Serge Gainsbourg

Initials B.B.

Initials B.B.

 Label :     Philips 
 Sortie :    mardi 12 mars 1968 
 Format :  Album / CD  Vinyle  K7 Audio   

Alors voilà, Serge avait une petite amie... Elle était belle et ses initiales étaient B.B...
Au chapitre suivant, le prince se fait larguer et se change illico en crapaud. Il est paumé, désespéré à vouloir repeindre les murs de sa maison en noir...

Nous sommes en 68, c'est l'explosion de la culture pop, des scarabées endimanchés et du péril jeune portant le cheveu long et la moustache épaisse... Faisant irruption dans ce bordel, Gainsbourg ramène sa fraise. Il a ingéré l'esprit swinging london, les orgues hammond ("Torrey Canyon"), les choeurs franchement kitsch ("Qui Est In, Qui Est Out") ainsi que ce soupçon de légèreté acidulée qui fait toute la différence.

Face au progrès, il a abdiqué avec intelligence: fini le jazz, certes, mais son disque portera un coup fatal au twist et aux yéyés.
Point d'insouciance ici, nous sommes confrontés à la réalité dans ce qu'elle a de plus cruel: la mort ("Ford Mustang"), le choc des cultures ("Black And White"), les amours forcées ("Hold Up")...

Instantané d'une époque, Initials B.B. pourrait se voir comme un témoignage fabuleux, un rapport méticuleusement mis en place. Ironique, réfléchi. Sans faille.
Gainsbourg se sert de la mode pour faire évoluer son art. Pratique qu'il effectuera jusqu'à la fin de sa carrière avec talent.

Ajoutez à cela ce qu'il faut de tubes intemporels ("Initials B.B."-dont Serge ressortira le riff pour la B.O. du film de Blier Tenue De Soirée-, "Bonnie And Clyde", "Comic Strip", etc...) et vous obtiendrez un très grand disque, marquant un tournant fulgurant dans sa carrière.

Un indispensable.


Excellent !   18/20
par Judas


 Moyenne 18.00/20 

Proposez votre chronique !



Posté le 28 juillet 2007 à 16 h 09

1965, alors que la société moderne s'apprête à changer de visage sous les coups de boutoirs d'une jeunesse voulant tirer un trait sur des moeurs moisies, Serge Gainsbourg, toujours au fait de ce qui se trame, s'imprègne de ce renouveau culturel et part à Londres pour enregistrer quelques morceaux portant la touche anglaise alors en vogue.

Depuis quelques années, les Beatles, Rolling Stones et autres Beach Boys ou Who sont ostensiblement en train de révolutionner définitivement le rock et la musique pop en général mais, comme d'habitude, la France ne comprend rien. On leur préfère des cruches yéyés genre Sylvie Vartan, Sheila et autre Claude François ou encore des pseudos chanteurs rock qui ne comprendront jamais rien à cette musique (est-il nécessaire de citer cette bouse de Johnny Hallyday??). Heureusement, quelques artistes comprennent tout de même que les arts et la culture en général sont en train de changer. Dutronc, Ferré ou bien sûr Gainsbourg. Ce dernier décide donc d'aller enregistrer chez Arthur Greenslade pour épicer sa musique à l'anglaise.

Lors d'une première session en décembre 1965, il enregistre quatre sucreries qui sortent sous la forme d'un super 45 tours, "Qui Est In, Qui Est Out", et capte toute l'essence de cette musique légère et bariolée. Comme d'habitude l'essai est concluant, il a parfaitement su imprégner sa musique d'arrangements originaux. Il réitérera donc l'expérience pour enregistrer d'autres morceaux en 1967 dont "Bonnie And Clyde" avec Brigitte Bardot devenu entre-temps sa compagne. Il met également aux goûts du jour ces textes, il ajoute à ses gimmicks habituels tout un pan de la culture anglo-américaine ("Comic Strip") et produit là les titres les plus emblématiquement anglo-saxons de la chanson française. Il rend, par la même occasion, complètement caduques toutes les mièvreries yéyés précitées et se permet même de les tourner en ridicule de manière subjective (ah, les paroles des "Sucettes A L'Anis" !!).

En janvier 1968, B.B. le lâche. Désespéré, il repart à Londres enregistrer quatre nouveaux morceaux dont le magnifique testament de cette liaison furtive "Initials B.B." et le chef d'oeuvre mélancolique et suicidaire "Ford Mustang" dans lequel Gainsbourg déverse, pour s'en débarrasser définitivement, toute cette influence pop américaine. Il rentre à Paris, entre temps mai 1968 aura vu fleurir les pavés, et passe à autre chose. Jamais plus il ne s'essaiera à ce style lui rappelant trop de souvenirs, des bons comme des mauvais. Ca aurait d'ailleurs été futile, il en a fait le tour, cet ensemble de morceaux représentent l'ultime et parfaite incartade de la chanson française dans le style. Tous ceux-ci sont pressés sur ce 33 tours appelé Initials B.B. sortit en juin 1968.

