Nine Inch Nails
Nîmes [Arènes De Nîmes] - mardi 28 juillet 2009 |
Comment aller à l'un des concerts d'un de vos groupes favoris alors que vous avez 25 ans et demi, que vous avez décidé de reprendre des études et que vous êtes logiquement fauché parce que vous n'avez qu'un poste à mi-temps, que le dit concert est à 768 km du lieu où vous vous trouvez, et que votre véhicule est une Peugeot 104?
Pour cela, il faut évidemment faire des sacrifices: affronter La Fête De La Bouse en Vendée et son fameux concours de lancer d'excréments bovins, ne pas hésiter à vous rendre chez les naturistes du Cap d'Agde, s'aventurer sur des routes inconnues et pittoresques pour éviter toute autoroute à péage, et de se munir d'une bonne glacière pour conserver au maximum des sandwichs préparés au préalable pour durer 3 jours... Quel rapport avec Nine Inch Nails? C'est ce que ce modeste récit, bien que très long (désolé, pour celles et ceux qui veulent zapper le prologue, une indication sera mise en GROSSES LETTRES...), va tenter de raconter...
Mi-Juillet 2009: Une bande d'amis se retrouve en Vendée, à Mervent (le Twin Peaks Vendéen, ni plus, ni moins), lieu de leur enfance et adolescence. Certains se sont exilés à Paris, d'autres à Bordeaux, quelques uns sont restés... Ils ont découvert la musique ensemble, se sont disputés sur un bon nombre de groupes. Autour d'un barbecue convivial, l'un d'eux lance:
- Ce concert de Nine Inch Nails au Zenith était vraiment chouette, ils ont même commencé par "Somewhat Damaged", tu te rends compte Machete? L'ouverture de The Fragile!!!
Le jeune homme ainsi apostrophé serre les dents. Il sait que la jalousie est un bien vil sentiment, mais il n'arrive qu'à articuler une phrase toute faite, le moral au fond de la cave:
- Ah oui? J'espère que vous vous êtes bien amusés et que le plaisir a été partagé par tous...
- Surtout qu'apparemment, ce serait une sorte de tournée d'adieux... Ce serait vraiment dommage que tu ne les voie pas en concert avant qu'ils arrêtent, d'autant plus que c'est toi qui nous les a fait découvrir...
Le jeune homme détourne le regard, enfonçant celui-ci vers un vide non identifié, pour masquer la rage et la déception qui rongent son âme et son cœur. Puis, pour contourner le problème et se donner l'illusion de la satisfaction et de l'indifférence, déclare:
- Oui, ce serait dommage... Mais bon, on est allés voir Depeche Mode à Carcassonne il y a deux semaines, c'est déjà un rêve de gosse de réalisé...
L'audience se rend bien compte que le sujet blesse à vif le concerné. Les grillades ne pouvant qu'être un soulagement temporaire... La soirée passe, et les amis, à l'issue de celle-ci, finissent par se dire au revoir, jusqu'à la prochaine fois...
Le séjour en Vendée continue malgré tout pour notre désenchanté et sa dulcinée. Les repas familiaux se succédant achevant d'achever notre adulte post-pubère. Pour tromper son ennui, il consulte des sites internet, dessine des possibilités de venir à la rencontre de Trent Reznor et ses amis, échafaude des plans complètement débiles pour parvenir à concrétiser ce fantasme musical monétairement inaccessible (le compte en banque de notre protagoniste étant déjà dans le rouge depuis le 5 du mois, chose arrivant chaque mensualité de manière annuelle et constante), puis telle une lumière au fond du tunnel, il fut aveuglé par cette annonce sur un site aux couleurs oranges et bleues:
- Vends 2 places pour Nine Inch Nails aux arènes de Nîmes, 20 euros. A retirer dans le 30 ou 34.
Le futur chroniqueur XSilencieux s'empare fiévreusement de son téléphone à clapet (modèle qu'il a encore aujourd'hui) et compose le numéro affiché en indication sur le site, une voix de femme lui répond:
- Allô?
- Oui, bonjour, je vous appelle suite à l'annonce que vous avez publiée sur le Con Loin (terme correspondant à merveille à l'intervenant de cette histoire) à propos de deux places pour Nine Inch Nails, le 28 juillet aux arènes de Nîmes, c'est bien vous?
- Oui, oui.
- Les avez-vous toujours?
-Oui, oui.
- C'est bien 20 euros la place?
