Wilco
I Am Trying To Break Your Heart: A Film About Wilco |
Label :
Cowboy Pictures/Plexifilm |
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Je ne sais pas bien pourquoi je repoussais le visionnage de ce documentaire. Peut-être pour me préserver de belles émotions dans le futur ? Peut-être aussi par simple manque de temps. Du temps, ce documentaire ne vous en prendra d'ailleurs pas beaucoup : une heure et demie à peine pour retracer le tumultueux parcours de Wilco lors de l'enregistrement et (surtout) de la parution de son chef-d'œuvre incontesté : Yankee Hotel Foxtrot, un de mes disques de chevet. L'occasion de se retracer les détails de l'histoire du disque, de la fièvre créatrice à la désillusion.
"Je dois dire qu'on est plutôt chanceux d'être dans cette position où Wilco a vraiment la possibilité de faire le disque qu'ils ont envie de faire. [...] Je pense et j'espère que cet album sera une grosse priorité pour la Warner lorsqu'il paraîtra." ~ Tony Margherita, Manager de Wilco.
Oiseau de mauvaise augure... Pourtant tout partait très bien, comme souvent. Wilco a paru Summerteeth peu avant, succès commercial relatif qui fait qu'en 2000 le groupe est au sommet de sa popularité et vient de signer un contrat avec Reprise Records (une filiale de la Warner) pour obtenir 85.000 dollars et une complète autonomie pour un album qu'ils enregistreront eux-mêmes, produiront eux-mêmes (le mixage s'effectuera avec Jim O'rourke). L'équivalent d'une suite royale dans un hôtel grand luxe pour un groupe. Wilco saisit l'occasion pour passer "à un autre niveau", pour monter d'un cran dans l'ambition : le label est à l'écoute, le public est avide et les musiciens sont galvanisés. Une fois la musique dûment enregistrée, le groupe passe en studio pour s'occuper d'agencer tout cela et de s'occuper des finitions, avec O'rourke notamment. Quelques jours à peine, avant l'envoi de Yankee Hotel Foxtrot au label, le président de Reprise Records part en retraite. Un jeune lui succède. Le groupe ne se fait pas de soucis ; au contraire ! Un jeune, dans le vent, pourra d'autant plus être conquis par les efforts du groupe.
Le problème, mais Tweedy et compagnie ne le savent pas encore, c'est que l'ancien président était un mordu de Wilco, le nouveau... ça reste à prouver. Une fois le produit fini envoyé aux commerciaux du label, le groupe reste sans réponse pour deux semaines. Ça ne sent pas bon, et il se confirme très vite qu'il y a un problème. Dans un appel expéditif, on fait savoir à Jeff que le disque doit changer pour pouvoir être publié. Des modifications sont à prévoir. Le groupe, lui, campe sur ses positions : il n'est pas question de changer quoi que ce soit à ce nouvel album fraîchement emballé. C'était quitte ou double. La réponse de Reprise aura été brève et claire : si le groupe n'était pas prêt à faire ces changements, et bien il était invité à se diriger vers un autre label. Ni une ni deux ; appuyés par Tony leur manager, les Wilco claquent la porte.
"Je pense que si j'étais un exécutif dans une maison de disque, je veux dire pas les mecs dans les tranchées mais les gars avec les téléphones plaqués or ; si j'étais là-haut et que j'écoutais Yankee Hotel Foxtrot, je n'y pigerais rien. Pourquoi ? Parce que ça ne me dit pas exactement à qui c'est adressé, exactement ce dont ça parle, exactement combien ça va se vendre." ~ David Fricke, Editeur chez Rolling Stone.
