Idaho

We Were Young And Needed The Money

We Were Young And Needed The Money

 Label :     Idaho 
 Sortie :    mardi 12 mars 2002 
 Format :  Compilation d'inédits / CD   

Idaho est un groupe maudit.
S'acharnant à pratiquer une musique parfaite entre sadcore désespéré et rock mélodieux à la classe sublime, la formation de Jeff Martin n'aura jamais réussi à obtenir le minimum de succés qui lui revenait de droit.

Avec We Were Young And Needed The Money, on a le droit à une chance. Une chance supplémentaire de découvrir cet artiste, Jeff Martin, que tout le monde ignore mais qui se révèle le songwriter le plus talentueux et le plus intègre de sa génération.
Tout au long de ces faces B qui composent ce recueil miraculeux (qu'on doit au travail acharné de John Berry, membre fondateur et maintenant producteur, qui a sorti du placard des enregistrements rejetés, et s'est battu avec les maisons de disques pour en obtenir les droits), c'est un voyage dans l'univers très personnel et absolument attachant de ce groupe californien, qu'on effectue avec un plaisir décuplé par le charme intemporel des titres.
Pas moins de dix-sept inédits ont pu être rassemblés, regroupant surtout des sessions de 95-96, mais aussi des sessions plus récentes, jointes même aux premières démos du groupe en 1992.
Les derniers albums (Heart Of Psalms et Levitate, les seuls qu'on trouve dans le commerce, ... et encore avec de la chance) sont l'occasion au groupe de livrer un visage plus intimmiste et plus doux.
Ce recueil permet donc de se rendre compte que Idaho était avant tout un groupe de rock péchu et noisy, mélodique à souhait et toutes guitares en avant.
Ainsi "Teeth Marks", "Flat Top" sont de vrais brulôts énergiques où Jeff Martin hurle comme un dératé au milieu d'une tempête de feed-back. Les titres (comme "Shoulder Back" ou "Breathe") sont absolument prenants, et de par leur qualité indéniable, ils auraient largement mérité de figurer sur les albums This Way Out ou" Three Sheets To The Wind. Tout dans le jeu, l'instrumentalisation, la production, est miraculeux de fraicheur, de sincérité et de beauté confondante.
Jeff Martin savait écrire des chansons comme personne : efficaces, complexes et sensibles. C'est sans doute cette sensibilité qui nous touche quand on écoute Idaho. Elle est si puissante qu'elle ne peut se cacher et elle transparait presque dans chaque note, chaque coupure de rythme, chaque passage mélancolique, chaque retombée de tension, chaque harmonie délicate.
Parfois le ton se fait plus triste, plus humain comme sur les langoureux "A Second Chance" ou "Signs Of Life". C'est absolument d'une tendresse amère.
Même dans ses chansons les plus nerveuses ("Come Over"), la voix éraillée et bouleversante de Jeff Martin ne peut s'empêcher de trahir quelques trémolos, une rage intérieure et contenue. Car il s'agit d'un homme sensible, un romantique, un solitaire inconsolable.
On suit ici l'évolution du groupe d'un sadcore saigné à blanc et aventureux vers une indie pop émotive.
Les titres plus récents, issus des sessions de Heart Of Psalms, sont de véritables miroirs du spleen impitoyable qui habite le compositeur, en proie au doute constant, tels "Spiral" et "Nothing Wrong". Ils renvoient aux débuts, les trois morceaux placés à la fin, à l'époque où leur son était lent, malade, dépressif et claustro. Idaho imposait un ton sombre et meurtri, sans le moindre sourire. Et c'est sans doute cet ombrage constant au cours de leur discographie qui rend le groupe si attachant. Ces tourments poisseux ont su sublimer toutes les chansons pour en faire des bijoux sublimes de poésie.
Idaho passe de la nudité artistique à d'impressionnantes envolées instrumentales avec la même justesse de ton, la même délicatesse enivrante. Quel plaisir en tout cas de réecouter la guitares de Dean Seta, ses larsens interminables qui se perdent dans le lointain et qui constituent la signature de ce groupe inclassable. Au près de sommets indépassables comme "Straw Dogs" ou "Much Closer Now", on ne peut que s'incliner et s'émerveiller devant tant de splendeur.

Au final, on ressort de cet album légèrement déprimé, bien qu'on soit conquis par Idaho. On a l'impression que ces chansons datent d'hier, pourtant elles nous ramènent vers une époque lointaine, passée, oubliée.
Aujourd'hui le plus talentueux des groupes à succés actuels serait incapable d'égaler en finesse le plus obscurs des faces B d'Idaho. Et c'est bien cela le plus triste.
De toutes façons, Idaho est un groupe pour nostalgiques.


Très bon   16/20
par Vic


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