The Smashing Pumpkins

Paris [Grand Rex] - mardi 22 mai 2007

Même si l'actualité semblait laisser de côté ce groupe des années 90, pour chacun, il n'était pas oublié, calfeutré bien au chaud auprès de souvenirs inoubliables et attachants.
Car par la simple évocation de ce titre, c'est un profond lien qui se recréé toujours aussi vif et aussi fort, unissant la gloire passée à un amour sans borne. Les Smashing Pumpkins, cultivant un style unique, brassant la violence avec une esthétique tourmentée, n'ont pu que susciter chez ceux qui les ont écoutés, adulés, parfois sans modération, une somme de passions diverses, toutes tournées vers la découverte et la redécouverte de leur monde. Beaucoup sont rentrés dans le rock par eux. Cela suffirait déjà à leur confier un statut mythique. Mais ce n'est rien à côté de ce qu'ils ont pu apporter. Bien sûr, leur musique accompagna nombre d'épisodes marquant et colla au mieux à ce qu'on pouvait ressentir à l'époque. Et ce qui peut sembler paradoxal, c'est que l'aura du groupe est sans doute plus importante pour tout un chacun que pour le public en général. Les Smashing Pumpkins, c'est aussi une affaire personnelle. Leurs chansons, cultes, mythiques, résonnent encore pour beaucoup, sans en être altéré une seule seconde, et ce, malgré le nombre incalculable de fois qu'elles sont passées dans la tête.
L'idée d'une reformation résonne donc de manière particulière puisqu'elle réactive des sentiments, qu'on croyait avoir perdu à jamais. Réentendre à nouveau les chansons des citrouilles, retrouver l'ambiance déchaînée des concerts, humer à nouveau la sueur et la magie, c'est se retrouver soi-même, se redécouvrir à nouveau. C'est dire si l'événement était attendu.
Mais que de chemins pour arriver jusque là !
S'énerver devant l'impossibilité d'accéder aux sites de ventes de billets, constater avec effroi que les places pour le Grand Rex ont été vendus en moins d'un quart d'heure, piaffer de rage devant les nombreuses pages d'ebay mettant en vente des places à trois fois leur prix, désespérer, hésiter, puis se lancer, cet achat au dernier moment, cette rencontre sur Paris devant une bière, et enfin cette place en main !
Ce concert événement prendra pour chacun une saveur particulière, parce que chacun a son histoire particulière avec les Smashing Pumpkins, histoire qui continue à s'écrire en filigranne, au fur et à mesure qu'on avance dans la queue, le cœur battant la chamade, qu'on s'installe à la place indiquée en mezzanine, qu'on regarde d'un œil timide et curieux la scène en bas, où dans peu de temps aura lieu la rencontre entre un groupe et les espoirs de chacun.
Les lumières s'éteignent que déjà l'excitation gagne, ça tape dans les mains, ça siffle, c'est la contamination parmi les rangs du public, dans la fosse, aux étages. Chacun possède une histoire personnelle avec les SP, mais tous ressentent la même excitation. Une excitation qui s'amplifie.
Jusqu'à l'explosion avec l'entrée en scène de Billy Corgan et de ses troupes. Et à partir de ce moment là, la connexion se fait: une entrée dans un monde magique, où il n'y plus rien qui compte, hormis le concert, le bruit, les guitares et le show.
On le sent, dès l'intro fracassante de Jimmy à la batterie, le son va être fort et les amplis à fond. On en aura plein les yeux. Le morceau d'ouverture, "United States", tiré du nouvel album, fait fort : puissant, cathartique, basé sur le jeu de Jimmy, sans cesse cassé et rempli de rupture, livrant un combat avec les riffs mordant de Billy, on en reste scotché. Plus d'une dizaine de minutes sans temps mort, à rester pantois devant tant d'adresse et de percussion, le groupe s'amusant avec l'arrêt de la chanson, la coupant et la reprenant au gré des coupures de projecteur, filant des frissons dans le dos.
A peine remis de ce choc, que "Today" déboule sans crier gare et qu'on est submergé alors par tant de souvenirs qu'il faut lutter pour rester concentrer, avide de ne pas en perdre une miette.
Après ce ne sera plus qu'un rêve éveillé. Un rêve où l'on côtoie tout aussi bien la majesté des Smashing Pumpkins, que la part de magie qu'ils véhiculent. Un rêve où chaque seconde sera vécue comme une dose immense et incomparable de plaisir.
Plaisir de découvrir les nouvelles chansons de Zeitgeist, puissantes, noires, parfois même glauques, ou tout simplement dynamiques. "Tarantula" prend toute sa réelle dimension sur scène, devenant groovy à souhait. Les guitares sont saturées et dessinent des lignes mélodiques complexes, sans jamais dépasser une zone subjective qui pourrait ressembler à de l'optimisme. La nouvelle vision du monde des Smashing est plutôt vindicatrice ("Domstay Clock") et fédératrice (à l'instar du mélancolique "That's the way"). Et on finit par comprendre que depuis 2000, il s'en est passé des choses, et pas des moindres, comme l'attentat du 11 septembre, qui a sans doute marqué l'esprit de Billy. Celui dernier ne choisit pas de représenter la statue de la Liberté sur fond rouge pour rien. Le plaisir ressenti à l'écoute de ces nouvelles chansons se mue alors en douce impatience à l'idée de découvrir le nouvel album. On n'hésite par à s'extasier devant le fait, que même avec un changement de line-up, et diverses aventures solos, Billy ait toujours gardé sa force d'écriture. Et même à s'émouvoir devant "For God and country", traitant en filigrane de la guerre en Irak.
