Gojira
L'Enfant Sauvage |
Label :
Roadrunner |
||||
Quatre ans d'absence discographique. Quatre ans pour que Gojira se forge définitivement un statut d'intouchable, de pilier de la scène métal. Après avoir été de tous les festivals, tourné dans le monde entier, avoir accompagné Metallica sur la route, les Bayonnais reviennent enfin avec pour la première fois un titre en français, L'Enfant Sauvage, un peu comme s'ils voulaient dire, à la manière de Céline Dion en son temps, "Je ne vous oublie pas".
Comme le laissait déjà augurer le morceau "Of Blood And Sal", enregistré pour soutenir Sea Shepherd et sur lequel participaient Devin Townsend ainsi que Fredrik Thordendal (Meshuggah), Gojira poursuit son évolution naturelle vers des paysages toujours plus oximoriques, où la lourdeur accrue des guitares et des tempos accompagne des vocaux plus mélodiques mais toujours très puissants. Comme me l'a fait remarquer un ami, il y a du Killing Joke chez Gojira.
L'album a été enregistré à New York et je trouve que l'album souffre peut-être d'une production trop typiquement américaine, c'est-à-dire beaucoup trop sourde, étouffée, les enceintes saturant rapidement dans les basses dès qu'on pousse un peu le volume. On n'y gagne pas vraiment en intensité mais on y perd en nuance. Cela dit, ce n'est guère un problème, L'enfant Sauvage étant peu nuancé. Vous allez voir, on s'y fait très vite et ça en est que meilleur.
"Explosia" est une ouverture classique pour le groupe : riff typique, passages où lourdeur et atmosphère se mêle, construction cyclique, tous les ingrédients sont présents avec néanmoins une volonté de simplifier les compositions, sentiment que la suite du disque ne dément pas. À noter un final somptueux sur une rythmique rouleau compresseur dominée par un clair arpège, ça débute plutôt pas mal.
Le titre éponyme illustre bien ce vers quoi tend Gojira aujourd'hui. Toujours un métal syncopé, pas forcément hyper technique mais toujours bien pensé, joué avec justesse et intelligence. Les guitares alternent les riffs fonceurs d'un "The Way Of All Flesh" avec des velléités mélodiques néanmoins plus marquées, Joe ayant selon moi trouver sa véritable voix, certes toujours hurlée et rageuse, mais pleine de feeling, émotive même, le morceau étant également doté d'un final parfaitement représentatif de ce qu'est Gojira aujourd'hui : un groupe incroyablement efficace. Un morceau basique donc, mais pas simpliste, parfait pour le format single.
Cela dit, cette entrée en matière assez novatrice cède peu à peu le pas à une apparente monotonie. J'impute cela à la durée assez semblable de tous les morceaux, oscillant entre quatre et cinq minutes. Moi qui attendais plutôt le groupe dans des sphères de plus en plus progressives, il se recentre sur un format "chanson" épuré, seulement soutenu par deux ou trois riffs obsessionnels.
Si je devais comparer le virage musical abordé ici, je le ferais en parlant de The Hunter de Mastodon. De prime abord, on se dit que c'est trop simple, qu'il manque un truc, que c'est moins bon, alors que c'est juste légèrement différent et que, surtout, chaque titre contient une ligne mélodique énorme, prenante et envoûtante. C'est juste qu'elle ne saute pas aux oreilles à la première écoute qui, chez moi, a d'abord été décevante.
Pour clarifier mon propos, je préfère préciser que tout est très bon dans L'Enfant Sauvage. Il s'agit d'un album qui, encore une fois, se hisse bien au-dessus de la masse métallique, il n'y a pas de discussion sur ce fait. Mais Gojira a contracté des tics musicaux et l'on a parfois le sentiment que le groupe s'auto plagie. Par exemple, il y a toujours au moins un interlude musical, en l'occurrence "The Wild Healer", mais il a ici un goût d'inachevé, il s'arrête de façon trop abrupte et l'enchaînement avec le très costaud "Planned Obsolescence" n'est pas forcément limpide. De même, je trouve dommage que "Born In Winter" ait autant de points communs avec le morceau "From Mars", de l'album From Mars To Sirius. La ressemblance est vraiment frappante, même si c'est excellent.
"Mouth Of Kala" renoue avec ce que l'on connaît de Gojira : des riffs déliés, pesants et compressés mais c'est peut-être dans ce titre qu'apparaît le mieux la véritable innovation de l'album : les lignes vocales. Jamais Joe n'avait écrit de telles mélodies et c'est sans doute pour cela que L'Enfant Sauvage donne ce sentiment mitigé lors des premières écoutes. Je n'étais pas prêt à entendre cela, je ne m'y attendais pas, j'attendais le groupe sur un autre registre. Mais le temps d'adaptation passé révèle un disque vraiment somptueux qui risque de passer en boucle. En fait, plus les écoutes se succèdent, plus je me fais retourner. Les compositions sont vraiment taillées pour la scène.
"The Gift Of Guilt" est une autre excellente illustration de ce temps d'appropriation nécessaire. J'ai commencé par me dire que c'était pas mal mais que le riff d'introduction gagnerait à être joué plus rapidement. Mais quand sur le refrain Joe vient poser sa voix, je comprends et c'est alors limpide. C'est exactement le bon tempo, la bonne mesure, la note juste.
L'album s'achève sur "The Fall", et on peut dire que c'est une chute parfaite, sauvage, envoûtante, syncopée, dans le plus pur style Gojira.
Pour ceux qui comme moi ont acheté le digipack en version limitée, le CD comporte deux morceaux bonus : "This Emptiness" et "My Last Creation". Je ne sais pas s'il s'agit de chutes de studio mais L'Enfant Sauvage n'aurait pas perdu de sa superbe à les intégrer officiellement dans la liste tant ils sont aboutis et dans la droite ligne créatrice de l'album. Enfin, le DVD live aux Eurockéennes finira de ravir les plus acharnés et pour peu qu'ils se soient procuré deux semaines plus tôt The Flesh Alive, cela fait cinq Cds de Gojira en un mois !
Après une première écoute déstabilisante, je suis donc totalement conquis par L'Enfant Sauvage. J'apprécie son dépouillement quasi philosophique, le mysticisme de son chant, la beauté boisée de l'artwork, la surpuissance de la batterie, la profondeur des guitares...
La barre est placée bien trop haut pour la concurrence, je le crains.
Comme le laissait déjà augurer le morceau "Of Blood And Sal", enregistré pour soutenir Sea Shepherd et sur lequel participaient Devin Townsend ainsi que Fredrik Thordendal (Meshuggah), Gojira poursuit son évolution naturelle vers des paysages toujours plus oximoriques, où la lourdeur accrue des guitares et des tempos accompagne des vocaux plus mélodiques mais toujours très puissants. Comme me l'a fait remarquer un ami, il y a du Killing Joke chez Gojira.
L'album a été enregistré à New York et je trouve que l'album souffre peut-être d'une production trop typiquement américaine, c'est-à-dire beaucoup trop sourde, étouffée, les enceintes saturant rapidement dans les basses dès qu'on pousse un peu le volume. On n'y gagne pas vraiment en intensité mais on y perd en nuance. Cela dit, ce n'est guère un problème, L'enfant Sauvage étant peu nuancé. Vous allez voir, on s'y fait très vite et ça en est que meilleur.
"Explosia" est une ouverture classique pour le groupe : riff typique, passages où lourdeur et atmosphère se mêle, construction cyclique, tous les ingrédients sont présents avec néanmoins une volonté de simplifier les compositions, sentiment que la suite du disque ne dément pas. À noter un final somptueux sur une rythmique rouleau compresseur dominée par un clair arpège, ça débute plutôt pas mal.
Le titre éponyme illustre bien ce vers quoi tend Gojira aujourd'hui. Toujours un métal syncopé, pas forcément hyper technique mais toujours bien pensé, joué avec justesse et intelligence. Les guitares alternent les riffs fonceurs d'un "The Way Of All Flesh" avec des velléités mélodiques néanmoins plus marquées, Joe ayant selon moi trouver sa véritable voix, certes toujours hurlée et rageuse, mais pleine de feeling, émotive même, le morceau étant également doté d'un final parfaitement représentatif de ce qu'est Gojira aujourd'hui : un groupe incroyablement efficace. Un morceau basique donc, mais pas simpliste, parfait pour le format single.
