Serge Gainsbourg
Rock Around The Bunker |
Label :
Philips |
||||
Si Gainsbourg avait révolutioné le paysage musical avec son chef-d'oeuvre conceptuel L'Histoire De Melody Nelson en 1971, et s'il avait prit de gros risques avec un disque un peu scato et casse-gueule, étouffé par un hit majeur ("Je Suis Venu Te Dire Que Je M'en Vais" sur l'album Vu De L'Extérieur en 1973 ), cette-fois ci il a choisi de dérouter tout le monde ; public comme critiques, ne sauront comment aborder cet album particulier, qui pourtant au fil des années va s'affirmer comme un des albums essentiels de cet immense artiste.
De l'incroyable "Nazi Rock" en passant par "J'Entends Des Voix Off" (<<qui me disent ... Adolph tu cours à la catastrophe !>> ), à "Yellow Star" ou "SS In Uruguay", c'est Ginzburg le juif meurtri par les blessures de son enfance qui s'exprime avec humour, dérision et un cynisme irrésisitible.
En tout fin de cet album assez court (10 titres), arrive le chef-d'oeuvre qui donne son titre à l'album, "Rock Around The Bunker" : terriblement rock, titre qui lorgne du côté de Marc Bolan et David Bowie, icônes reconnues par le Maître. On retrouvera ici une petite cover incongrue (qui n'apporte, ni ne retire rien à la qualité générale du disque) avec "Smoke Gets In Your Eyes".
Ce disque est un album charnière, qui impose l'auteur-compositeur Gainsbourg parmi les créateurs les plus intéressants des seventies.
Après cela, Gainsbourg, touché par la grâce, livrera l'année suivante son bijou définitif : le torturé L'Homme à La Tête De Chou, clôturant ainsi 5 années de création artistique (1971-1976) totalement hors du commun.
De l'incroyable "Nazi Rock" en passant par "J'Entends Des Voix Off" (<<qui me disent ... Adolph tu cours à la catastrophe !>> ), à "Yellow Star" ou "SS In Uruguay", c'est Ginzburg le juif meurtri par les blessures de son enfance qui s'exprime avec humour, dérision et un cynisme irrésisitible.
En tout fin de cet album assez court (10 titres), arrive le chef-d'oeuvre qui donne son titre à l'album, "Rock Around The Bunker" : terriblement rock, titre qui lorgne du côté de Marc Bolan et David Bowie, icônes reconnues par le Maître. On retrouvera ici une petite cover incongrue (qui n'apporte, ni ne retire rien à la qualité générale du disque) avec "Smoke Gets In Your Eyes".
Ce disque est un album charnière, qui impose l'auteur-compositeur Gainsbourg parmi les créateurs les plus intéressants des seventies.
Après cela, Gainsbourg, touché par la grâce, livrera l'année suivante son bijou définitif : le torturé L'Homme à La Tête De Chou, clôturant ainsi 5 années de création artistique (1971-1976) totalement hors du commun.
Très bon 16/20 | par Jimbo |
Posté le 11 octobre 2005 à 16 h 09 |
Les années sombres de Gainsbourg, album 2.
Gainsbourg avait toujours eu envie d'enregistrer un vrai disque de rock.
Et alors, euh... il l'a fait en 1975.
C'est une vision du rock qui est un peu génante. Du boogie-variété, bien lourdaud et disgracieux. On a plus affaire à du Status Quo, ou à du Eddy Mitchell qu'à Doctor Feelgood ou Patti Smith qui excellaient cette année là.
Les textes sont encore plus embarrassants. Ayant obtenu depuis "Je T'aime Moi Non-Plus" un statut de provocateur génial, il avait choisi, lui qui avait porté l'étoile jaune entre 1942 et 1944, de développer la thématique du nazisme sur cet album.
Trop génial comme idée ! Punk avant l'heure ! Trop destroy !
Seul problème, il a oublié de prendre un peu de temps pour écrire des textes corrects, soit autre chose que trois jeux de mots de suite et deux allitérations gainsbouriennes.
Si on est dans un bon jour, on peut sourire à l'écoute de "SS In Uruguay" ou "Zig Zig Avec Toi", mais si on compare avec son oeuvre passée et pas si lointaine, ça fait peur.