- Non, non c'est 10 euros la place, 20 euros au total (à ces mots, notre adulescent au patronyme mexicain sent son cœur se nourrir d'espoir...)
- Ah, d'accord, déclare -'t-il avec une totale mesure et maîtrise de soi. Un envoi est-il possible, car je suis en vacances chez ma famille et belle famille, et c'est compliqué de...
- Non, je ne les donne qu'en mains propres.
- Je me laverai les mains promis. Où la transaction peut-elle se faire?
- Vous connaissez le Cap d'Agde?
- Non, du tout, je ne suis jamais allé dans le Gard ou l'Hérault.
- Il y a une plage là-bas, on pourrait s'y retrouver.
- Euh oui.
- Vous avez un GPS, ce serait plus facile...
- Non, j'ai une 104 et un Atlas Routier de 1988 inclus, je trouverai. Mais je vous donne mes coordonnées et je réserve les places! Mais au fait, comment cela se fait-ce que vous ayez encore des places?
- C'est mon comité d'entreprise qui m'a offert les places et je ne connais pas ce groupe et...
- Ok, d'accord, très bien, parfait, je vous dis à mardi 28 à 10h00 sur la plage que vous m'avez indiqué, au revoir!
A la conclusion de cet entretien téléphonique, le jeune homme retrouve sa muse et déclare fièrement avec le sourire de la satisfaction:
- J'ai trouvé 2 places à 20 boules pour Nine Inch Nails à Nîmes!
- Comment?
- Sur le site du Pont Foin, c'est une fille, elle a eu les places par son comité d'entreprise gratos, elle les vend 10 euros chaque, et elle m'a donné rendez-vous sur une plage du Cap d'Agde Mardi 28 au matin...
- Au Cap d'Agde?
- Ben oui, quoi?
- Ben c'est des repères de nudistes ça...
- Comment tu sais ça d'abord?
- Ben ça se sait, c'est tout! Ca sent bizarre ton plan...
- Non, ça va aller, j'en ai l'intime conviction!
- Bon, mais comment on fait pécuniairement?
- Euh...
- Si je sais, il y a des vides greniers un peu partout en ce moment, on va essayer de vendre quelques trucs à nous qui pourrissent chez nos parents et ça devrait le faire...
...
Et c'est ainsi que ma tendre et chère et moi (oui, je reprends le récit à la première personne) nous mîmes en quête d'objets à vendre afin de récupérer de quoi payer les places, faire 2/3 pleins d'essence pour la route, nous nourrir et prévoir les quelques extras imprévus qui font partie de ce genre de périple...
Il fallut donc fouiller des cartons, redécouvrir des journaux intimes et autres Necronomicon Ex Mortis adolescents, espérer en son destin, mettre la main sur des erreurs de jeunesse, Mangas, disques inavouables, même en ces temps décomplexés, et décider des lieux où le commerce pourrait profiter à tous...
- Non, mais la fête de la Bouse, mais ça va pas?!
- Si, c'est très fréquenté, on pourra vendre des trucs...
- Je te dis que moi vivant, je n'irai pas à ce genre de lieux, faut pas déconner.
- Tu veux voir Nine Inch Nails ou pas? Je te le dis, ça va marcher...
La Fête De La Bouse est donc un Vide Grenier se tenant fin juillet à Triaize, en Vendée, comprenant moult animations dont la principale reste le lancer de bouse. L'hommage à cet ancien moyen de se chauffer (plus précisément la bouse séchée) se concrétisant donc à celui qui balancera sa merde le plus loin. Et même pas un seul chiotte digne de ce nom pour soulager la tonne de café injectée pour tenir de 6h du matin jusqu'à 7h du soir... Niveau musique, du Didier Barbelivien évidemment et des danses traditionnelles vendéennes, glorifiant la Brioche et le Rosé. Il nous a fallu des trésors de patience...
Heureusement, mon égérie étant plus stratège que moi, son plan avait fonctionné: à 16 ans, elle avait acheté une VHS d'un clip non censuré de Mylène Farmer ("Je Te Rends Ton Amour" si mes souvenirs sont bons) et celle-ci a trouvé très vite preneur, nous permettant déjà de s'acheter les places et un peu de bouffe pour notre épopée. Un Strays de Jane's Addiction et un Live A Bercy de la même Mylène achetés plus tard par le même type (un vieux Hardos qui m'a regardé en prenant les deux CD et m'a fait "Chut..." en désignant celui de la Vilaine Fermière pour encourager ma discrétion...), et le pécule commençait à augmenter...
