Autechre
L-Event |
Label :
Warp |
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" La musique est un calcul secret de l'âme qui ignore qu'elle compte " affirmait un philosophe baroque du nom de Leibniz. La musique algorithmique d'Autechre stimule peut-être cette mathématique secrète cachée au cœur de notre inconscient... En tout cas, s'intéresser à cette musique revient à quitter toute repère traditionnel pour découvrir l'avant-gardisme de notre temps. Rob & Sean travaillent dans deux villes différentes, et s'échangent des patchs MAX/MSP, autrement dit des programmes. Composer rime pour eux avec "implémenter", c'est-à-dire élaborer un logiciel. Pour autant, il ne faut pas assimiler leurs compositions à des musiques génératives (terme inventé par Brian Eno qui désigne des œuvres sonores générées automatiquement par un système). Il n'y a pas de hasard dans la musique d'Autechre!!! Tout est "rigoureusement testé", pour reprendre leur expression, mais de manière intuitive. Insister sur la dimension froide, inhumaine, abstraite ou mentale de leur musique est caricatural. Certes, les mathématiques sont belles mais Autechre restent des musiciens. Et si la technologie est importante, c'est toujours au profit de l'énigme sonore qui en résultera. Merveilleux paradoxe : user d'un contrôle extraordinaire sur le son, mais pour générer un " chaosmos ", autrement dit un espace sonore "problématique", insoluble... mais au millimètre près.
Depuis 2008, Rob & Sean ont élaboré une nouvelle MACHINE. Exai et L-Event sont ses " enfants ". L-Event est leur onzième EP. D'où le jeu de mot : L-Event/Eleventh. Le titre est sans doute aussi une référence au " L-System ", qui qualifie les plus simples et puissants algorithmes capables d'exprimer les croissances observées dans la nature, et qui ressemblent d'ailleurs aux arborescence rhizomatiques du logiciel Max/Msp. Fort bref, l'EP est constitué de quatre titres plus abrasifs et exigeants que sur Exai. Et si Autechre se le permet, c'est que la brièveté de l'objet ne nuit pas à la concentration de l'auditeur. Chaque album, expliquent Sean & Rob, suit en effet un " scénario ", et doit former un tout cohérent. C'est pourquoi une présélection drastique est nécessaire (on peut supposer qu'Autechre ne publie que le " haut de l'iceberg ", à l'instar d'Aphex Twin par exemple). L-Event n'échappe donc pas à la règle scénaristique. Son pitch pourrait se formuler ainsi : tout au bout des ténèbres, jusqu'à l'aurore.
Premier mouvement : " Tac Lacora "
Ça commence très abrupt par des convulsions. Un pont entre " FLeure " et " Feed 1 ". Projeté dans un magma sonore, on assiste, impuissants, à d'infinis jeux de textures donnant naissance à des interférences, des saturations, des résonnances, des granulations et des couleurs qui s'évanouissent aussi vite qu'elles sont apparues. De cette soupe cosmico-sonore émergera un thème sur trois accords. De type reggae. Autechre reprend même le contretemps typique de la guitare (les irrésistibles " skunks "). Un second thème, bien moins lisible, est rapidement bouffé par l'acide des infrabasses qui vibrionnent encore plus fort. On se rappelle les jeux de masses sonores dans les basses avec " Ilanders " ou " St Epreo ". Des notes cristallines, en fond, résistent à l'assaut, et assure une profondeur à l'ensemble. Mais tout retombe dans le chaos dissonant, odieux, impitoyable.
Un internaute a assimilé le morceau à de la purée d'avoine. Assez juste tant le son est archi-texturé, exploité dans son épaisseur presqu'onctueuse. La violence générale est telle qu'elle menace même la musique. Tout croule sous son propre poids. Survient alors un BREAK, si inattendu que les fans se demanderont s'il ne s'agirait pas d'une " erreur " (hypothèse à proscrire absolument). Cette seconde de silence, comme une soudaine percée hors du chaos, ouvre sur une dernière partie, plus posée, où s'épanouit un nouveau thème : deux accords, toujours modulés au maximum pour préserver l'ambiguïté. On peut alors mieux goûter l'atmosphère, jusqu'à que la musique se gélifie. Et meurt. C'est de l'agonie certes. Tout du long. Mais lumineuse. On en ressort médusé.