Comment dit-on déjà ? Auto-indulgence ?
J'ai lu que Jacky (oui, celui de Récré A2) était à l'époque son attaché de presse et avait eu un mal fou à essayer de vendre ce disque. Sans blague ?
Sergio s'est repris l'année suivante avec L'Homme A Tête De Chou, mais les belles années sont passées.
Gainsbourg avait toujours eu envie d'enregistrer un vrai disque de rock.
Et alors, euh... il l'a fait en 1975.
C'est une vision du rock qui est un peu génante. Du boogie-variété, bien lourdaud et disgracieux. On a plus affaire à du Status Quo, ou à du Eddy Mitchell qu'à Doctor Feelgood ou Patti Smith qui excellaient cette année là.
Les textes sont encore plus embarrassants. Ayant obtenu depuis "Je T'aime Moi Non-Plus" un statut de provocateur génial, il avait choisi, lui qui avait porté l'étoile jaune entre 1942 et 1944, de développer la thématique du nazisme sur cet album.
Trop génial comme idée ! Punk avant l'heure ! Trop destroy !
Seul problème, il a oublié de prendre un peu de temps pour écrire des textes corrects, soit autre chose que trois jeux de mots de suite et deux allitérations gainsbouriennes.
Si on est dans un bon jour, on peut sourire à l'écoute de "SS In Uruguay" ou "Zig Zig Avec Toi", mais si on compare avec son oeuvre passée et pas si lointaine, ça fait peur.
Comment dit-on déjà ? Auto-indulgence ?
J'ai lu que Jacky (oui, celui de Récré A2) était à l'époque son attaché de presse et avait eu un mal fou à essayer de vendre ce disque. Sans blague ?
Sergio s'est repris l'année suivante avec L'Homme A Tête De Chou, mais les belles années sont passées.
Sans intérêt 8/20
Posté le 10 avril 2006 à 16 h 32 |
Rock Around The Bunker pourrait bien être dans l'oeuvre de Serge Gainsbourg l'album du basculement. Dès L'Homme A La Tête de Chou, opus qui suivra, il se répètera (en beauté) en reprenant le synopsis de M. Nelson : par amour fou un ‘dandy' sombre dans la folie, la belle crève.
C'est peut-être qu'avec Rock Around The Bunker, Gainsbourg a dit ce qui lui tenait à coeur après s'être ardemment mis en position (de force) pour le dire. Vedette de la chanson !
Le petit juif marqué par l'étoile, marqué par la France collaboratrice et raciste qui envoya à la mort 7O OOO personnes, marqué par la Shoah et ses 6 millions de victimes, et marqué dans son histoire familiale par les pogroms de Russie sort un album unique.
A noter que nous tenons là le prototype des albums de Gainsbarre. Après L'Homme A La Tête De Chou, très arrangé et encore très 'chanson française', véhicule idéal pour scénariser sa relation légendaire avec Jane B., notre homme débitera du reggae ou de l'electro... La notion de compositeur et d'arrangeur s'effacera. Tel un Andy W., il signera des signaux sonores, plaquera son logo et vendra.
Mais avec Rock Around The Bunker, Serge tient des propos de désespoir. Pas une phrase qui ne soit gratuite, chaque ligne est dure, féroce... Toute la cruauté du monde est évoquée. La bêtise ordinaire, la vulgarité de braves blaireaux allemands devenus SS. La collaboration horizontale (avec "Zig-Zig Avec toi"). Les motivations racistes mais aussi financières des nazis, leur hypocrisie et leur habileté pour cacher leurs crimes.
Et puis, coeur de folie... Ce moment où Gainsbourg endosse l'identité de Hitler pour évoquer "Smoke Gets In Your Eyes"... Un sommet d'humour noir... Hitler a lancé la solution finale... les cheminées des chambres à gaz crachent leurs sinistres panaches... et Eva s'entiche d'un tube qui répète, ad nauseum, ‘La fumée te monte aux yeux...' De quoi rendre nerveux le dictateur.
Il y a du Chaplin dans cet album ! Et chaque gag fait très mal. Jusqu'à l'ultime conclusion : "SS In Urugay". Un bijou navrant et drôle.