Nous sommes en 2001 et Wilco vient de se faire virer de son label à l'aube de son plus grand disque. Pour autant ce n'est pas le retour à la case départ pour Wilco, car les négociations avec Reprise sont arrivées à un compromis relativement satisfaisant : étant donné la mauvaise presse que commençait à recevoir le label pour la façon dont ils traitaient leur poulain, celui-ci accepta de rendre les bandes studio de Yankee Hotel Foxtrot au groupe si ceux-ci acceptaient l'absence de compensations financières. Qu'à cela ne tienne ; sonné mais vif, Wilco repart avec son disque sous le bras, prêt à tourner partout où c'est possible pour recueillir les fonds nécessaires pour rentabiliser leur affaire. Les concerts battent leur plein, Wilco surfe sur sa popularité, met en ligne les mp3 de YHF pour que le public puisse bénéficier des morceaux et finit par occuper une place de martyr plutôt confortable et qui leur offre une nouvelle opportunité plutôt... surprenante.
"En écoutant le disque, sur les 30 premières secondes, je me suis dis qu'il y avait là quelque chose qui n'avait jamais été fait dans un disque de Wilco, quelque chose d'aventureux... c'est probablement ces mêmes 30 secondes qui persuadèrent Reprise de ne pas le publier !" ~ David Bither, Nonesuch Records.
Une fois lâchés dans la nature, le groupe s'entretient avec nombres de labels prêts à faire paraître ce fameux disque. Soudainement, Wilco n'a plus que l'embarras du choix... Et c'est une offre de Nonesuch Records qui retiendra finalement leur attention, pour un prix trois fois supérieur à celui qu'offrait Reprise Records à la base. Offre d'autant plus surprenante que Nonesuch n'est jamais qu'une autre filiale de la Warner. L'ironie ne vous échappera pas. En somme Wilco ne s'en sort pas si mal, après deux ans dont un de pur galère (et l'éviction de Jay Bennett qui se mettait à exiger beaucoup trop de place dans le songwriting et le mixage au goût de Jeff Tweedy) : leur situation est bien plus avantageuse qu'auparavant, Reprise s'en mord les doigts, Nonesuch jubile tandis que la Warner raque d'autant plus pour s'accorder les bonnes faveurs de Wilco... et Yankee Hotel Foxtrot est le disque le plus vendu de l'histoire du groupe. Succès peut-être en partie dû à ces mésaventures, d'ailleurs.
"Il n'y a aucune raison de ne pas détruire la chanson. Je veux dire, nous l'avons créé, alors c'est notre droit de la détruire ; c'est libérateur et excitant, dans un sens créatif." ~ Jeff Tweedy.
Enfin le drama c'est bien beau, mais il ne s'agirait pas d'oublier que le documentaire, intégralement en noir et blanc, nous offre quelques superbes scènes d'enregistrement, où l'on a l'occasion d'apercevoir certaines perles en pleine gestation, ou bien dans une version complète mais non encore passée par la phase de déconstruction du groupe, qui triture chacune de ses compositions pour finir par trouver la version définitive. Ainsi, on aura le droit à des versions acoustiques simples de "I Am Trying To Break Your Heart", "Poor Places", "Reservations", tandis qu'on assistera à une version très smooth et nimbée de réverb de "Jesus Etc." (à mille lieues de son habillage final), à une version rock'n'roll de "Kamera", des versions live de diverses pistes, des engueulades sur l'introduction de "Heavy Metal Drummer", etc. Et même quelques extraits d'un concert live plutôt confidentiel que donna Tweedy en solo au cours de l'enregistrement de YHF, devant un public acquis à sa cause. Les impressions des divers membres du groupes sont contagieuses, tant ils semblent flotter sur un petit nuage de créativité ; ravis de tout faire eux-mêmes, d'avoir leur mot à dire dans l'histoire (plutôt qu'une véritable relation hiérarchique par rapport à Tweedy ou des comptes à rendre à un producteur du label), tandis qu'ils s'amusent à créer les fameuses plages de drones ou de noise qui habitent l'ensemble du disque (en miroir des migraines de Jeff), ou à utiliser tel ou tel instrument, rajouter telle plage de son... Se demander s'il est bien judicieux de rendre le disque si bruyant par endroits. Bref, l'impression pour le fan de se retrouver au cœur d'une bouilloire de génie qui n'en finit plus de siffler, entouré par la meilleure BO du monde. Sam Jones aura été bien inspiré de nous offrir ce documentaire, publié juste après la sortie officielle de l'album, on aurait aimé que d'autres aient pu avoir la même intuition géniale pour d'autres chef-d'oeuvres intemporels de ce calibre.
