Deftones
Adrenaline |
Label :
Warner |
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J'ai déjà souligné en ces lieux l'importance de l'année 1995 dans le rock. En ce béni jour de Juin, la lueur d'espoir est flamboyante et vient de Californie. Elle s'appelle Deftones.
En un album et 11 hymnes totalement inédits, le groupe réinvente le metal. Pas moins.
Le son de guitare est mat et profond, le chant est survolté et aérien, la batterie est sèche comme un coup de trique et dopée à la caféine, la basse ronfle (ah la fretless de Chi Cheng...). Et les mecs ont des dégaines de gangsters latinos, et l'esthétique des clips est à l'avenant... Bref une claque monumentale...
Encore confidentielle, la musique de Deftones a un goût d'inédit alors même que les influences suintent tout le long de l'album: on trouve du hip hop cabossé dans les incartades bancales de Chino Moreno, des maltraitances du son de guitare de Stephen Carpenter qui n'est pas sans rappeler l'étoile filante grunge, et ce alors même que les dieux du musicien s'appellent Meshuggah. La basse est obsédante et poisseuse à souhait ("7 Words", "Bored"...) et Abe Cunnigham excelle à suivre les errements de Moreno avec un groove et une discrétion effarante.
Dès le départ la messe est dite avec "Bored". Hymne slacker par excellence, le morceau se dévoile petit à petit; la lourdeur de la guitare et du son contraste violemment avec le chant délicatement approximatif de Moreno. On retient son souffle à mesure que Chino vide le sien. Et ça explose tout à coup. A la fois exubérant et tout en retenue, le morceau est un modèle du genre, et il n'est pas étonnant qu'il devienne alors le mètre-étalon du genre. Moreno marque des points à chaque seconde en balançant son ennui comme personne ne l'avait jamais fait jusqu'ici. Même le pont (parce que c'est bien d'une chanson qu'il s'agit) est une perle et tue dans l'oeuf toute concurrence.
"Minus Blindfold" déboule de nulle part et à nouveau la recette fonctionne; le riff dissonnant évoque les arpèges grunge, mais le traitement est lourd. Moreno balance alors encore ses fulgurances claudiquantes et l'on perçoit en lointain background une rythmique binaire orientée Hip Hop. On est à la fois très loin et très proche de Rage Against The Machine, le funk en moins en fait. Ce morceau, avec le suivant ("One Weak") sont certainement les plus faibles de l'album, mais la sauce est incroyablement savoureuse, rafraichissante et structurée.
Mais trêve de béatitude, Deftones est là pour nous faire saigner du nez. D'ailleurs ils l'annoncent clairement avec le titre suivant. Le beat est caféiné oui, pas de doute là-dessus, Moreno éructe, rappe des demies phrases, miaule parfois comme une pisseuse, parfois comme un chat, c'est terriblement bordélique et à la fois carré comme jamais, précis, millimétré, pas une seconde ne tape à côté. Sa poésie étrange transpire au travers d'un morceau qui vous moleste et vous caresse en même temps, dans un constant va-et-vient tour à tour sensuel et brutal.
Vient ensuite "Lifter", groovy et cool à souhait. Encore une fois, la lourdeur du traitement des guitares contraste avec la légèreté du chant et de la batterie, et l'alchimie fonctionne à merveille. "Root" brise un peu le charme avec un morceau plus fade, mais le groupe continue de casser ses lignes avec des breaks encore jamais entendus, tantôt très mélodiques, tantôt très lourd et brutaux.
Puis vient "7 Words", sommet extatique, qui donne à lui seul le prétexte au titre de l'album. Là où Carpenter nous servait des riffs (relativement) carrés, il balance un magma de bruit blanc, que Chi Cheng le bassiste souligne en parfait contrepoint à la fretless. Et Chino de souffler ce rap de pédé, tantôt susurrant et soufflant comme une hôtesse de téléphone rose pour mieux hurler des insanités la seconde d'après. Et Cunnigham de servir ce brulot avec une rigueur incroyable. Et ce break infernal, sans queue ni tête, et ce rap impeccablement boiteux... Encore aujourd'hui ce morceau reste pour moi le plus emblématique du groupe et est un incroyable moment de musique et d'adrénaline, au point presque d'occulter tout le reste de l'album... Voir même de la discographie fluctuante du combo.