Et encore : le gamin qui a gagné la Yellow Star ! Et qui croit y lire Big Chief ou Sheriff. C'est le décalage de La Vie Est Belle, trente ans auparavant. A propos de cinéma, il y a bien entendu l'influence de Visconti dans ces ‘tatas teutonnes' qui se travestissent pour mieux assassiner.
Il suffit de lire La Destruction Des Juifs d'Europe, une épaisse somme scientifique pour comprendre la puissance de l'intelligence Gainsbourienne. En quelques chansons il dit tout, en passant par des raccourcis fulgurants ! Il ne commet aucune des erreurs d'autres artistes sur le même sujet. Pour Gainsbourg, pas besoin de donner des noms, d'évoquer les camps, de faire du romantisme à trois sous.
Ce qui frappe aussi c'est la concision des textes, des joyaux. Mais c'est aussi ce qui poigne : une extrême souffrance murmurée, aucune illusion et pourtant tant d'humanité. Mais là le langage poussé à son degré de raffinement le plus extrême cède devant le ‘bloc d'abîme' envisagé.
Lorsque le disque parut en 75, il ne reçut qu'un accueil restreint. C'est que finalement personne ne comprenait où Gainsbourg voulait en venir. On savait. On savait un peu. On avait un peu conscience. Il y avait les fausses vérités d'état, les mensonges gaullistes, les visions communistes... Pour longtemps encore, Mitterrand (que Gainsbourg détestait pour 'ses prises de positions ambiguës dans le passé') restera ami avec Bousquet et protègera l'ancien commissaire aux affaires juives, Darquier de Pellepoix. Dans ces conditions, avec Rock Around The Bunker, Gainsbourg fait oeuvre de résistance et de combat. Au coeur des seventies giscardiennes, il publie une oeuvre iconoclaste, un chef d'oeuvre.
Effectivement la musique en est monotone, répétitive, besogneuse peut-être. Et c'est peut-être ce qui ajoute à l'étrangeté de ce disque poussif et fulgurant. Comme si Gainsbourg, rongé par le témoignage qu'il délivre, par le pamphlet au vitriol qu'il élabore perdait la foi. En l'homme, en la musique, en la France décidément trop gauloise, en lui-même.
L'homme à la tête de choux sera un ultime sursaut et le début de la fin. Gainsbarre arrive avec ses provocations médiatiques et quelques belles décompositions.
C'est peut-être qu'avec Rock Around The Bunker, Gainsbourg a dit ce qui lui tenait à coeur après s'être ardemment mis en position (de force) pour le dire. Vedette de la chanson !
Le petit juif marqué par l'étoile, marqué par la France collaboratrice et raciste qui envoya à la mort 7O OOO personnes, marqué par la Shoah et ses 6 millions de victimes, et marqué dans son histoire familiale par les pogroms de Russie sort un album unique.
A noter que nous tenons là le prototype des albums de Gainsbarre. Après L'Homme A La Tête De Chou, très arrangé et encore très 'chanson française', véhicule idéal pour scénariser sa relation légendaire avec Jane B., notre homme débitera du reggae ou de l'electro... La notion de compositeur et d'arrangeur s'effacera. Tel un Andy W., il signera des signaux sonores, plaquera son logo et vendra.
Mais avec Rock Around The Bunker, Serge tient des propos de désespoir. Pas une phrase qui ne soit gratuite, chaque ligne est dure, féroce... Toute la cruauté du monde est évoquée. La bêtise ordinaire, la vulgarité de braves blaireaux allemands devenus SS. La collaboration horizontale (avec "Zig-Zig Avec toi"). Les motivations racistes mais aussi financières des nazis, leur hypocrisie et leur habileté pour cacher leurs crimes.
Et puis, coeur de folie... Ce moment où Gainsbourg endosse l'identité de Hitler pour évoquer "Smoke Gets In Your Eyes"... Un sommet d'humour noir... Hitler a lancé la solution finale... les cheminées des chambres à gaz crachent leurs sinistres panaches... et Eva s'entiche d'un tube qui répète, ad nauseum, ‘La fumée te monte aux yeux...' De quoi rendre nerveux le dictateur.
Il y a du Chaplin dans cet album ! Et chaque gag fait très mal. Jusqu'à l'ultime conclusion : "SS In Urugay". Un bijou navrant et drôle.
