Idaho
Vieux Carré |
Label :
Kalinstaland |
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C'est le label allemand Kalinkaland qui eut la bonne idée de sortir cette compilation de quelques uns des titres d'Idaho, auxquelles s'ajoutent quatre inédits, en attendant la sortie du nouvel album.
Autant dire qu'il était particulièrement difficile d'opter pour l'une ou l'autre des chansons qui composent le répertoire de ce groupe, réduit bien souvent au seul Jeff Martin, tant aucune ne se distingue et qu'elles forment souvent un tout cohérent.
Faute de pouvoir mettre la main sur les premiers morceaux du groupe, définitivement inaccessibles, à cause des droits, le label a axé ses choix de manière à donner une unité à l'album et à restituer le plus fidèlement possible l'atmosphère du groupe.
Avec des morceaux aussi poignants que "You'll Get To The Bottom Of This" ou "Basscrawl", qui est un inédit, satinés et veloutés, le ton réussit à jeter une ambiance reposée, méditative et absolument sublime.
La compilation s'ouvre sur le piano de "Levitate", qui habituellement conclue l'album du même nom. Placé en prémices, la sensation de fuite vers l'étendu est délicieusement déstabilisante. Cette sensation de flottement est d'autant renforcée qu'elle est suivie par "To Be The One" où la voix chevrotante de Jeff Martin, les notes de guitares qui sont frottées plus que grattées et ces slides qui se perdent dans le lointain, concourent à insuffler une magie gracieuse et accrocheuse.
Une fois immergé, toute la beauté et la majesté désespérées de titres comme "This Day" explose en plein visage. Jeff Martin déchire sa voix, jette sa souffrance et se laisse submerger par une tempête, qui quelque fois s'atténue ou s'arrête brusquement, au cours d'accalmie où l'on ne sait jamais si le soleil perce ou si les nuages menacent encore.
La musique d'Idaho a toujours été celle d'un homme torturé, en proie à sa tristesse comme à son désespoir le plus combatif.
L'éthérisme s'insinue malicieusement, que ce soit au cours d'anciennes et énergiques faces-b ("Flat Top" ou l'excellent "Straw Dogs") où le jeu parfait trouve toujours une ligne de déviance, dans des passages instrumentaux de toutes beautés ou dans quelques prolongements de notes qui glissent et s'échappent, ou que ce soit pendant ces retenues, cette légèreté, ces coups d'oreillers que l'on entend dans "On The Shore" ou "Before You Go", morceaux plus récents. La voix de Jeff Martin s'y fait plus douce, la batterie plus discrète et matinée et le piano omniprésent.
On se met alors à rêver à l'écoute de cette boite à rythme ralentie qui supporte l'ensemble à bout de bras, tandis que quelques effets bidouillées viennent voler au secours d'un chant grave et fatigué, comme si Jeff Martin voulait se sortir du confinement dans lequel il se trouve ("Scrawny", tiré de Alas). Le voeu de s'effacer devant ses propres compositions est récurrent chez Idaho, par pudeur ou par souffrance. On préfère faire parler les instruments qui mènent leur vie propre, voire on efface presque leur présence pour ne retenir qu'une ambiance dessinée à coup de petits sons et de nuages sonores. L'instrumental "Carousel" est en ce sens fuyant et rempli de faux-semblant. Quant à la reprise de Low ("Rope", qui était paru sur un Tribute), elle laisse présager du futur album The Lone Gunman : des enregistrements passées en boucle de piano et de samples de batterie à peine effleurants, des voix qui ressemblent en fait à des souffles ou des soupirs et des violons fantômes.
Jeff Martin ouvre alors son champ d'expression vers l'infini, vers ses désirs de silence et d'introspection, délivrant ainsi une multitude de messages plutôt qu'un seul qui paraîtrait imposé.
On voyage donc savamment au cours de ce recueil, entre pauses musicales méditatifs et moments d'intensité. Idaho mène parfois vers des paroxysmes où la sensibilité y est exacerbée. Jeff Martin incarne une contradiction troublante : celle d'un homme dont le destin l'a gâté mais qui semble pourtant perpétuellement insatisfait. Une sorte de petit prince de la mélancolie, rendu humain par ses errances, son autoritarisme et son perfectionnisme maladif. Son œuvre compose la bande-son idéale aux nuits d'hiver ou au jour de dépression et d'ennui. Des instants privilégiés pour être réceptif. Car il ne faudrait pas passer à côté des innombrables échos dont la qualité inouïe pour l'écriture de chansons grandioses de poésie est porteuse. On écoute Idaho pour se reconnaître et recueillir des état-d'âmes. Une sorte de magie s'impose alors. Une féerie où au travers une poésie, une complexité dans l'écriture, on aperçoit les doutes d'un homme mais aussi son respect et sa fascination, sensations enflammées qu'on peut partager avec lui.