Plus loin, la fête battait son plein sous un soleil de plomb. L'animateur des danses y mettait toute sa fougue, tout son cœur vendéen... Des pulsions annihilatrices commençaient à peupler mon esprit, avec une furieuse envie d'exercer un malvenu réflexe parasympathique de défécation. Heureusement, je reçus un coup de fil de ma grand mère Bretonne:
- Alors ça se passe bien vos affaires?
- Oui, mais ils diffusent de la musique traditionnelle vendéenne entrecoupée de Patrick Sébastien et autres démons de minuit... Sans parler de mon désir de...
- Courage mon petit Machete, refuse, résiste, prouve que tu existes!
Ma cosmo énergie en fut décuplée, ma détermination sans limites. Nous parvînmes à survivre à la journée, si ce n'est un apéro non désiré... Nous avions le flouze nécessaire pour notre voyage voyage.
Essence, compils K7 de rigueur pour un si long périple,glacière et Sandwiches pour tenir 3 jours, Chips, Curly, grande réserve d'eau, quelques fringues, un minimum d'affaires de toilette et de couchage (nous allions dormir dans la voiture pour économiser), et c'était parti...
Mardi 28 juillet 2009, parking d'une plage du Cap d'Agde, 9h57.
- Je pensais qu'il y aurait plus de gens tous nus.
- Non, mais elle n'allait pas venir à poil non plus.
La vendeuse de places arriva, la transaction, deux billets de 10 euros contre deux places de Nine Inch Nails, se fit sans danger.
- Je ne connais pas ce groupe, et puis vu le nom ça ne m'intéressait pas.
- Merci encore, allons nous baigner très chère!
Cette baignade n'était qu'un prétexte pour se laver (et pour moi, me rincer l'œil en admirant ma belle) puisque, je le rappelle, nous n'avions prévu ni camping, ni hôtel. Après ce rafraîchissement salvateur, direction Nîmes... Nous prenons le temps de découvrir les beaux paysages de l'Hérault et du Gard, ces belles vallées respirant l'air méditerranéen, tout en écoutant sans trop avoir le choix une émission de Jacques Pradel (décidemment à chaque fois présent lors de nos aventures "Live", ma compagne l'ayant croisé à la Gare Saint-Jean de Bordeaux avant que nous prenions le train vers Paris et un concert de Portishead l'année précédente), intelligemment baptisée Café Crime...
Nous garâmes le véhicule, firent un tour pour visiter l'ancienne cité Gallo-Romaine et enfin à 19h, commencèrent à faire la queue.
VOILA, C'EST ICI QUE LA VRAIE CHRONIQUE DE CONCERT COMMENCE, MERCI D'AVOIR ATTENDU.
En rentrant dans ce magnifique édifice, j'apprends que la première partie sera assurée par Alec Empire. Cool. Peut-être jouera-t'-il quelques morceaux d'Atari Teenage Riot. Sinon, il fait chaud, très chaud. J'ai l'impression d'être un Steak Haché rempli de gras entrain de suinter de toute sa transpiration et d'ainsi mieux griller. Nous nous permettons une bière fraîche avant que le Alec Empire balance son set.
Le concert, que nous suivons de loin, entre le stand de bière et celui du Merch, est sympathique, et je demande à ma bien-aimée si je peux me permettre un petit pogo sur "Revolution Action". Elle accepte. Tel un fier cabri, je m'élance dans les premiers rangs et m'agite avec énergie et bonne humeur, balançant des coups d'épaules à d'innocents inconnus.
La chanson terminée, ainsi que le concert, je reviens vers ma sublime hétaïre, lui criant avec un mélange d'effronterie et de satisfaction:
- Ah, ça va encore, je ne suis pas trop vieux pour ces conneries! (Un concert de Mudhoney 6 ans plus tard, me fera rendre compte cruellement que le temps passe et que c'est bien de boire de l'eau).
