Coil
Horse Rotorvator |
Label :
Some Bizarre |
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J'ai une question pour les deux du fond qui n'écoutent jamais rien : quel est le groupe qui, pendant 20 ans, aura été à la fois un des groupes les plus subversifs et les plus émouvants qui soit ? Non Kevin, il ne s'agit pas de Sum41, au coin. Qui donc aura sans relâche transfusé de grosses doses d'humanité dans une musique majoritairement électronique – qui déjà préfigurait les sommets à venir de l'IDM ? Qui diantre se sera révélé le couple le plus génialement créatif de l'histoire de la musique expérimentale, carburant aussi bien à l'amour qu'à la haine ? Qui diable compte tellement de sommets dans sa vaste discographie qu'il arrive aux neiges Himalayennes de fondre de jalousie ? Oui, mon p'tit Lester, il s'agit bien de Coil. Bravo, une image pour toi, tu feras de grandes choses plus tard.
Coil, c'est donc bien l'union amoureuse et musicale des ambiances et mélodies synthétiques de Peter Christopherson (alias Sleazy) et de la voix dérangée de John Balance (ou Jhonn), qui s'occupe aussi des percussions. Et de percussions, à l'époque du présent disque, Horse Rotorvator – c'est à dire aux débuts du groupe, deux ans après le bien-nommé Scatology – il en est massivement question. Pour qualifier le Coil d'alors, le terme d'Indus est sur toutes les lèvres, et quand bien même j'y mettrais toute ma mauvaise foi je ne trouverais rien à y redire. Ce Coil ci n'a toujours pas dépassé le stade anal ; malgré un nouveau titre pour ce nouveau disque, il n'y a qu'à jeter un œil rapide sur la tracklist pour constater que la scatologie est toujours là, au détour d'un "The Anal Staircase", d'un "Penetralia" et autres hommages à Pier Paolo Pasolini. En même temps il bien difficile de cerner les gars dont on cause présentement. À savoir de deux échappés de Psychic TV, projet hautement collaboratif qui – en compagnie de Genesis P-Orridge, terroriste transexuel notoire des Throbbing Gristle – s'était déjà occupé d'inoculer des sentiments et du songwriting à cette soupe primitive qu'on avait nommé "post-punk" faute de mieux. Sleazy lui-même étant un ex-Throbbing Gristle. 'fin bon, v'là le genre d'énergumènes qu'on se trimballe ici. Mais on ne fera pas l'erreur de croire que Horse Rotorvator n'est qu'une simple resucée de Scatology. C'est même tout l'inverse, j'affirme haut et fort qu'il lui est supérieur en tous points.
Bien que ça ne soit rendre justice ni à l'une ni à l'autre des deux œuvres, dont on pourrait se contenter de dire qu'elles diffèrent plutôt que chercher à les hiérarchiser à tout prix, il n'empêche que par de nombreux aspects Horse Rotorvator paraît vraiment être version améliorée du coup de force qu'était déjà Scatology. Enfin non, on parlera plutôt de version "canalisée". La première chose qui aura pu marquer ceux qui à l'époque se frottèrent au premier essai des deux zouaves sodomites, c'est toute cette énergie soulevée et projetée dans des médiums aussi divers que de l'indus pur-jus, de l'électronique dansante, des chants rituels scandés avec rage, des expérimentations électroacoustiques mélangeant jeux de sampling et instruments authentiques, ayant tous en commun l'idée sous-jacente de la sublimation de la merde – comprendre ici que Sleazy était à l'époque à fond dans ses pulsions pipi caca, auxquelles John Balance s'efforçait (avec talent il faut le reconnaître) de donner une profondeur philosophique. Quant à ce Horse Rotorvator, on pourra dire qu'il s'agit du zénith de cette sublimation, du pinacle scatophile de Coil (avant qu'ils ne s'élancent vers d'autres horizons conceptuels). Cette puissance qu'ils avaient invoqué, la voilà qui trouve son parfait réceptacle, un écrin qui ne compartimente plus les différentes faces du duo mais les marie dans d'ambitieux instantanés. Rien que l'ouverture, le fameux "The Anal Staircase", témoigne d'un panache inédit avec son instrumentation éclatée et jouissive, ses samples en pagaille (maltraiter le Sacre du Printemps en ouverture, fallait oser!) et son éructation exaltée ("Blow the fucking thing apart ! Down the anal staircase"). Et ce n'est que le début ; avant d'être délivré de cette délicieuse séance de sévices il faudra en passer par la folie furieuse de "Circle of Mania", par l'hommage éploré à l'assassinat de Pasolini qu'est "Ostia (Death of Pasolini)" – qui dévoile le potentiel mélodique du groupe et confirme la justesse de son sampling (l'utilisation glaçante des violons de Psychose), par l'apocalypse percussive de "Penetralia"... Il nous faudra même subir l'épreuve de la mort en deux étapes ; la marche funéraire cuivrée de "The Golden Section", qui nous mène droit dans notre tombe alors que le prêtre nous balance en guise d'oraison funèbre une lecture magistrale sur la mythologie des Dieux et Démons de la mort. Mort que Coil se propose, en guise de lumière au bout du tunnel infernal de transformer en douloureuse renaissance, narrant à grand coup de synthés séraphiques (avec du noise ambiant en toile de fond) ces cinq premières minutes après la mort. Attention, enchainer cette fin de disque avec The Ape of Naples entraine un risque de continuité conceptuelle propre à réveiller la larmichette qui sommeille en vous...
