Alain Bashung
Monfavet [Salle Polyvalente] - jeudi 20 novembre 2008 |
"J'ai crevé l'oreiller... J'ai dû rêver trop fort..."
Voilà la phrase qui me squatte le cerveau, ce vendredi 21 novembre 2008 à 7h30 du matin. J'ai les yeux qui collent, j'ai les jambes molles, j'ai du mal à soulever mon café, je patauge total. Mais c'est normal. J'ai crevé l'oreiller, j'ai dû rêver trop fort.
La veille, je me trouvais dans une bonne vieille salle de spectacle de Province, entouré de plusieurs centaines d'inconnus. Chloé Mons, la compagne de monsieur "C'est comment qu'on freine", a débarqué seule sur scène avec une guitare pleine de réverb'. Elle savait très bien gémir la langue de Shakespeare, n'en déplaise à la langue de vipère du public. Lorsqu'elle disparut en coulisse, l'attente s'est muée en pression, le temps durait longtemps, comme qui dirait.
Les applaudissements accueillant un Bashung géant, maigre et incroyablement élégant ont également duré un moment. D'une humilité effarante, Alain semblait réellement surpris d'être ainsi ovationné. Lorsqu'il empoigne sa folk et commence à gratter, me voilà bouche bée, minuscule devant le grand bonhomme, Comme un lego parmi tant d'autres. Quand il demande "Je t'ai manqué ?", on commence à se demander comment on faisait avant, quand on ne le connaissait pas.
Après la séduction, Bashung lâche sa guitare et se fait hypnotiseur, balaye la salle de ses longues mains fines pour accompagner la rythmique glauque du quasi-suicidaire "Volontaire". Les lumières rouges incendient les pupilles, le chant paranoïaque glace le sang, et la question s'impose : quelle punition pourrait-on infliger au pêcheur qui oserait appeler ça de la variétoche ? "Mes Prisons" déclenche la fureur électrique, et Samuel Hall provoque à nouveau l'effroi avec son inoubliable refrain Allez au Diable, j'm'appelle Samuel Hall, Je vous déteste tous. Le gratteux soliste se laisse aller à quelques improvisations abrasives, tandis que les autres membres du gang jonglent entre la rythmique et le violoncelle. Le boulot est admirablement exécuté. Mais Bashung irradie la foule, se fait centre d'attention sans le moindre effort, chaque syllabe qui sort de sa bouche vient se graver automatiquement dans un coin précieux et secret de la cervelle.
Et voici venir le hit français le plus remarquable depuis au moins 20 ans, "La Nuit Je Mens". Tire larmes sans forcer, évocateur et trouble à la fois, cette chanson remue les sentiments, la conscience, les souvenirs, ah, j'en vois plusieurs qui ont sorti les mouchoirs autour de moi. Ce n'est pas de la variété, mais c'est ce que la variété devrait être. Puis, d'un murmure bouleversant, Bashung Happe le public qui se laisse faire, comme d'habitude. Alors bercé par de délicats arpèges, l'auditeur ne se méfie plus de rien, jusqu'au dépressif "Mes Bras". On s'habitue vite au confort, pas Alain, qui a fuit simplicité et logique tout le long de sa carrière. "Mes Bras" connaissent la menace du futur, les délices qu'on ampute, pour l'amour d'une connasse...
Le genre de truc qui donne des vocations, dit-il avant d'entonner, seul à la guitare, un couplet et un refrain de "Blowin' In The Wind", pour enchaîner sur un tonitruant "Osez Joséphine", jouissif et fédérateur. Un hallucinant "Fantaisies Militaires" vient clore cette première partie, dans un boucan sonore divinement assuré par les zicos, encouragé par un Bashung en transe totale qui clame comme un damné. Soldat, sans joie, va, déguerpit, l'amour t'a faussé compagnie...
Le rappel se fait à pattes de velours, avec "Madame Rêve" et son érotisme félin, son charme langoureux, sa Madame qui rêve de cylindres aussi longs qu'ils sont les seuls qui la remplissent de bonheur... Gainsbourg pas loin ? Sans blagues. Celle-là, elle est préhistorique, dit le maître en guise d'intro de son culte Vertiges de l'amour, à l'humour inqualifiable et insaisissable. L'honneur de clore la messe revient à une version suave et mystique de "Malaxe" qui sème une délicieuse confusion dans les esprits. On n'a pas le temps de le remercier que l'homme en noir est déjà parti. J'ai rarement attendu aussi longtemps le retour d'un artiste après une fin de concert. Il n'est pas revenu. J'ai alors marché jusqu'à chez moi, et j'ai chuchoté : La faiblesse des tout puissants, comme un lego avec du sang, la force décuplée des perdants, comme un lego avec des dents.