La nuit commence à tomber, les roadies et techniciens s'affairent. Ca va chier pour de vrai. Enfin. Mais à quelle Setlist allons-nous avoir le droit? Un Best Of? Des titres axés sur Year Zero ou The Slip? Je sais déjà au fond de moi que ce sera "Hurt" en rappel final, bien qu'elle ne soit pas ma préférée. L'excitation monte. Puis des fumées envahissent la scène qui me semble si petite pour ce que j'imaginais plus énorme. Un riff lancinant parvient à nos oreilles. Le public se rapproche, se concentre. Robin Finck surgit hors de la nuit. "Home" sera donc le titre d'introduction. Puis, peu à peu, les autres musiciens apparaissent, Justin Meldal-Johnsen à la basse, et le jeune Ilan Rubin à la batterie. Pas de mec au synthé. Ce sera donc Trent. Un quatuor me semble alors un peu juste pour interpréter les différents titres mais laissons-nous porter... Mes potes m'avaient affirmé qu'ils avaient joué beaucoup de titres de The Fragile et "I'm Afraid Of Americans" lors de leur venue quelques jours plus tôt à Paris... Si seulement... Mais après "Home" le groupe joue coup sur coup deux titres du dispensable The Slip (et puis, j'ai toujours été plus caleçon...). Je prends peur, mais heureusement le concert part vraiment avec "Sin", tiré de Pretty Hate Machine, le jeune batteur assure, on le voit peu avec son énorme touffe de cheveux mais ça tape bien. Reznor et Finck sont bien en voix sur le break et nous convient à la fête du péché, youpi. On enchaîne avec "March Of The Pigs", deuxième Pogo pour moi. Puis, "Piggy" ("Nothing Can Stop Me Now") en version tirée de Further Down The Spiral, encore Youpi, troisième pogo. J'espère que ma belle va bien, plus loin. Petit retour au calme avec "Metal", reprise de Gary Numan, avec guitares acoustiques et machines, surprenant mais plaisant pour le coup (nous n'aurons pas le droit à "I'm Afraid Of Americans" mais bon sans Bowie, ce ne serait pas non plus pareil...).
Au fur et à mesure que la Setlist avance, je me dis que le Reznor a préféré jouer quelques titres rares perdus au milieu des grands classiques: en petits cadeaux, on notera "Burn" issu de la bande originale de Natural Born Killers.
Au beau milieu de ce concert arrive alors pour moi son meilleur moment: l'enchaînement "La Mer" fondu avec "The Frail" fondu de nouveau avec "The Wretched", ce seront les seuls titres de The Fragile joués ce soir, mais quels morceaux! Je me laisse porter... Le plaisir sera renforcé par d'autres fortes perles issues de The Downward Spiral (" Mr Self Destruct", "The Downward Spiral", "I Do Not Want This") et les magiques "Wish" (pogo n°7862) et "Survivalism", ici dans une version plus brute qu'électronique qui m'a permis de réévaluer ce single ( là encore, beau travail d'Ilan Rubin). Voyant que son public n'est plus vraiment dans sa fraîcheur Narta, le gentil Trent distribue des petites bouteilles de Vittel, lui-même ayant changé de chemise pour l'avoir mouillé plus qu'honnêtement pour un homme de son âge.
Il faut bien finir par les tubes, et ce seront les classiques "The Hand That Feeds" et surtout "Head Like A Hole" qui feront office de fin de messe, avant l'arrivée en rappel de "Hurt", anecdotique pour moi mais obligé...
Comme dirait Jean-Pierre, c'était une sacrée soirée, en plus d'être un sacré périple (toutes mes excuses encore pour la longueur de cette chronique); bon, en ces temps de crise la tournée d'adieux sentait l'arnaque à plein nez (quatre ans plus tard, ils étaient de retour alors qu'ils avaient tout dit), mais on va dire que j'étais un petit peu plus jeune et faussement naïf sur les évènements, m'ayant tout de même fait subir une fête de la Bouse. En tout cas, un très bon souvenir et un très bon concert (pour 20 euros les deux places, ça valait vraiment le coup!), dans un superbe cadre (je les emmerde avec leur Zénith de mes c...!), malgré, il faut l'avouer, quelques titres dispensables (ceux de The Slip majoritairement). Nous terminons notre soirée à nous balader dans ces rues d'un autre temps, tendrement enlacés, le cœur léger avant DE REPRENDRE CETTE PUTAIN DE ROUTE DE 768KM!!!
Parfois, le chemin est dur, comme dirait l'autre, mais quel chemin!
Pour cela, il faut évidemment faire des sacrifices: affronter La Fête De La Bouse en Vendée et son fameux concours de lancer d'excréments bovins, ne pas hésiter à vous rendre chez les naturistes du Cap d'Agde, s'aventurer sur des routes inconnues et pittoresques pour éviter toute autoroute à péage, et de se munir d'une bonne glacière pour conserver au maximum des sandwichs préparés au préalable pour durer 3 jours... Quel rapport avec Nine Inch Nails? C'est ce que ce modeste récit, bien que très long (désolé, pour celles et ceux qui veulent zapper le prologue, une indication sera mise en GROSSES LETTRES...), va tenter de raconter...
