Lou Reed
Magic And Loss |
Label :
Sire |
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Il y a une arnaque comme quoi les dinosaures des sixties ont traversés le désert durant les eighties et, comme par miracle, ont tous sauvés leur peau avec un album comeback sorti en 89. Bob Dylan avec Oh Mercy. Paul McCartney avec Flowers in the Dirt. Neil Young avec Freedom. Et Lou Reed avec New York. J'ai longtemps cru à cette théorie parce que, comme n'importe quel gamin construisant sa culture musicale, j'ai longtemps cru à la mythologie rock'n'roll. Depuis, j'ai pu découvrir les nuances derrière les légendes façonnés par l'histoire officielle et m'apercevoir que les discographies sont plus riches et tortueuses qu'on a bien voulu me faire croire.
J'aime bien le cru comeback de 89 mais je trouve presque plus intéressant de voir ce que les artistes ont fait de cette crédibilité retrouvée. Bob Dylan en a fait Under the Red Sky, un pas en arrière qui l'obligera à refaire un comeback sept ans plus tard. McCartney souffrira lui aussi du syndrome mi-90's médiocre jusqu'au second comeback album de 97. Neil Young va inscrire sa renaissance dans la durée avec l'aide d'une scène rock alternatif qui le vénère. Et Lou Reed ? Face au double succès de New York et Songs for Drella, il a bien envie de nous refaire un album concept. Au début, le thème choisi est la Magie. Au final, ce sera la Mort. Ou un mélange des deux. Magic and Loss donc.
À peine remis de la disparition d'Andy Warhol, Lou perd en l'espace de quelques mois deux autres figures emblématiques de la Factory : le songwriter Doc Pomus, responsable de son entrée dans le show-business et Kenneth Rapp AKA Rita, dealer et partenaire bisexuel du gratin underground. Deux compagnons bouffés par le cancer. Lou s'enferme en studio pour immortaliser son deuil et faire le procès tragi-comique d'une maladie qui finira par l'emporter vingt ans plus tard.
Contrairement à sa collaboration avec John Cale sur Songs for Drella, toute distance émotionnelle est effacée et on est dans de l'autobiographique qui serait totalement morbide sans l'humour d'un vieux ronchon qui a manqué une carrière dans le stand-up. Son parlé-chanté colle parfaitement bien à cette longue eulogie improvisée où rien ne nous est épargné : séances de chimios, dégradations physiques et lente agonie. Musicalement, c'est épuré, monotone et au service du récital à fleur de peau. Ça peut ennuyer à la longue mais si on se plonge là-dedans avec son propre deuil, si on se laisse embarquer par le concept, ces confessions intimes ont de quoi émouvoir avec le minimum nécessaire. Trois accords, des détails précis plutôt que de grandes déclarations sur l'existence et la catharsis fonctionne. Peut-être que dix chansons auront suffi. Peut-être que "Cremation (Ashes to Ashes)" et "No Chance (Regret)" étaient assez. Mais Lou Reed nous a offert quatorze morceaux que je vous invite à ressortir si le cancer rôde autour de vous.
Plutôt bien accueilli par la critique, Magic and Loss a vite pris la poussière et est resté dans l'ombre des deux albums précédents. Je l'ai redécouvert à la mort de Lou Reed et j'ai trouvé ça beau d'entendre qu'à l'époque de son soi-disant comeback, il avait déjà prévu sa disparition.
Now the coal black sea waits for me, me, me
The coal black sea waits forever
When I leave this joint
At some further point
The same coal black sea will it be waiting
J'aime bien le cru comeback de 89 mais je trouve presque plus intéressant de voir ce que les artistes ont fait de cette crédibilité retrouvée. Bob Dylan en a fait Under the Red Sky, un pas en arrière qui l'obligera à refaire un comeback sept ans plus tard. McCartney souffrira lui aussi du syndrome mi-90's médiocre jusqu'au second comeback album de 97. Neil Young va inscrire sa renaissance dans la durée avec l'aide d'une scène rock alternatif qui le vénère. Et Lou Reed ? Face au double succès de New York et Songs for Drella, il a bien envie de nous refaire un album concept. Au début, le thème choisi est la Magie. Au final, ce sera la Mort. Ou un mélange des deux. Magic and Loss donc.
À peine remis de la disparition d'Andy Warhol, Lou perd en l'espace de quelques mois deux autres figures emblématiques de la Factory : le songwriter Doc Pomus, responsable de son entrée dans le show-business et Kenneth Rapp AKA Rita, dealer et partenaire bisexuel du gratin underground. Deux compagnons bouffés par le cancer. Lou s'enferme en studio pour immortaliser son deuil et faire le procès tragi-comique d'une maladie qui finira par l'emporter vingt ans plus tard.
Contrairement à sa collaboration avec John Cale sur Songs for Drella, toute distance émotionnelle est effacée et on est dans de l'autobiographique qui serait totalement morbide sans l'humour d'un vieux ronchon qui a manqué une carrière dans le stand-up. Son parlé-chanté colle parfaitement bien à cette longue eulogie improvisée où rien ne nous est épargné : séances de chimios, dégradations physiques et lente agonie. Musicalement, c'est épuré, monotone et au service du récital à fleur de peau. Ça peut ennuyer à la longue mais si on se plonge là-dedans avec son propre deuil, si on se laisse embarquer par le concept, ces confessions intimes ont de quoi émouvoir avec le minimum nécessaire. Trois accords, des détails précis plutôt que de grandes déclarations sur l'existence et la catharsis fonctionne. Peut-être que dix chansons auront suffi. Peut-être que "Cremation (Ashes to Ashes)" et "No Chance (Regret)" étaient assez. Mais Lou Reed nous a offert quatorze morceaux que je vous invite à ressortir si le cancer rôde autour de vous.
Plutôt bien accueilli par la critique, Magic and Loss a vite pris la poussière et est resté dans l'ombre des deux albums précédents. Je l'ai redécouvert à la mort de Lou Reed et j'ai trouvé ça beau d'entendre qu'à l'époque de son soi-disant comeback, il avait déjà prévu sa disparition.
Now the coal black sea waits for me, me, me
The coal black sea waits forever
When I leave this joint
At some further point
The same coal black sea will it be waiting
Bon 15/20 | par Dylanesque |
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