"Tac Lacora", c'est une lutte pour occuper l'espace sonore qui se joue entre de lointaines nappes cristallines, éthérées, et des basses granuleuses, telluriques. La Terre et le Ciel, Apollon et Dionysos, ordre et chaos... Ils n'ont pas tort, ceux qui affirment que l'esthétique nietzschéenne s'épanouit avec la musique électronique... Combien de compositions autéchriennes donnent lieu à cette lutte tragique entre une ritournelle apollinienne et de violentes convulsions dionysiaques (réécoutons "Pen Expers", "Dropp"...) ? Parfois, c'est la Terre qui prend le dessus ("777", "Under Boac"...) ; ou bien le Ciel (l'album Oversteps). Une telle tension ferait presque figure de constante esthétique chez Autechre. Peut-être est-ce elle qui donne naissance à toutes ces formidables émotions paradoxales qui font de leur musique une réelle expérience d'écoute. C'est grâce à elle encore que leur art est hautement sensuel. Leurs compositions sont de véritables entités; des êtres vivants. Ou des paysages mouvants...
Second mouvement : " M39 Driftain "
Des nappes de sons spectraux, océaniques, en perpétuelle mutation... Tout est compressé et immense, comme sous des kilomètres de liquide. Des ondes incroyables contrarient l'épanouissement du son. Comme dans " paralel Suns ". Autechre a travaillé à partir de sons de pluie, d'orage... Ça leur a pris beaucoup de temps. On se sent proche de l'atmosphère ambivalente et aquatique du groupe d'electronica trop méconnu : Phoenicia. Une rythmique sèche et rapide éclate (comme " LCC ") et fait réagir les nappes qui se mettent à " chanter ". Une ligne de basse, très dubstep, finit par modérer l'indétermination générale. De fantastiques déchirures soniques ponctuent la chose. On est perdu, livré à la merci des courants. On atteint un seuil critique d'indécision. Des basses plus profondes tu meurs. Ça va mourir... Mais ça reprend pourtant. La basse dubstep... Et ces déchirures alien... Encore... S'ajoute un contre-chant bionique qui complexifie la ligne de basse. Deux accords alternent dans une humeur encore reggae. Mais malade. Noyé. Le reggae. N'essayez jamais d'avoir un rapport sexuel sur cette musique. Vous en perdriez votre structure osseuse.
Troisième mouvement : " Osla for N "
L'étrangeté d'" Osla for N " renoue avec la radicalité alien de Confield. L'expérience de VILLA4IN en témoigne sur Youtube : " heard this track on LSD, needless to say I had to the change the record. " Tout commence agressivement par un bourdon de basse (esthétique Suicide) et un pattern irrégulier de sons percussifs, entêtant, qui s'impose comme une sorte de " thème ", mais très capricieux. Sa bizarrerie (extrême) sera qualifiée de " toux numérique " par un ami du groupe... Un charleston, périodique celui-là, demeure l'unique assise de la musique qui ne cesse de lutter contre des ratés intempestifs de machine (cela rappelle " Xylin Room ", " Hub " ou " Fol3 "). Sans cesse contrariée par des interférences dans les aigus, le " pattern-toux " se décale et cherche à rattraper son retard. Un beat boite en tentant pareil de s'ajuster (boum.. boubboum...bbb...). Parfois, ça s'emballe nettement (convulsions encore), et des accords inquiétants rendent alors évidente l'extrême gravité du drame qui se joue. Après un léger break, les éléments rythmiques ralentissent et se calent : la cohérence de l'ensemble se fait jour, comme par magie. Deux accords de basse prennent le relais, et confèrent une couleur nouvelle, une atmosphère de nuit extrême, de confins (on se remémore Lynch). Des accords majestueux, profonds et graves, comme pour une messe noire " lounge " (avez-vous déjà fait l'amour à un démon mauve sombre ?). Tout se disperse pour s'éteindre avec la poussée d'un dernier accord, chargé de résonnances infinies, avant le rayonnement, l'aurore...