Mi-Juillet 2009: Une bande d'amis se retrouve en Vendée, à Mervent (le Twin Peaks Vendéen, ni plus, ni moins), lieu de leur enfance et adolescence. Certains se sont exilés à Paris, d'autres à Bordeaux, quelques uns sont restés... Ils ont découvert la musique ensemble, se sont disputés sur un bon nombre de groupes. Autour d'un barbecue convivial, l'un d'eux lance:
- Ce concert de Nine Inch Nails au Zenith était vraiment chouette, ils ont même commencé par "Somewhat Damaged", tu te rends compte Machete? L'ouverture de The Fragile!!!
Le jeune homme ainsi apostrophé serre les dents. Il sait que la jalousie est un bien vil sentiment, mais il n'arrive qu'à articuler une phrase toute faite, le moral au fond de la cave:
- Ah oui? J'espère que vous vous êtes bien amusés et que le plaisir a été partagé par tous...
- Surtout qu'apparemment, ce serait une sorte de tournée d'adieux... Ce serait vraiment dommage que tu ne les voie pas en concert avant qu'ils arrêtent, d'autant plus que c'est toi qui nous les a fait découvrir...
Le jeune homme détourne le regard, enfonçant celui-ci vers un vide non identifié, pour masquer la rage et la déception qui rongent son âme et son cœur. Puis, pour contourner le problème et se donner l'illusion de la satisfaction et de l'indifférence, déclare:
- Oui, ce serait dommage... Mais bon, on est allés voir Depeche Mode à Carcassonne il y a deux semaines, c'est déjà un rêve de gosse de réalisé...
L'audience se rend bien compte que le sujet blesse à vif le concerné. Les grillades ne pouvant qu'être un soulagement temporaire... La soirée passe, et les amis, à l'issue de celle-ci, finissent par se dire au revoir, jusqu'à la prochaine fois...
Le séjour en Vendée continue malgré tout pour notre désenchanté et sa dulcinée. Les repas familiaux se succédant achevant d'achever notre adulte post-pubère. Pour tromper son ennui, il consulte des sites internet, dessine des possibilités de venir à la rencontre de Trent Reznor et ses amis, échafaude des plans complètement débiles pour parvenir à concrétiser ce fantasme musical monétairement inaccessible (le compte en banque de notre protagoniste étant déjà dans le rouge depuis le 5 du mois, chose arrivant chaque mensualité de manière annuelle et constante), puis telle une lumière au fond du tunnel, il fut aveuglé par cette annonce sur un site aux couleurs oranges et bleues:
- Vends 2 places pour Nine Inch Nails aux arènes de Nîmes, 20 euros. A retirer dans le 30 ou 34.
Le futur chroniqueur XSilencieux s'empare fiévreusement de son téléphone à clapet (modèle qu'il a encore aujourd'hui) et compose le numéro affiché en indication sur le site, une voix de femme lui répond:
- Allô?
- Oui, bonjour, je vous appelle suite à l'annonce que vous avez publiée sur le Con Loin (terme correspondant à merveille à l'intervenant de cette histoire) à propos de deux places pour Nine Inch Nails, le 28 juillet aux arènes de Nîmes, c'est bien vous?
- Oui, oui.
- Les avez-vous toujours?
-Oui, oui.
- C'est bien 20 euros la place?
- Non, non c'est 10 euros la place, 20 euros au total (à ces mots, notre adulescent au patronyme mexicain sent son cœur se nourrir d'espoir...)
- Ah, d'accord, déclare -'t-il avec une totale mesure et maîtrise de soi. Un envoi est-il possible, car je suis en vacances chez ma famille et belle famille, et c'est compliqué de...
- Non, je ne les donne qu'en mains propres.
- Je me laverai les mains promis. Où la transaction peut-elle se faire?
- Vous connaissez le Cap d'Agde?
- Non, du tout, je ne suis jamais allé dans le Gard ou l'Hérault.
- Il y a une plage là-bas, on pourrait s'y retrouver.
- Euh oui.
- Vous avez un GPS, ce serait plus facile...
- Non, j'ai une 104 et un Atlas Routier de 1988 inclus, je trouverai. Mais je vous donne mes coordonnées et je réserve les places! Mais au fait, comment cela se fait-ce que vous ayez encore des places?
