Idaho
Palms EP |
Label :
Caroline |
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Et pourtant il y a des palmiers ! C'est ce qu'on pourrait rétorquer, sonné et choqué, à l'issu de ce maxi, le tout premier de ce groupe californien, en quête éperdue d'une source de chaleur. Car engluées dans un marasme sans nom, les chansons de Jeff Martin sidèrent par leur tristesse ambiante. Certes, les palmiers de Los Angeles ont toujours figuré en bonne place dans l'œuvre de Idaho, mais la photo est jaunie, impropre, sorte de vieille aquarelle pâlichonne. La musique de Jeff Martin n'est pas lumineuse, elle part en décrépitude.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, les guitares (celles de John Berry) pleurent. Ce n'est pas qu'une impression, elles pleurent vraiment. Elles se lamentent désespérément en de longs slides lointains qui traversent de bout en bout chaque morceau. Terrible. C'est ce qu'il reste. On dirait que le groupe admet que tout est vide. Même son bruit est vide d'insouciance.
Et alors qu'après un couplet accablant, on s'attendrait à un refrain un peu plus chatoyant, pour se recharger en oxygène, celui-ci est encore plus grave : guitare de plomb, distorsions. La chanson ("Creep") s'ouvre sur la fin en un passage qui s'égrène sur de petits slides avant de se refermer à nouveau, coupant fin à tout espoir.
De l'espoir, il n'y en a pas ici, pas la peine de chercher.
Jeff Martin se lamente, traîne sa misère comme un fardeau, et quand bien même les cordes sont grattées légèrement lors d'une suspension divine, son chant reste toujours aussi laconique ("Fall Around" ). Et lorsque les saturations de rage rentrée surviennent, il se mue en un cri de désespoir frustré.
Les quelques accords à la guitare sèche qui ouvrent "Gone" sont attristants, accompagnant une voix traînarde, qui plonge et s'enfonce dans la gravité, lorsque la batterie et les slides s'immiscent dans la complainte. D'une lenteur irréversible, les premières chansons de Idaho se laissent aller à la déprime et ne font rien d'autre que se traîner, ramper, couler. Dès que le ton monte, c'est pour ce faire accablant, menaçant, vengeur : à quoi bon gueuler, il n'y a que la misère dans ce monde ?
Ce maxi n'est qu'une succession de variation autour de la tristesse : les tremolo de Jeff Martin, les petits raclements de gorge, les cris de poumons éraillés à la suite de complainte crève-cœur sont autant d'indices pour une authenticité qu'on ne peut s'empêcher de partager. Cet homme est le plus malheureux du monde, et nous de même. On en ignore les causes, Jeff Martin étant né une cuillère d'argent dans la bouche, mais a priori ses maux sont insondables et reviennent le tirailler continuellement, en même temps qu'une lucidité lui rappelle qu'il n'existe aucun remède. Et c'est tellement sincère (le cri qui s'étend sur la montée en puissance qu'est "You are there") qu'on mêle notre propre douleur et la sienne, en une sorte d'empathie perverse. Le monde est cruel. Les gens sont cruels. La vie, en elle-même, est cruelle. Alors on souffre.
John Berry et Jeff Martin, duo pour le coup, livrent une musique abandonnée de tout optimisme, qui dévoile sans pudeur, ses failles, ses déchirures, sa violence intrinsèque. Sans complaisance, ni nombrilisme, le disque recueille des guitares en berne, une voix tourmentée et un rythme englué : ça ne s'écroule pas, on se situe après que tout soit tombé. La musique de Idaho est la BO idéale d'un film sur les lendemains de la chute : et lorsqu'on se rend compte que ce n'est pas le monde qui est tombé, mais tout son lustre d'espoir, de croyance et de rêve illusoire, il n'y a plus qu'à se laisser tenter par la déprime.
Ce qu'a déjà fait Idaho, visionnaire du désespoir.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, les guitares (celles de John Berry) pleurent. Ce n'est pas qu'une impression, elles pleurent vraiment. Elles se lamentent désespérément en de longs slides lointains qui traversent de bout en bout chaque morceau. Terrible. C'est ce qu'il reste. On dirait que le groupe admet que tout est vide. Même son bruit est vide d'insouciance.
Et alors qu'après un couplet accablant, on s'attendrait à un refrain un peu plus chatoyant, pour se recharger en oxygène, celui-ci est encore plus grave : guitare de plomb, distorsions. La chanson ("Creep") s'ouvre sur la fin en un passage qui s'égrène sur de petits slides avant de se refermer à nouveau, coupant fin à tout espoir.
De l'espoir, il n'y en a pas ici, pas la peine de chercher.
Jeff Martin se lamente, traîne sa misère comme un fardeau, et quand bien même les cordes sont grattées légèrement lors d'une suspension divine, son chant reste toujours aussi laconique ("Fall Around" ). Et lorsque les saturations de rage rentrée surviennent, il se mue en un cri de désespoir frustré.
Les quelques accords à la guitare sèche qui ouvrent "Gone" sont attristants, accompagnant une voix traînarde, qui plonge et s'enfonce dans la gravité, lorsque la batterie et les slides s'immiscent dans la complainte. D'une lenteur irréversible, les premières chansons de Idaho se laissent aller à la déprime et ne font rien d'autre que se traîner, ramper, couler. Dès que le ton monte, c'est pour ce faire accablant, menaçant, vengeur : à quoi bon gueuler, il n'y a que la misère dans ce monde ?
Ce maxi n'est qu'une succession de variation autour de la tristesse : les tremolo de Jeff Martin, les petits raclements de gorge, les cris de poumons éraillés à la suite de complainte crève-cœur sont autant d'indices pour une authenticité qu'on ne peut s'empêcher de partager. Cet homme est le plus malheureux du monde, et nous de même. On en ignore les causes, Jeff Martin étant né une cuillère d'argent dans la bouche, mais a priori ses maux sont insondables et reviennent le tirailler continuellement, en même temps qu'une lucidité lui rappelle qu'il n'existe aucun remède. Et c'est tellement sincère (le cri qui s'étend sur la montée en puissance qu'est "You are there") qu'on mêle notre propre douleur et la sienne, en une sorte d'empathie perverse. Le monde est cruel. Les gens sont cruels. La vie, en elle-même, est cruelle. Alors on souffre.
John Berry et Jeff Martin, duo pour le coup, livrent une musique abandonnée de tout optimisme, qui dévoile sans pudeur, ses failles, ses déchirures, sa violence intrinsèque. Sans complaisance, ni nombrilisme, le disque recueille des guitares en berne, une voix tourmentée et un rythme englué : ça ne s'écroule pas, on se situe après que tout soit tombé. La musique de Idaho est la BO idéale d'un film sur les lendemains de la chute : et lorsqu'on se rend compte que ce n'est pas le monde qui est tombé, mais tout son lustre d'espoir, de croyance et de rêve illusoire, il n'y a plus qu'à se laisser tenter par la déprime.
Ce qu'a déjà fait Idaho, visionnaire du désespoir.
Très bon 16/20 | par Vic |
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