Quatrième mouvement : " Newbound "
Une mélodie implorante déchire l'opacité nocturne par sa flamboyance... Un rythme rapide, irrégulier, convulsif, prise dans sa gelée tellurique, en est le pendant (toujours cette même tragédie qui se noue entre Ciel et Terre). La même mélodie, tel le chant d'un oiseau transfiguré, gagne en harmoniques insoupçonnées à mesure qu'elle est reprise. Ses timbres sont réverbérés dans un espace immense, sans limite... Puis tout s'éteint doucereusement, pour ne laisser que le rythme hyper-complexe, lourd, chargé, saturé. On s'attend à une évolution étrange, mais la mélodie renaît, tel un Phénix, encore plus belle, encore plus implorante, exprimant un lointain plus éloigné que tout réel assignable. C'est la Grande Nostalgie. La tristesse s'intensifie, l'appel se fait plus vibrant. Et les accords restent irrésolus. Perdus dans le vide. Interstellaire. Des oiseaux (oui, de vrais oiseaux cette fois) traversent le ciel comme pour chanter les louanges de la douleur éprouvée. Tout pleure et chante. Jamais Autechre n'a été aussi lyrique. Ça tutoie " A New Career in a New Town " (Bowie) ou " Love Will Tear us Appart " (Joy Division). On est porté très haut. Aux nus, héros ratés que nous sommes. Comme dans Blade Runner qui se clôt sur un suicide. Une chute portée sur ces inoubliables nappes : celles de Vangelis. Alliage du futurisme le plus outrancier et de l'émotion la plus romantique.
Des critiques se sont plaint. Le double Exai était bien trop complexe. Et bien trop long. Autoproclamée " The Most Trusted Voice in Music ", Pitchwork accordera tout juste la moyenne. 5.9/10. Exit Exai. Quant à L-Event, malgré sa brièveté, il fera à peine mieux. Qu'en penser, si ce n'est que la critique est en souffrance lorsqu'elle écoute quelque chose qui ne se conforme pas à ses normes ? Cela menace le statu quo. Sa petite idée du progrès dialectique de la musique. Et surtout son utilité en tant que critique. Autechre est une musique inqualifiable. Toute description est un pis-aller, un pauvre précipité sans saveur (ma chronique en témoigne). Une bien mauvaise affaire pour la critique qui cherchera donc à contrôler la discussion. Pour ce faire, elle usera d'un système de classement. Une NOTE qui réduira le sujet à quelque chose d'entièrement quantifiable. Le critique se pose comme agent de la normalisation. De la répression. Il distribue les bons points, élabore un palmarès... Fait sa tambouille académique... En cela ma chronique est doublement un paradoxe. Déjà parce qu'écrire sur Autechre est voué à l'échec. Et puis parce que je suis forcé de noter. Je mettrai donc un 20, à défaut de
3,14159265358979323846264338327950288419716939937510505820974944592307816406286208998628034825342117067910019717138241321574116438601247509881380209544238120999997550661087484222584559661154618149101465844237591084069999976003363209963984874670113055509806927176460507621509999997650477740057054079408502349010498560512484230805259399999977006736307487591729923806068024929167366008221692864299999775041631518680504541344494493494328410402265131125916999997800794799111631530940569010371196856830235659052424379999978501732962975776732112453838040644391297938959891295799999790044324794868135032782351510126301598292997981473378999997950426166434397094213771576765696361374339186683988349999980006720763169777632841483982877119434395494205688191499999805097046354317838023252.................. Alias Pi.
Depuis 2008, Rob & Sean ont élaboré une nouvelle MACHINE. Exai et L-Event sont ses " enfants ". L-Event est leur onzième EP. D'où le jeu de mot : L-Event/Eleventh. Le titre est sans doute aussi une référence au " L-System ", qui qualifie les plus simples et puissants algorithmes capables d'exprimer les croissances observées dans la nature, et qui ressemblent d'ailleurs aux arborescence rhizomatiques du logiciel Max/Msp. Fort bref, l'EP est constitué de quatre titres plus abrasifs et exigeants que sur Exai. Et si Autechre se le permet, c'est que la brièveté de l'objet ne nuit pas à la concentration de l'auditeur. Chaque album, expliquent Sean & Rob, suit en effet un " scénario ", et doit former un tout cohérent. C'est pourquoi une présélection drastique est nécessaire (on peut supposer qu'Autechre ne publie que le " haut de l'iceberg ", à l'instar d'Aphex Twin par exemple). L-Event n'échappe donc pas à la règle scénaristique. Son pitch pourrait se formuler ainsi : tout au bout des ténèbres, jusqu'à l'aurore.