- C'est mon comité d'entreprise qui m'a offert les places et je ne connais pas ce groupe et...
- Ok, d'accord, très bien, parfait, je vous dis à mardi 28 à 10h00 sur la plage que vous m'avez indiqué, au revoir!
A la conclusion de cet entretien téléphonique, le jeune homme retrouve sa muse et déclare fièrement avec le sourire de la satisfaction:
- J'ai trouvé 2 places à 20 boules pour Nine Inch Nails à Nîmes!
- Comment?
- Sur le site du Pont Foin, c'est une fille, elle a eu les places par son comité d'entreprise gratos, elle les vend 10 euros chaque, et elle m'a donné rendez-vous sur une plage du Cap d'Agde Mardi 28 au matin...
- Au Cap d'Agde?
- Ben oui, quoi?
- Ben c'est des repères de nudistes ça...
- Comment tu sais ça d'abord?
- Ben ça se sait, c'est tout! Ca sent bizarre ton plan...
- Non, ça va aller, j'en ai l'intime conviction!
- Bon, mais comment on fait pécuniairement?
- Euh...
- Si je sais, il y a des vides greniers un peu partout en ce moment, on va essayer de vendre quelques trucs à nous qui pourrissent chez nos parents et ça devrait le faire...
...
Et c'est ainsi que ma tendre et chère et moi (oui, je reprends le récit à la première personne) nous mîmes en quête d'objets à vendre afin de récupérer de quoi payer les places, faire 2/3 pleins d'essence pour la route, nous nourrir et prévoir les quelques extras imprévus qui font partie de ce genre de périple...
Il fallut donc fouiller des cartons, redécouvrir des journaux intimes et autres Necronomicon Ex Mortis adolescents, espérer en son destin, mettre la main sur des erreurs de jeunesse, Mangas, disques inavouables, même en ces temps décomplexés, et décider des lieux où le commerce pourrait profiter à tous...
- Non, mais la fête de la Bouse, mais ça va pas?!
- Si, c'est très fréquenté, on pourra vendre des trucs...
- Je te dis que moi vivant, je n'irai pas à ce genre de lieux, faut pas déconner.
- Tu veux voir Nine Inch Nails ou pas? Je te le dis, ça va marcher...
La Fête De La Bouse est donc un Vide Grenier se tenant fin juillet à Triaize, en Vendée, comprenant moult animations dont la principale reste le lancer de bouse. L'hommage à cet ancien moyen de se chauffer (plus précisément la bouse séchée) se concrétisant donc à celui qui balancera sa merde le plus loin. Et même pas un seul chiotte digne de ce nom pour soulager la tonne de café injectée pour tenir de 6h du matin jusqu'à 7h du soir... Niveau musique, du Didier Barbelivien évidemment et des danses traditionnelles vendéennes, glorifiant la Brioche et le Rosé. Il nous a fallu des trésors de patience...
Heureusement, mon égérie étant plus stratège que moi, son plan avait fonctionné: à 16 ans, elle avait acheté une VHS d'un clip non censuré de Mylène Farmer ("Je Te Rends Ton Amour" si mes souvenirs sont bons) et celle-ci a trouvé très vite preneur, nous permettant déjà de s'acheter les places et un peu de bouffe pour notre épopée. Un Strays de Jane's Addiction et un Live A Bercy de la même Mylène achetés plus tard par le même type (un vieux Hardos qui m'a regardé en prenant les deux CD et m'a fait "Chut..." en désignant celui de la Vilaine Fermière pour encourager ma discrétion...), et le pécule commençait à augmenter...
Plus loin, la fête battait son plein sous un soleil de plomb. L'animateur des danses y mettait toute sa fougue, tout son cœur vendéen... Des pulsions annihilatrices commençaient à peupler mon esprit, avec une furieuse envie d'exercer un malvenu réflexe parasympathique de défécation. Heureusement, je reçus un coup de fil de ma grand mère Bretonne:
- Alors ça se passe bien vos affaires?
- Oui, mais ils diffusent de la musique traditionnelle vendéenne entrecoupée de Patrick Sébastien et autres démons de minuit... Sans parler de mon désir de...
- Courage mon petit Machete, refuse, résiste, prouve que tu existes!
Ma cosmo énergie en fut décuplée, ma détermination sans limites. Nous parvînmes à survivre à la journée, si ce n'est un apéro non désiré... Nous avions le flouze nécessaire pour notre voyage voyage.