Cette compilation est donc le témoin d'une époque très brève. Est capturé à l'intérieur, tout l'état d'esprit du Gainsbourg d'alors : il sort avec le fantasme de tous les Français mâles, il est donc béat de bonheur, il voue une admiration sans borne aux révolutions musicales anglaises puis une nouvelle rupture voit le désespoir revenir à sa porte. Mais là où certains disques de l'époque accusent très mal leurs années, celui-ci reste incroyablement frais et même plus: il permet de se plonger dans une époque fantasmée sans y avoir vécu! On retrouve le style Gainsbourg nappé de cette atmosphère. Ecouter ce disque fait l'effet d'un voyage dans le temps. Dès le début se dégage des enceintes un sentiment de renouveau, d'insouciance et de totale liberté. Ceci permet de s'imaginer l'état d'esprit aventureux de l'époque. Au final, couplé à la mélancolie toujours présente en filigrane dans l'oeuvre de Gainsbourg, le rendu est une sensation nostalgique, l'impression de revivre une époque idyllique totalement et définitivement disparue. Ce sentiment bizarre est d'autant plus inestimable quand on n'a pas vécu cette époque. D'autres albums, de différents artistes, parus dans le même laps de temps, permettent également de ressentir l'état d'esprit de l'époque mais aucun n'a l'impact de Initials B.B. car la touche française nous le rend plus proche et plus percutant.

Initials B.B. marque une étape dans la discographie de Serge Gainsbourg : c'est sur ce disque que l'on se rend compte de son incommensurable faculté à s'approprier des musiques diverses sans les piller. Il parviendra encore plusieurs fois à distordre ses compositions pour leur faire prendre des formes multiples, toujours originales et novatrices.
Excellent !   18/20



Posté le 15 février 2008 à 00 h 18

Initials B.B., hommage passionnel mais quelque peu désabusé à son premier amour (médiatisé) est sans doute l'un des meilleurs albums de Serge Gainsbourg. On est loin ici du personnage outrancier, provocateur auto-parodique que deviendra plus tard Gainsbarre, on a affaire à un artiste talentueux et même génial. La chanson "Docteur Jekyll Et Monsieur Hyde" n'est-elle d'ailleurs pas à une allusion-pied de nez à cette personnalité quelque peu schizophrénique ?
Le Parisien d'origine juive russe a su s'entourer d'excellents musiciens, et la production et les arrangements sont somptueux, à la fois intemporels et ancrés dans leur époque. L'apport d'Arthur Greenslade, conducteur britannique de musiques des films qui a travaillé pour Cat Stevens ou Diana Ross et qui remplace Goraguier, n'est pas négligeable. L'album est inégal, les morceaux les plus connus sont les meilleurs. Les autres compositions montrent un Gainsbourg très influencé par le Swinging London, guitares sixties, orgue Farfisa et chœurs féminins en avant, et moins intéressant et original ("Marilu" serait même presque un peu agaçant), mais les textes sont tout aussi personnels et littéraires. Gainsbourg, figure incontournable de la chanson française – mais aussi du rock comme il le démontre avec classe sur Initials B.B. –, sait jouer avec les mots, les malaxer et leur donner un sens comme nul autre, avec une dextérité à faire pâlir d'envie n'importe quel écrivain en herbe.
Venons en, à ces morceaux en question. "Initials B.B.", piano tendu, envolées luxueuses, orchestrales et cuivrées, refrain qui donne des frissons dans le dos, paroles grandioses et byzantines (‘Tandis que des médailles/D'impérator/Font briller à sa taille/Le bronze et l'or/Le platine lui grave/D'un cercle froid/La marque des esclaves' – esclave sexuel ?), chœurs sensuels. "Comic Strip", sucré, rythme de fanfare, onomatopées de bande dessinée qui annoncent le chant de Jane Birkin. "Ford Mustang", ‘road movie' et inventaire à la Prévert (‘Un essuie-glace/Un paquet d'Cool/Un badge/Avec inscrit d'ssus/Keep Cool/Une barre de/Chocolat/Un Coca-Cola'). "Bonnie And Clide", chanté en duo avec une Bardot plus indolente et hautaine que jamais, avec son rythme presque martial, ses cordes mélancoliques et décalées, ses fantastiques accords de guitare acoustique, ses ‘hou hou', est une ode à la rébellion perdue d'avance. Qui est ‘In' Qui Est ‘Out'", très swing, très pop-rock sixties (‘Pour les petits gars de Liverpool'), aux paroles particulièrement inventives (‘Moitié bouillon ensuit' moitié gIN/Gemini carbur' pas au mazOUT/C'est extrêm-/ement pop/Si tu es à jeun tu tombes en syncop') qui dénoncent la dictature de la mode (‘Jusqu'à neuf c'est O.K. tu es "in"/Après quoi tu es K.-O. tu es "out"/C'est idem/Pour la boxe/Le ciné la mode et le cash-box') Que dire sur ces chefs-d'œuvre absolus, tellement connus mais qui se laissent redécouvrir à chaque écoute avec un regard nouveau ? Les mots me manquent.
Si toutes les chansons avaient été du même niveau, l'album aurait été l'un des meilleurs de tous les temps, toutes catégories confondues. Ca n'en reste pas moins une œuvre majeure.
Un disque qui sue le sexe (et c'est un compliment).
Excellent !   18/20







Recherche avancée
En ligne
320 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages
Où habitez vous ?