Et la nuit même, j'ai crevé l'oreiller.
Voilà la phrase qui me squatte le cerveau, ce vendredi 21 novembre 2008 à 7h30 du matin. J'ai les yeux qui collent, j'ai les jambes molles, j'ai du mal à soulever mon café, je patauge total. Mais c'est normal. J'ai crevé l'oreiller, j'ai dû rêver trop fort.
La veille, je me trouvais dans une bonne vieille salle de spectacle de Province, entouré de plusieurs centaines d'inconnus. Chloé Mons, la compagne de monsieur "C'est comment qu'on freine", a débarqué seule sur scène avec une guitare pleine de réverb'. Elle savait très bien gémir la langue de Shakespeare, n'en déplaise à la langue de vipère du public. Lorsqu'elle disparut en coulisse, l'attente s'est muée en pression, le temps durait longtemps, comme qui dirait.
Les applaudissements accueillant un Bashung géant, maigre et incroyablement élégant ont également duré un moment. D'une humilité effarante, Alain semblait réellement surpris d'être ainsi ovationné. Lorsqu'il empoigne sa folk et commence à gratter, me voilà bouche bée, minuscule devant le grand bonhomme, Comme un lego parmi tant d'autres. Quand il demande "Je t'ai manqué ?", on commence à se demander comment on faisait avant, quand on ne le connaissait pas.
Après la séduction, Bashung lâche sa guitare et se fait hypnotiseur, balaye la salle de ses longues mains fines pour accompagner la rythmique glauque du quasi-suicidaire "Volontaire". Les lumières rouges incendient les pupilles, le chant paranoïaque glace le sang, et la question s'impose : quelle punition pourrait-on infliger au pêcheur qui oserait appeler ça de la variétoche ? "Mes Prisons" déclenche la fureur électrique, et Samuel Hall provoque à nouveau l'effroi avec son inoubliable refrain Allez au Diable, j'm'appelle Samuel Hall, Je vous déteste tous. Le gratteux soliste se laisse aller à quelques improvisations abrasives, tandis que les autres membres du gang jonglent entre la rythmique et le violoncelle. Le boulot est admirablement exécuté. Mais Bashung irradie la foule, se fait centre d'attention sans le moindre effort, chaque syllabe qui sort de sa bouche vient se graver automatiquement dans un coin précieux et secret de la cervelle.
Et voici venir le hit français le plus remarquable depuis au moins 20 ans, "La Nuit Je Mens". Tire larmes sans forcer, évocateur et trouble à la fois, cette chanson remue les sentiments, la conscience, les souvenirs, ah, j'en vois plusieurs qui ont sorti les mouchoirs autour de moi. Ce n'est pas de la variété, mais c'est ce que la variété devrait être. Puis, d'un murmure bouleversant, Bashung Happe le public qui se laisse faire, comme d'habitude. Alors bercé par de délicats arpèges, l'auditeur ne se méfie plus de rien, jusqu'au dépressif "Mes Bras". On s'habitue vite au confort, pas Alain, qui a fuit simplicité et logique tout le long de sa carrière. "Mes Bras" connaissent la menace du futur, les délices qu'on ampute, pour l'amour d'une connasse...
Le genre de truc qui donne des vocations, dit-il avant d'entonner, seul à la guitare, un couplet et un refrain de "Blowin' In The Wind", pour enchaîner sur un tonitruant "Osez Joséphine", jouissif et fédérateur. Un hallucinant "Fantaisies Militaires" vient clore cette première partie, dans un boucan sonore divinement assuré par les zicos, encouragé par un Bashung en transe totale qui clame comme un damné. Soldat, sans joie, va, déguerpit, l'amour t'a faussé compagnie...
Le rappel se fait à pattes de velours, avec "Madame Rêve" et son érotisme félin, son charme langoureux, sa Madame qui rêve de cylindres aussi longs qu'ils sont les seuls qui la remplissent de bonheur... Gainsbourg pas loin ? Sans blagues. Celle-là, elle est préhistorique, dit le maître en guise d'intro de son culte Vertiges de l'amour, à l'humour inqualifiable et insaisissable. L'honneur de clore la messe revient à une version suave et mystique de "Malaxe" qui sème une délicieuse confusion dans les esprits. On n'a pas le temps de le remercier que l'homme en noir est déjà parti. J'ai rarement attendu aussi longtemps le retour d'un artiste après une fin de concert. Il n'est pas revenu. J'ai alors marché jusqu'à chez moi, et j'ai chuchoté : La faiblesse des tout puissants, comme un lego avec du sang, la force décuplée des perdants, comme un lego avec des dents.
Et la nuit même, j'ai crevé l'oreiller.
Excellent ! 18/20 | par Helium |
En ligne
203 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages