Coil
Scatology |
Label :
Force & Form |
||||
Déconcertant. Comment qualifier autrement le premier album de Coil, à la première écoute ? Même en connaissant les antécédents de certains membres (Throbbing Gristle et Psychic TV), rien ne peut amoindrir le choc de la découverte de cet album culte, magistral et énigmatique.
En guise d'introduction, l'ubuesque "Ubu Noir" (désolé) nous promène gaiement durant deux minutes avant de nous abandonner sur "Panic". La musique industrielle surgit alors, accompagnée d'un chant dérangé. On nous scande "the only thing to fear is fear itself"... En tout cas, pas de quoi se rassurer. Perdu, l'auditeur tombe alors sur "At The Heart Of It All"... Que dire ? Un morceau instrumental sublime, dont la beauté n'égale que la gravité...
La première partie du disque est maintenant terminée, et à l'incompréhension succède le malaise. La suite n'est que dark ambient industriel poisseux, malsain et terrifiant. "Tenderness Of Wolves" est constitué de quelques notes désespérées de guitare, tandis que des pleurs d'enfants émergent du lointain, comme échappés d'un cachot. La musique grandit, puis est rejointe par une voix démoniaque et traînante. Scatology est fou, Scatology est déprimant, Scatology est maladif. "The Spoiler" renoue quelque peu avec l'esprit de "Panic", mais en toujours plus sombre et tourmenté. Les paroles minimalistes ("the spoiler ! the spoiler ! the spoiler ! the spoiler ! the spoiler ! the spoiler !") touchent à la torture mentale, que vient appuyer ce court "Clap", cavalcade folle et cauchemardesque. "Restless Day", malgré son titre, est peut-être le morceau le plus à même d'offrir un intermède (relatif) dans toute cette noirceur. Surtout grâce au chant, plus lumineux et mélodique, mais en même temps trop étrange, comme issu d'un rituel impie. Quoi qu'il en soit, "Aqua Regis" remet les pendules à l'heure avec un instrumental très glauque, avec sons de scies électriques, bruitages souterrains et autres horreurs. "Solar Lodge" poursuit dans le même chemin en accueillant de nouveau ce chant effrayant et carnassier. Après un morceau d'ambient-indus assez flippant au nom à coucher dehors ("The Sewage Worker's Birthday Party"), arrive "Godhead=Deathead" (on reste dehors donc), titre à la rythmique plus martiale et aux percussions jouissives, couvert par les cris d'une foule haineuse, qu'un chant extra-terrestre remplace bien vite.
"Cathedral In Flames" annonce la fin, titre apocalyptique et rituel dont la dimension religieuse est perceptible jusque dans le chant. Scatology s'achève sur une reprise de "Tainted Love". Encore ? Oui, mais pas n'importe laquelle. De quoi rendre Marilyn Manson plus ridicule qu'il ne l'est déjà, si vous voulez. Une version mortuaire au possible, en hommage aux victimes du sida. Une version terriblement belle et extrêmement sombre, de quoi vous gâcher la journée.
Scatology est le croisement du post-punk, de l'indus, de l'expérimental et du dark ambient. Une recette audacieuse qui aboutit à un chef-d'œuvre absolu et traumatisant. Écoutez-le, par pitié !
En guise d'introduction, l'ubuesque "Ubu Noir" (désolé) nous promène gaiement durant deux minutes avant de nous abandonner sur "Panic". La musique industrielle surgit alors, accompagnée d'un chant dérangé. On nous scande "the only thing to fear is fear itself"... En tout cas, pas de quoi se rassurer. Perdu, l'auditeur tombe alors sur "At The Heart Of It All"... Que dire ? Un morceau instrumental sublime, dont la beauté n'égale que la gravité...
La première partie du disque est maintenant terminée, et à l'incompréhension succède le malaise. La suite n'est que dark ambient industriel poisseux, malsain et terrifiant. "Tenderness Of Wolves" est constitué de quelques notes désespérées de guitare, tandis que des pleurs d'enfants émergent du lointain, comme échappés d'un cachot. La musique grandit, puis est rejointe par une voix démoniaque et traînante. Scatology est fou, Scatology est déprimant, Scatology est maladif. "The Spoiler" renoue quelque peu avec l'esprit de "Panic", mais en toujours plus sombre et tourmenté. Les paroles minimalistes ("the spoiler ! the spoiler ! the spoiler ! the spoiler ! the spoiler ! the spoiler !") touchent à la torture mentale, que vient appuyer ce court "Clap", cavalcade folle et cauchemardesque. "Restless Day", malgré son titre, est peut-être le morceau le plus à même d'offrir un intermède (relatif) dans toute cette noirceur. Surtout grâce au chant, plus lumineux et mélodique, mais en même temps trop étrange, comme issu d'un rituel impie. Quoi qu'il en soit, "Aqua Regis" remet les pendules à l'heure avec un instrumental très glauque, avec sons de scies électriques, bruitages souterrains et autres horreurs. "Solar Lodge" poursuit dans le même chemin en accueillant de nouveau ce chant effrayant et carnassier. Après un morceau d'ambient-indus assez flippant au nom à coucher dehors ("The Sewage Worker's Birthday Party"), arrive "Godhead=Deathead" (on reste dehors donc), titre à la rythmique plus martiale et aux percussions jouissives, couvert par les cris d'une foule haineuse, qu'un chant extra-terrestre remplace bien vite.
