Iggy Pop
The Idiot |
Label :
Virgin |
||||
1977, Berlin.
Iggy Pop, année zéro.
Ravagé par ses excès commis avec les Stooges, échoué dans un hôpital psychiatrique, Iggy Pop a été récupéré dans le caniveau par David Bowie. L'iguane et le caméléon s'associent alors pour donner naissance à cet album au titre dostoïevskien.
Si le rock épileptique est mis entre parenthèses, Iggy ne semble pas pour autant décidé à s'assagir et continue à célébrer la déglingue. Il nous entraîne ici dans un univers urbain et glauque, au gré de mélodies titubantes, de synthés shootés et d'harmonies décadentes. Il s'y compose un personnage de loque interlope, un peu Nosferatu sur les bords, qui fait du "Nightclubbing" à l'appel de "Sister Midnight", et qui tue le temps en la louche compagnie des "Dum Dum Boys".
Seul repère dans cette errance, la douce "China Girl" ( quelle chanson ! quelle pure et saine émotion, soudain !), ange rédempteur sorti de la multitude, qui pourrait peut-être encore sauver ce zombie d'une gueule de bois éternelle. Mais rien à faire.
Tout se termine par la terrible "Mass Production" qui exprime un sentiment bien pire que l'angoisse ou la mélancolie : le dégoût de la vie, la fatigue de vivre.
Du coup, on comprend mieux cette légende tenace selon laquelle Ian Curtis, leader du groupe Joy Division, aurait écouté ce disque juste avant de se donner la mort.
Iggy Pop, année zéro.
Ravagé par ses excès commis avec les Stooges, échoué dans un hôpital psychiatrique, Iggy Pop a été récupéré dans le caniveau par David Bowie. L'iguane et le caméléon s'associent alors pour donner naissance à cet album au titre dostoïevskien.
Si le rock épileptique est mis entre parenthèses, Iggy ne semble pas pour autant décidé à s'assagir et continue à célébrer la déglingue. Il nous entraîne ici dans un univers urbain et glauque, au gré de mélodies titubantes, de synthés shootés et d'harmonies décadentes. Il s'y compose un personnage de loque interlope, un peu Nosferatu sur les bords, qui fait du "Nightclubbing" à l'appel de "Sister Midnight", et qui tue le temps en la louche compagnie des "Dum Dum Boys".
Seul repère dans cette errance, la douce "China Girl" ( quelle chanson ! quelle pure et saine émotion, soudain !), ange rédempteur sorti de la multitude, qui pourrait peut-être encore sauver ce zombie d'une gueule de bois éternelle. Mais rien à faire.
Tout se termine par la terrible "Mass Production" qui exprime un sentiment bien pire que l'angoisse ou la mélancolie : le dégoût de la vie, la fatigue de vivre.
Du coup, on comprend mieux cette légende tenace selon laquelle Ian Curtis, leader du groupe Joy Division, aurait écouté ce disque juste avant de se donner la mort.
Excellent ! 18/20 | par Oddie |
Posté le 19 février 2008 à 18 h 01 |
Cet album datant de 1977, année du "No Future", évoque le titre d'un roman de Dostoïevski.
Berlin, 1977 donc: renaissance pour Iggy Pop. Depuis la rupture avec les Stooges, le "Godfather of Punk" comme il est surnommé, alterne visites en hôpital psychiatrique avec défonces gargantuesques à la cocaïne. Iggy est lessivé, à vif, il a totalement sombré. Musicalement, il ne vaut plus grand chose, comme en témoignent ses performances douteuses et de très mauvais gout dans lesquelles il n'hésite pas à se mutiler à l'extrême.
Un terrible constat s'impose: Iggy est terminé.
C'est alors que réapparait David Bowie. Le Caméléon et l'Iguane vont à nouveau travailler ensemble (après l'épisode Raw Power); Iggy sort enfin la tête de la coke et tente de reprendre sa carrière en mains.
Cela aboutit à The Idiot, premier album de cette période "berlinoise", comptant en tout 5 albums: 2 pour Iggy et 3 pour Bowie.
Berlin, ville schizophrène, parfait décor pour ce disque de rock urbain, décadent par moments, empreint de noirceur, aux ambiances moites et glauques. L'histoire retient que l'un (Bowie) compose la musique alors que l'autre (Iggy) écrit les paroles. C'est sans doute vrai, bien qu'ils alternent les rôles, comme par exemple sur "Dum Dum Boys" où le Pop compose, ou encore sur "Sister Midnight" où les paroles auraient été écrites par Bowie. Nul besoin cependant d'entrer dans des débats d'érudition, dans des démarches universitaires: les deux coopèrent parfaitement
"The Idiot" est de bonne facture, il pourrait constituer la rencontre entre James Brown et Kraftwerk, comme le dit Iggy lui-même. On se trouve en tout cas à des années lumières du rock turbulent et furieux qui animait la musique des Stooges.
