Lou Reed
Bruxelles - Belgique [Forest National] - lundi 18 juin 2007 |
Deux jours avant le concert, la pression montait, je ressentais de plus en plus perceptiblement ce qu'on appelle communément de l'appréhension se caractérisant par une montée d'adrénaline ou le plus souvent par une légère mais réelle pression au niveau du coeur. C'est que le lundi qui arrivait je devais me rendre à la première du Berlin 2007 European Tour de Lewis Alan Reed alias Rock'n'roll Animal alias Lou Reed. L'album en question, le chef d'oeuvre reconnu de son auteur, je ne l'avais pas sorti de sa pochette depuis au moins deux mois, ce qui je crois bien constitue un record depuis la première fois ou je l'écoutai allongé sur le canapé de mon ancien appartement, et cela volontairement pour arriver à nouveau vierge face à ce monument. Le lundi arriva enfin et tout se passa de manière à en faire un jour à part. Cette journée fut électrique, l'orage gronda sur Bruxelles, la chaleur fut oppressante dès le lever du soleil et encore bien plus tard à la sortie du concert le thermomètre flirtait avec les 30 degrés celsius.
Mais qu'est-ce qui a bien pu pousser Lou dans cette entreprise peu habituelle pour lui de tournée des grandes salles européennes pour y jouer un album vieux de plus de 30 ans. L'argent viendra à l'esprit des sceptiques, et c'est probablement vrai en partie, le prix des billets (entre 40 et 80 euros) ainsi que le prix des t-shirts vendus au stand officiel de l'artiste (des t-shirts et rien d'autre!) semblent confirmer cette hypothèse. Evidemment la vérité est ailleurs, et les vraies raisons ne sont pas vénales. C'est bien la vengeance qui est le premier moteur de cette entreprise; A sa sortie en 1973, Berlin fut un véritable échec tant critique que commercial et Lou ne s'en est jamais vraiment remis. Le goût amer du succès de Transformer dans la bouche (en plus de celui du bourbon), Lou avec Berlin voulut montrer au monde entier l'étendue de son génie; mais avant même sa sortie tout était mal parti, la maison de disque (dont les initiales sont RCA) face à la démesure sordide de ce disque (qu'elle espérait dans la lignée de Transfomer) trancha sans mauvaise conscience dans le disque qui devait être un double album. L'interprétation scénique de Berlin était prévue et devait couronner son succès critique et commercial mais tout ceci n'arriva pas... 30 ans plus tard, Berlin est un disque culte (il l'est devenu à peine quelques années après sa sortie) et Lou Reed n'a cessé, d'interview en best of, d'en faire la promotion, déjà par vengeance et par sadisme à l'égard des rock critics imbéciles et du public acquis grâce à Transformer. On imagine aisément que lorsque quelques uns de ses-amis-de-l'élite-artistique-newyorkaise, Julian Schnabel en tête, l'ont enjoint de reprendre Berlin sur scène à New York, le père Lou n'a pas du être long à convaincre. Cela eu lieu en décembre dernier à New York et en janvier en Australie. Ses fans européens n'avaient plus qu'à prier ou à attendre sagement la sortie d'un probable DVD. Puis la nouvelle tomba, Lou se déplacerait finalement en Europe pour une série de représentations exceptionnelles.
