Shannon Wright
Division |
Label :
Vicious Circle |
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Et dire que ce Division (le dixième album de Shannon Wright, en presque vingt années de carrière solo) a bien failli ne pas voir le jour. Quelle cruelle infamie cela aurait été. Car cet album est le fruit d'une profonde remise en question de la part de l'Américaine, à deux doigts de tout envoyer valser un soir de printemps en 2015, après un concert en Suisse. Il fallut toute l'abnégation et la force de conviction de Katia Labèque, pianiste internationalement reconnue, qui assistait au concert et qui alla féliciter Wright en coulisses après sa performance, pour qu'elle ne renonce pas. Un rendez-vous à Rome plus tard, dans le studio de Labèque où elle composa trois morceaux, et elle reprit confiance, finalement revigorée, avant un détour par Paris, pour compléter et peaufiner le tout. Division, c'est donc un peu un acte de renaissance, de réappropriation d'elle-même et de sa musique pour Shannon, dans un album court (trente-trois minutes, huit morceaux) où le piano domine (contrairement à In Film Sound, son superbe précédent disque de 2013, sur lequel les guitares emportaient largement la partie) et où des arrangements électroniques viennent soutenir et magnifier ses sombres humeurs.
Cette espèce de thérapie musicale débute par l'éponyme "Divison" et sa batterie martiale, sa guitare rugueuse, où l'on sent une menace sourde et invisible se répandre dans notre être. "The Thirst" alourdit à son tour l'ambiance, de manière moins frontale, mais tout aussi efficace. La voix de Shannon, d'abord en retenue, se répond ensuite à elle-même, comme pour mieux souligner son isolement et sa perte de repères, alors que le piano s'empare des couplets quand la batterie la rejoint pour donner plus d'ampleur aux refrains et que les claviers vont crescendo pour noircir encore davantage l'ensemble, apportant, notamment sur la fin, un réel sentiment d'oppression. La tension retombe un peu (quoique) avec "Way Ward" et "Accidental", où les éléments électroniques dominent (claviers, synthés comme batterie), la voix de Wright transmettant, comme d'accoutumée, mille et une émotions. "Seemingly", un étrange morceau où l'on entend ce qui semble être une boite à musique, fait quelque peu office d'interlude, avant le grand titre de cet album, "Soft Noise". Démarrant très doucement, prolongeant son prédécesseur, il se déploie lentement. Le piano d'abord, la voix ensuite, le rythme s'accélère, ralentit, avant que tout n'explose subitement, dans un crescendo cathartique d'une émotion et d'une sensibilité folle, et que l'on en revienne à la situation du début, Shannon accompagnée de son piano. Les deux ultimes titres, "Iodine" et "Light House (Drag Us In)" renouent avec la tension sourde et primale des premiers morceaux, dans un style plus minimaliste à base de claviers pour le premier et dans un développement plus élaboré pour le second. Ce dernier, vraiment remarquable, épouse le même schéma que "Soft Noise": une construction lente, délicate et subtile piano-voix, une partie vraiment aérée, aérienne qui survient avant que la cadence n'augmente, la batterie intervenant alors. Quelque chose bout, entre en fusion, nous prend à la gorge, nous étreint et ne nous lâche plus. À moins que ce ne soit nous-même qui refusons de desserrer notre emprise. La chanson se finit de manière crépusculaire, dans un bruit d'effondrement, comme si cet élément inconnu et impalpable s'était brisé net sous le poids de la musique et des mots de Shannon. Sublime et poignante conclusion d'un disque qui l'est tout autant.
