The Mission
Live At The BBC |
Label :
Mercury |
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Le groupe avait tout pour plaire : la musique, le son, la voix, les paroles, le look, l'imagerie, l'attitude. Et de fait, entre 1986 et 1990, The Mission connaît un succès immense et fulgurant, aussi bien sur le plan artistique que sur le plan commercial. C'est cet apogée, cet âge d'or, cette époque bénie, dont témoigne Live At The BBC. Le coffret, sobre et élégant, contient trois CD. Le premier, de loin le meilleur, comprend les sessions radio de cette période, et les deux autres des lives. Certains extraits de ces concerts avaient déjà été publiés sur le live "No Snow, No Show" For The Eskimo. Les Eskimos, c'est le nom que l'on donnait à ces nombreux jeunes qui suivaient le groupe partout et se caractérisaient par leur fanatisme pouvant aller jusqu'à la violence. A cette époque, le groupe, lors de ses tournées mondiales triomphales, allait jusqu'à remplir des stades en Amérique du Sud, provoquant des émeutes et même des morts.
The Mission, c'est avant tout l'enfant de Wayne Hussey, prophète flamboyant néo-hippie. Après avoir joué de la guitare dans divers petits groupes de punk de Liverpool à la fin des années 70, il rejoint Dead Or Alive, quand ils étaient gothiques, et les quitte quand ils commencent à prendre une orientation disco. Il intègre The Sisters Of Mercy en 1983, livrant au groupe certaines de ses plus belles compositions et de ses meilleures parties de guitares. Mais, quand il propose une suite au chef-d'œuvre First And Last And Always sorti en 1985, le sombre, cynique, paranoïaque et mégalomane chanteur Andrew Eldritch les lui refuse. Hussey quitte alors les Sœurs de la Miséricorde, emmenant le bassiste Craig Adams dans ses valises. Ils décident de créer un nouveau groupe nommé The Sisterhood. Complété par un excellent guitariste, Simon Hinkler, ex-claviériste et violoniste d'Artery, groupe post-punk de Sheffield, puis batteur et claviériste de Pulp à leurs débuts, et Mick Brown, un batteur non moins talentueux, ex-Red Lowry Yellow Lorry, groupe de Leeds comme les Sisters et jouant dans le même registre de rock sombre et sale, le groupe commence à jouer en concert sous ce nom. S'ensuit une guerre médiatico-juridique entre Hussey et Eldritch. Ce dernier lui coupe l'herbe sous le pied en sortant un album sous le nom de The Sisterhood. Mais qu'importe, le quatuor prend le nom de The Mission, et a trouvé sa voie. Ironie du sort, au vu des premiers concerts de The Mission, où le groupe joue notamment des compositions qu'il avait refusées à Wayne Hussey, Andrew Eldritch déclare adorer ces morceaux, ajoutant qu'Hussey était de loin le meilleur guitariste que les Sisters Of Mercy aient connu. The Mission entame en 1986 une tournée en première partie de The Cult, qui incarne le renouveau du rock à guitares, à tendance psychédélique et heavy metal. The Mission présente une facette plus pop et plus folk de ce revival 70's, à l'instar de All About Eve, un groupe auquel ils sont fortement liés dès le début, et pour longtemps - Mick Brown joue de la batterie sur leur premier album, dont certains morceaux sont produits par Hussey et Hinkler, ce dernier y jouant du clavier et le premier y chantant ; la chanteuse Julianne Reagan chante sur des morceaux des premiers albums de The Mission ; leur guitariste Tim Bricheno joue avec eux sur scène, puis avec les Sisters Of Mercy ; leur bassiste Andy Cousin jouera sur deux albums de The Mission au milieu des années 90 . La musique de The Mission est certes moins sombre et moins minimaliste que celle des Sisters Of Mercy, plus mélodique, plus rock, plus accessible. Et le groupe aura un succès commercial que les Sisters n'ont jamais eu et n'auront jamais. Mais un succès mérité, qui aurait même pu et dû aller plus loin, à l'image de The Cure, avec qui s'acoquinera le groupe – Wayne Hussey se défonçait souvent avec Robert Smith à l'époque de Wish.
