller le nom de Radiohead sur les bureaux, comme on grave une obsession.
Parfait 17/20 | par Vic |
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