Tout ici pue l'exaltation, celle d'un groupe qui célèbre sa maturité artistique. Si Scatology était une palette de couleurs qui avait dévoilé un fort potentiel esthétique, alors Horse Rotorvator est la première peinture éclatante que Coil s'est enfin décidé à peindre. Certes il y a encore de la merde dans la gouache, rien à voir avec les immenses fresques immaculées des Musick To Play In The Dark à venir, mais à juger comme cette nuance unique profite au tableau, on n'hésitera pas à dire que c'est ce qui fait une des grandes forces du disque. "On doit être capable de justifier tout ce que l'on fait, à soi-même avant tout" lançait Balance en interview. Je lui laisse le loisir de juger, depuis l'au-delà face à son miroir, s'il est en paix avec sa conscience. Quant à se justifier face au reste du monde, je crierai volontiers "Mission accomplie" : car chez Horse Rotorvator nulle gratuité, rien de moins que du génie.
Coil, c'est donc bien l'union amoureuse et musicale des ambiances et mélodies synthétiques de Peter Christopherson (alias Sleazy) et de la voix dérangée de John Balance (ou Jhonn), qui s'occupe aussi des percussions. Et de percussions, à l'époque du présent disque, Horse Rotorvator – c'est à dire aux débuts du groupe, deux ans après le bien-nommé Scatology – il en est massivement question. Pour qualifier le Coil d'alors, le terme d'Indus est sur toutes les lèvres, et quand bien même j'y mettrais toute ma mauvaise foi je ne trouverais rien à y redire. Ce Coil ci n'a toujours pas dépassé le stade anal ; malgré un nouveau titre pour ce nouveau disque, il n'y a qu'à jeter un œil rapide sur la tracklist pour constater que la scatologie est toujours là, au détour d'un "The Anal Staircase", d'un "Penetralia" et autres hommages à Pier Paolo Pasolini. En même temps il bien difficile de cerner les gars dont on cause présentement. À savoir de deux échappés de Psychic TV, projet hautement collaboratif qui – en compagnie de Genesis P-Orridge, terroriste transexuel notoire des Throbbing Gristle – s'était déjà occupé d'inoculer des sentiments et du songwriting à cette soupe primitive qu'on avait nommé "post-punk" faute de mieux. Sleazy lui-même étant un ex-Throbbing Gristle. 'fin bon, v'là le genre d'énergumènes qu'on se trimballe ici. Mais on ne fera pas l'erreur de croire que Horse Rotorvator n'est qu'une simple resucée de Scatology. C'est même tout l'inverse, j'affirme haut et fort qu'il lui est supérieur en tous points.