The Mission, c'est la voix claire et intense de Wayne Hussey, ses guitares cristallines ou orientalisantes, souvent 12 cordes, parfois acoustiques, la guitare saturée et flamboyante de Simon Hinkler, entre glam-rock à la Bowie et T. Rex, et Led Zeppelin, la basse implacable de Craig Adams, moins mélodique que chez les Sisters mais non moins indispensable à la puissance du son du groupe, et la batterie lourde et parfois tribale de Mick Brown, qui peut enfin donner libre cours à sa puissance, bridée chez les Lorries. L'ambiance est mystique et flirte souvent avec le flower-power, plus qu'avec les thèmes du rock gothique auquel on les a souvent rattachés. L'éducation de Wayne Hussey, élevé par des parents mormons, a laissé des traces. Mais la religion est souvent détournée, utilisée pour des métaphores sexuelles. Quant au rock gothique, Wayne Hussey disait qu'il se sentait plus proche d'Echo & The Bunnymen, U2 ou Simple Minds que des Sisters Of Mercy ou des Fields Of The Nephilim (qu'ils ont, avec ces derniers, fortement inspirés). On y parle davantage de filles, de fleurs, de Paradis, de sexe, de paix, d'amour, d'amitié, de foi, que de mort ou de souffrance. Même si, avec la mort, la religion et le sexe sont les deux autres sources d'inspiration du rock gothique. Les reprises de The Mission à leurs débuts laissent paraître leurs influences, qui se rattachent à la fin des 60's et au début des 70's : les Beatles ("Tomorow Never Knows"), Neil Young ("Like A Hurricane"), Patti Smith ("Dancing Barefoot"), mais aussi, moins surprenant, les Stooges, dont le "1969" avait déjà été repris par les Sisters. Toutes ces reprises, qui se trouvent sur ce coffret, parfois même en plusieurs versions, et qu'on ne trouve parfois sur aucun album voire aucune face B de single, ne servent pas seulement à signaler les influences du groupe, elles montrent aussi ses exceptionnelles capacités à se réapproprier ces compositions pour en faire quelque chose de très personnel, différent et neuf. Cette synthèse et cette avancée, The Mission la réussit à une plus grande échelle : il fond les influences post-punk 80's et rock-folk-pop 70's pour amener le rock des années 80 dans une nouvelle direction, en l'ouvrant aux grands espaces et au grand air pour le vivifier, le revigorer, mieux, lui donner une dimension nietzschéenne. The Mission ose les envolées lyriques et la grandiloquence sans jamais tomber dans le pompier, le ridicule ou le kitsch, et même, au contraire, soulevant un enthousiasme inouï, qui pousse à lever les bras vers le ciel ou courir nu une nuit de pleine lune. A l'image de Led Zep autrefois, The Mission se tourne à la fois vers l'Orient, avec ces sonorités tissant des arabesques ou cette imagerie pieuse hindoue, et vers les finistères de l'Occident, les contrées celtiques où le folk est roi, allant plus loin, dans ces incursions dans l'espace et le temps, que "Kashmir" ou "The Battle Of Evermore", mais sans jamais ne serait-ce qu'effleurer le risque du cliché ou de la caricature, ces influences parsemant la musique du groupe de manière subtile. Chaque single de The Mission était un véritable hymne, qui prenait en concert une dimension apocalyptique, portée par une ferveur presque religieuse. Les extraits de concerts présentés dans ce coffret en témoignent. Et pourtant le groupe restait crédible, intimiste, il n'a jamais été un groupe de stade à la U2. Ce n'est pas étonnant qu'en 1988 Robert Plant ait déclaré que de tous les groupes s'inspirant de Led Zep (et Dieu sait s'il y en avait à l'époque, à commencer par The Cult !), The Mission était de loin le meilleur.
On retrouve sur ce coffret la plupart des tubes de The Mission, de "Serpent's Kiss" à "Deliverance" en passant par "Wasteland", "Severina" ou "Beyond The Pale" (manque quand même le sublime "Garden Of delight"). Mais ces classiques sont interprétés, surtout sur le premier CD, celui des sessions radio, de manière différente, voire très différente (comme cette version acoustique à la guitare et au piano de "Butterfly On A Wheel"), et parfois encore meilleure que sur la version album ou single. L'interprétation brille en tous cas par son énergie, son enthousiasme, sa conviction et sa concision. Et on trouve même des morceaux très rares ("Wishing Well", excellente reprise de Free, obscure combo des 70's), voire inédits ("Shelter From The Storm").
Live At The BBC s'inscrit dans un contexte de réappropriation (jusqu'à l'exploitation commerciale ?) par le groupe – ou par la maison de disques – de son passé, celui de son âge d'or de 1986 à 1990. Le lettrage, le design et les photos du coffret rappellent d'ailleurs tous immanquablement la période 1990 du groupe, celle de l'apothéose de leur gloire, sinon de leur créativité. Après la réédition remasterisée et augmentée des quatre premiers albums en 2007, le groupe s'est séparé début 2008 à l'issue d'une tournée où ils jouèrent uniquement des titres de ces quatre premiers albums, et dont le paroxysme fut atteint avec les quatre concerts finaux à Londres, où, accompagnés du guitariste originel Simon Hinkler, qui était parti en 1990, ils interprétèrent un album (plus des faces B et reprises) par soir. La séparation est suivie de la publication de quatre CD live de ces quatre concerts, et d'un (énième) best-of. Mais Live At The BBC ne constitue nullement une opération marketing visant à faire fructifier des fonds de tiroir, à tirer parti du mythe entourant le groupe et de la nostalgie pour ses débuts. Le coffret est à la fois un cadeau aux fans, mais peut aussi constituer une très bonne porte d'entrée au Paradis de The Mission.
