Kraftwerk
The Mix |
Label :
Parlophone |
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A l'automne 1986, Electric Café, après de très nombreux déboires de production et une assez longue attente finit par sortir. Dès 1987, une fois la phase de promotion de ce nouveau disque terminée (sans tournée ni concert d'aucune sorte), le groupe se renferme au studio Kling Klang de Düsseldorf. But premier de Ralf Hütter et Florian Schneider, les deux têtes pensantes de Kraftwerk : faire toujours plus de vélo, rénover complètement leur local et terminer la mise à jour digitale de leur matériel sonore, transition entamée lors de l'enregistrement du dernier album. Définitivement fatigué de voir ses deux "patrons" faire de tout sauf de la musique, Wolfgang Flür, percussionniste et "bricoleur" du groupe depuis 1973 (il concevait les "décors" pour les concerts) décide de raccrocher les baguettes. Il vient une dernière fois au studio début 1987, Ralf lui demande si ça l'intéresse de superviser les rénovations. Wolfgang refuse et préfère partir en vacances. C'est la dernière fois qu'il mettra les pieds au Kling Klang. Au cours des mois suivants, il ne revoit pas ses collègues et finit un beau soir de 1989 par téléphoner à Ralf pour lui annoncer son départ définitif de Kraftwerk. Ce dernier ne le prends ni bien ni mal et accueille la nouvelle avec son flegme habituel : il nomme l'ingénieur du son du studio, Fritz Hilpert, qui a suivi une formation classique de percussions et de trompette, comme le remplaçant officiel de Wolfgang.
S'ensuit donc la rénovation complète du studio, comme prévu. Niveau matériel, le groupe s'entraîne à utiliser le Synclavier. Cet outil de synthèse FM et de sampling leur permet de ré-enregistrer tout ce qu'ils veulent à partir des bandes master. Ce travail, principalement effectué par Hilpert et secondé par Karl Bartos ainsi qu'Hütter, leur permet de digitaliser une partie sinon la totalité de leur back-catalogue. Schneider et Hütter, galvanisés par l'idée d'EMI de proposer un "Greatest hits", décident donc de ré-enregistrer complètement un certain nombre de leurs plus grands succès pour en faire un "best-of", mais à la manière Kraftwerk. Cette manière de faire n'est pas nouvelle : citons quelques groupes électroniques, comme Telex ou Cabaret Voltaire, qui à la même période ont effectué exactement le même travail (cf Les Rythmes Automatiques pour Telex, Technology pour les Cab's).
En plus de sampler et digitaliser leurs anciens morceaux, Hütter et Bartos en profitent pour ré-arranger les morceaux avec des rythmiques plus prononcées, inspirées de la scène house et techno qui explose un peu partout à la fin des années 80 en Europe. Schneider de son côté, expérimente et développe de nouveaux procédés de synthèse vocale : il dépose un brevet en 1990 pour un instrument nommé "Robovox". C'est avec ce nouvel instrument que toutes les parties vocales passées au vocoder sur les enregistrement originaux sont remplacées dans les nouvelles versions par des boites vocales robotiques.
En février 1990, très discrètement, sans prévenir la maison de disque et la presse, Kraftwerk décide de faire une mini-tournée de quatre dates en Italie afin de tester les nouveaux arrangements en live. Ces quatre dates sont fameuses pour deux raisons : c'est tout d'abord le grand retour de Kraftwerk sur une scène (le dernier concert du groupe remontant à décembre 1981) avec désormais Fritz Hilpert en troisième position, mais aussi les premières performances lives de certains morceaux comme "Tour De France" ou "Music Non Stop". Ce sont également des concerts fameux, car ce sont les derniers que Karl Bartos donnera avec le groupe.
Quelques mois plus tard, en juillet 1990, Bartos quitte officiellement "le meilleur groupe allemand de tous les temps" (propos de Bartos lui-même). Ses raisons sont presque les mêmes que celles tenues par Flür trois ans plus tôt : il est lassé de ne pas pouvoir composer de nouveaux morceaux et d'être forcé de travailler sur de nouvelles versions de morceaux qui, toujours selon lui, "ne nécessitent pas de réarrangement". Comme à leur habitude, Ralf et Florian ne sont pas gênés le moins du monde par ce départ, même si Bartos lui-même a grandement contribué à l'expansion musicale du groupe depuis 1978. Il s'en va donc, poursuivant ses projets en solo dans un groupe nommé Elektric Music. Kraftwerk, réduit momentanément a un trio, s'occupe de fignoler quelques ajouts et de terminer la production de leur nouvel "album", ou "best-of digital".