"Cathedral In Flames" annonce la fin, titre apocalyptique et rituel dont la dimension religieuse est perceptible jusque dans le chant. Scatology s'achève sur une reprise de "Tainted Love". Encore ? Oui, mais pas n'importe laquelle. De quoi rendre Marilyn Manson plus ridicule qu'il ne l'est déjà, si vous voulez. Une version mortuaire au possible, en hommage aux victimes du sida. Une version terriblement belle et extrêmement sombre, de quoi vous gâcher la journée.
Scatology est le croisement du post-punk, de l'indus, de l'expérimental et du dark ambient. Une recette audacieuse qui aboutit à un chef-d'œuvre absolu et traumatisant. Écoutez-le, par pitié !
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Jumbo |
Posté le 28 janvier 2023 à 14 h 24 |
Dans la foulée de l'enregistrement de leur premier EP, le duo poursuit son travail et cisèle son premier longue durée. Dans la logique thématique de cet effort, qui sonnait comme le sous-sol de leur édifice, les britanniques se lancent cependant dans une collection de morceaux, comme autant de pièce de puzzle, ou de vie, construisant cette demeure où l'on sniffe, on baise, on pique, on se déchire, on s'entre-déchire, on s'oublie, on se dépose, on se décharge, on créé...
Cet album est saisissant, de par son approche sans compromission, ses fondements résolument modernes voire avant-gardistes et son exécution maîtrisée.
Comme l'annonce "Ubu Noir", avec ses boucles triturés, indéchiffrables, absent de tout instrument, construit de samples et de bruits soustraits, rajoutés, modifiés, modulés et transformés en musique : l'approche Industrial réminiscente d'un Throbbing Gristle (TG) n'est déjà plus une démarche mais un mode de fonctionnement. En cet absence d'attachement à toute musique savante, ils rédigent leurs propres sciences, leurs propres codes. Genesis P-Orridge soulignait que TG était les seuls punks, de par leur vrai approche "non-musicienne" et le DIY permanent. Peut-être, mais là où les kids pouvaient se rêver aussi (peu) virtuose que leurs idoles rock, et le mouvement s'en nourrissait, le niveau d'expertise affiché par un Christopherson rabaisse toute velléité d'identification. Ils n'en ont pas besoin. Balance sera cette contre-balance, ce sel humain, ce facteur x, l'élément versatile.
Comme sur ce "Panic", un vrai plaisir d'ingé son où John hurle et geint comme un malheureux, la machine l'absorbant complètement. Les rythmiques sont multiples, les contre-points une base de travail. Un véritable hymne industriel qui renvoie à des Front Line Assembly, parfois Front 242 mais surtout Skinny Puppy. L'album est d'ailleurs très martial est reflète en cela son époque (je pense à ces "Aqua Regis" et "Solar Lodge" qui partagent leur sonorités avec celle des contemporains Einsturzende Neubauten). Ce somptueux "Restless Day", à l'instru tendue et à la mélodie vocale de comptine, le tout saupoudré des bruitisme malsain au feeling neo-folk. Difficile d'imaginer qu'approximativement toute la scène industrielle des années 80 et 90 n'ai pas été influencé dans la plastique, la rythmique, les sons et la structure de morceaux comme ceux-ci.
L'ambiant "At The Heart Of It All", dont les moments de recueillement se voient striés de longues complaintes electroniques stridentes et de quelques notes de piano spleen nous pose la question : est-ce au cœur de l'enfer que celui-ci est le plus calme ? Un de ces morceaux qui raconte une histoire au même titre que l'interlude "Clap", halletant, ou l'entraînant "GODHEAD = DEATHEAD".
