Autechre
NTS Session 3 |
Label :
Warp |
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NTS Session 3 est le troisième volet d'un voyage jusqu'aux confins les plus sombres... Et si la fureur de déstructuration s'est apaisée depuis Untilted, si la pulsation et la danse sont de nouveau présentes, l'inquiétante étrangeté n'en dégorge pas moins de partout. Les transitions entre les compos sont pensées, pesées — puissantes et enivrantes. Ce n'est pas une sorte de compilation. Ce serait plutôt une symphonie avec ses mouvements. Tout cela mérite un passage en revue façon détaillée...
"Clustro Casual", c'est d'emblée un groove très enlevé, sur des nappes de synthés futuristes qui rappellent la house, et des radiations outrageusement organiques, même crémeuses... Si certaines compositions d'Autechre exige du temps pour se laisser découvrir, celle-ci emporte l'adhésion illico.
Exercice de style saisissant, "Splesh" est un brin plus sec. Il consiste en un dialogue entre des infrabasses, une rythmique aux sonorités aquatiques et des mélodies décharnées. Pas plus, pas moins. S'en dégage cette sécheresse qui rappelle la démarche combinatoire des artistes minimalistes tel Sol Le Witt : épuiser les possibilités des formes pour leur faire rendre tout leur jus. On peut râler, mais en réalité, si on se laisse porter, avec attention, on est tout conquis.
S'ensuit une pièce maîtresse, peut-être l'une de leurs plus importantes compositions à ce jour : "tt1pd". Vingt-deux minutes de bruits et de fureur, de rages explosives et de titanesques larsens qui donnent naissance à des courants de laves ondulatoires, et malaxent un espace super élargi. On virevolte, plongé au cœur d'une supernova agonisante qui exulte dans son chaos. Puis la rage se scinde en son centre, et le rythme se fait lent, pesant, hostile et rampant. Fou de ce morceau, j'ai voulu l'exploiter en soirée. C'était une fête de "metaleux" défoncés à la "weed" et aux alcools forts type Jack Daniels, éructant de façon tribale pour se faire passer pour des "durs à cuire". Tout ce bétail quitta la maison comme un seul homme quand résonna "tt1pd", à fond. La meute s'était réfugiée dans le froid et la nuit, mais bien à l'abri de nouvelles enceintes diffusant tapping et hurlements à la colère simulée. Moralité : Autechre nique le grindcore sur son propre terrain : susciter les ténèbres.
"Acid mwan idle" est un mantra où s'échelonnent des implosions de timbres sur un imperturbable rythme pendulaire avec des déphasages qui rappellent Steve Reich. "fLh", est un thème "chipmunk" à la "bqbqbq" (NTS Session 1) travaillé impitoyablement pour lui faire rendre toute sa potentialité. Une poétique de l'épuisement propre à Autechre qui, comme je l'écrivais, rappelle la démarche minimaliste. Un monde est créé avec si peu ! Précision presque scientifique. Fin dosage des timbres, des rythmes, de tout le matériau sonore...
Les codes informatiques fabriqués par Autechre ont ce comportement propre aux entités des bas-fonds, qui mordent comme elles embrassent. "Glos Ceramic" est une de ces entités sonores. Elle draine tout un charme vénéneux, entre mélodies sombres et variations industrielles sur la rythmique. Il y a quelque chose de profondément érotique et sulfureux, comme une intime vibration qui s'entend avec la chair et ses mélanges. C'est la danse du ventre de la reine des Aliens. Ou celle de la prêtresse méchante et magnifique de la lune noire, Lilith. Atmosphère surréaliste de reflets irisés et noirs, de bouches anonymes et brûlantes, de partouze métaphysique. "Glos Ceramis" fait de tout mélomane un érotomane de haute distinction.
L'enchaînement est parfait avec "g 1 e 1". Atmosphère désolée. Quelques notes aux timbres brouillés, puis une entêtante mélodie que l'on retrouvait déjà dans la série des AE_Live . On erre. Un désert qui pullule en nous.
Imaginez une usine de métallurgie sous des kilomètres de liquide, et vous avez "NineFly". Tout est compressé au maximum. Titanesques, les basses laissent s'échapper quelques rares larsens luttant avec la pression qui s'exercent partout. Cette musique est une véritable physique du matériau ! Elle fait entendre des forces non-sonores : poids, force, pression... Sorte d'ingénierie sonique.
"shimripl air" renoue avec une ambient aquatique, aux résonnances infinies. On éprouve ce "sentiment océanique" propre à la S.F. : être perdu au milieu du vaste cosmos, telle Ripley à la fin d'"Alien, le huitième passager", qui dérive et rêve peut-être pour l'éternité dans sa capsule de sommeil.
"Icari", tour de force ultime. Comme une réponse sensuelle et écorchée à "NineFly". On dérive encore, sur des pulsations secrètes... Des notes ça et là, comme un thème, mais rongé par de l'acide, et ponctué d'infimes ratés, multiples, dont se dégagent comme des jeux de luisances. En haut, des nappes capricieuses, démoniaques. Tout ça draine, palpite, agonise, mais diaphane, subtil, insidieux... exactement comme une MALADIE. De nouvelles oreilles éclatent dans la cochlée. "Cloc !" Pullulation d'oreilles spectrales. Ne pas s'étonner si, au bout de ces deux heures d'aberrations ondulatoires, vos proches vous reprochent un air vaguement hostile, et comme biaisé sur un plan organique. Autechre a fait de vous de véritables difformités heureuses.