Rien à redire pourtant pour ce dissonant et apaisant "Birthmark" et ce déjà très cliché (mais foutrement efficace) "Engine n°9". Mais il faudra attendre "Fireal" et "First" pour déjà entrevoir l'avenir du groupe. Alors qu'ils avaient développé sur tous les autres titres précédents matière à une floppée d'albums, Deftones déconstruit le modèle à peine établi et explore déjà des horizons nouveaux avec ces plages atmosphériques et bruitistes.
Au final Deftones balance un sacré pavé dans la mare avec son premier album. Une cohésion incroyable entre des univers pourtant aux antipodes les uns des autres, une musicalité inédite, un groove fabuleux et une rage au ventre rarement égalée. Un de ces disques qui transcende les genres et redéfinit le paysage musical.
En un album et 11 hymnes totalement inédits, le groupe réinvente le metal. Pas moins.
Le son de guitare est mat et profond, le chant est survolté et aérien, la batterie est sèche comme un coup de trique et dopée à la caféine, la basse ronfle (ah la fretless de Chi Cheng...). Et les mecs ont des dégaines de gangsters latinos, et l'esthétique des clips est à l'avenant... Bref une claque monumentale...
Encore confidentielle, la musique de Deftones a un goût d'inédit alors même que les influences suintent tout le long de l'album: on trouve du hip hop cabossé dans les incartades bancales de Chino Moreno, des maltraitances du son de guitare de Stephen Carpenter qui n'est pas sans rappeler l'étoile filante grunge, et ce alors même que les dieux du musicien s'appellent Meshuggah. La basse est obsédante et poisseuse à souhait ("7 Words", "Bored"...) et Abe Cunnigham excelle à suivre les errements de Moreno avec un groove et une discrétion effarante.
Dès le départ la messe est dite avec "Bored". Hymne slacker par excellence, le morceau se dévoile petit à petit; la lourdeur de la guitare et du son contraste violemment avec le chant délicatement approximatif de Moreno. On retient son souffle à mesure que Chino vide le sien. Et ça explose tout à coup. A la fois exubérant et tout en retenue, le morceau est un modèle du genre, et il n'est pas étonnant qu'il devienne alors le mètre-étalon du genre. Moreno marque des points à chaque seconde en balançant son ennui comme personne ne l'avait jamais fait jusqu'ici. Même le pont (parce que c'est bien d'une chanson qu'il s'agit) est une perle et tue dans l'oeuf toute concurrence.
"Minus Blindfold" déboule de nulle part et à nouveau la recette fonctionne; le riff dissonnant évoque les arpèges grunge, mais le traitement est lourd. Moreno balance alors encore ses fulgurances claudiquantes et l'on perçoit en lointain background une rythmique binaire orientée Hip Hop. On est à la fois très loin et très proche de Rage Against The Machine, le funk en moins en fait. Ce morceau, avec le suivant ("One Weak") sont certainement les plus faibles de l'album, mais la sauce est incroyablement savoureuse, rafraichissante et structurée.
Mais trêve de béatitude, Deftones est là pour nous faire saigner du nez. D'ailleurs ils l'annoncent clairement avec le titre suivant. Le beat est caféiné oui, pas de doute là-dessus, Moreno éructe, rappe des demies phrases, miaule parfois comme une pisseuse, parfois comme un chat, c'est terriblement bordélique et à la fois carré comme jamais, précis, millimétré, pas une seconde ne tape à côté. Sa poésie étrange transpire au travers d'un morceau qui vous moleste et vous caresse en même temps, dans un constant va-et-vient tour à tour sensuel et brutal.
Vient ensuite "Lifter", groovy et cool à souhait. Encore une fois, la lourdeur du traitement des guitares contraste avec la légèreté du chant et de la batterie, et l'alchimie fonctionne à merveille. "Root" brise un peu le charme avec un morceau plus fade, mais le groupe continue de casser ses lignes avec des breaks encore jamais entendus, tantôt très mélodiques, tantôt très lourd et brutaux.