"Je dois dire qu'on est plutôt chanceux d'être dans cette position où Wilco a vraiment la possibilité de faire le disque qu'ils ont envie de faire. [...] Je pense et j'espère que cet album sera une grosse priorité pour la Warner lorsqu'il paraîtra." ~ Tony Margherita, Manager de Wilco.
Oiseau de mauvaise augure... Pourtant tout partait très bien, comme souvent. Wilco a paru Summerteeth peu avant, succès commercial relatif qui fait qu'en 2000 le groupe est au sommet de sa popularité et vient de signer un contrat avec Reprise Records (une filiale de la Warner) pour obtenir 85.000 dollars et une complète autonomie pour un album qu'ils enregistreront eux-mêmes, produiront eux-mêmes (le mixage s'effectuera avec Jim O'rourke). L'équivalent d'une suite royale dans un hôtel grand luxe pour un groupe. Wilco saisit l'occasion pour passer "à un autre niveau", pour monter d'un cran dans l'ambition : le label est à l'écoute, le public est avide et les musiciens sont galvanisés. Une fois la musique dûment enregistrée, le groupe passe en studio pour s'occuper d'agencer tout cela et de s'occuper des finitions, avec O'rourke notamment. Quelques jours à peine, avant l'envoi de Yankee Hotel Foxtrot au label, le président de Reprise Records part en retraite. Un jeune lui succède. Le groupe ne se fait pas de soucis ; au contraire ! Un jeune, dans le vent, pourra d'autant plus être conquis par les efforts du groupe.
Le problème, mais Tweedy et compagnie ne le savent pas encore, c'est que l'ancien président était un mordu de Wilco, le nouveau... ça reste à prouver. Une fois le produit fini envoyé aux commerciaux du label, le groupe reste sans réponse pour deux semaines. Ça ne sent pas bon, et il se confirme très vite qu'il y a un problème. Dans un appel expéditif, on fait savoir à Jeff que le disque doit changer pour pouvoir être publié. Des modifications sont à prévoir. Le groupe, lui, campe sur ses positions : il n'est pas question de changer quoi que ce soit à ce nouvel album fraîchement emballé. C'était quitte ou double. La réponse de Reprise aura été brève et claire : si le groupe n'était pas prêt à faire ces changements, et bien il était invité à se diriger vers un autre label. Ni une ni deux ; appuyés par Tony leur manager, les Wilco claquent la porte.
"Je pense que si j'étais un exécutif dans une maison de disque, je veux dire pas les mecs dans les tranchées mais les gars avec les téléphones plaqués or ; si j'étais là-haut et que j'écoutais Yankee Hotel Foxtrot, je n'y pigerais rien. Pourquoi ? Parce que ça ne me dit pas exactement à qui c'est adressé, exactement ce dont ça parle, exactement combien ça va se vendre." ~ David Fricke, Editeur chez Rolling Stone.
Nous sommes en 2001 et Wilco vient de se faire virer de son label à l'aube de son plus grand disque. Pour autant ce n'est pas le retour à la case départ pour Wilco, car les négociations avec Reprise sont arrivées à un compromis relativement satisfaisant : étant donné la mauvaise presse que commençait à recevoir le label pour la façon dont ils traitaient leur poulain, celui-ci accepta de rendre les bandes studio de Yankee Hotel Foxtrot au groupe si ceux-ci acceptaient l'absence de compensations financières. Qu'à cela ne tienne ; sonné mais vif, Wilco repart avec son disque sous le bras, prêt à tourner partout où c'est possible pour recueillir les fonds nécessaires pour rentabiliser leur affaire. Les concerts battent leur plein, Wilco surfe sur sa popularité, met en ligne les mp3 de YHF pour que le public puisse bénéficier des morceaux et finit par occuper une place de martyr plutôt confortable et qui leur offre une nouvelle opportunité plutôt... surprenante.