L'album débute par "Sister Midnight", chanson à l'imagerie œdipienne.
"Nightclubbing", "Funtime", "Tiny Girls" : on part draguer, d'accord, mais dans des décors post-industriels désabusés, où finalement le seul remède efficace serait la défonce. "The walls close in and I need some noise", chante-t-il dans "Nightclubbing".
Iggy semble se remettre petit à petit d'une gueule de bois monumentale à base de coke, d'alcool et de regrets. A moins qu'elle ne soit éternelle...
On sent en tout cas qu'il a mûri, sa voix est plus grave, suave quand il le faut, exprimant clairement ses envies et ses doutes. Le son des compositions est métallique, tel l'ambiance des villes industrielles, mornes, outrageusement froides, terriblement banales et sordides.
Ses anciens comparses des Stooges sont évoqués dans "Dum Dum Boys", une des meilleures chansons de l'album, et paradoxalement un style qui ne sera plus abordé dans la suite de sa carrière.
"Tiny Girls" ensuite, sonne terriblement mal; l'ambiance est fausse, le chant est mal assuré, le tout demeure maladroit: bref, il s'agit de LA chanson la moins bonne de l'album, franchement celle de trop selon moi.
Celui-ci s'achève sur "Mass Production", long cri perçant dans la nuit, chanson effrayante, sous le signe du chaos: le profond dégout de la vie, le dégout de la misère de la condition humaine. Pas étonnant que Ian Curtis, chanteur des Divisions de la Joie, ait écouté cet album à plusieurs reprises avant de se donner la mort.
Berlin, 1977 donc: renaissance pour Iggy Pop. Depuis la rupture avec les Stooges, le "Godfather of Punk" comme il est surnommé, alterne visites en hôpital psychiatrique avec défonces gargantuesques à la cocaïne. Iggy est lessivé, à vif, il a totalement sombré. Musicalement, il ne vaut plus grand chose, comme en témoignent ses performances douteuses et de très mauvais gout dans lesquelles il n'hésite pas à se mutiler à l'extrême.
Un terrible constat s'impose: Iggy est terminé.
C'est alors que réapparait David Bowie. Le Caméléon et l'Iguane vont à nouveau travailler ensemble (après l'épisode Raw Power); Iggy sort enfin la tête de la coke et tente de reprendre sa carrière en mains.
Cela aboutit à The Idiot, premier album de cette période "berlinoise", comptant en tout 5 albums: 2 pour Iggy et 3 pour Bowie.
Berlin, ville schizophrène, parfait décor pour ce disque de rock urbain, décadent par moments, empreint de noirceur, aux ambiances moites et glauques. L'histoire retient que l'un (Bowie) compose la musique alors que l'autre (Iggy) écrit les paroles. C'est sans doute vrai, bien qu'ils alternent les rôles, comme par exemple sur "Dum Dum Boys" où le Pop compose, ou encore sur "Sister Midnight" où les paroles auraient été écrites par Bowie. Nul besoin cependant d'entrer dans des débats d'érudition, dans des démarches universitaires: les deux coopèrent parfaitement
"The Idiot" est de bonne facture, il pourrait constituer la rencontre entre James Brown et Kraftwerk, comme le dit Iggy lui-même. On se trouve en tout cas à des années lumières du rock turbulent et furieux qui animait la musique des Stooges.
L'album débute par "Sister Midnight", chanson à l'imagerie œdipienne.
"Nightclubbing", "Funtime", "Tiny Girls" : on part draguer, d'accord, mais dans des décors post-industriels désabusés, où finalement le seul remède efficace serait la défonce. "The walls close in and I need some noise", chante-t-il dans "Nightclubbing".
Iggy semble se remettre petit à petit d'une gueule de bois monumentale à base de coke, d'alcool et de regrets. A moins qu'elle ne soit éternelle...
On sent en tout cas qu'il a mûri, sa voix est plus grave, suave quand il le faut, exprimant clairement ses envies et ses doutes. Le son des compositions est métallique, tel l'ambiance des villes industrielles, mornes, outrageusement froides, terriblement banales et sordides.
Ses anciens comparses des Stooges sont évoqués dans "Dum Dum Boys", une des meilleures chansons de l'album, et paradoxalement un style qui ne sera plus abordé dans la suite de sa carrière.
"Tiny Girls" ensuite, sonne terriblement mal; l'ambiance est fausse, le chant est mal assuré, le tout demeure maladroit: bref, il s'agit de LA chanson la moins bonne de l'album, franchement celle de trop selon moi.
Celui-ci s'achève sur "Mass Production", long cri perçant dans la nuit, chanson effrayante, sous le signe du chaos: le profond dégout de la vie, le dégout de la misère de la condition humaine. Pas étonnant que Ian Curtis, chanteur des Divisions de la Joie, ait écouté cet album à plusieurs reprises avant de se donner la mort.
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