Et encore : le gamin qui a gagné la Yellow Star ! Et qui croit y lire Big Chief ou Sheriff. C'est le décalage de La Vie Est Belle, trente ans auparavant. A propos de cinéma, il y a bien entendu l'influence de Visconti dans ces ‘tatas teutonnes' qui se travestissent pour mieux assassiner.
Il suffit de lire La Destruction Des Juifs d'Europe, une épaisse somme scientifique pour comprendre la puissance de l'intelligence Gainsbourienne. En quelques chansons il dit tout, en passant par des raccourcis fulgurants ! Il ne commet aucune des erreurs d'autres artistes sur le même sujet. Pour Gainsbourg, pas besoin de donner des noms, d'évoquer les camps, de faire du romantisme à trois sous.
Ce qui frappe aussi c'est la concision des textes, des joyaux. Mais c'est aussi ce qui poigne : une extrême souffrance murmurée, aucune illusion et pourtant tant d'humanité. Mais là le langage poussé à son degré de raffinement le plus extrême cède devant le ‘bloc d'abîme' envisagé.
Lorsque le disque parut en 75, il ne reçut qu'un accueil restreint. C'est que finalement personne ne comprenait où Gainsbourg voulait en venir. On savait. On savait un peu. On avait un peu conscience. Il y avait les fausses vérités d'état, les mensonges gaullistes, les visions communistes... Pour longtemps encore, Mitterrand (que Gainsbourg détestait pour 'ses prises de positions ambiguës dans le passé') restera ami avec Bousquet et protègera l'ancien commissaire aux affaires juives, Darquier de Pellepoix. Dans ces conditions, avec Rock Around The Bunker, Gainsbourg fait oeuvre de résistance et de combat. Au coeur des seventies giscardiennes, il publie une oeuvre iconoclaste, un chef d'oeuvre.
Effectivement la musique en est monotone, répétitive, besogneuse peut-être. Et c'est peut-être ce qui ajoute à l'étrangeté de ce disque poussif et fulgurant. Comme si Gainsbourg, rongé par le témoignage qu'il délivre, par le pamphlet au vitriol qu'il élabore perdait la foi. En l'homme, en la musique, en la France décidément trop gauloise, en lui-même.
L'homme à la tête de choux sera un ultime sursaut et le début de la fin. Gainsbarre arrive avec ses provocations médiatiques et quelques belles décompositions.
Intemporel ! ! ! 20/20
Posté le 24 décembre 2009 à 11 h 48 |
Il est curieux de constater combien les disques de Serge ont pu être ignorés dans les années 70, et à quel point ils sont appréciés, pour ne pas dire vénérés, par les dernières génération. Nos anciens avaient-ils de la suie dans les oreilles ? Le fait de cotoyer Serge Gainsbourg télévisuellement parlant par l'intermédiaire des nombreux shows TV ne l'aurait-il pas desservi au finalc? Apparemment, mis à part quelques mecs concernés style Eudeline, peu de gens à cette époque, ont repéré la classe naturelle de Gainsbourg dans sa façon de parler, d'être, qu'on retrouve d'ailleurs chez sa fille. C'est inné la classe. Et Dieu sait que ses disques seventies en débordaient. Rock Around The Bunker est sans doute le moins facile d'accès, peut-être peut-on penser avoir affaire à une farce. Mais en fait si on écoute les textes, si on réfléchi un minimum à ce qu'il raconte, si on fait un tant soit peu les liens qu'il faut, putain quelle avance il avait le Serge. Les guitares priment dans l'affaire, c'est vrai, mais pas de parodie pour autant, ça rocke sans être indigeste. Il est soufflant ce disque, et je me demande bien qui pourrait faire ça aujourd'hui, mais l'époque le permet -elle ? En tout cas il est vivement conseiller de se pencher sur Rock Around The Bunker, merci aux gars qui le font (Rachid Taha, Julien Doré), ça change des sempiternelles masturbations sur Melody Nelson (ah ces cordes, oh cette basse, ah quelle histoire, quel dandy ce Serge). Le dandy, c'est ici qu'il se trouve.
Intemporel ! ! ! 20/20
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