Bien que ça ne soit rendre justice ni à l'une ni à l'autre des deux œuvres, dont on pourrait se contenter de dire qu'elles diffèrent plutôt que chercher à les hiérarchiser à tout prix, il n'empêche que par de nombreux aspects Horse Rotorvator paraît vraiment être version améliorée du coup de force qu'était déjà Scatology. Enfin non, on parlera plutôt de version "canalisée". La première chose qui aura pu marquer ceux qui à l'époque se frottèrent au premier essai des deux zouaves sodomites, c'est toute cette énergie soulevée et projetée dans des médiums aussi divers que de l'indus pur-jus, de l'électronique dansante, des chants rituels scandés avec rage, des expérimentations électroacoustiques mélangeant jeux de sampling et instruments authentiques, ayant tous en commun l'idée sous-jacente de la sublimation de la merde – comprendre ici que Sleazy était à l'époque à fond dans ses pulsions pipi caca, auxquelles John Balance s'efforçait (avec talent il faut le reconnaître) de donner une profondeur philosophique. Quant à ce Horse Rotorvator, on pourra dire qu'il s'agit du zénith de cette sublimation, du pinacle scatophile de Coil (avant qu'ils ne s'élancent vers d'autres horizons conceptuels). Cette puissance qu'ils avaient invoqué, la voilà qui trouve son parfait réceptacle, un écrin qui ne compartimente plus les différentes faces du duo mais les marie dans d'ambitieux instantanés. Rien que l'ouverture, le fameux "The Anal Staircase", témoigne d'un panache inédit avec son instrumentation éclatée et jouissive, ses samples en pagaille (maltraiter le Sacre du Printemps en ouverture, fallait oser!) et son éructation exaltée ("Blow the fucking thing apart ! Down the anal staircase"). Et ce n'est que le début ; avant d'être délivré de cette délicieuse séance de sévices il faudra en passer par la folie furieuse de "Circle of Mania", par l'hommage éploré à l'assassinat de Pasolini qu'est "Ostia (Death of Pasolini)" – qui dévoile le potentiel mélodique du groupe et confirme la justesse de son sampling (l'utilisation glaçante des violons de Psychose), par l'apocalypse percussive de "Penetralia"... Il nous faudra même subir l'épreuve de la mort en deux étapes ; la marche funéraire cuivrée de "The Golden Section", qui nous mène droit dans notre tombe alors que le prêtre nous balance en guise d'oraison funèbre une lecture magistrale sur la mythologie des Dieux et Démons de la mort. Mort que Coil se propose, en guise de lumière au bout du tunnel infernal de transformer en douloureuse renaissance, narrant à grand coup de synthés séraphiques (avec du noise ambiant en toile de fond) ces cinq premières minutes après la mort. Attention, enchainer cette fin de disque avec The Ape of Naples entraine un risque de continuité conceptuelle propre à réveiller la larmichette qui sommeille en vous...
Tout ici pue l'exaltation, celle d'un groupe qui célèbre sa maturité artistique. Si Scatology était une palette de couleurs qui avait dévoilé un fort potentiel esthétique, alors Horse Rotorvator est la première peinture éclatante que Coil s'est enfin décidé à peindre. Certes il y a encore de la merde dans la gouache, rien à voir avec les immenses fresques immaculées des Musick To Play In The Dark à venir, mais à juger comme cette nuance unique profite au tableau, on n'hésitera pas à dire que c'est ce qui fait une des grandes forces du disque. "On doit être capable de justifier tout ce que l'on fait, à soi-même avant tout" lançait Balance en interview. Je lui laisse le loisir de juger, depuis l'au-delà face à son miroir, s'il est en paix avec sa conscience. Quant à se justifier face au reste du monde, je crierai volontiers "Mission accomplie" : car chez Horse Rotorvator nulle gratuité, rien de moins que du génie.
Exceptionnel ! ! 19/20 | par X_Wazoo |
Posté le 12 mai 2023 à 10 h 56 |
En entrant, on pourait emprunter le "Anal Staircase" et reprendre là où "Scotology" nous avait laissé : martial, vicieux, pornographe... A y écouter de plus près, le son est bien différents : la prod prend une volée de gallons et les élucubration électroniques surgissent d'une cavité encore plus profonde. On entre-aperçoit même un brin de techno à venir (mais chut, c'est pour plus tard).
Mais dès "Slur", et sa poésie dissonnante, on ne peut que constater le gap, la différence d'inspiration, d'esthétisme, d'ornementation. John a amélioré son chant de manière drastique, il s'accouple à des bidouillages sonores ne collant déjà plus à l'imagerie industrial stricte, développant un univers propre, atteignant une poésie déviante et une beauté décadente. Nous n'entrons pas juste dans une nouvelle annexe mais bien une nouvelle dimension.
