The Jesus And Mary Chain
Upside Down |
Label :
Creation |
||||
Ces sales gosses, dont on ne laisserait à aucun pretexte sa petite amie le temps d'une virée en voiture, ont déboulé à l'heure où on n'attendait guère plus grand chose du rock.
En un single, celui-ci, un 45t, pressé à quelques milliers d'exemplaires, mais vendus vite cher, très cher, The Jesus And Mary Chain explosa les habitudes conventionnelles en un ahurissant mariage entre le blanc et le noir. Le blanc d'une certaine splendeur miraculée et le noir d'une violence sans borne et sans limite. Pour revenir aux fondamentaux qui font tout : drogue et sexe, matinés d'un peu de drogue encore, pour la légereté. Le resultat est déconcertant : on entend sur Upside Down des distortions excessives qui recouvrent tout et qui laissent des acouphènes pour les semaines à venir ! Chanson meurtrière et traumatisante qui se fait le reflet des agissements peu orthodoxes d'un groupe, plus habitué aux pubs qu'aux studios d'enristrement. Mais ce n'est pas un soucis, car le génie se reconnaitra dans ces quelques accords que les frères Reid connaissaient sur le bout des ongles, et surtout sur leur façon de les détourner pour les réduire en lambeaux sous un déluge sonore brutal.
Une des manières pour rentrer dans la légende, c'est d'adopter une conduite d'échec. Les pulsions auto-destructrices qui visent à tout saboter, ses performances, ses chansons, les autres, soi-même, exercent un tel pouvoir de fascination qu'elles deviennent les gages d'une authenticité incorruptible. Elles sont surtout l'expression d'une envie baillonnée de faire ce qu'on n'aurait jamais osé faire : foutre un bordel sans nom. Car franchement, le monde ne le mérite-t-il pas ? Peu importe, ce qui compte, c'est la démarche.
Lorsque l'Angleterre vit arriver ces deux frangins, William et Jim Reid, génies derrière leurs lunettes noires, avec leur cheveux hisurte et leur look de voyous en cuir, débarqués de leur Ecosse natale pour venir mettre le feu à Londres, le monde cria au scandale. La prise d'assaut se fit par des concerts erratiques dans des clubs obscurs et dont la durée n'excèda jamais... un quart d'heure ! Les rumeurs filent bon train et le mythe commence à se répandre comme une trainée de poudre. On parle d'un groupe aux instruments rudimentaires et qui préfèrent tourner le dos au public !
Très vite les Jesus And Mary Chain (au passage, quel nom !) se verront attribuer la réputation de psychopathes, de terroristes du rock, venus dynamiter le monde trop lisse du rock à coup de décharges soniques et de larsens déflagrateurs. Les dommages collatéraux seront nombreux : on viendra aux concerts de ce jeune groupe plus dans l'espoir d'y voir une bonne bagarre. Car les frères Reid sont coutumiers du fait : devant la consternation du public devant ce mur du son ébourrifant, noisy au possible et fracassant, se transformant vite en échanges d'insultes, le groupe répondra par des crachats, des disputes et des démollisions de matériel, auquel le public sera vite convié, achevant le pseudo-concert dans une jouxte sans nom. La plupart des gens sont consternés, jusqu'aux programmateurs qui pourront stopper un concert au bout d'une chanson pour prier le groupe de dégager manu militari. Mais très vite, certains reconnaitront derrière cette pagaille une volonté de rester fidèle à ses idéaux et une volonté de s'ériger en contre-modèle, et au delà, un talent certain. Et parmi ceux-là, un certain Alan Mc Gee, qui fasciné, leur proposera bien vite de faire des concerts dans son club, en compagnie de groupes indé de son cru, puis de signer sur son label, Creation, alors en devenir. La collaboration accouchera du premier 45t du groupe, le légendaire Upside Down, associé à une reprise extraordinnaire du "Vegetable Man" de Syd Barret, détourné de façon tragique en explosion saturée.
Le vinyl, qui s'arracha à prix d'or, fut considéré comme une météorite dans le monde musical de l'époque, et bien peu s'en remirent. Une telle avalanche de feedback à s'en casser les oreilles se situait à l'exact opposé des canons imposés d'habitude. Et tout le monde tomba des nues. En deux-trois minutes, c'est le monde entier qui en pris pour son grade. Largement plus qu'il n'en faut pour signer là l'ode imparable et ultime au psychédélisme le plus noir et le plus nonchalant, petit fix aux effets dévastateurs, plongeant l'auditeur dans un tourbillon de sons et de bruits dont il ne se relevera pas, ou alors avec un mal de crâne carrabiné. Mais aussi avec l'étrange sensation d'avoir vécu une expérience enivrante qui l'aura emmené au-delà des perceptions, au-delà du bruit, pour atteindre un trip unique où violence, morgue et un je-ne-sais-quoi de pris par dessus la jambe qui fait la différence, s'acoquinent ensemble et transpirent la même sueur.