"En écoutant le disque, sur les 30 premières secondes, je me suis dis qu'il y avait là quelque chose qui n'avait jamais été fait dans un disque de Wilco, quelque chose d'aventureux... c'est probablement ces mêmes 30 secondes qui persuadèrent Reprise de ne pas le publier !" ~ David Bither, Nonesuch Records.
Une fois lâchés dans la nature, le groupe s'entretient avec nombres de labels prêts à faire paraître ce fameux disque. Soudainement, Wilco n'a plus que l'embarras du choix... Et c'est une offre de Nonesuch Records qui retiendra finalement leur attention, pour un prix trois fois supérieur à celui qu'offrait Reprise Records à la base. Offre d'autant plus surprenante que Nonesuch n'est jamais qu'une autre filiale de la Warner. L'ironie ne vous échappera pas. En somme Wilco ne s'en sort pas si mal, après deux ans dont un de pur galère (et l'éviction de Jay Bennett qui se mettait à exiger beaucoup trop de place dans le songwriting et le mixage au goût de Jeff Tweedy) : leur situation est bien plus avantageuse qu'auparavant, Reprise s'en mord les doigts, Nonesuch jubile tandis que la Warner raque d'autant plus pour s'accorder les bonnes faveurs de Wilco... et Yankee Hotel Foxtrot est le disque le plus vendu de l'histoire du groupe. Succès peut-être en partie dû à ces mésaventures, d'ailleurs.
"Il n'y a aucune raison de ne pas détruire la chanson. Je veux dire, nous l'avons créé, alors c'est notre droit de la détruire ; c'est libérateur et excitant, dans un sens créatif." ~ Jeff Tweedy.
Enfin le drama c'est bien beau, mais il ne s'agirait pas d'oublier que le documentaire, intégralement en noir et blanc, nous offre quelques superbes scènes d'enregistrement, où l'on a l'occasion d'apercevoir certaines perles en pleine gestation, ou bien dans une version complète mais non encore passée par la phase de déconstruction du groupe, qui triture chacune de ses compositions pour finir par trouver la version définitive. Ainsi, on aura le droit à des versions acoustiques simples de "I Am Trying To Break Your Heart", "Poor Places", "Reservations", tandis qu'on assistera à une version très smooth et nimbée de réverb de "Jesus Etc." (à mille lieues de son habillage final), à une version rock'n'roll de "Kamera", des versions live de diverses pistes, des engueulades sur l'introduction de "Heavy Metal Drummer", etc. Et même quelques extraits d'un concert live plutôt confidentiel que donna Tweedy en solo au cours de l'enregistrement de YHF, devant un public acquis à sa cause. Les impressions des divers membres du groupes sont contagieuses, tant ils semblent flotter sur un petit nuage de créativité ; ravis de tout faire eux-mêmes, d'avoir leur mot à dire dans l'histoire (plutôt qu'une véritable relation hiérarchique par rapport à Tweedy ou des comptes à rendre à un producteur du label), tandis qu'ils s'amusent à créer les fameuses plages de drones ou de noise qui habitent l'ensemble du disque (en miroir des migraines de Jeff), ou à utiliser tel ou tel instrument, rajouter telle plage de son... Se demander s'il est bien judicieux de rendre le disque si bruyant par endroits. Bref, l'impression pour le fan de se retrouver au cœur d'une bouilloire de génie qui n'en finit plus de siffler, entouré par la meilleure BO du monde. Sam Jones aura été bien inspiré de nous offrir ce documentaire, publié juste après la sortie officielle de l'album, on aurait aimé que d'autres aient pu avoir la même intuition géniale pour d'autres chef-d'oeuvres intemporels de ce calibre.
Parfait 17/20 | par X_Wazoo |
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