Au final, cet "album", nommé sobrement The Mix, sort début juin 1991. Sa sortie est accompagnée de deux singles, les nouvelles versions de "The Robots" et de "Radioactivity", avec des remixes signés Francois K et William Orbit. Le public, la presse et les critiques ne comprennent pas forcément bien le concept de ce disque, mais l'accueillent avec néanmoins beaucoup plus d'enthousiasme que pour Electric Café, ce qui semble d'ailleurs être assez paradoxal étant donné qu'il ne s'agit "que" d'un album remix. Sur la pochette figurent les tout nouveaux robots de Ralf au recto, Florian au verso. Ces robots, désormais capables de bouger les bras et la tête, prendront la place des musiciens, effectuant une petite danse mécanique télécommandée pendant la performance de la chanson "The Robots" dans les concerts (ce qui fût presque toujours le cas depuis cette date). Dans les crédits du disque, pas de mention de Wolfgang Flür (ce qui semble normal) mais pas de mention de Karl Bartos non plus, alors que celui-ci a tout de même contribué à la mise en "page" de cet "album". Fritz Hilpert par contre apparaît bien dans les crédits.
The Mix se présente donc au final comme une compilation de nouvelles versions de certains morceaux "classiques" de Kraftwerk : "The Robots" et son nouveau beat techno, la version aux accents house de "Computer Love" qui gagne au passage l'une des meilleures envolées mélodiques du groupe, une version de "Pocket Calculator/Dentaku" bien plus rentre dedans, "Autobahn" qui gagne une rythmique hip-hop et des solos de sampling, un "Radioactivity" bien plus adapté aux raves party mais également bien plus politique qu'auparavant (le groupe profite de cette nouvelle version pour faire valoir sa prise de position anti-nucléariste), une version bien plus industrielle de "Trans-Europe Express", un "Home Computer" aux breakbeats et aux infrabasses gonflées ainsi qu'une version bien plus dynamique de "Musique Non Stop", qui gagne au passage des samples de "Boing Boom Tschak" et une ligne de basse mémorable. Certains grands classiques de Kraftwerk, comme "The Model", "Numbers", "Showroom Dummies" ou même "Tour De France" (morceau n'ayant à cette époque jamais connu de sortie physique sur un album ou une compilation officielle) brillent cependant par leur absence. Ne parlons même pas des morceaux archéologiques (pré Autobahn) comme "Ruckzuck", "Kling Klang" ou "Ananas Symphonie" qui auraient pourtant tout eu à gagner avec un lifting digital...
Une tournée, mondiale au départ, puis finalement réduite à l'Europe pour cause de logistique difficile, verra Kraftwerk parcourir le vieux continent pendant l'été puis l'automne 1991. Pour remplacer Karl Bartos, le groupe fait d'abord appel à un musicien germano-portugais nommé Fernando Abrantes. Celui-ci sera tout simplement remercié après le premier leg de la tournée, officiellement car "il habitait au Portugal et ne pouvait pas bien travailler au sein du groupe" (dixit Florian), officieusement car il était bien trop exubérant sur scène (imaginez un robot Kraftwerk qui danse, qui rigole et qui sourit tout le temps) et effectuant d'incroyables solos, écrasant un peu trop au passage le rôle des trois autres dans la musique du groupe. Il est rapidement remplacé pour le second leg par le très sérieux Henning Schmitz, autre ingé son fidèle à Kraftwerk depuis le mixage de The Man-Machine en 1978. Schmitz est resté en place depuis et continue, tout comme Hilpert, d'effectuer des concerts avec le groupe aujourd'hui.