Alors, The Jesus And Mary Chain, ersatz punk ultime ? Absolument pas. Car en fait Upside Down est avant tout, et surtout, une chanson pop.
Derrière cette attaque vicieuse à grand renfort de crissement, de grincement désagréable et excitant à la fois, se cache une multitude de mélodies aussi limpides que merveilleuses. Et c'est ce qui fait tout le charme de ce groupe exceptionnel : les frères Reid portaient un amour sans nom pour les mélodies sixties, ou plus encore, pour les groupes du label Postcard, les écossais (eux aussi !) d'Orange Juice ou Joseph K, primordiaux dans le succès des Jesus And Mary Chain. Amour qu'ils n'hésitaient pas bien sûr à transgresser en se prenant le Velvet Underground comme maîtresse. Ainsi Upside Down, leur premier single historique, se révêle une ode à une certaine mélancolie qu'on retrouve dans cette batterie carrée ou dans le chant de Jim Reid, désabusée mais aussi incroyablement doux et suave. Une beauté et une simplicité presque candide se font l'objet de tous les désirs désespérés de ce groupe morne qui noiera son chagrin dans un déluge de saturations, même pas dégrossis, et aux angles pointues qui font mal. Les guitares dans le rouge sont là pour crever les tympans, rien de plus, aidées en cela par des réverbérations et des effets à profusion. Dès l'intro, tout en bruit blanc, vrillant les oreilles, tout est dit : l'accessif à la beauté ne sera pas chose aisée, et ne se fera pas sans perdre des illusions. Cette démarche mélancolique au possible symbolise à merveille les troubles auquel sont sujet les frères Reid. Ils transformeront Upside Down, qui aurait pu être une chanson pop adorable, un véritable bonbon acidulé, qui provoque irrémédiablement une grimace mais dont les pétillements sont aussi savoureux que les saveurs fruitées. A force, les saturations à profusions seront prises pour le témoignage d'une grâce ultime, dans une perception paradoxale, mais qui finalement collera au mieux aux réalités.
En fin de compte, l'attrait qu'excerca, et qu'excerce encore les Jesus And Mary Chain tient du fait que cette volonté suicidaire de vouloir saboter ses chansons ou ses concerts est en vérité les marques de turpitudes intérieures. Trouver la beauté dans le chaos. Détruire la réalité pour reconstruire quelque chose encore à détruire à nouveau. Avec pour guitare comme arme, transformé en scie à métaux, en perceuse électrique. Mais c'est lui donner tous les atouts qu'elle mérite : la guitare comme vecteur des tendances internes : à la fois douce et sucrée, à la fois rude et méchante. Le rock des écossais deviendra donc bien vite pervers, génial car immensément subersif et venimeux. Il signifie au monde entier qu'il n'est pas mort et qu'il n'est pas pret encore de l'être, capable encore de convulsions terribles. Comme du romantisme le plus noir.
Les sensations à l'écoute de ce single ballaient tout l'éventail des possibles, entre la stupeur, le dégout, l'attrait, l'hébétude et l'amour profond. Expérience unique, Upside Down rend ses lettres de noblesses à une certaine idée de la musique, la chipie hautaine, tout de cuir vêtue, droguée jusqu'aux yeux, et bravant tous les interdits. Histoire de montrer que la pop aussi, sait jouer les voyous.
A la suite de ce vinyl, le gang écossais continuera ses tapages, jusqu'à flirter avec des démélés judiciares (arrestation en possession de drogues, concerts virant en bagarre générale, le gentiment nommé : The Jesus And Mary Chain Riot, interdiction de se produire dans certaines villes, changement incessant de batteurs, dont passage éclair de Bobbie Gillespsie, problèmes de frics...), contribuant à renforcer le mythe. Et à rebours, Upside Down ne fut finalement que le premier missile du larguage à venir. La carrière mouvementée, et définitevement culte, provoquant un nombre incalculable de vocations, en gros tout l'indie pop, soit, contrairement à ce que l'on pense, la majorité de ce qui se faisait à l'époque, allait être celle de mauvais coucheurs qui allaient dévergonder la pop music, pour la transformer en folle furieuse à la beauté épineuse.