Premier mouvement : " Tac Lacora "
Ça commence très abrupt par des convulsions. Un pont entre " FLeure " et " Feed 1 ". Projeté dans un magma sonore, on assiste, impuissants, à d'infinis jeux de textures donnant naissance à des interférences, des saturations, des résonnances, des granulations et des couleurs qui s'évanouissent aussi vite qu'elles sont apparues. De cette soupe cosmico-sonore émergera un thème sur trois accords. De type reggae. Autechre reprend même le contretemps typique de la guitare (les irrésistibles " skunks "). Un second thème, bien moins lisible, est rapidement bouffé par l'acide des infrabasses qui vibrionnent encore plus fort. On se rappelle les jeux de masses sonores dans les basses avec " Ilanders " ou " St Epreo ". Des notes cristallines, en fond, résistent à l'assaut, et assure une profondeur à l'ensemble. Mais tout retombe dans le chaos dissonant, odieux, impitoyable.
Un internaute a assimilé le morceau à de la purée d'avoine. Assez juste tant le son est archi-texturé, exploité dans son épaisseur presqu'onctueuse. La violence générale est telle qu'elle menace même la musique. Tout croule sous son propre poids. Survient alors un BREAK, si inattendu que les fans se demanderont s'il ne s'agirait pas d'une " erreur " (hypothèse à proscrire absolument). Cette seconde de silence, comme une soudaine percée hors du chaos, ouvre sur une dernière partie, plus posée, où s'épanouit un nouveau thème : deux accords, toujours modulés au maximum pour préserver l'ambiguïté. On peut alors mieux goûter l'atmosphère, jusqu'à que la musique se gélifie. Et meurt. C'est de l'agonie certes. Tout du long. Mais lumineuse. On en ressort médusé.
"Tac Lacora", c'est une lutte pour occuper l'espace sonore qui se joue entre de lointaines nappes cristallines, éthérées, et des basses granuleuses, telluriques. La Terre et le Ciel, Apollon et Dionysos, ordre et chaos... Ils n'ont pas tort, ceux qui affirment que l'esthétique nietzschéenne s'épanouit avec la musique électronique... Combien de compositions autéchriennes donnent lieu à cette lutte tragique entre une ritournelle apollinienne et de violentes convulsions dionysiaques (réécoutons "Pen Expers", "Dropp"...) ? Parfois, c'est la Terre qui prend le dessus ("777", "Under Boac"...) ; ou bien le Ciel (l'album Oversteps). Une telle tension ferait presque figure de constante esthétique chez Autechre. Peut-être est-ce elle qui donne naissance à toutes ces formidables émotions paradoxales qui font de leur musique une réelle expérience d'écoute. C'est grâce à elle encore que leur art est hautement sensuel. Leurs compositions sont de véritables entités; des êtres vivants. Ou des paysages mouvants...
Second mouvement : " M39 Driftain "
Des nappes de sons spectraux, océaniques, en perpétuelle mutation... Tout est compressé et immense, comme sous des kilomètres de liquide. Des ondes incroyables contrarient l'épanouissement du son. Comme dans " paralel Suns ". Autechre a travaillé à partir de sons de pluie, d'orage... Ça leur a pris beaucoup de temps. On se sent proche de l'atmosphère ambivalente et aquatique du groupe d'electronica trop méconnu : Phoenicia. Une rythmique sèche et rapide éclate (comme " LCC ") et fait réagir les nappes qui se mettent à " chanter ". Une ligne de basse, très dubstep, finit par modérer l'indétermination générale. De fantastiques déchirures soniques ponctuent la chose. On est perdu, livré à la merci des courants. On atteint un seuil critique d'indécision. Des basses plus profondes tu meurs. Ça va mourir... Mais ça reprend pourtant. La basse dubstep... Et ces déchirures alien... Encore... S'ajoute un contre-chant bionique qui complexifie la ligne de basse. Deux accords alternent dans une humeur encore reggae. Mais malade. Noyé. Le reggae. N'essayez jamais d'avoir un rapport sexuel sur cette musique. Vous en perdriez votre structure osseuse.