Bien que sa genèse fut compliquée pour son auteure, Division n'en reste pas moins une œuvre brillante, aboutie, intrinsèquement honnête et puissamment sincère, à l'image de Shannon évidemment. Dominé par le piano comme d'autres avant lui, ce disque apporte aussi sa dose d'innovations, comme tous ces arrangements électroniques, qui habillent de bien belle manière les compositions, et qui ouvrent à Wright une voie nouvelle d'un point de vue créatif. Tous les albums de Shannon sont traversés d'une tension assez irréelle, sur laquelle il est difficile de mettre les mots justes. Pour réussir à composer cette musique, sa musique, Shannon Wright doit continuellement se mettre psychologiquement à nu. Effort suprême que bien peu parviennent à retranscrire avec une telle intensité, avec une si tragique et belle vérité. En cela, Shannon est unique, sa musique est unique, aussi bien qu'elle est nécessaire, pour elle comme pour nous. Et elle ne cessera jamais de l'être, celle passée comme, je n'en doute pas, celle à venir.
Cette espèce de thérapie musicale débute par l'éponyme "Divison" et sa batterie martiale, sa guitare rugueuse, où l'on sent une menace sourde et invisible se répandre dans notre être. "The Thirst" alourdit à son tour l'ambiance, de manière moins frontale, mais tout aussi efficace. La voix de Shannon, d'abord en retenue, se répond ensuite à elle-même, comme pour mieux souligner son isolement et sa perte de repères, alors que le piano s'empare des couplets quand la batterie la rejoint pour donner plus d'ampleur aux refrains et que les claviers vont crescendo pour noircir encore davantage l'ensemble, apportant, notamment sur la fin, un réel sentiment d'oppression. La tension retombe un peu (quoique) avec "Way Ward" et "Accidental", où les éléments électroniques dominent (claviers, synthés comme batterie), la voix de Wright transmettant, comme d'accoutumée, mille et une émotions. "Seemingly", un étrange morceau où l'on entend ce qui semble être une boite à musique, fait quelque peu office d'interlude, avant le grand titre de cet album, "Soft Noise". Démarrant très doucement, prolongeant son prédécesseur, il se déploie lentement. Le piano d'abord, la voix ensuite, le rythme s'accélère, ralentit, avant que tout n'explose subitement, dans un crescendo cathartique d'une émotion et d'une sensibilité folle, et que l'on en revienne à la situation du début, Shannon accompagnée de son piano. Les deux ultimes titres, "Iodine" et "Light House (Drag Us In)" renouent avec la tension sourde et primale des premiers morceaux, dans un style plus minimaliste à base de claviers pour le premier et dans un développement plus élaboré pour le second. Ce dernier, vraiment remarquable, épouse le même schéma que "Soft Noise": une construction lente, délicate et subtile piano-voix, une partie vraiment aérée, aérienne qui survient avant que la cadence n'augmente, la batterie intervenant alors. Quelque chose bout, entre en fusion, nous prend à la gorge, nous étreint et ne nous lâche plus. À moins que ce ne soit nous-même qui refusons de desserrer notre emprise. La chanson se finit de manière crépusculaire, dans un bruit d'effondrement, comme si cet élément inconnu et impalpable s'était brisé net sous le poids de la musique et des mots de Shannon. Sublime et poignante conclusion d'un disque qui l'est tout autant.
Bien que sa genèse fut compliquée pour son auteure, Division n'en reste pas moins une œuvre brillante, aboutie, intrinsèquement honnête et puissamment sincère, à l'image de Shannon évidemment. Dominé par le piano comme d'autres avant lui, ce disque apporte aussi sa dose d'innovations, comme tous ces arrangements électroniques, qui habillent de bien belle manière les compositions, et qui ouvrent à Wright une voie nouvelle d'un point de vue créatif. Tous les albums de Shannon sont traversés d'une tension assez irréelle, sur laquelle il est difficile de mettre les mots justes. Pour réussir à composer cette musique, sa musique, Shannon Wright doit continuellement se mettre psychologiquement à nu. Effort suprême que bien peu parviennent à retranscrire avec une telle intensité, avec une si tragique et belle vérité. En cela, Shannon est unique, sa musique est unique, aussi bien qu'elle est nécessaire, pour elle comme pour nous. Et elle ne cessera jamais de l'être, celle passée comme, je n'en doute pas, celle à venir.
Excellent ! 18/20 | par Poukram |
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