Avec le temps, ce tout premier single, est devenu culte, un véritable hymne à l'adolescence perdue, beau, tapageur et bruyant, un manifeste du rock, le vrai, tout simplement.
En un single, celui-ci, un 45t, pressé à quelques milliers d'exemplaires, mais vendus vite cher, très cher, The Jesus And Mary Chain explosa les habitudes conventionnelles en un ahurissant mariage entre le blanc et le noir. Le blanc d'une certaine splendeur miraculée et le noir d'une violence sans borne et sans limite. Pour revenir aux fondamentaux qui font tout : drogue et sexe, matinés d'un peu de drogue encore, pour la légereté. Le resultat est déconcertant : on entend sur Upside Down des distortions excessives qui recouvrent tout et qui laissent des acouphènes pour les semaines à venir ! Chanson meurtrière et traumatisante qui se fait le reflet des agissements peu orthodoxes d'un groupe, plus habitué aux pubs qu'aux studios d'enristrement. Mais ce n'est pas un soucis, car le génie se reconnaitra dans ces quelques accords que les frères Reid connaissaient sur le bout des ongles, et surtout sur leur façon de les détourner pour les réduire en lambeaux sous un déluge sonore brutal.
Une des manières pour rentrer dans la légende, c'est d'adopter une conduite d'échec. Les pulsions auto-destructrices qui visent à tout saboter, ses performances, ses chansons, les autres, soi-même, exercent un tel pouvoir de fascination qu'elles deviennent les gages d'une authenticité incorruptible. Elles sont surtout l'expression d'une envie baillonnée de faire ce qu'on n'aurait jamais osé faire : foutre un bordel sans nom. Car franchement, le monde ne le mérite-t-il pas ? Peu importe, ce qui compte, c'est la démarche.
Lorsque l'Angleterre vit arriver ces deux frangins, William et Jim Reid, génies derrière leurs lunettes noires, avec leur cheveux hisurte et leur look de voyous en cuir, débarqués de leur Ecosse natale pour venir mettre le feu à Londres, le monde cria au scandale. La prise d'assaut se fit par des concerts erratiques dans des clubs obscurs et dont la durée n'excèda jamais... un quart d'heure ! Les rumeurs filent bon train et le mythe commence à se répandre comme une trainée de poudre. On parle d'un groupe aux instruments rudimentaires et qui préfèrent tourner le dos au public !
Très vite les Jesus And Mary Chain (au passage, quel nom !) se verront attribuer la réputation de psychopathes, de terroristes du rock, venus dynamiter le monde trop lisse du rock à coup de décharges soniques et de larsens déflagrateurs. Les dommages collatéraux seront nombreux : on viendra aux concerts de ce jeune groupe plus dans l'espoir d'y voir une bonne bagarre. Car les frères Reid sont coutumiers du fait : devant la consternation du public devant ce mur du son ébourrifant, noisy au possible et fracassant, se transformant vite en échanges d'insultes, le groupe répondra par des crachats, des disputes et des démollisions de matériel, auquel le public sera vite convié, achevant le pseudo-concert dans une jouxte sans nom. La plupart des gens sont consternés, jusqu'aux programmateurs qui pourront stopper un concert au bout d'une chanson pour prier le groupe de dégager manu militari. Mais très vite, certains reconnaitront derrière cette pagaille une volonté de rester fidèle à ses idéaux et une volonté de s'ériger en contre-modèle, et au delà, un talent certain. Et parmi ceux-là, un certain Alan Mc Gee, qui fasciné, leur proposera bien vite de faire des concerts dans son club, en compagnie de groupes indé de son cru, puis de signer sur son label, Creation, alors en devenir. La collaboration accouchera du premier 45t du groupe, le légendaire Upside Down, associé à une reprise extraordinnaire du "Vegetable Man" de Syd Barret, détourné de façon tragique en explosion saturée.
Le vinyl, qui s'arracha à prix d'or, fut considéré comme une météorite dans le monde musical de l'époque, et bien peu s'en remirent. Une telle avalanche de feedback à s'en casser les oreilles se situait à l'exact opposé des canons imposés d'habitude. Et tout le monde tomba des nues. En deux-trois minutes, c'est le monde entier qui en pris pour son grade. Largement plus qu'il n'en faut pour signer là l'ode imparable et ultime au psychédélisme le plus noir et le plus nonchalant, petit fix aux effets dévastateurs, plongeant l'auditeur dans un tourbillon de sons et de bruits dont il ne se relevera pas, ou alors avec un mal de crâne carrabiné. Mais aussi avec l'étrange sensation d'avoir vécu une expérience enivrante qui l'aura emmené au-delà des perceptions, au-delà du bruit, pour atteindre un trip unique où violence, morgue et un je-ne-sais-quoi de pris par dessus la jambe qui fait la différence, s'acoquinent ensemble et transpirent la même sueur.