"Clustro Casual", c'est d'emblée un groove très enlevé, sur des nappes de synthés futuristes qui rappellent la house, et des radiations outrageusement organiques, même crémeuses... Si certaines compositions d'Autechre exige du temps pour se laisser découvrir, celle-ci emporte l'adhésion illico.
Exercice de style saisissant, "Splesh" est un brin plus sec. Il consiste en un dialogue entre des infrabasses, une rythmique aux sonorités aquatiques et des mélodies décharnées. Pas plus, pas moins. S'en dégage cette sécheresse qui rappelle la démarche combinatoire des artistes minimalistes tel Sol Le Witt : épuiser les possibilités des formes pour leur faire rendre tout leur jus. On peut râler, mais en réalité, si on se laisse porter, avec attention, on est tout conquis.
S'ensuit une pièce maîtresse, peut-être l'une de leurs plus importantes compositions à ce jour : "tt1pd". Vingt-deux minutes de bruits et de fureur, de rages explosives et de titanesques larsens qui donnent naissance à des courants de laves ondulatoires, et malaxent un espace super élargi. On virevolte, plongé au cœur d'une supernova agonisante qui exulte dans son chaos. Puis la rage se scinde en son centre, et le rythme se fait lent, pesant, hostile et rampant. Fou de ce morceau, j'ai voulu l'exploiter en soirée. C'était une fête de "metaleux" défoncés à la "weed" et aux alcools forts type Jack Daniels, éructant de façon tribale pour se faire passer pour des "durs à cuire". Tout ce bétail quitta la maison comme un seul homme quand résonna "tt1pd", à fond. La meute s'était réfugiée dans le froid et la nuit, mais bien à l'abri de nouvelles enceintes diffusant tapping et hurlements à la colère simulée. Moralité : Autechre nique le grindcore sur son propre terrain : susciter les ténèbres.
"Acid mwan idle" est un mantra où s'échelonnent des implosions de timbres sur un imperturbable rythme pendulaire avec des déphasages qui rappellent Steve Reich. "fLh", est un thème "chipmunk" à la "bqbqbq" (NTS Session 1) travaillé impitoyablement pour lui faire rendre toute sa potentialité. Une poétique de l'épuisement propre à Autechre qui, comme je l'écrivais, rappelle la démarche minimaliste. Un monde est créé avec si peu ! Précision presque scientifique. Fin dosage des timbres, des rythmes, de tout le matériau sonore...
Les codes informatiques fabriqués par Autechre ont ce comportement propre aux entités des bas-fonds, qui mordent comme elles embrassent. "Glos Ceramic" est une de ces entités sonores. Elle draine tout un charme vénéneux, entre mélodies sombres et variations industrielles sur la rythmique. Il y a quelque chose de profondément érotique et sulfureux, comme une intime vibration qui s'entend avec la chair et ses mélanges. C'est la danse du ventre de la reine des Aliens. Ou celle de la prêtresse méchante et magnifique de la lune noire, Lilith. Atmosphère surréaliste de reflets irisés et noirs, de bouches anonymes et brûlantes, de partouze métaphysique. "Glos Ceramis" fait de tout mélomane un érotomane de haute distinction.
L'enchaînement est parfait avec "g 1 e 1". Atmosphère désolée. Quelques notes aux timbres brouillés, puis une entêtante mélodie que l'on retrouvait déjà dans la série des AE_Live . On erre. Un désert qui pullule en nous.
Imaginez une usine de métallurgie sous des kilomètres de liquide, et vous avez "NineFly". Tout est compressé au maximum. Titanesques, les basses laissent s'échapper quelques rares larsens luttant avec la pression qui s'exercent partout. Cette musique est une véritable physique du matériau ! Elle fait entendre des forces non-sonores : poids, force, pression... Sorte d'ingénierie sonique.
"shimripl air" renoue avec une ambient aquatique, aux résonnances infinies. On éprouve ce "sentiment océanique" propre à la S.F. : être perdu au milieu du vaste cosmos, telle Ripley à la fin d'"Alien, le huitième passager", qui dérive et rêve peut-être pour l'éternité dans sa capsule de sommeil.
"Icari", tour de force ultime. Comme une réponse sensuelle et écorchée à "NineFly". On dérive encore, sur des pulsations secrètes... Des notes ça et là, comme un thème, mais rongé par de l'acide, et ponctué d'infimes ratés, multiples, dont se dégagent comme des jeux de luisances. En haut, des nappes capricieuses, démoniaques. Tout ça draine, palpite, agonise, mais diaphane, subtil, insidieux... exactement comme une MALADIE. De nouvelles oreilles éclatent dans la cochlée. "Cloc !" Pullulation d'oreilles spectrales. Ne pas s'étonner si, au bout de ces deux heures d'aberrations ondulatoires, vos proches vous reprochent un air vaguement hostile, et comme biaisé sur un plan organique. Autechre a fait de vous de véritables difformités heureuses.
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Toitouvrant |
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