Iggy Pop

Avenue B

Avenue B

 Label :     Virgin 
 Sortie :    mardi 14 septembre 1999 
 Format :  Album / CD   

Album atypique dans une disographie atypique, Avenue B restera dans l'histoire comme un virage non-confirmé dans la discographie d'Iggy Pop. N'en déplaise à beaucoup de détracteurs, j'estime pour ma part que c'est dommage car l'essai valait le coup et le disque, aussi surprenant que déroutant, s'avère très riche à l'oreille.

La voix de l'iguane se fait posée, grave à souhait, sur fond de guitares acoustiques et de mélodies simples mais travaillées. S'apparentant parfois au jazz, parfois au rock plus classique d'Iggy Pop, parfois à la ballade acoustique déprimée, Avenue B a été, c'est le moins que l'on puisse dire, diversement accueilli par la critique internationale. A l'écoute d'un superbe "Miss Argentina", il me paraît difficile de crier au scandale comme certains ont pu le faire. Le détour vers l'univers d'un Tom Waits était risqué mais la qualité du titre aurait du faire taire tout le monde.

Je ne crie pas au génie non plus, il ne faut pas exagérer. Cet Avenue B est loin d'atteindre les sommets de l'oeuvre de l'ex-leader des Stooges. On n'y retrouve ni le malaise rageur, ni la complexité des textes, ni l'émergence d'une originalité dans l'approche. Mais force est de constater que, côté rock, on est plutôt dans du bon Iggy ("No Shit", "Corruption"), côté ballades aussi ("Nazi Girlfriend" et ce "Miss Argentina" donc). Alors pourquoi cracher dans la soupe juste parce qu'elle a un goût différent de tout ce qu'on avait connu du cuisinier ?

Avenue B est un album à découvrir, qui dévoile une face encore inexploitée du talent d'Iggy Pop. Disque crépusculaire, posé et triste, sombrant parfois dans le remplissage mais compilant de très bonnes chansons, il est un passage obligé pour le fan moyen d'Iggy Pop ou des Stooges afin d'apprécier l'artiste dans ses autres frasques que le rock brutal et punk des débuts.


Correct   12/20
par Sinoc


 Moyenne 14.33/20 

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Posté le 08 février 2008 à 12 h 04

Avenue B, l'avenue qu'emprunte les laissés pour compte, les losers et autres clochards, l'avenue que les gens importants préfèrent ignorer sachant qu'elle n'est jamais si loin d'eux. Cette avenue, Iggy l'a souvent arpentée : avec les Stooges, plongé dans l'anonymat, pendant sa dépression opiacée post-74, pendant ces terribles années 80 qui le voyaient errer sans maison de disque et, pire, sans talent. Avant qu'une tardive reconnaissance internationale ne vienne le remettre sur les grands boulevards, l'iguane a donc longtemps trainé sa carcasse sur cette avenue malfamée.
Cet album est finalement son hommage à cette faune de perdants, de déviants ou de camés. Musicalement, Iggy est à un stade de sa carrière où il peut tout se permettre, personne, et surtout pas les cols blancs de Virgin, ne viendra essayer de lui entendre raison. Iggy se permet donc d'envisager son personnage, non plus comme la bête rock autodestructive, mais comme le crooner assagi revenu des pires excès. Et ça marche : conviant un trio jazz new yorkais très réputé sur les trois meilleurs titres de l'album, Iggy s'en sort haut la main et les doigts dans le nez. Très à l'aise dans ce registre, Iggy croone ou swingue de sa voix grave et suave. La chanson titre est un vrai bonheur, fine et enjouée, mais aussi mélancolique et désabusée. Iggy est vieux et il s'en rend compte. Mais le plaisir est toujours là. "I Felt The Luxury" est époustoufflante : sur une rythmique très achurée, et dans une ambiance jazz très sombre, Iggy ne chante pas raconte avec désinvolture une histoire d'amour avec une femme peu fréquentable. Totalement novatrice et courageuse, cette chanson peut désarmer le fan de base mais pour qui est assez aventureux, cette longue plage est un régal.
Que le fan se rassure, Iggy n'oublie pas ici et là de saupoudrer son album de quelques rock bien couillus : "Corruption" ou "Shakin' All Over" devraient suffir à combler les plus sceptiques. Ailleurs, le Iggy assagi chante quelques ballades inspirées et mélancoliques sur les années qui passent, et le ravage qu'elles font sur son corps.
Album courageux et original, il n'en demeurre pas moins une réussite, et reste, chez les fans de Iggy Pop qui aiment son côté aventureux et touche à tout, un de ses albums les plus attachants. Merci...
Très bon   16/20



Posté le 19 août 2015 à 15 h 06

Un synthé badamalentiesque surgit, menace, persiste dans le mystère, puis les mots arrivent... Ceux d'un homme qui fait le bilan de sa vie, coïncidant avec la fin d'un siècle et avec le demi qui frappe notre monsieur Pop en plein coeur ( Dès fois, comme c'est si bien dit dans The Big Lebowski, "ce n'est pas vous qui cognez le bar, c'est le bar qui vous cogne..."). Il fait froid, la voix est profonde, revenue des excès qui ont pu consommer le bonhomme. Nous venons d'écouter "No Shit", premier morceau d'une série où le même motif musical sera repris ou légèrement détourné, pour appuyer des paroles crépusculaires, à l'hiver de la vie, entre résolution, acceptation et plein d'autres concepts que l'on pourrait juger poseurs ou éculés.

