Idaho
Paris [La Maroquinerie] - vendredi 22 février 2008 |
L'impression que c'est la fin.
Finalement, on est là, on le sait, les gens nous le rabâchent sans cesse, mais on sent qu'on va mourir debout. A l'intérieur, plus rien, plus aucune réactivité. Les choses glissent. Elles caressent puis s'effacent. Là-dedans, la volonté cède au détriment des stimulations. C'est que l'on a une carcasse à déplacer. Et ce n'est pas rien. Poids en trop. Fardeau envahissant, il s'agit pourtant bien de nous-mêmes, propre animal de compagnie à contenter sans savoir trop comment, ni de quoi.
Et de temps en temps, il arrive que des rencontres surgissent et donnent du sens à tout ça. Parce qu'on l'a désiré, parce qu'on l'a cherché, parce que l'on se connaît. On s'abandonne alors pour une dérive en dehors de soi comme en soi-même, en pilote automatique, et on se gargarise de toutes les émotions qui nous inondent.
C'est la faiblesse avouée de Jeff Martin qui nous convainc entièrement. On se range à cet aveu sublime de mélancolie. Les guitares solidement accrochées par les sangles, délivrant des slides percutant, c'est armé de solides arguments, que Idaho va faire état d'une poignante vérité : Idaho ne résoudra rien, mais Idaho reconnaît son impuissance et, bizarrement, en tire sa force, sans se cacher, sans se jouer d'apparat trompeur.
Piochant dans son ancien répertoire ("Heart of psalm" ou le langoureux "Run but your ran"), Jeff Martin, cheveux longs comme à la vieille époque, et John Berry, son acolyte, délivrent, sourire rafraîchissant sur le visage, une succession de chansons percutantes de tristesse. Un spleen assumé, car pris en compte et non négligé. Les complaintes se transforment en longue tirade, qui se ballade, se délite ou zigzague parmi les lignes mélodiques et les climats, monte en puissance ou finit par se lâcher jusqu'à ce que la voix s'éraille de façon poignante. La batterie, conviée pour le coup, renforce cette impression que les choses nous dépassent ("Get you back"). Forte, martelant un tempo vigoureux, elle soulevait des arias de désespoir tragique à l'échelle minuscule de l'ego individuel, tout en se drapant d'une majesté qui englobait le monde, les gens et d'autres restes indéfinissables.
A la vue de cet homme, sur son piano, envahi et convaincu par sa musique, ou à la guitare comme il y a dix ans (déjà, que le temps passe...), l'univers de la Maroquinerie, petite arène intimiste, prenait soudain des couleurs uniques. On partageait aussi bien les échanges, les blagues, les private jokes ou les remerciements, que les plaintes déchirantes défilant sans espoir de lumière ou d'optimisme ("To be the one"). Enrobé dans une ambiance vaporeuse distillée par des samples entre chaque chanson (de voix murmurantes, de slides ou d'enregistrement de criquets lors des nuits californiennes) comme Idaho le fait depuis leurs premiers concerts, les chansons se gorgeaient d'élégance, bref instantanés de la tristesse la plus criante. Celle qui s'arrache, impossible à contenir, qui veut sortir et qu'on crache sans jamais s'en débarrasser, jusqu'à ce que l'effort devienne un acte admirable.
Vu du public, il n'y avait plus que la scène et quelques hommes qui mettaient sur la table leur effroyable et tellement beau compte-rendu et qui le partageait sans d'autres ambitions. La set-list rendant honneur aux albums de la vieille époque, ce sont les souvenirs qui sont revisités. Quand on découvrait le groupe et qu'on grandissait avec, BO des aléas, des rencontres amoureuses et des peines. La force de percussion est brutale : on entre en résonance, on se superpose émotionnellement à celles véhiculés par les tortueuses litanies. On subit de plein fouet l'esthétisme flouté et élégiaque du groupe. Jusqu'à en trembler. S'étriper émotionnellement dans une imitation de Jeff Martin qui ferme les yeux et s'arrache la gorge en cours d'aveu sublime de chagrin et de colère rentrée ("Stare at the sky", sans doute une des plus poignante chanson qui existe jamais).
Et c'est comme si on sentait tout notre sang affluer dans nos veines. Tout s'illumine. Cette sensation de se trainer comme des fantômes prend tout son sens : c'est elle qui est le moteur d'une recherche musicale à base de modestie et de justesse mélodique. On se réjouit de partager et d'assister à de telles démonstrations de grâce. On est balayé par les slides qui se perdent de John Berry, des caisses frappées ou des tremolos de Jeff Martin lors de passages attendrissant au piano.
Lorsque les moments atteignent des paroxysmes dans le laisser-aller, dans les structures qui se font fuyantes, dans ces passages où seul la musique parle, où les mots mêmes s'effacent, tout notre corps s'y perd aussi. Les émotions sont vives, au sens propre du terme. Idaho, c'est nous, c'est notre histoire, on s'est découvert avec Idaho, on l'a partagé tant et tant comme un secret, la set-list revisite des anciennes chansons et refait le chemin avec nous. On s'accroche alors à nous même pour ne pas se perdre et on se dit : "bon sang, oui, mais on est bien là !".
Un peu secoué certes, plutôt émus, avec ce je ne sais quoi prêt à piquer les yeux, mais oui, ouf, on est bien là. Et prêt à repartir de plus belle.