A 20H40 dans un Forest National rempli de 5000 spectateurs et avec 40 minutes de retard, Lou et son groupe entrent sur scène; vêtu d'un simple t-shirt rouge et d'un jean, il parait fragile et presque maigre. Impossible de distinguer ses traits à cette distance, inutile de toute façon car déjà c'est parti, le rideau derrière le groupe s'ouvre devant douze jeunes âmes et quelques musiciens classiques (cordes et cuivres), mais également le batteur enfermé dans une cage transparente. Un rapide chorus de "Sad Song" est interprété, suivi du décompte familier... puis les premières notes au piano se font entendre, simples et parfaites... Lou s'approche du micro et de sa voix grave et maîtrisée prononce les premiers mots... 'In Berlin by the wall...' L'intro de "Lady Day" explose ensuite, le batteur est survolté et la section classique suit, indispensable! La voix de Lou Reed est parfaite, il ne se lance pas dans de vaines réinterprétations de ses classiques intemporels. Derrière lui un mur au papier peint désuet sert d'écran sur lequel sont projetées des images style film amateur de Caroline et Jim. Le choeur d'enfants est justifié et la mise en scène n'en abuse pas, fort heureusement. Menant tout cela de belle manière, Lou est un parfait narrateur/chef d'orchestre gesticulant au gré de l'histoire. "Men Of Good Fortune" est un sommet de ce début de concert et l'on se demande si son auteur l'a souvent joué au cours de sa longue carrière. "Caroline Says I" et "How Do You Think It Feels" sont sublimées par les interventions de la section classique. Ce soir, "Oh Jim" devient un Blues underground et offre au public reconnaissant une confrontation entre Steve Hunter (seul rescapé du groupe originel) et Lou, tous les deux à la guitare. Suit un interlude, non présent sur l'album original, marquant le changement de face sur le format d'origine. Il reste quatre morceaux, la face B dans son intégralité! "Caroline Says II" est saluée par le public et annonce la dernière ligne droite, triste comme peu d'autres disques. Sur "The Kids" Hunter passe à la guitare acoustique et l'assemblée est aux abois; vers le milieu du morceau, la basse de Fernando Saunders résonne et l'on sait ce qui va suivre... le choeur et la choriste se lancent dans des fredonnements aériens lorsque surgissent les pleurs originaux des enfants de Bob Ezrin à un volume assourdissant (ils l'ont fait!). Ces quelques secondes sont insoutenables et font (pour de vrai) froid dans le dos. "The Bed" est sublime, sur l'écran Emmanuelle Seigner (dans le rôle de Caroline) déambule dans l'appartement vide à la recherche de ses enfants disparus; à la fin du morceau les choeurs servent de transition (comme sur le disque) à la conclusion, "Sad Song". Les cordes, les cuivres, les choeurs, le solo de Steve Hunter et la voix de Lou se mêlent dans un feu d'artifice symphonique portant l'émotion au plus haut, de toute beauté! A la fin du morceau, le public se lève progressivement pour une ovation de 10 minutes que Lou et ses musiciens semblent savourer. Quel moment incroyable à vivre, 5000 personnes debout applaudissant et hurlant à tout rompre. On est loin de l'intimité ressentie lors de l'écoute solitaire de ce disque merveilleux, d'autant plus que parmi les 5000 spectateurs, beaucoup ne connaissent probablement de Lou Reed que "Walk On The Wild Side"; d'autres pendant le concert ne purent s'empêcher de rater un ou deux morceaux pour aller chercher des gobelets de bière, pourtant c'est émouvant de voir cet homme ovationné pour une oeuvre qu'on insulta presque à sa sortie. Lou, avant de partir, présente ses musiciens et remercie le public chaleureusement (le sourire aux lèvres) à plusieurs reprises!
La scène est vide mais le public est survolté... Ils finissent par revenir toujours sous les applaudissements, les spectateurs se rassoient pendant que les musiciens se préparent quand résonne un riff si pur et si familier, celui de "Sweet Jane". Le public explose, j'en profite pour m'enfuir de ma place numérotée afin de me rapprocher au plus près de la scène. L'interprétation est terrible et l'on se prend à rêver d'un mini concert rock'n'roll dans la foulée de "Berlin". Pour le second morceau, c'est le bassiste qui commence à chanter ce que l'on reconnaît être "Satellite Of Love", Lou finit par reprendre le contrôle et livre, accompagné du choeur, une fin de chanson terrible. Malheureusement pour ce qui se révèlera être la dernière chanson de ce rappel, Lou obligé de faire plaisir au public ayant déboursé une jolie somme entame son unique vrai tube " Walk On The Wild Side ". Sur Transformer, cette chanson est géniale avec la contrebasse et le saxo mais en live je ne connais aucune version réussie de ce morceau (que ça soit en DVD ou en CD). Evidemment les spectateurs exultent mais très vite on manque de s'endormir, surtout qu'ici les chorus des 'colored girls' sont remplacés par ceux des enfants! Sur scène, Lou tire la gueule et on le comprend, 30 ans plus tard la malédiction est tenace, Transformer le poursuit même lors de ce Berlin Tour. Malgré tout, le morceau fini il remercie à nouveau le public, ses musiciens et s'en va. Alors que tout le monde croit à un second rappel et frappe des mains et des pieds, Lou ne revient pas, provoquant même quelques sifflets épars. C'est que Lou est un rocker, il a 65 ans et il fait ce qu'il veut, surtout si ce qu'il veut c'est laisser à ses fans un sentiment de grand bonheur mêlé à de la frustration. C'est lui la rock star et même s'il ne résiste pas toujours à certaines concessions il aura toujours le dernier mot.
Mais qu'est-ce qui a bien pu pousser Lou dans cette entreprise peu habituelle pour lui de tournée des grandes salles européennes pour y jouer un album vieux de plus de 30 ans. L'argent viendra à l'esprit des sceptiques, et c'est probablement vrai en partie, le prix des billets (entre 40 et 80 euros) ainsi que le prix des t-shirts vendus au stand officiel de l'artiste (des t-shirts et rien d'autre!) semblent confirmer cette hypothèse. Evidemment la vérité est ailleurs, et les vraies raisons ne sont pas vénales. C'est bien la vengeance qui est le premier moteur de cette entreprise; A sa sortie en 1973, Berlin fut un véritable échec tant critique que commercial et Lou ne s'en est jamais vraiment remis. Le goût amer du succès de Transformer dans la bouche (en plus de celui du bourbon), Lou avec Berlin voulut montrer au monde entier l'étendue de son génie; mais avant même sa sortie tout était mal parti, la maison de disque (dont les initiales sont RCA) face à la démesure sordide de ce disque (qu'elle espérait dans la lignée de Transfomer) trancha sans mauvaise conscience dans le disque qui devait être un double album. L'interprétation scénique de Berlin était prévue et devait couronner son succès critique et commercial mais tout ceci n'arriva pas... 30 ans plus tard, Berlin est un disque culte (il l'est devenu à peine quelques années après sa sortie) et Lou Reed n'a cessé, d'interview en best of, d'en faire la promotion, déjà par vengeance et par sadisme à l'égard des rock critics imbéciles et du public acquis grâce à Transformer. On imagine aisément que lorsque quelques uns de ses-amis-de-l'élite-artistique-newyorkaise, Julian Schnabel en tête, l'ont enjoint de reprendre Berlin sur scène à New York, le père Lou n'a pas du être long à convaincre. Cela eu lieu en décembre dernier à New York et en janvier en Australie. Ses fans européens n'avaient plus qu'à prier ou à attendre sagement la sortie d'un probable DVD. Puis la nouvelle tomba, Lou se déplacerait finalement en Europe pour une série de représentations exceptionnelles.
A 20H40 dans un Forest National rempli de 5000 spectateurs et avec 40 minutes de retard, Lou et son groupe entrent sur scène; vêtu d'un simple t-shirt rouge et d'un jean, il parait fragile et presque maigre. Impossible de distinguer ses traits à cette distance, inutile de toute façon car déjà c'est parti, le rideau derrière le groupe s'ouvre devant douze jeunes âmes et quelques musiciens classiques (cordes et cuivres), mais également le batteur enfermé dans une cage transparente. Un rapide chorus de "Sad Song" est interprété, suivi du décompte familier... puis les premières notes au piano se font entendre, simples et parfaites... Lou s'approche du micro et de sa voix grave et maîtrisée prononce les premiers mots... 'In Berlin by the wall...' L'intro de "Lady Day" explose ensuite, le batteur est survolté et la section classique suit, indispensable! La voix de Lou Reed est parfaite, il ne se lance pas dans de vaines réinterprétations de ses classiques intemporels. Derrière lui un mur au papier peint désuet sert d'écran sur lequel sont projetées des images style film amateur de Caroline et Jim. Le choeur d'enfants est justifié et la mise en scène n'en abuse pas, fort heureusement. Menant tout cela de belle manière, Lou est un parfait narrateur/chef d'orchestre gesticulant au gré de l'histoire. "Men Of Good Fortune" est un sommet de ce début de concert et l'on se demande si son auteur l'a souvent joué au cours de sa longue carrière. "Caroline Says I" et "How Do You Think It Feels" sont sublimées par les interventions de la section classique. Ce soir, "Oh Jim" devient un Blues underground et offre au public reconnaissant une confrontation entre Steve Hunter (seul rescapé du groupe originel) et Lou, tous les deux à la guitare. Suit un interlude, non présent sur l'album original, marquant le changement de face