Par la fenêtre, bordant la jetée, ce sont les plages d'Italie, celles de "Ostia", où Passolini se fait assasiné. Cette mélancolie et cette voie solonelle magnifie dans la poésie le meurtre de ce génie, icône d'un esthétisme homosexuel assumé, le sublime et le romanise.
La garçonnière d'antant a été restaurée en atelier. L'électronique est leur instrument, mais le synthétique laisse place à l'acoustique échantilloné, sous une mutlitude de formes, pour autant de couleurs, conférant à leur musique une approche plus savante, plus grandiose... plus convenue ? Non, plus juste. Plus mélodique, rapprochant plus que jamais leur musique, avec ces structures ritual, de celle de leurs compatriotes et camarades des Current 93. Car "Babylero", cette comptine world, la marche "The Golden Section" ou l'excellente reprise à fleur de peau "Who By Fire" (de Cohen) sont moins industrial que neo-folk.
Leur sous-basements formateurs ont été augmenté d'expérience et de savoir faire. En résulte des titres ambiant et ritual maîtrisés : le cinématique "Ravenous", le bruitiste "Blood From The Air" ou l'hypnotisant, fascinant, organique, fataliste "The First Five Minute After Death". Les travaux sur la B.O. de "Hellraiser" n'auront donc pas été vains, s'ils ont permis d'offrir une telle pièce.
Pour finir le tour du propiétaire, notons ce "Penetralia", tour de magick, image réminisante au futur antérieure, ressemblant à s'y méprendre à de prochaines remix, surtout de celles offerte au père Reznor. Un truc qui ressemblent à tant d'autres choses à venir. Pour sa part, "Circles Of Mana", et ses cuivres swing, ses bruitismes bipolaires et ses déclamations d'aliénés, ne ressemblent à rien d'autre. Chic et réussi.
Vous l'aurez compris, voici leur premier chef-d'oeuvre, une oeuvre d'une poésie fragile et maculée, un rêve pollué.
Mais dès "Slur", et sa poésie dissonnante, on ne peut que constater le gap, la différence d'inspiration, d'esthétisme, d'ornementation. John a amélioré son chant de manière drastique, il s'accouple à des bidouillages sonores ne collant déjà plus à l'imagerie industrial stricte, développant un univers propre, atteignant une poésie déviante et une beauté décadente. Nous n'entrons pas juste dans une nouvelle annexe mais bien une nouvelle dimension.
Par la fenêtre, bordant la jetée, ce sont les plages d'Italie, celles de "Ostia", où Passolini se fait assasiné. Cette mélancolie et cette voie solonelle magnifie dans la poésie le meurtre de ce génie, icône d'un esthétisme homosexuel assumé, le sublime et le romanise.
La garçonnière d'antant a été restaurée en atelier. L'électronique est leur instrument, mais le synthétique laisse place à l'acoustique échantilloné, sous une mutlitude de formes, pour autant de couleurs, conférant à leur musique une approche plus savante, plus grandiose... plus convenue ? Non, plus juste. Plus mélodique, rapprochant plus que jamais leur musique, avec ces structures ritual, de celle de leurs compatriotes et camarades des Current 93. Car "Babylero", cette comptine world, la marche "The Golden Section" ou l'excellente reprise à fleur de peau "Who By Fire" (de Cohen) sont moins industrial que neo-folk.
Leur sous-basements formateurs ont été augmenté d'expérience et de savoir faire. En résulte des titres ambiant et ritual maîtrisés : le cinématique "Ravenous", le bruitiste "Blood From The Air" ou l'hypnotisant, fascinant, organique, fataliste "The First Five Minute After Death". Les travaux sur la B.O. de "Hellraiser" n'auront donc pas été vains, s'ils ont permis d'offrir une telle pièce.
Pour finir le tour du propiétaire, notons ce "Penetralia", tour de magick, image réminisante au futur antérieure, ressemblant à s'y méprendre à de prochaines remix, surtout de celles offerte au père Reznor. Un truc qui ressemblent à tant d'autres choses à venir. Pour sa part, "Circles Of Mana", et ses cuivres swing, ses bruitismes bipolaires et ses déclamations d'aliénés, ne ressemblent à rien d'autre. Chic et réussi.
Vous l'aurez compris, voici leur premier chef-d'oeuvre, une oeuvre d'une poésie fragile et maculée, un rêve pollué.
Intemporel ! ! ! 20/20
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