Plaisir de retrouver les tubes de toujours, "Stand Inside Your Love" ou bien le rageur "Bullet With My Butterfly Wings". Sensations toujours aussi intactes que la première fois où on les a écouté. Que ce soit un fougueux "Zero" ou un larmoyant "Disarm". Le mélange entre les impressions éprouvées lors du concert et les souvenirs émus qu'on garde de ces classiques, décuple la saveur. Ainsi "Tonight, Tonight" a été scandé par tout un public, entièrement conquis.
Plaisir aussi de s'attendrir devant ces chansons tristounettes pour l'occasion, dans une version unique, jouées par Billy seul, à la guitare sèche, et aidée par un clavier, comme "33", qui provoqua des larmes pour beaucoup, "Winterlong" ou bien encore "Rocket", complètement adoucie pour le coup, et quasiment méconnaissable.
Plaisir de partager la communion qui peut exister entre Billy et ses musiciens, notamment Jimmy, son ami de toujours, dont la plupart des morceaux ne seront qu'une ode à son talent phénoménal. Son jeu flamboyant aura éclaté tout du long, élevant les morceaux en passages tripant, notamment lorsque les deux comparses se lancent dans des solos fou furieux.
Plaisir de saisir au vif ces alternances d'atmosphères, entre tempête et acalmie, comme sur le monstreux "Gossamer", qui fut l'occasion d'un dialogue étonnant entre les deux guitaristes qui se répondaient à coup de chants de sirènes ! Envoutant.
Et plaisir enfin de découvrir toutes ces nouveautés, ces petites surprises, que seuls les Smashing Pumpkins peuvent nous réserver, et qui rendent à chaque fois leurs concerts uniques. Comme la présence du sublime "Home" ou de l'extraordinaire "Hummer", avec son passage psychédélique de fin, inoubliable, et sa contrepétrie: "Life is a hummer, life is a drag". Billy osera même finir un rappel par un "Annie Dog" incongrue mais magnifique de simplicité et de beauté.
Là où les Smashing Pumpkins restent uniques en leur genre lors des concerts, c'est par leur capacité à toujours donner un ton et un style différents à leurs chansons, ne se contentant jamais d'un même schéma, car prenant en compte que la chanson prend vie uniquement lors des concerts. "Shame" en version noisy sera l'une des surprises de la soirée. Les musiciens se livrent tellement à des versions modifiées qu'il est parfois difficile de deviner à l'intro le titre qui va suivre. Sans cesse rallongées ou modifiées, les chansons se dédoublent et accèdent à une deuxième naissance.
C'est en live que se transmet l'énergie des Pumpkins, qui n'ont rien perdu avec le temps de leur fougue ou de leur bonheur à jouer sur scène. La preuve avec une prestation de près de trois heures, qui laissa tout le monde pantois d'admiration. Impossible de retenir des moments clés, tant la durée totale du concert ne fut qu'une accumulation de point d'orgues, comme "1979", hymne repris en cœur, ou "Cherub Rock", titre sonique qui secoua le public, qu'il soit dans la fosse ou dans les balcons, debout, applaudissant et levant les bras. Le concert était d'une telle intensité, les retrouvailles tellement émouvantes, que le public ne voulait plus quitter la salle, médusé par le spectacle, soutenu par un éclairage de néons colorés, dont les ambiances donnèrent le ton.
Alors lorsque commença le fouilli sonore et noisy de "Silverfuk", joué en rappel, toute la salle du Grand Rex chavira. Violent, cathartique, désordonné, émouvant, épique, ce morceau transporte littéralement, procure des sensations inouïes et fait battre le cœur comme jamais. Et lorsque la tension chute pour un passage expérimental, les sensations se réfèrent à des lois et des impressions cosmiques. Etendu sur plus d'un quart d'heure, incluant un clin d'œil au "The End" des Doors, livrant des dialogues de solos de guitares, montant crescendo dans la puissance, ponctué par les cris sauvages de Billy, ce morceau fleuve finit par dévier vers une longue session jam complètement hypnotique, médusant sur l'instant, comme se rappelant au bon souvenir.
Car les Smashing Pumpkins seront toujours les Smashing Pumpkins. Et leurs concerts seront toujours des moments inoubliables et inégalables. Des instants de bonheur à vivre pour ne plus s'en défaire ensuite.
Alors lorsqu'au deuxième rappel, retentissent les premières paroles de "Muzzle", chanson culte par excellence, dont les textes auront marqué toutes une génération, on ne peut que ressentir un pincement au cœur, de constater que l'instant magique touche à sa fin. Et l'on conserve, alors précieusement, comme un cadeau, lorsque les lumières se rallument et que Billy finit de saluer le public, ces quelques mots, qui ont fait notre adolescence: "The world so hard to understand, is the world you can't live without".
Et puis ensuite, il ne reste plus qu'une chose à dire :
Merci Billy.


Intemporel ! ! !   20/20
par Vic


  Setlist:
United States
Today
Stand Inside Your Love
Orchid
Doomsday Clock
Home
Hummer
Starz
Tarantula
Bullet With Butterfly Wings
Gossamer
God And Country
33
Rocket
Winterlong
To Sheila
Glass and the Ghost
Cherub Rock
1979
Tonight, Tonight
Neverlost
That's the Way
Disarm
Zero
Untitled
Shame
Silverfuck
Annie Dog
Muzzle


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