Helmet

Paris [Le Petit Bain] - dimanche 29 juillet 2018

Il me reste un certain nombre de groupes à découvrir en live avant de mourir (ou avant que leurs piliers ne meurent). Helmet n'était pas le premier nom sur ma liste (c'est Bob Mould qui occupe cette place), d'autant que je suis censé les avoir vus en première partie de Rage Against The Machine au Zénith en 1994, même si je n'en ai aucun souvenir. Mais l'occasion fait le larron : je suis en vacances, en train de trier ce que je vais mettre dans mes cartons de déménagement, et même si je n'ai pas été très efficace jusque-là, un petit concert en bord de Seine ne peut pas me faire de mal.
À voir le nombre de T-shirts Helmet dans la file d'attente du bar du rooftop du Petit Bain avant le concert, c'est assurément l'événement rock de cet été parisien. Rock ou métal, la question se pose : Helmet fait partie des rares groupes qui ont aboli cette frontière, et on trouve dans le public aussi bien des indie-rockers que des métalleux qu'on croirait sortis tout droit des années 90. Question look, la palme revient à ces deux gars arborant le bandana à la mode Suicidal Tendencies (je leur accorde le bénéfice du doute concernant Axl Rose), l'un avec un T-shirt Body Count sans manche, l'autre avec un T-shirt Ugly Kid Joe. Je ne suis pas pressé de les recroiser dans le pogo.

La première partie est assurée par A Shape, un quatuor français manifestement influencé par Sonic Youth et Jesus Lizard. A priori deux groupes que j'ai pas mal écoutés, mais dont les rejetons français, des Deity Guns à Sister Iodine, m'ont toujours un peu rebuté. Ici, la puissance sonore et les dissonances sont au rendez-vous, le charisme et la communication avec le public un peu moins - on mettra ça sur le stress de faire la première partie d'un groupe légendaire. "Kim Gordon", crie un spectateur à la ténébreuse chanteuse. Certes, mais il me manque les mélodies subtiles de Lee Ranaldo et Thurston Moore. Tant pis.

Page Hamilton, le guitariste-chanteur et exécuteur testamentaire de Helmet, débarque avec les "jeunots" débraillés et barbus qui l'aident à entretenir la flamme. Le leader du groupe, lui, est plutôt en mode Ian McKaye : air sévère, cheveux ras et T-shirt gris ample. Ça attaque fort aussi bien sur scène que dans la fosse. Le son est puissant et compact, et les riffs accrocheurs. Sans être un grand connaisseur de la discographie du groupe (sorti de la compile Unsung - 1991-1997, je n'ai pas écouté grand chose d'eux), je remarque que les morceaux qui mettent le feu sortent majoritairement de cette première période : à l'époque, le trio Hamilton-Stanier-Bogdan avait une capacité impressionnante à pondre des riffs minimalistes et ultra-accrocheurs, fidèlement reproduits par les excellents musicos qui ont pris la relève. La voix du chanteur est étonnante : tantôt blanche et froide comme au bon vieux temps du post-punk clinique de Wire, tantôt braillarde en mode Henry Rollins. Page Hamilton finit par se dérider : il remercie le public, présente ses musiciens, et montre son humour caustique et pas toujours très fin, notamment dans ses piques pourtant justifiées sur Aerosmith ("They used to be amazing. Now they're unamazing").

Durant le rappel, galvanisé par l'ambiance, Hamilton se lance en son clair dans un fingerpicking delta-blues accrocheur, histoire de montrer une fois de plus qu'il n'est pas qu'un gros bourrin de métalleux. On sent un peu de la frustration de ce gars qui a tenu entre ses mains durant quelques années la formule magique du mélange parfait entre hardcore et metal et qui n'a pas su en profiter. Cela ne l'aura pas empêché de nous délivrer une performance intense qui aura mis le feu à la salle, au point de se lancer dans un deuxième rappel au delà de 23 heures et d'improviser une séance de serrage de pognes et de dédicaces à l'arrache sur le bord de la scène. Seul bémol de cette communion avec le public : un roadie particulièrement zélé et protecteur qui débarque sur scène dès qu'un gars commence à slammer dans la fosse, et qui se fend d'un speech inaudible mais manifestement moralisateur et très énervé en plein milieu d'un morceau quand un gobelet de bière passe à vingt centimètres du deuxième guitariste, finissant par relancer le gobelet dans la fosse, dans la tête d'un gars qui n'y était pour rien. Le hardcore n'est plus ce qu'il était...


Parfait   17/20
par Myfriendgoo


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