Mais réduire Avenue B à une accumulation de chansons où la profondeur de la réflexion sur l'âge et les excès passés sur une musique écrite pour passer ses soirées près d'une cheminée dont le bois brûle avec peine en sirotant un whisky quelque peu passé ne serait pas complètement juste. Il y a quand même de la chaleur dans ce disque, et quelques moments électrisants, parfois même drôles.
Ceux qui aiment Iggy Pop pour sa folie et sa rage seront donc forcément un peu déçus par cet exercice, les autres qui apprécient avec curiosité les diverses facettes du personnage sauront sûrement y trouver leur petite dose de bonheur.

Après l'intro qui ne nous présente pas le panneau de Twin Peaks mais celui de l'Avenue B, nous rencontrons la petite amie nazie du bonhomme, à la beauté passée mais qui suscite encore l'excitation de notre quinquagénaire: Etait-ce Ilsa, La Louve Des S.S.?... Le texte et la mélodie sont tendres et graves, naturels malgré cette propension du disque à rentrer dans une posture.
Mais finalement quand arrive "Avenue B", une sorte de chaleur se dégage, malgré la lose ambiante, avec ses guitares acoustiques qui réchauffent le coeur. Le bois dans la cheminée a finalement pris. "Miss Argentina" évoque un autre amour, un peu plus chaleureux donc, malgré le danger qui pointe et une posture plus réflexive. Malgré tout, la douceur est toujours là, dans le timbre serein d'Iggy.
On revient aux réflexions métaphysiques sur la solitude et l'isolation dans "Afraid To Get Close", qui reprend les ambiances de "No Shit". Quel est le sens de la vie? De l'amour? Dois-je rester seul? Est-ce que j'achèterai du pain de campagne ou une baguette?
Pour ne pas trop nous étouffer avec ces questions, Iggy Pop prend le soin de nous offrir des moments récréatifs et plus électrisants, ainsi "Shakin'All Over" ressort les pédales wah wah et les rythmiques plus rock. "Corruption" et "Espanol" seront aussi de cette veine et sont parmi les morceaux les plus réussis de l'album. "Corruption" est un mot que seul Iggy Pop peut chanter à la perfection, et même si l'on a peur, au départ de la chanson, d'entendre quasiment le même riff que "The Devil Inside" (ce qui, dans le titre, ne s'y prête pas trop mal) d'INXS, on est vite rassuré en assistant à une déambulation de l'iguane dans ces territoires qu'il connaît bien: en effet, comme Rambo, l'enfer il appelle ça chez lui. "Espanol" est par contre bien plus délirant et fou dans ses paroles et sa rythmique : Iggy y chante donc dans la langue de Ricky Martin dans un plaisir partagé avec l'auditeur qui se laisse embarquer à la même vitesse que Speedy Gonzales attiré par un morceau de fromage.
"She Called Me Daddy" revient vers les motifs déjà entendus et évoque avec gravité un accident domestique et amoureux, "I Felt The Luxury" lui fait un petit peu opposition, dans le sens où le ton est plus détaché mais les excès de violence (et) de l'amour ne sont jamais loin...
Malgré tout, il y a quand même une assez large palette d'émotions dans ce disque qui se donne des airs: "Long Distance" est attendrissant, doux, protecteur, "Motorcycle" est apaisé et résolu, et "Facade" se veut un final rassurant, électro-acoustique et toujours chaud. Le feu n'a donc pas cessé de brûler et même s'il ne consume pas à plein régime, il y a toujours de bonnes braises, elles nous réchauffent le coeur plus qu'elles nous consument les ailes. Ça a, en tout cas, l'air d'être le cas pour le Iggy. Tant mieux pour lui.

Au final, Avenue B n'est pas l'album qu'on pourrait croire, c'est-à-dire un bilan lourd de péchés et lourdingue (même si on en est parfois à la frontière) sur une musique de crooner chiante, mais bel et bien un disque où Iggy Pop nous reçoit comme à la maison, même si ce n'est pas le printemps qui chante. Mais le bonhomme sait être souriant et chaleureux, et même dans ses postures un peu douteuses, il reste lui-même. Donc on reviendra faire un tour du côté de chez l'Iguane...
Bon   15/20







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