Lorsque, sur "Sliding Past" (une des plus belles chansons du groupe et qui pourtant n'était encore jamais sorti des tiroirs), la basse se pose, secouante et vibrante, le cœur se met en accord. La voix rentre de toute part, chaude et liquoreuse, tandis que des slides déchirant hypnotisent. Le violent déchaînement qui s'en suit, où la batterie se lâche, le chant sort du ventre et les guitares tonnent superbement, prend d'autant plus d'ampleur. La brusque chute de fièvre est saisissante et on en frémit encore. Jamais autant d'émotions, aussi vraies, aussi pures, n'avaient été véhiculé à ce point. Sensations vivaces puisque cette chanson est placée juste avant "Carousel" et "Scrawny", qui apparaissent comme des moments de détente où les propos crus et violents prennent encore plus de relief.
Ce qui est attachant chez Idaho, c'est que le côté orfèvre ne prend jamais le pas sur l'authenticité, sans doute parce que les musiciens, aussi consciencieux qu'ils soient restent toujours au service des morceaux, que Jeff Martin considère comme une tentative éperdue de toucher au plus vrai de sa nature. Sorte de quête de l'inutile, qui met du temps à aboutir et dont les mystères restent entier. L'ensemble de ces mélodies fige le temps en une contemplation hébété d'un spleen tenace.
L'album se conclu sur une autre exclusivité : "Losing Light", agrémenté de la tendre guitare de Dean Seta (qui accompagna un temps Jeff Martin avant de se faire virer pour incompatibilité d'humeur), petite ballade triste et épleurée, qui ne voit aucune lumière, encore moins lorsque les saturations emplissent l'espace, embrouillant le discours, l'achevant sur un murmure et effaçant tout espoir salvateur.
Chez Idaho, il n'y a que le constat.
Autant dire qu'il était particulièrement difficile d'opter pour l'une ou l'autre des chansons qui composent le répertoire de ce groupe, réduit bien souvent au seul Jeff Martin, tant aucune ne se distingue et qu'elles forment souvent un tout cohérent.
Faute de pouvoir mettre la main sur les premiers morceaux du groupe, définitivement inaccessibles, à cause des droits, le label a axé ses choix de manière à donner une unité à l'album et à restituer le plus fidèlement possible l'atmosphère du groupe.
Avec des morceaux aussi poignants que "You'll Get To The Bottom Of This" ou "Basscrawl", qui est un inédit, satinés et veloutés, le ton réussit à jeter une ambiance reposée, méditative et absolument sublime.
La compilation s'ouvre sur le piano de "Levitate", qui habituellement conclue l'album du même nom. Placé en prémices, la sensation de fuite vers l'étendu est délicieusement déstabilisante. Cette sensation de flottement est d'autant renforcée qu'elle est suivie par "To Be The One" où la voix chevrotante de Jeff Martin, les notes de guitares qui sont frottées plus que grattées et ces slides qui se perdent dans le lointain, concourent à insuffler une magie gracieuse et accrocheuse.
Une fois immergé, toute la beauté et la majesté désespérées de titres comme "This Day" explose en plein visage. Jeff Martin déchire sa voix, jette sa souffrance et se laisse submerger par une tempête, qui quelque fois s'atténue ou s'arrête brusquement, au cours d'accalmie où l'on ne sait jamais si le soleil perce ou si les nuages menacent encore.
La musique d'Idaho a toujours été celle d'un homme torturé, en proie à sa tristesse comme à son désespoir le plus combatif.
L'éthérisme s'insinue malicieusement, que ce soit au cours d'anciennes et énergiques faces-b ("Flat Top" ou l'excellent "Straw Dogs") où le jeu parfait trouve toujours une ligne de déviance, dans des passages instrumentaux de toutes beautés ou dans quelques prolongements de notes qui glissent et s'échappent, ou que ce soit pendant ces retenues, cette légèreté, ces coups d'oreillers que l'on entend dans "On The Shore" ou "Before You Go", morceaux plus récents. La voix de Jeff Martin s'y fait plus douce, la batterie plus discrète et matinée et le piano omniprésent.