S'il faut chercher la bête -on trouve toujours- la prestation de John montre très vite et clairement ses limites techniques, sans compromettre son intégrité et son authenticité mais l'atrophiant cruellement. Sur le pourtant très intéressant "Tenderness Of Wolves", son chant suintant la dépravation en deviendrait caricatural s'il n'était subtilement couplé à cette rythmique assommante, ces cris d'enfants et ses nappes humides. Même constat sur le schizophrénique et maladif "The Spoiler" qui, en outre, sans être raté, souffre de sa rythmique frénétique. Cherchant une musique rituelle et spirituellement stimulante, le groupe n'aide pas vraiment son album en y appliquant avec une telle assiduité des structures répétitives, qui peuvent sembler redondantes.
Le disque se termine originellement sur une autre belle histoire, le solennel "Cathedral In Flames". Certaines versions rajoutent l'excellente et cultissime reprise grave et lourde de "Tainted Love" de Cold Cell (et son clip dingue). Un morceau d'histoire se referme ainsi qu'un grand moment de musique. Un premier LP encore fragile, parfois rattrapé par ses intentions et convictions mais dégageant une vraie personnalité et une sensibilité propre, servant de terreaux fertile à tant d'esprits créatifs ultérieurs. Absolument fascinant, pour le moins.
Cet album est saisissant, de par son approche sans compromission, ses fondements résolument modernes voire avant-gardistes et son exécution maîtrisée.
Comme l'annonce "Ubu Noir", avec ses boucles triturés, indéchiffrables, absent de tout instrument, construit de samples et de bruits soustraits, rajoutés, modifiés, modulés et transformés en musique : l'approche Industrial réminiscente d'un Throbbing Gristle (TG) n'est déjà plus une démarche mais un mode de fonctionnement. En cet absence d'attachement à toute musique savante, ils rédigent leurs propres sciences, leurs propres codes. Genesis P-Orridge soulignait que TG était les seuls punks, de par leur vrai approche "non-musicienne" et le DIY permanent. Peut-être, mais là où les kids pouvaient se rêver aussi (peu) virtuose que leurs idoles rock, et le mouvement s'en nourrissait, le niveau d'expertise affiché par un Christopherson rabaisse toute velléité d'identification. Ils n'en ont pas besoin. Balance sera cette contre-balance, ce sel humain, ce facteur x, l'élément versatile.
Comme sur ce "Panic", un vrai plaisir d'ingé son où John hurle et geint comme un malheureux, la machine l'absorbant complètement. Les rythmiques sont multiples, les contre-points une base de travail. Un véritable hymne industriel qui renvoie à des Front Line Assembly, parfois Front 242 mais surtout Skinny Puppy. L'album est d'ailleurs très martial est reflète en cela son époque (je pense à ces "Aqua Regis" et "Solar Lodge" qui partagent leur sonorités avec celle des contemporains Einsturzende Neubauten). Ce somptueux "Restless Day", à l'instru tendue et à la mélodie vocale de comptine, le tout saupoudré des bruitisme malsain au feeling neo-folk. Difficile d'imaginer qu'approximativement toute la scène industrielle des années 80 et 90 n'ai pas été influencé dans la plastique, la rythmique, les sons et la structure de morceaux comme ceux-ci.
L'ambiant "At The Heart Of It All", dont les moments de recueillement se voient striés de longues complaintes electroniques stridentes et de quelques notes de piano spleen nous pose la question : est-ce au cœur de l'enfer que celui-ci est le plus calme ? Un de ces morceaux qui raconte une histoire au même titre que l'interlude "Clap", halletant, ou l'entraînant "GODHEAD = DEATHEAD".
S'il faut chercher la bête -on trouve toujours- la prestation de John montre très vite et clairement ses limites techniques, sans compromettre son intégrité et son authenticité mais l'atrophiant cruellement. Sur le pourtant très intéressant "Tenderness Of Wolves", son chant suintant la dépravation en deviendrait caricatural s'il n'était subtilement couplé à cette rythmique assommante, ces cris d'enfants et ses nappes humides. Même constat sur le schizophrénique et maladif "The Spoiler" qui, en outre, sans être raté, souffre de sa rythmique frénétique. Cherchant une musique rituelle et spirituellement stimulante, le groupe n'aide pas vraiment son album en y appliquant avec une telle assiduité des structures répétitives, qui peuvent sembler redondantes.
Le disque se termine originellement sur une autre belle histoire, le solennel "Cathedral In Flames". Certaines versions rajoutent l'excellente et cultissime reprise grave et lourde de "Tainted Love" de Cold Cell (et son clip dingue). Un morceau d'histoire se referme ainsi qu'un grand moment de musique. Un premier LP encore fragile, parfois rattrapé par ses intentions et convictions mais dégageant une vraie personnalité et une sensibilité propre, servant de terreaux fertile à tant d'esprits créatifs ultérieurs. Absolument fascinant, pour le moins.
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