Ryan Adams

Love Is Hell

Love Is Hell

 Label :     Lost Highway 
 Sortie :    mardi 04 mai 2004 
 Format :  Album / CD   

Le voilà, l'album refusé, l'album renvoyé dans les cordes par la maison de disque de Ryan Adams. "Non commercialement viable", voilà l'excuse donnée par Lost Highway Records. Elle accepte de le publier en deux EP qui sortent à un mois d'intervalle, non loin du précédent album. L'album dans son intégralité sort en mai 2004. Love Is Hell en version intégrale est enfin livré au public. Et il est vrai que l'album n'a pas été un succès commercial fabuleux, comme avait pu l'être Gold ...
Lost Highway avait donc raison ? L'album est trop hermétique pour le public ? Un suicide commercial ? A l'écoute de l'album, il semble néanmoins que non. Ce n'est pas une de ces oeuvres impossibles pour le grand public. Ce n'est pas un Berlin des années 2000, loin de là ... On peut ainsi attribuer l'insuccès relatif de l'album à une campagne médiatique ratée, plus qu'à une impossibilité d'appréhension de l'album.

Album sombre et mélancolique ? Certainement. Album impossible ? Aucunement ! Adams livre un album de pop acoustique qui est parfaitement maitrisé et se pose comme le digne successeur de ses deux premiers albums. Il allie le professionnalisme du second avec le spleen du premier, composant une oeuvre compacte, brillant d'un éclat sombre dans son homogénéité, un éclat de spleen, mais d'espoir aussi. Adams livre un album particulièrement noir de jais. Mais lustré, délivrant une impression crépusculaire, composée dans une grande enceinte vide. Une petite chapelle de sensibilité qui s'ouvre à l'auditeur. Et qui contrairement à la réputation, se livre sans opacité.
Réussissant la synthèse pop, country, folk et musique alternative, Adams forme un album particulièrement homogène sans être ennuyeux. L'album s'ouvre ainsi avec un morceau unique dans la carrière d'Adams, le somptueux "Political Scientist", à cent lieux du style habituel de l'auteur. Un morceau parfait qui révèle ce que va être la seconde partie de l'album. Cependant, la première partie joue plutôt dans le registre du clair obscur, des textes tristes étant portés par des mélodies presque guillerettes. "Anybody Wanna Take Me Home", déjà présent sur l'album précédent, en est un exemple parlant, comme le puissant "Love Is Hell", dont je n'ai pas besoin d'expliciter le thème. Sombre, mais très accessible.

La seconde partie est elle en effet, bien plus exigeante pour l'auditeur, mais le plaisir n'en est que décuplé. Des morceaux dépouillés, parfois limité à la voix piano, qui touchent et réchauffent. Cela émeut facilement. La beauté de certains morceaux est époustouflante. "Avalanche" est probablement un des plus beaux morceaux d'Adams, déchirant au possible, porté par la voix chevrotante du chanteur qui traverse une période difficile et cela se sent sur le grain de voix. Plus country-folk, la fin de l'album reste sobre et fraiche, belle à en pleurer encore une fois, comme le terrible "I See Monsters", exorcisme personnel bouleversant de justesse.
l'album se termine sur le presque jazzy "Hotel Chelsea Night", groovy et montrant un groupe au top de sa forme pour accompagner Adams dans un morceau qui aurait pu être écrit par Prince. Oui, par Prince ! Car Adams révèle encore son ouverture musicale, reprise de "Wonderwall", au demeurant très bonne, à l'appui.

Album phare de la discographie d'Adams, beau à en couper le souffle, révélant une fragilité totale, mais maitrisée, toujours sur le bord de l'implosion, Adams prouve que son égo n'a d'égal que son talent. Il lui faut maintenant un groupe pour l'épauler dans ses projets toujours plus nombreux. Mais avant cela, Love Is Hell est l'oeuvre d'un homme livré à lui-même qui doit trier ses démons pour livrer un chef d'oeuvre de noir douceur.


Exceptionnel ! !   19/20
par Bona


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