On se met alors à rêver à l'écoute de cette boite à rythme ralentie qui supporte l'ensemble à bout de bras, tandis que quelques effets bidouillées viennent voler au secours d'un chant grave et fatigué, comme si Jeff Martin voulait se sortir du confinement dans lequel il se trouve ("Scrawny", tiré de Alas). Le voeu de s'effacer devant ses propres compositions est récurrent chez Idaho, par pudeur ou par souffrance. On préfère faire parler les instruments qui mènent leur vie propre, voire on efface presque leur présence pour ne retenir qu'une ambiance dessinée à coup de petits sons et de nuages sonores. L'instrumental "Carousel" est en ce sens fuyant et rempli de faux-semblant. Quant à la reprise de Low ("Rope", qui était paru sur un Tribute), elle laisse présager du futur album The Lone Gunman : des enregistrements passées en boucle de piano et de samples de batterie à peine effleurants, des voix qui ressemblent en fait à des souffles ou des soupirs et des violons fantômes.
Jeff Martin ouvre alors son champ d'expression vers l'infini, vers ses désirs de silence et d'introspection, délivrant ainsi une multitude de messages plutôt qu'un seul qui paraîtrait imposé.
On voyage donc savamment au cours de ce recueil, entre pauses musicales méditatifs et moments d'intensité. Idaho mène parfois vers des paroxysmes où la sensibilité y est exacerbée. Jeff Martin incarne une contradiction troublante : celle d'un homme dont le destin l'a gâté mais qui semble pourtant perpétuellement insatisfait. Une sorte de petit prince de la mélancolie, rendu humain par ses errances, son autoritarisme et son perfectionnisme maladif. Son œuvre compose la bande-son idéale aux nuits d'hiver ou au jour de dépression et d'ennui. Des instants privilégiés pour être réceptif. Car il ne faudrait pas passer à côté des innombrables échos dont la qualité inouïe pour l'écriture de chansons grandioses de poésie est porteuse. On écoute Idaho pour se reconnaître et recueillir des état-d'âmes. Une sorte de magie s'impose alors. Une féerie où au travers une poésie, une complexité dans l'écriture, on aperçoit les doutes d'un homme mais aussi son respect et sa fascination, sensations enflammées qu'on peut partager avec lui.
Lorsque, sur "Sliding Past" (une des plus belles chansons du groupe et qui pourtant n'était encore jamais sorti des tiroirs), la basse se pose, secouante et vibrante, le cœur se met en accord. La voix rentre de toute part, chaude et liquoreuse, tandis que des slides déchirant hypnotisent. Le violent déchaînement qui s'en suit, où la batterie se lâche, le chant sort du ventre et les guitares tonnent superbement, prend d'autant plus d'ampleur. La brusque chute de fièvre est saisissante et on en frémit encore. Jamais autant d'émotions, aussi vraies, aussi pures, n'avaient été véhiculé à ce point. Sensations vivaces puisque cette chanson est placée juste avant "Carousel" et "Scrawny", qui apparaissent comme des moments de détente où les propos crus et violents prennent encore plus de relief.
Ce qui est attachant chez Idaho, c'est que le côté orfèvre ne prend jamais le pas sur l'authenticité, sans doute parce que les musiciens, aussi consciencieux qu'ils soient restent toujours au service des morceaux, que Jeff Martin considère comme une tentative éperdue de toucher au plus vrai de sa nature. Sorte de quête de l'inutile, qui met du temps à aboutir et dont les mystères restent entier. L'ensemble de ces mélodies fige le temps en une contemplation hébété d'un spleen tenace.
L'album se conclu sur une autre exclusivité : "Losing Light", agrémenté de la tendre guitare de Dean Seta (qui accompagna un temps Jeff Martin avant de se faire virer pour incompatibilité d'humeur), petite ballade triste et épleurée, qui ne voit aucune lumière, encore moins lorsque les saturations emplissent l'espace, embrouillant le discours, l'achevant sur un murmure et effaçant tout espoir salvateur.
Chez Idaho, il n'y a que le constat.
Très bon 16/20 | par Vic |
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