Einstürzende Neubauten

Haus Der Lüge

Haus Der Lüge

 Label :     Mute 
 Sortie :    1989 
 Format :  Album / CD   

Einstürzende Neubauten est sans nul doute le meilleur groupe allemand de tous les temps. Meilleur que ses prédécesseurs et compatriotes krautrock de Can ou de Neu!. Et meilleur que ses contemporains britanniques Throbbing Gristle et autres Cabaret Voltaire, auxquels il serait d'ailleurs trop réducteur de les associer dans une quelconque mouvance industrielle. Un groupe d'une audace formelle et d'une inventivité extraordinaires, aux ambitions immenses mais souvent atteintes, dont l'importance n'est pas encore assez reconnue, malgré l'influence considérable exercée sur des formations plus mineures mais nettement plus populaires telles que Nine Inch Nails.
Haus Der Lüge est peut-être le plus accessible des albums des terroristes berlinois, mais aussi le plus abouti et le plus réussi. Mené par l'exceptionnel chanteur Blixa Bargeld (également guitariste de Nick Cave And The Bad Seeds), dandy déglingué et dégingandé, qui donne ses lettres de noblesse au chant en allemand dans le rock, par sa voix si particulière, plus souvent parlée, déclamée ou scandée – voire assénée – que chantée (au sens traditionnel du terme), cet album passionne et fascine de bout en bout. Einstürzende Neubauten, ce n'est pas seulement de la musique, c'est le dadaïsme, le surréalisme et l'expressionnisme mis en musique. Einstürzende Neubauten, c'est le rock qui copule avec les musiques contemporaines, concrètes et expérimentales – à moins que ça ne soit l'inverse. Einstürzende Neubauten, c'est aussi l'intrusion d'un monde tribal, ethnique, primitif dans un univers urbain et post-moderne, qui n'est finalement pas moins chaotique... Leur logo en lui-même, représentant une sorte d'être humain stylisé, presque issu de quelque peinture rupestre, le montre déjà. Le groupe mélange toutes sortes d'influences, pas seulement musicales, et en tire quelque chose de fondamentalement nouveau et unique. Mais ces influences sont parfaitement intégrées en une entité, et ce quelque chose fait sens, ce qui n'est pas le cas de tous les groupes ouverts, novateurs et expérimentaux, loin s'en faut.
Le groupe ne se cantonne (!?) d'ailleurs pas à l'utilisation d'instruments créés de toutes pièces par lui-même (une de ses spécificités), de bruitages et d'électronique, mais fait aussi usage d'instruments plus traditionnels comme la guitare, la basse, la batterie et le piano. Il n'en reste pas moins que leur manière de les utiliser est aussi peu conventionnelle que bougrement excitante, sans que jamais ça ne sonne artificiel ou incongru. Un de leurs tours de force !
Accessoirement, Haus Der Lüge est aussi l'album qui contient le "tube" – terme tout relatif – du combo : le dansant et psychotique "Feurio!". Ils n'en ont d'ailleurs pas fait d'autre. L'album alterne entre hymnes robotiques et déstructurés à grand renfort de percussions métalliques et de verre pilé, tels que "Haus Der Lüge" ; et morceaux plus calmes, à la douceur onirique – mais souvent aussi ironique – comme "Ein Stuhl In Der Hölle", splendide ballade obsédante façon nursery ryhme pervertie. Une sorte de "All The Pretty Horses" européen et moderne.
Certes, on est ici très loin du rock de base et de la pop, ce qui peut déconcerter et dérouter de prime abord... Il n'empêche que les "Bâtiments neufs qui s'effondrent" ont profondément et durablement révolutionné la musique populaire moderne et très souvent fait mouche, comme avec ce Haus Der Lüge ("La Maison Du Mensonge"), qui n'a pas pris une ride et n'a rien perdu de son pouvoir hypnotique et de sa force avant-gardiste. Tout comme la chute du mur de Berlin à l'époque de sa sortie et dont il peut constituer la bande-son idéale – ne serait-ce que par l'analogie entre cette thématique et celle du nom du groupe, qui apparaît alors comme quasi-prémonitoire – il ne s'agit pas seulement d'un point culminant d'une période marquante mais révolue, mais aussi d'un point de départ vers l'avenir.


Parfait   17/20
par Gaylord


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