The Mission, c'est avant tout l'enfant de Wayne Hussey, prophète flamboyant néo-hippie. Après avoir joué de la guitare dans divers petits groupes de punk de Liverpool à la fin des années 70, il rejoint Dead Or Alive, quand ils étaient gothiques, et les quitte quand ils commencent à prendre une orientation disco. Il intègre The Sisters Of Mercy en 1983, livrant au groupe certaines de ses plus belles compositions et de ses meilleures parties de guitares. Mais, quand il propose une suite au chef-d'œuvre First And Last And Always sorti en 1985, le sombre, cynique, paranoïaque et mégalomane chanteur Andrew Eldritch les lui refuse. Hussey quitte alors les Sœurs de la Miséricorde, emmenant le bassiste Craig Adams dans ses valises. Ils décident de créer un nouveau groupe nommé The Sisterhood. Complété par un excellent guitariste, Simon Hinkler, ex-claviériste et violoniste d'Artery, groupe post-punk de Sheffield, puis batteur et claviériste de Pulp à leurs débuts, et Mick Brown, un batteur non moins talentueux, ex-Red Lowry Yellow Lorry, groupe de Leeds comme les Sisters et jouant dans le même registre de rock sombre et sale, le groupe commence à jouer en concert sous ce nom. S'ensuit une guerre médiatico-juridique entre Hussey et Eldritch. Ce dernier lui coupe l'herbe sous le pied en sortant un album sous le nom de The Sisterhood. Mais qu'importe, le quatuor prend le nom de The Mission, et a trouvé sa voie. Ironie du sort, au vu des premiers concerts de The Mission, où le groupe joue notamment des compositions qu'il avait refusées à Wayne Hussey, Andrew Eldritch déclare adorer ces morceaux, ajoutant qu'Hussey était de loin le meilleur guitariste que les Sisters Of Mercy aient connu. The Mission entame en 1986 une tournée en première partie de The Cult, qui incarne le renouveau du rock à guitares, à tendance psychédélique et heavy metal. The Mission présente une facette plus pop et plus folk de ce revival 70's, à l'instar de All About Eve, un groupe auquel ils sont fortement liés dès le début, et pour longtemps - Mick Brown joue de la batterie sur leur premier album, dont certains morceaux sont produits par Hussey et Hinkler, ce dernier y jouant du clavier et le premier y chantant ; la chanteuse Julianne Reagan chante sur des morceaux des premiers albums de The Mission ; leur guitariste Tim Bricheno joue avec eux sur scène, puis avec les Sisters Of Mercy ; leur bassiste Andy Cousin jouera sur deux albums de The Mission au milieu des années 90 . La musique de The Mission est certes moins sombre et moins minimaliste que celle des Sisters Of Mercy, plus mélodique, plus rock, plus accessible. Et le groupe aura un succès commercial que les Sisters n'ont jamais eu et n'auront jamais. Mais un succès mérité, qui aurait même pu et dû aller plus loin, à l'image de The Cure, avec qui s'acoquinera le groupe – Wayne Hussey se défonçait souvent avec Robert Smith à l'époque de Wish.