sur le format d'origine. Il reste quatre morceaux, la face B dans son intégralité! "Caroline Says II" est saluée par le public et annonce la dernière ligne droite, triste comme peu d'autres disques. Sur "The Kids" Hunter passe à la guitare acoustique et l'assemblée est aux abois; vers le milieu du morceau, la basse de Fernando Saunders résonne et l'on sait ce qui va suivre... le choeur et la choriste se lancent dans des fredonnements aériens lorsque surgissent les pleurs originaux des enfants de Bob Ezrin à un volume assourdissant (ils l'ont fait!). Ces quelques secondes sont insoutenables et font (pour de vrai) froid dans le dos. "The Bed" est sublime, sur l'écran Emmanuelle Seigner (dans le rôle de Caroline) déambule dans l'appartement vide à la recherche de ses enfants disparus; à la fin du morceau les choeurs servent de transition (comme sur le disque) à la conclusion, "Sad Song". Les cordes, les cuivres, les choeurs, le solo de Steve Hunter et la voix de Lou se mêlent dans un feu d'artifice symphonique portant l'émotion au plus haut, de toute beauté! A la fin du morceau, le public se lève progressivement pour une ovation de 10 minutes que Lou et ses musiciens semblent savourer. Quel moment incroyable à vivre, 5000 personnes debout applaudissant et hurlant à tout rompre. On est loin de l'intimité ressentie lors de l'écoute solitaire de ce disque merveilleux, d'autant plus que parmi les 5000 spectateurs, beaucoup ne connaissent probablement de Lou Reed que "Walk On The Wild Side"; d'autres pendant le concert ne purent s'empêcher de rater un ou deux morceaux pour aller chercher des gobelets de bière, pourtant c'est émouvant de voir cet homme ovationné pour une oeuvre qu'on insulta presque à sa sortie. Lou, avant de partir, présente ses musiciens et remercie le public chaleureusement (le sourire aux lèvres) à plusieurs reprises!
La scène est vide mais le public est survolté... Ils finissent par revenir toujours sous les applaudissements, les spectateurs se rassoient pendant que les musiciens se préparent quand résonne un riff si pur et si familier, celui de "Sweet Jane". Le public explose, j'en profite pour m'enfuir de ma place numérotée afin de me rapprocher au plus près de la scène. L'interprétation est terrible et l'on se prend à rêver d'un mini concert rock'n'roll dans la foulée de "Berlin". Pour le second morceau, c'est le bassiste qui commence à chanter ce que l'on reconnaît être "Satellite Of Love", Lou finit par reprendre le contrôle et livre, accompagné du choeur, une fin de chanson terrible. Malheureusement pour ce qui se révèlera être la dernière chanson de ce rappel, Lou obligé de faire plaisir au public ayant déboursé une jolie somme entame son unique vrai tube " Walk On The Wild Side ". Sur Transformer, cette chanson est géniale avec la contrebasse et le saxo mais en live je ne connais aucune version réussie de ce morceau (que ça soit en DVD ou en CD). Evidemment les spectateurs exultent mais très vite on manque de s'endormir, surtout qu'ici les chorus des 'colored girls' sont remplacés par ceux des enfants! Sur scène, Lou tire la gueule et on le comprend, 30 ans plus tard la malédiction est tenace, Transformer le poursuit même lors de ce Berlin Tour. Malgré tout, le morceau fini il remercie à nouveau le public, ses musiciens et s'en va. Alors que tout le monde croit à un second rappel et frappe des mains et des pieds, Lou ne revient pas, provoquant même quelques sifflets épars. C'est que Lou est un rocker, il a 65 ans et il fait ce qu'il veut, surtout si ce qu'il veut c'est laisser à ses fans un sentiment de grand bonheur mêlé à de la frustration. C'est lui la rock star et même s'il ne résiste pas toujours à certaines concessions il aura toujours le dernier mot.
Très bon 16/20 | par Bobby Joe |
Crédit photos : © Isabel Pousset (www.isabelpousset.be)
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