Troisième mouvement : " Osla for N "
L'étrangeté d'" Osla for N " renoue avec la radicalité alien de Confield. L'expérience de VILLA4IN en témoigne sur Youtube : " heard this track on LSD, needless to say I had to the change the record. " Tout commence agressivement par un bourdon de basse (esthétique Suicide) et un pattern irrégulier de sons percussifs, entêtant, qui s'impose comme une sorte de " thème ", mais très capricieux. Sa bizarrerie (extrême) sera qualifiée de " toux numérique " par un ami du groupe... Un charleston, périodique celui-là, demeure l'unique assise de la musique qui ne cesse de lutter contre des ratés intempestifs de machine (cela rappelle " Xylin Room ", " Hub " ou " Fol3 "). Sans cesse contrariée par des interférences dans les aigus, le " pattern-toux " se décale et cherche à rattraper son retard. Un beat boite en tentant pareil de s'ajuster (boum.. boubboum...bbb...). Parfois, ça s'emballe nettement (convulsions encore), et des accords inquiétants rendent alors évidente l'extrême gravité du drame qui se joue. Après un léger break, les éléments rythmiques ralentissent et se calent : la cohérence de l'ensemble se fait jour, comme par magie. Deux accords de basse prennent le relais, et confèrent une couleur nouvelle, une atmosphère de nuit extrême, de confins (on se remémore Lynch). Des accords majestueux, profonds et graves, comme pour une messe noire " lounge " (avez-vous déjà fait l'amour à un démon mauve sombre ?). Tout se disperse pour s'éteindre avec la poussée d'un dernier accord, chargé de résonnances infinies, avant le rayonnement, l'aurore...
Quatrième mouvement : " Newbound "
Une mélodie implorante déchire l'opacité nocturne par sa flamboyance... Un rythme rapide, irrégulier, convulsif, prise dans sa gelée tellurique, en est le pendant (toujours cette même tragédie qui se noue entre Ciel et Terre). La même mélodie, tel le chant d'un oiseau transfiguré, gagne en harmoniques insoupçonnées à mesure qu'elle est reprise. Ses timbres sont réverbérés dans un espace immense, sans limite... Puis tout s'éteint doucereusement, pour ne laisser que le rythme hyper-complexe, lourd, chargé, saturé. On s'attend à une évolution étrange, mais la mélodie renaît, tel un Phénix, encore plus belle, encore plus implorante, exprimant un lointain plus éloigné que tout réel assignable. C'est la Grande Nostalgie. La tristesse s'intensifie, l'appel se fait plus vibrant. Et les accords restent irrésolus. Perdus dans le vide. Interstellaire. Des oiseaux (oui, de vrais oiseaux cette fois) traversent le ciel comme pour chanter les louanges de la douleur éprouvée. Tout pleure et chante. Jamais Autechre n'a été aussi lyrique. Ça tutoie " A New Career in a New Town " (Bowie) ou " Love Will Tear us Appart " (Joy Division). On est porté très haut. Aux nus, héros ratés que nous sommes. Comme dans Blade Runner qui se clôt sur un suicide. Une chute portée sur ces inoubliables nappes : celles de Vangelis. Alliage du futurisme le plus outrancier et de l'émotion la plus romantique.
Des critiques se sont plaint. Le double Exai était bien trop complexe. Et bien trop long. Autoproclamée " The Most Trusted Voice in Music ", Pitchwork accordera tout juste la moyenne. 5.9/10. Exit Exai. Quant à L-Event, malgré sa brièveté, il fera à peine mieux. Qu'en penser, si ce n'est que la critique est en souffrance lorsqu'elle écoute quelque chose qui ne se conforme pas à ses normes ? Cela menace le statu quo. Sa petite idée du progrès dialectique de la musique. Et surtout son utilité en tant que critique. Autechre est une musique inqualifiable. Toute description est un pis-aller, un pauvre précipité sans saveur (ma chronique en témoigne). Une bien mauvaise affaire pour la critique qui cherchera donc à contrôler la discussion. Pour ce faire, elle usera d'un système de classement. Une NOTE qui réduira le sujet à quelque chose d'entièrement quantifiable. Le critique se pose comme agent de la normalisation. De la répression. Il distribue les bons points, élabore un palmarès... Fait sa tambouille académique... En cela ma chronique est doublement un paradoxe. Déjà parce qu'écrire sur Autechre est voué à l'échec. Et puis parce que je suis forcé de noter. Je mettrai donc un 20, à défaut de
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