Puis vient "7 Words", sommet extatique, qui donne à lui seul le prétexte au titre de l'album. Là où Carpenter nous servait des riffs (relativement) carrés, il balance un magma de bruit blanc, que Chi Cheng le bassiste souligne en parfait contrepoint à la fretless. Et Chino de souffler ce rap de pédé, tantôt susurrant et soufflant comme une hôtesse de téléphone rose pour mieux hurler des insanités la seconde d'après. Et Cunnigham de servir ce brulot avec une rigueur incroyable. Et ce break infernal, sans queue ni tête, et ce rap impeccablement boiteux... Encore aujourd'hui ce morceau reste pour moi le plus emblématique du groupe et est un incroyable moment de musique et d'adrénaline, au point presque d'occulter tout le reste de l'album... Voir même de la discographie fluctuante du combo.
Rien à redire pourtant pour ce dissonant et apaisant "Birthmark" et ce déjà très cliché (mais foutrement efficace) "Engine n°9". Mais il faudra attendre "Fireal" et "First" pour déjà entrevoir l'avenir du groupe. Alors qu'ils avaient développé sur tous les autres titres précédents matière à une floppée d'albums, Deftones déconstruit le modèle à peine établi et explore déjà des horizons nouveaux avec ces plages atmosphériques et bruitistes.
Au final Deftones balance un sacré pavé dans la mare avec son premier album. Une cohésion incroyable entre des univers pourtant aux antipodes les uns des autres, une musicalité inédite, un groove fabuleux et une rage au ventre rarement égalée. Un de ces disques qui transcende les genres et redéfinit le paysage musical.
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Gérard Cousin |
Posté le 23 mars 2012 à 16 h 46 |
15 ans... Putain 15 ans... 15 ans à passer à côté... à l'éviter presque... Bin ouais, Deftones c'est bien le genre de groupe pseudo-métalleux pour skato-surfers pré-pubaires... me disais-je en me repassant Washing Machine en boucle...
15 longues années avant de passer par là, de tomber presque par hasard sur la chronique dithyrambique de Gérard Cousin et de me dire qu'il serait peut-être bon de dépasser les préjugés et de tendre une oreille attentive... Ne serait-ce que sur les 2 ou 3 premières pistes de cette galette... et là... fichtre foutre ! La claque... Un son... une voix... une osmose... une efficacité dans les compos digne d'un Nevermind... Et surtout une putain de patate !!!
Je m'en suis voulu et j'ai juré de ne plus jamais m'y faire prendre. Genre de promesse qu'on ne pourra jamais tenir... Un peu comme quand on arrête de fumer pour la 6e fois... Je me suis donc jeté sur les autres productions... et là... déception... Il est vrai qu'après une telle première œuvre (oui on peut parler d'œuvre), difficile d'enchaîner... Bref, Adrenaline de Deftones est à ranger dans mon top 10 des albums qui ont marqué (même tardivement) ma vie... Pour ce qui est des autres galettes du groupe, se reporter au préjugé situé en haut de cette chronique.
15 longues années avant de passer par là, de tomber presque par hasard sur la chronique dithyrambique de Gérard Cousin et de me dire qu'il serait peut-être bon de dépasser les préjugés et de tendre une oreille attentive... Ne serait-ce que sur les 2 ou 3 premières pistes de cette galette... et là... fichtre foutre ! La claque... Un son... une voix... une osmose... une efficacité dans les compos digne d'un Nevermind... Et surtout une putain de patate !!!
Je m'en suis voulu et j'ai juré de ne plus jamais m'y faire prendre. Genre de promesse qu'on ne pourra jamais tenir... Un peu comme quand on arrête de fumer pour la 6e fois... Je me suis donc jeté sur les autres productions... et là... déception... Il est vrai qu'après une telle première œuvre (oui on peut parler d'œuvre), difficile d'enchaîner... Bref, Adrenaline de Deftones est à ranger dans mon top 10 des albums qui ont marqué (même tardivement) ma vie... Pour ce qui est des autres galettes du groupe, se reporter au préjugé situé en haut de cette chronique.
Intemporel ! ! ! 20/20
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