Essence, compils K7 de rigueur pour un si long périple,glacière et Sandwiches pour tenir 3 jours, Chips, Curly, grande réserve d'eau, quelques fringues, un minimum d'affaires de toilette et de couchage (nous allions dormir dans la voiture pour économiser), et c'était parti...
Mardi 28 juillet 2009, parking d'une plage du Cap d'Agde, 9h57.
- Je pensais qu'il y aurait plus de gens tous nus.
- Non, mais elle n'allait pas venir à poil non plus.
La vendeuse de places arriva, la transaction, deux billets de 10 euros contre deux places de Nine Inch Nails, se fit sans danger.
- Je ne connais pas ce groupe, et puis vu le nom ça ne m'intéressait pas.
- Merci encore, allons nous baigner très chère!
Cette baignade n'était qu'un prétexte pour se laver (et pour moi, me rincer l'œil en admirant ma belle) puisque, je le rappelle, nous n'avions prévu ni camping, ni hôtel. Après ce rafraîchissement salvateur, direction Nîmes... Nous prenons le temps de découvrir les beaux paysages de l'Hérault et du Gard, ces belles vallées respirant l'air méditerranéen, tout en écoutant sans trop avoir le choix une émission de Jacques Pradel (décidemment à chaque fois présent lors de nos aventures "Live", ma compagne l'ayant croisé à la Gare Saint-Jean de Bordeaux avant que nous prenions le train vers Paris et un concert de Portishead l'année précédente), intelligemment baptisée Café Crime...
Nous garâmes le véhicule, firent un tour pour visiter l'ancienne cité Gallo-Romaine et enfin à 19h, commencèrent à faire la queue.
VOILA, C'EST ICI QUE LA VRAIE CHRONIQUE DE CONCERT COMMENCE, MERCI D'AVOIR ATTENDU.
En rentrant dans ce magnifique édifice, j'apprends que la première partie sera assurée par Alec Empire. Cool. Peut-être jouera-t'-il quelques morceaux d'Atari Teenage Riot. Sinon, il fait chaud, très chaud. J'ai l'impression d'être un Steak Haché rempli de gras entrain de suinter de toute sa transpiration et d'ainsi mieux griller. Nous nous permettons une bière fraîche avant que le Alec Empire balance son set.
Le concert, que nous suivons de loin, entre le stand de bière et celui du Merch, est sympathique, et je demande à ma bien-aimée si je peux me permettre un petit pogo sur "Revolution Action". Elle accepte. Tel un fier cabri, je m'élance dans les premiers rangs et m'agite avec énergie et bonne humeur, balançant des coups d'épaules à d'innocents inconnus.
La chanson terminée, ainsi que le concert, je reviens vers ma sublime hétaïre, lui criant avec un mélange d'effronterie et de satisfaction:
- Ah, ça va encore, je ne suis pas trop vieux pour ces conneries! (Un concert de Mudhoney 6 ans plus tard, me fera rendre compte cruellement que le temps passe et que c'est bien de boire de l'eau).
La nuit commence à tomber, les roadies et techniciens s'affairent. Ca va chier pour de vrai. Enfin. Mais à quelle Setlist allons-nous avoir le droit? Un Best Of? Des titres axés sur Year Zero ou The Slip? Je sais déjà au fond de moi que ce sera "Hurt" en rappel final, bien qu'elle ne soit pas ma préférée. L'excitation monte. Puis des fumées envahissent la scène qui me semble si petite pour ce que j'imaginais plus énorme. Un riff lancinant parvient à nos oreilles. Le public se rapproche, se concentre. Robin Finck surgit hors de la nuit. "Home" sera donc le titre d'introduction. Puis, peu à peu, les autres musiciens apparaissent, Justin Meldal-Johnsen à la basse, et le jeune Ilan Rubin à la batterie. Pas de mec au synthé. Ce sera donc Trent. Un quatuor me semble alors un peu juste pour interpréter les différents titres mais laissons-nous porter... Mes potes m'avaient affirmé qu'ils avaient joué beaucoup de titres de The Fragile et "I'm Afraid Of Americans" lors de leur venue quelques jours plus tôt à Paris... Si seulement... Mais après "Home" le groupe joue coup sur coup deux titres du dispensable The Slip (et puis, j'ai toujours été plus caleçon...). Je prends peur, mais heureusement le concert part vraiment avec "Sin", tiré de Pretty Hate Machine, le jeune batteur assure, on le voit peu avec son énorme touffe de cheveux mais ça tape bien. Reznor et Finck sont bien en voix sur le break et nous convient à la fête du péché, youpi. On enchaîne avec "March Of The Pigs", deuxième Pogo pour moi. Puis, "Piggy" ("Nothing Can Stop Me Now") en version tirée de Further Down The Spiral, encore Youpi, troisième pogo. J'espère que ma belle va bien, plus loin. Petit retour au calme avec "Metal", reprise de Gary Numan, avec guitares acoustiques et machines, surprenant mais plaisant pour le coup (nous n'aurons pas le droit à "I'm Afraid Of Americans" mais bon sans Bowie, ce ne serait pas non plus pareil...).