Alors, The Jesus And Mary Chain, ersatz punk ultime ? Absolument pas. Car en fait Upside Down est avant tout, et surtout, une chanson pop.
Derrière cette attaque vicieuse à grand renfort de crissement, de grincement désagréable et excitant à la fois, se cache une multitude de mélodies aussi limpides que merveilleuses. Et c'est ce qui fait tout le charme de ce groupe exceptionnel : les frères Reid portaient un amour sans nom pour les mélodies sixties, ou plus encore, pour les groupes du label Postcard, les écossais (eux aussi !) d'Orange Juice ou Joseph K, primordiaux dans le succès des Jesus And Mary Chain. Amour qu'ils n'hésitaient pas bien sûr à transgresser en se prenant le Velvet Underground comme maîtresse. Ainsi Upside Down, leur premier single historique, se révêle une ode à une certaine mélancolie qu'on retrouve dans cette batterie carrée ou dans le chant de Jim Reid, désabusée mais aussi incroyablement doux et suave. Une beauté et une simplicité presque candide se font l'objet de tous les désirs désespérés de ce groupe morne qui noiera son chagrin dans un déluge de saturations, même pas dégrossis, et aux angles pointues qui font mal. Les guitares dans le rouge sont là pour crever les tympans, rien de plus, aidées en cela par des réverbérations et des effets à profusion. Dès l'intro, tout en bruit blanc, vrillant les oreilles, tout est dit : l'accessif à la beauté ne sera pas chose aisée, et ne se fera pas sans perdre des illusions. Cette démarche mélancolique au possible symbolise à merveille les troubles auquel sont sujet les frères Reid. Ils transformeront Upside Down, qui aurait pu être une chanson pop adorable, un véritable bonbon acidulé, qui provoque irrémédiablement une grimace mais dont les pétillements sont aussi savoureux que les saveurs fruitées. A force, les saturations à profusions seront prises pour le témoignage d'une grâce ultime, dans une perception paradoxale, mais qui finalement collera au mieux aux réalités.
En fin de compte, l'attrait qu'excerca, et qu'excerce encore les Jesus And Mary Chain tient du fait que cette volonté suicidaire de vouloir saboter ses chansons ou ses concerts est en vérité les marques de turpitudes intérieures. Trouver la beauté dans le chaos. Détruire la réalité pour reconstruire quelque chose encore à détruire à nouveau. Avec pour guitare comme arme, transformé en scie à métaux, en perceuse électrique. Mais c'est lui donner tous les atouts qu'elle mérite : la guitare comme vecteur des tendances internes : à la fois douce et sucrée, à la fois rude et méchante. Le rock des écossais deviendra donc bien vite pervers, génial car immensément subersif et venimeux. Il signifie au monde entier qu'il n'est pas mort et qu'il n'est pas pret encore de l'être, capable encore de convulsions terribles. Comme du romantisme le plus noir.
Les sensations à l'écoute de ce single ballaient tout l'éventail des possibles, entre la stupeur, le dégout, l'attrait, l'hébétude et l'amour profond. Expérience unique, Upside Down rend ses lettres de noblesses à une certaine idée de la musique, la chipie hautaine, tout de cuir vêtue, droguée jusqu'aux yeux, et bravant tous les interdits. Histoire de montrer que la pop aussi, sait jouer les voyous.
A la suite de ce vinyl, le gang écossais continuera ses tapages, jusqu'à flirter avec des démélés judiciares (arrestation en possession de drogues, concerts virant en bagarre générale, le gentiment nommé : The Jesus And Mary Chain Riot, interdiction de se produire dans certaines villes, changement incessant de batteurs, dont passage éclair de Bobbie Gillespsie, problèmes de frics...), contribuant à renforcer le mythe. Et à rebours, Upside Down ne fut finalement que le premier missile du larguage à venir. La carrière mouvementée, et définitevement culte, provoquant un nombre incalculable de vocations, en gros tout l'indie pop, soit, contrairement à ce que l'on pense, la majorité de ce qui se faisait à l'époque, allait être celle de mauvais coucheurs qui allaient dévergonder la pop music, pour la transformer en folle furieuse à la beauté épineuse.
Avec le temps, ce tout premier single, est devenu culte, un véritable hymne à l'adolescence perdue, beau, tapageur et bruyant, un manifeste du rock, le vrai, tout simplement.
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Vic |
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