Shannon Wright

Allonnes [Salle Jean Carmet] - jeudi 17 octobre 2019

Sitôt son nouvel album Providence dans les bacs, Shannon Wright a repris la route pour une tournée de quelques dates en France, Belgique, Suisse et au Luxembourg. Et toute la difficulté de l'exercice pour l'Américaine résidait dans sa faculté à transmettre sur scène les tourments provoqués par ce disque assez austère, mais d'une profondeur insondable et d'une beauté renversante, uniquement joué au piano. Mais quand on connaît son talent et la tornade d'émotions en laquelle elle mute une fois devant un public, il n'y avait pas trop de soucis à se faire. C'est ainsi que je l'ai retrouvée à Allonnes, au sud du Mans, après un périple routier depuis Nantes en ce pluvieux mois d'octobre, elle, son grand et beau piano et sa guitare (quand même). Après la première partie de la Suisse Camilla Sparksss, qui bidouillait claviers et platines pour un résultat qui ne m'a pas enthousiasmé plus que ça (d'autres dans la salle ont apprécié, tant mieux !), Shannon pouvait commencer son récital.

Son arrivée soudaine nous prend par surprise : à peine l'aperçoit-on émergeant de l'ombre rassurante des coulisses qu'elle est déjà assise devant son instrument et qu'elle commence à jouer sans autre forme de cérémonie, comme piégée par les lumières angoissantes de la scène, uniquement protégée par son abondante chevelure qui, comme bien souvent, lui recouvre le visage et nous dissimule presque entièrement ses traits. La façon dont elle interprète ses chansons, son jeu très âpre semble témoigner de son intense stress, de sa tension extrême, tout comme la manière, très abrupte, dont elle les termine. S'immerger dans sa prestation n'est donc pas vraiment aisé, mais comme d'autres l'ont dit avant moi et le répéteront après, avec Shannon, c'est à prendre ou à laisser.

Alors on prend ce que l'on peut au gré des morceaux, pour certains réarrangés pour le piano, et que l'on reconnaît ça et là avec un plaisir grandissant et immanquablement, fatalement, le piège Shannon Wright se referme sur nous. Car comment rester insensible à l'écoute de "Defy This Love" ou "Louise" ? Comment rester de marbre devant les perles de son nouvel album, quasiment joué en entier si mes souvenirs sont bons, au sommet desquelles trône majestueusement "These Present Arms", décidément bouleversante ? C'est proprement impossible (enfin pour moi). Les titres défilent, le temps passe comme dans un rêve, trop rapidement, la voix de Shannon nous déchire le cœur, notamment lorsqu'elle la pousse dans ses retranchements. On ressent alors toute sa fragilité, sa douleur et sa vulnérabilité, tout autant que sa force et sa détermination. L'émotion est intense, perceptible dans le public, Shannon s'abandonne sans compter à sa musique et tout le monde est suspendu à ses doigts et ses lèvres. La magie opère, nous fait vaciller et provoque en nous tellement de sentiments divers que j'abdique l'idée de tous les citer ici. Le rappel finit par arriver et voilà Shannon qui s'empare de sa guitare et fait retentir les divins accords de "In the Morning" et "Birds", nous faisant ainsi frissonner une ultime fois avant de tirer sa révérence sous les applaudissements.

Assister à un concert de Shannon Wright fait partie de ces événements rares dont on se souvient plus tard avec affection et émerveillement. Très peu sont les artistes capables de se donner sur scène avec autant d'intensité, de passion et d'authenticité. Cela peut rebuter comme attirer et fasciner (je choisis la seconde option évidemment), si bien que, rapidement, malgré le choc subi, on n'espère qu'une seule chose : la revoir le plus vite possible !


Parfait   17/20
par Poukram


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