The Mission, c'est la voix claire et intense de Wayne Hussey, ses guitares cristallines ou orientalisantes, souvent 12 cordes, parfois acoustiques, la guitare saturée et flamboyante de Simon Hinkler, entre glam-rock à la Bowie et T. Rex, et Led Zeppelin, la basse implacable de Craig Adams, moins mélodique que chez les Sisters mais non moins indispensable à la puissance du son du groupe, et la batterie lourde et parfois tribale de Mick Brown, qui peut enfin donner libre cours à sa puissance, bridée chez les Lorries. L'ambiance est mystique et flirte souvent avec le flower-power, plus qu'avec les thèmes du rock gothique auquel on les a souvent rattachés. L'éducation de Wayne Hussey, élevé par des parents mormons, a laissé des traces. Mais la religion est souvent détournée, utilisée pour des métaphores sexuelles. Quant au rock gothique, Wayne Hussey disait qu'il se sentait plus proche d'Echo & The Bunnymen, U2 ou Simple Minds que des Sisters Of Mercy ou des Fields Of The Nephilim (qu'ils ont, avec ces derniers, fortement inspirés). On y parle davantage de filles, de fleurs, de Paradis, de sexe, de paix, d'amour, d'amitié, de foi, que de mort ou de souffrance. Même si, avec la mort, la religion et le sexe sont les deux autres sources d'inspiration du rock gothique. Les reprises de The Mission à leurs débuts laissent paraître leurs influences, qui se rattachent à la fin des 60's et au début des 70's : les Beatles ("Tomorow Never Knows"), Neil Young ("Like A Hurricane"), Patti Smith ("Dancing Barefoot"), mais aussi, moins surprenant, les Stooges, dont le "1969" avait déjà été repris par les Sisters. Toutes ces reprises, qui se trouvent sur ce coffret, parfois même en plusieurs versions, et qu'on ne trouve parfois sur aucun album voire aucune face B de single, ne servent pas seulement à signaler les influences du groupe, elles montrent aussi ses exceptionnelles capacités à se réapproprier ces compositions pour en faire quelque chose de très personnel, différent et neuf. Cette synthèse et cette avancée, The Mission la réussit à une plus grande échelle : il fond les influences post-punk 80's et rock-folk-pop 70's pour amener le rock des années 80 dans une nouvelle direction, en l'ouvrant aux grands espaces et au grand air pour le vivifier, le revigorer, mieux, lui donner une dimension nietzschéenne. The Mission ose les envolées lyriques et la grandiloquence sans jamais tomber dans le pompier, le ridicule ou le kitsch, et même, au contraire, soulevant un enthousiasme inouï, qui pousse à lever les bras vers le ciel ou courir nu une nuit de pleine lune. A l'image de Led Zep autrefois, The Mission se tourne à la fois vers l'Orient, avec ces sonorités tissant des arabesques ou cette imagerie pieuse hindoue, et vers les finistères de l'Occident, les contrées celtiques où le folk est roi, allant plus loin, dans ces incursions dans l'espace et le temps, que "Kashmir" ou "The Battle Of Evermore", mais sans jamais ne serait-ce qu'effleurer le risque du cliché ou de la caricature, ces influences parsemant la musique du groupe de manière subtile. Chaque single de The Mission était un véritable hymne, qui prenait en concert une dimension apocalyptique, portée par une ferveur presque religieuse. Les extraits de concerts présentés dans ce coffret en témoignent. Et pourtant le groupe restait crédible, intimiste, il n'a jamais été un groupe de stade à la U2. Ce n'est pas étonnant qu'en 1988 Robert Plant ait déclaré que de tous les groupes s'inspirant de Led Zep (et Dieu sait s'il y en avait à l'époque, à commencer par The Cult !), The Mission était de loin le meilleur.
On retrouve sur ce coffret la plupart des tubes de The Mission, de "Serpent's Kiss" à "Deliverance" en passant par "Wasteland", "Severina" ou "Beyond The Pale" (manque quand même le sublime "Garden Of delight"). Mais ces classiques sont interprétés, surtout sur le premier CD, celui des sessions radio, de manière différente, voire très différente (comme cette version acoustique à la guitare et au piano de "Butterfly On A Wheel"), et parfois encore meilleure que sur la version album ou single. L'interprétation brille en tous cas par son énergie, son enthousiasme, sa conviction et sa concision. Et on trouve même des morceaux très rares ("Wishing Well", excellente reprise de Free, obscure combo des 70's), voire inédits ("Shelter From The Storm").
Live At The BBC s'inscrit dans un contexte de réappropriation (jusqu'à l'exploitation commerciale ?) par le groupe – ou par la maison de disques – de son passé, celui de son âge d'or de 1986 à 1990. Le lettrage, le design et les photos du coffret rappellent d'ailleurs tous immanquablement la période 1990 du groupe, celle de l'apothéose de leur gloire, sinon de leur créativité. Après la réédition remasterisée et augmentée des quatre premiers albums en 2007, le groupe s'est séparé début 2008 à l'issue d'une tournée où ils jouèrent uniquement des titres de ces quatre premiers albums, et dont le paroxysme fut atteint avec les quatre concerts finaux à Londres, où, accompagnés du guitariste originel Simon Hinkler, qui était parti en 1990, ils interprétèrent un album (plus des faces B et reprises) par soir. La séparation est suivie de la publication de quatre CD live de ces quatre concerts, et d'un (énième) best-of. Mais Live At The BBC ne constitue nullement une opération marketing visant à faire fructifier des fonds de tiroir, à tirer parti du mythe entourant le groupe et de la nostalgie pour ses débuts. Le coffret est à la fois un cadeau aux fans, mais peut aussi constituer une très bonne porte d'entrée au Paradis de The Mission.
Excellent ! 18/20 | par Gaylord |
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