Au fur et à mesure que la Setlist avance, je me dis que le Reznor a préféré jouer quelques titres rares perdus au milieu des grands classiques: en petits cadeaux, on notera "Burn" issu de la bande originale de Natural Born Killers.
Au beau milieu de ce concert arrive alors pour moi son meilleur moment: l'enchaînement "La Mer" fondu avec "The Frail" fondu de nouveau avec "The Wretched", ce seront les seuls titres de The Fragile joués ce soir, mais quels morceaux! Je me laisse porter... Le plaisir sera renforcé par d'autres fortes perles issues de The Downward Spiral (" Mr Self Destruct", "The Downward Spiral", "I Do Not Want This") et les magiques "Wish" (pogo n°7862) et "Survivalism", ici dans une version plus brute qu'électronique qui m'a permis de réévaluer ce single ( là encore, beau travail d'Ilan Rubin). Voyant que son public n'est plus vraiment dans sa fraîcheur Narta, le gentil Trent distribue des petites bouteilles de Vittel, lui-même ayant changé de chemise pour l'avoir mouillé plus qu'honnêtement pour un homme de son âge.
Il faut bien finir par les tubes, et ce seront les classiques "The Hand That Feeds" et surtout "Head Like A Hole" qui feront office de fin de messe, avant l'arrivée en rappel de "Hurt", anecdotique pour moi mais obligé...
Comme dirait Jean-Pierre, c'était une sacrée soirée, en plus d'être un sacré périple (toutes mes excuses encore pour la longueur de cette chronique); bon, en ces temps de crise la tournée d'adieux sentait l'arnaque à plein nez (quatre ans plus tard, ils étaient de retour alors qu'ils avaient tout dit), mais on va dire que j'étais un petit peu plus jeune et faussement naïf sur les évènements, m'ayant tout de même fait subir une fête de la Bouse. En tout cas, un très bon souvenir et un très bon concert (pour 20 euros les deux places, ça valait vraiment le coup!), dans un superbe cadre (je les emmerde avec leur Zénith de mes c...!), malgré, il faut l'avouer, quelques titres dispensables (ceux de The Slip majoritairement). Nous terminons notre soirée à nous balader dans ces rues d'un autre temps, tendrement enlacés, le cœur léger avant DE REPRENDRE CETTE PUTAIN DE ROUTE DE 768KM!!!
Parfois, le chemin est dur, comme dirait l'autre, mais quel chemin!
Excellent ! 18/20 | par Machete83 |
Setlist:
- "Home"
- "1,000,000"
- "Letting You"
- "Sin"
- "March Of The Pigs"
- " Piggy" ("Nothing Can Stop Me Now")
- "Metal"
- "The Line Begins To Blur"
- " Head Down"
- "Burn"
- "Gave Up"
- " La Mer"
- "The Frail"
- "The Wretched"
- "Non-Entity"
- "I Do Not Want This"
- "The Downward Spiral"
- "Wish"
- "Survivalism"
- " Mr. Self destruct"
- "Echoplex"
- "The Hand That Feeds"
- "Head Like A Hole"
>>>
- "Hurt"
- "Home"
- "1,000,000"
- "Letting You"
- "Sin"
- "March Of The Pigs"
- " Piggy" ("Nothing Can Stop Me Now")
- "Metal"
- "The Line Begins To Blur"
- " Head Down"
- "Burn"
- "Gave Up"
- " La Mer"
- "The Frail"
- "The Wretched"
- "Non-Entity"
- "I Do Not Want This"
- "The Downward Spiral"
- "Wish"
- "Survivalism"
- " Mr. Self destruct"
- "Echoplex"
- "The Hand That Feeds"
- "Head Like A Hole"
>>>
- "Hurt"
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