Cela dit, cette entrée en matière assez novatrice cède peu à peu le pas à une apparente monotonie. J'impute cela à la durée assez semblable de tous les morceaux, oscillant entre quatre et cinq minutes. Moi qui attendais plutôt le groupe dans des sphères de plus en plus progressives, il se recentre sur un format "chanson" épuré, seulement soutenu par deux ou trois riffs obsessionnels.
Si je devais comparer le virage musical abordé ici, je le ferais en parlant de The Hunter de Mastodon. De prime abord, on se dit que c'est trop simple, qu'il manque un truc, que c'est moins bon, alors que c'est juste légèrement différent et que, surtout, chaque titre contient une ligne mélodique énorme, prenante et envoûtante. C'est juste qu'elle ne saute pas aux oreilles à la première écoute qui, chez moi, a d'abord été décevante.
Pour clarifier mon propos, je préfère préciser que tout est très bon dans L'Enfant Sauvage. Il s'agit d'un album qui, encore une fois, se hisse bien au-dessus de la masse métallique, il n'y a pas de discussion sur ce fait. Mais Gojira a contracté des tics musicaux et l'on a parfois le sentiment que le groupe s'auto plagie. Par exemple, il y a toujours au moins un interlude musical, en l'occurrence "The Wild Healer", mais il a ici un goût d'inachevé, il s'arrête de façon trop abrupte et l'enchaînement avec le très costaud "Planned Obsolescence" n'est pas forcément limpide. De même, je trouve dommage que "Born In Winter" ait autant de points communs avec le morceau "From Mars", de l'album From Mars To Sirius. La ressemblance est vraiment frappante, même si c'est excellent.
"Mouth Of Kala" renoue avec ce que l'on connaît de Gojira : des riffs déliés, pesants et compressés mais c'est peut-être dans ce titre qu'apparaît le mieux la véritable innovation de l'album : les lignes vocales. Jamais Joe n'avait écrit de telles mélodies et c'est sans doute pour cela que L'Enfant Sauvage donne ce sentiment mitigé lors des premières écoutes. Je n'étais pas prêt à entendre cela, je ne m'y attendais pas, j'attendais le groupe sur un autre registre. Mais le temps d'adaptation passé révèle un disque vraiment somptueux qui risque de passer en boucle. En fait, plus les écoutes se succèdent, plus je me fais retourner. Les compositions sont vraiment taillées pour la scène.
"The Gift Of Guilt" est une autre excellente illustration de ce temps d'appropriation nécessaire. J'ai commencé par me dire que c'était pas mal mais que le riff d'introduction gagnerait à être joué plus rapidement. Mais quand sur le refrain Joe vient poser sa voix, je comprends et c'est alors limpide. C'est exactement le bon tempo, la bonne mesure, la note juste.
L'album s'achève sur "The Fall", et on peut dire que c'est une chute parfaite, sauvage, envoûtante, syncopée, dans le plus pur style Gojira.
Pour ceux qui comme moi ont acheté le digipack en version limitée, le CD comporte deux morceaux bonus : "This Emptiness" et "My Last Creation". Je ne sais pas s'il s'agit de chutes de studio mais L'Enfant Sauvage n'aurait pas perdu de sa superbe à les intégrer officiellement dans la liste tant ils sont aboutis et dans la droite ligne créatrice de l'album. Enfin, le DVD live aux Eurockéennes finira de ravir les plus acharnés et pour peu qu'ils se soient procuré deux semaines plus tôt The Flesh Alive, cela fait cinq Cds de Gojira en un mois !
Après une première écoute déstabilisante, je suis donc totalement conquis par L'Enfant Sauvage. J'apprécie son dépouillement quasi philosophique, le mysticisme de son chant, la beauté boisée de l'artwork, la surpuissance de la batterie, la profondeur des guitares...
La barre est placée bien trop haut pour la concurrence, je le crains.
Excellent ! 18/20 | par Arno Vice |
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