Noir Désir

Des Visages, Des Figures. Peau neuve d'un groupe qui envisage de refaire figure. Maquillage à souhait pour rentrer dans le moule de ces âmes qui se jettent en pâture. Noir Désir polit ses angles et cache ses plaies, car on le sait tous l'apparence est seule juge. Les crochets se rétractent doucement, le venin digéré lentement. Tout cela dans des mélodies nébuleuses. La rudesse et la simplicité des arrangements ont remplacé les étendards et les poings levés. Car l'amertume est plus jolie dans les veines que jetée en pleine figure. Les nerfs s'offrent maintenant en bouquet. Le vent est doux mais n'érode pas les havres d'une poésie à son apogée. Des visages de poètes, des figures de style. Bertrand Cantat propose à ses interlocuteurs d'interagir par le biais de ses textes télescopés. D'y rechercher passion, engament ou simple beauté de juxtaposition des mots. Chacun y trouve son compte, peut se faire interprète des convictions des artistes ou finalement des siennes propres. Le mimétisme agit à merveille. Est en définitive la meilleure des attaques que le groupe ait trouvé et permet de tenir la distance. Car non, en dépit des apparences, la rage n'a pas fané et ne fanera jamais tant qu'il y aura toujours matière à consumer l'incrédulité de Noir Désir. La flamme n'a pas flanché, camouflée derrières des constats et dénonciations poétiques ou embrasant avec tripes des odes passionnés. "Le Grand Incendie" (la sortie de l'album ne pouvait pas 'mieux' tomber) est l'inévitable destinée de "L'homme Pressé" dont l'arrogance nous avait marqué, les oiseaux mazoutés rappellent "Aux Sombres Héros De L'amer" et "Des Armes" de Léo Ferré laisse tous simplement coi. Et si le doute persiste, il suffit d'attendre "L'Europe", point d'orgue final dans le théâtre absurde à la Ionesco coincé avec la reines des barges Brigitte Fontaine. Vingt minutes durant lesquelles la plume de Cantat ne peut se retenir de déverser tout ce que lui inspire l'état actuel de notre partie du monde dans une incantation de grands n'importe quoi. Noir Désir persiste et signe. Mêmes visages, même figure...