Earth

Phase 3: Thrones And Dominions

Phase 3: Thrones And Dominions

 Label :     Sub Pop 
 Sortie :    mardi 25 avril 1995 
 Format :  Album / CD  Vinyle  K7 Audio   

"The fiery
red Torino
rolled to
the curb,
we hit the
pavement
ready for
action."

Et c'est tout. Les seuls mots (obscurs) à se dégager du marasme sonique que constitue Phase 3: Thrones And Dominions, sont là, au dos de la pochette. Inutile de dire que les littéraires seront sûrement sur les dents à l'écoute de ce disque. Le vocabulaire est banni de l'expression poétique de Dylan Carlson. Son argumentaire tient à peu de choses en réalité: quelques gros accords de guitares et de bons amplis à la merci d'un gourou monomaniaque. Monosyllabes de power chords, lyrisme des larsens, ça et là quelques interjections de percussions, le pathos n'est pas affaire de tournure chez Earth, mais de son.

Un son qui, de fait, laisserait à entendre que le drone est né par accident: du volume et de l'effet à outrance pour pallier un manque de technique, une rythmique pulvérulente, comme soufflée par la brise, sans doute pour les mêmes raisons... Le drone sent le jam qui aurait basculé du mauvais côté de la barrière... N'y voyez surtout pas une musique de novices ou d'ignorants: Les punks ne misaient-ils pas tout sur l'attitude et la vitesse d'exécution? Carlson leur préfèrera la lenteur extrème, les boursouflures du métal et la transe qu'elles inspirent.

Le drone, bande sonore des larges espaces désertiques, est en lutte permanente avec le silence. Il se l'appoprie, le repousse et le ramène encore à lui, pour mieux ménager ses effets. Ce cousin des forces titanesques de la nature ( "Phase 3: Agni Detonating Over The Tar Desert...", imitant le vent), impose le calme et l'apaisement par sa beauté, le respect qu'il inspire. Assis au milieu de nulle part, on contemple béatement la splendeur de ses montagnes, l'opacité de ses lacs.
Les "Correspondances " de Baudelaire sont là: "La nature est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles; L'homme y passe à travers des forêts de symboles qui l'observent avec des regards familiers. Comme de longs échos qui de loin se confondent dans une ténèbreuse et profonde unité, vaste comme la nuit et comme la clarté, les parfums, les couleurs et les sons se répondent." La musique de Carlson nous renvoie ainsi aux paysages connus et inconnus de notre esprit. Nous voyageons et découvrons, au fil de l'écoute, le pays qui se déverse dans nos oreilles: Les Etats Unis, source d'obsessions et d'inspirations sans bornes pour le compositeur (aujourd'hui encore plus qu'hier).

Cet amour torturé, mais absolu de l'americana, avec ses paradoxes et les horreurs de son histoire, pose le drone comme un héritier légitime du blues et du rock. Celui pratiqué par Earth et les Melvins, en représente d'ailleurs pour moi la forme la plus extrême, certes, mais aussi la plus aboutie et la plus pure. Parce qu'ancré dans le blues par certains de ses phrasés, parce que minimaliste et sauvage dans son approche...
Problème: le rock c'est aussi le rythme, et le drone l'a annihilé. Chez les Melvins on le transforme, chez Earth sa présence ne semble pas souhaitée (ou alors diasporadiquement). La vérité (comme toujours) est donc ailleurs...

Reste que Phase 3: Thrones And Dominions est un excellent cru du groupe, un mélange entre la lumière des riffs du fameux "Divine And Bright" (avec Cobain au micro) et la synthèse parfaite de leur travaux précédents dans le style. La guitare acoustique, qui fait ici timidement son entrée ("Song 6 (Chime)" et "Site Specific Carniverous Occurence"), fait le pont avec le disque suivant, "Pentastar In The Style Of Demons", tout en laissant déjà présager la baisse de saturation caractéristique des derniers albums.


Exceptionnel ! !   19/20
par Judas


Proposez votre chronique !







Recherche avancée
En ligne
586 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages
Tu as le droit d'effectuer un seul voyage spatio-temporel, où est-ce que tu vas ?