Finalement, on est là, on le sait, les gens nous le rabâchent sans cesse, mais on sent qu'on va mourir debout. A l'intérieur, plus rien, plus aucune réactivité. Les choses glissent. Elles caressent puis s'effacent. Là-dedans, la volonté cède au détriment des stimulations. C'est que l'on a une carcasse à déplacer. Et ce n'est pas rien. Poids en trop. Fardeau envahissant, il s'agit pourtant bien de nous-mêmes, propre animal de compagnie à contenter sans savoir trop comment, ni de quoi.
Et de temps en temps, il arrive que des rencontres surgissent et donnent du sens à tout ça. Parce qu'on l'a désiré, parce qu'on l'a cherché, parce que l'on se connaît. On s'abandonne alors pour une dérive en dehors de soi comme en soi-même, en pilote automatique, et on se gargarise de toutes les émotions qui nous inondent.
C'est la faiblesse avouée de Jeff Martin qui nous convainc entièrement. On se range à cet aveu sublime de mélancolie. Les guitares solidement accrochées par les sangles, délivrant des slides percutant, c'est armé de solides arguments, que Idaho va faire état d'une poignante vérité : Idaho ne résoudra rien, mais Idaho reconnaît son impuissance et, bizarrement, en tire sa force, sans se cacher, sans se jouer d'apparat trompeur.
Piochant dans son ancien répertoire ("Heart of psalm" ou le langoureux "Run but your ran"), Jeff Martin, cheveux longs comme à la vieille époque, et John Berry, son acolyte, délivrent, sourire rafraîchissant sur le visage, une succession de chansons percutantes de tristesse. Un spleen assumé, car pris en compte et non négligé. Les complaintes se transforment en longue tirade, qui se ballade, se délite ou zigzague parmi les lignes mélodiques et les climats, monte en puissance ou finit par se lâcher jusqu'à ce que la voix s'éraille de façon poignante. La batterie, conviée pour le coup, renforce cette impression que les choses nous dépassent ("Get you back"). Forte, martelant un tempo vigoureux, elle soulevait des arias de désespoir tragique à l'échelle minuscule de l'ego individuel, tout en se drapant d'une majesté qui englobait le monde, les gens et d'autres restes indéfinissables.
A la vue de cet homme, sur son piano, envahi et convaincu par sa musique, ou à la guitare comme il y a dix ans (déjà, que le temps passe...), l'univers de la Maroquinerie, petite arène intimiste, prenait soudain des couleurs uniques. On partageait aussi bien les échanges, les blagues, les private jokes ou les remerciements, que les plaintes déchirantes défilant sans espoir de lumière ou d'optimisme ("To be the one"). Enrobé dans une ambiance vaporeuse distillée par des samples entre chaque chanson (de voix murmurantes, de slides ou d'enregistrement de criquets lors des nuits californiennes) comme Idaho le fait depuis leurs premiers concerts, les chansons se gorgeaient d'élégance, bref instantanés de la tristesse la plus criante. Celle qui s'arrache, impossible à contenir, qui veut sortir et qu'on crache sans jamais s'en débarrasser, jusqu'à ce que l'effort devienne un acte admirable.
Vu du public, il n'y avait plus que la scène et quelques hommes qui mettaient sur la table leur effroyable et tellement beau compte-rendu et qui le partageait sans d'autres ambitions. La set-list rendant honneur aux albums de la vieille époque, ce sont les souvenirs qui sont revisités. Quand on découvrait le groupe et qu'on grandissait avec, BO des aléas, des rencontres amoureuses et des peines. La force de percussion est brutale : on entre en résonance, on se superpose émotionnellement à celles véhiculés par les tortueuses litanies. On subit de plein fouet l'esthétisme flouté et élégiaque du groupe. Jusqu'à en trembler. S'étriper émotionnellement dans une imitation de Jeff Martin qui ferme les yeux et s'arrache la gorge en cours d'aveu sublime de chagrin et de colère rentrée ("Stare at the sky", sans doute une des plus poignante chanson qui existe jamais).
Et c'est comme si on sentait tout notre sang affluer dans nos veines. Tout s'illumine. Cette sensation de se trainer comme des fantômes prend tout son sens : c'est elle qui est le moteur d'une recherche musicale à base de modestie et de justesse mélodique. On se réjouit de partager et d'assister à de telles démonstrations de grâce. On est balayé par les slides qui se perdent de John Berry, des caisses frappées ou des tremolos de Jeff Martin lors de passages attendrissant au piano.
Lorsque les moments atteignent des paroxysmes dans le laisser-aller, dans les structures qui se font fuyantes, dans ces passages où seul la musique parle, où les mots mêmes s'effacent, tout notre corps s'y perd aussi. Les émotions sont vives, au sens propre du terme. Idaho, c'est nous, c'est notre histoire, on s'est découvert avec Idaho, on l'a partagé tant et tant comme un secret, la set-list revisite des anciennes chansons et refait le chemin avec nous. On s'accroche alors à nous même pour ne pas se perdre et on se dit : "bon sang, oui, mais on est bien là !".
Un peu secoué certes, plutôt émus, avec ce je ne sais quoi prêt à piquer les yeux, mais oui, ouf, on est bien là. Et prêt à repartir de plus belle.
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Vic |
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