Le reste des années 90 se résume pour Kraftwerk a donner une paire de concert par-ci, par-là. En 1993, après un dernier concert en Belgique dans lequel ils ont joué pour la première fois le morceau "Man Machine", le groupe entre dans une nouvelle phase de silence. Il faudra attendre 1997 et le Tribal Gathering Festival pour les retrouver sur une scène, et 1999 pour finalement entendre un morceau inédit.
Au final, il faut retenir de The Mix qu'il s'agit d'une assez bonne entrée en matière dans la musique de Kraftwerk. Attention cependant, les versions des morceaux présentes ici n'ont bien souvent plus grand chose à voir avec les versions d'origines (sorties entre 1974 et 1986). A noter également que ce disque à lancé une sorte de nouveau "motto" chez le groupe, celui d'être en constant changement et de toujours se réinventer en mettant à jour et en ré-arrangeant les morceaux pour les lives. Preuve en est avec la sortie en 2017 de The Catalogue 3-D, sorte de "The Mix 2.0" dans lequel toute la discographie du groupe a subi ce que Wolfgang Flür qualifie de "viol digital" : un ré-arrangement basé sur les nouvelles technologies disponibles.
S'ensuit donc la rénovation complète du studio, comme prévu. Niveau matériel, le groupe s'entraîne à utiliser le Synclavier. Cet outil de synthèse FM et de sampling leur permet de ré-enregistrer tout ce qu'ils veulent à partir des bandes master. Ce travail, principalement effectué par Hilpert et secondé par Karl Bartos ainsi qu'Hütter, leur permet de digitaliser une partie sinon la totalité de leur back-catalogue. Schneider et Hütter, galvanisés par l'idée d'EMI de proposer un "Greatest hits", décident donc de ré-enregistrer complètement un certain nombre de leurs plus grands succès pour en faire un "best-of", mais à la manière Kraftwerk. Cette manière de faire n'est pas nouvelle : citons quelques groupes électroniques, comme Telex ou Cabaret Voltaire, qui à la même période ont effectué exactement le même travail (cf Les Rythmes Automatiques pour Telex, Technology pour les Cab's).
En plus de sampler et digitaliser leurs anciens morceaux, Hütter et Bartos en profitent pour ré-arranger les morceaux avec des rythmiques plus prononcées, inspirées de la scène house et techno qui explose un peu partout à la fin des années 80 en Europe. Schneider de son côté, expérimente et développe de nouveaux procédés de synthèse vocale : il dépose un brevet en 1990 pour un instrument nommé "Robovox". C'est avec ce nouvel instrument que toutes les parties vocales passées au vocoder sur les enregistrement originaux sont remplacées dans les nouvelles versions par des boites vocales robotiques.
En février 1990, très discrètement, sans prévenir la maison de disque et la presse, Kraftwerk décide de faire une mini-tournée de quatre dates en Italie afin de tester les nouveaux arrangements en live. Ces quatre dates sont fameuses pour deux raisons : c'est tout d'abord le grand retour de Kraftwerk sur une scène (le dernier concert du groupe remontant à décembre 1981) avec désormais Fritz Hilpert en troisième position, mais aussi les premières performances lives de certains morceaux comme "Tour De France" ou "Music Non Stop". Ce sont également des concerts fameux, car ce sont les derniers que Karl Bartos donnera avec le groupe.
Quelques mois plus tard, en juillet 1990, Bartos quitte officiellement "le meilleur groupe allemand de tous les temps" (propos de Bartos lui-même). Ses raisons sont presque les mêmes que celles tenues par Flür trois ans plus tôt : il est lassé de ne pas pouvoir composer de nouveaux morceaux et d'être forcé de travailler sur de nouvelles versions de morceaux qui, toujours selon lui, "ne nécessitent pas de réarrangement". Comme à leur habitude, Ralf et Florian ne sont pas gênés le moins du monde par ce départ, même si Bartos lui-même a grandement contribué à l'expansion musicale du groupe depuis 1978. Il s'en va donc, poursuivant ses projets en solo dans un groupe nommé Elektric Music. Kraftwerk, réduit momentanément a un trio, s'occupe de fignoler quelques ajouts et de terminer la production de leur nouvel "album", ou "best-of digital".
Au final, cet "album", nommé sobrement The Mix, sort début juin 1991. Sa sortie est accompagnée de deux singles, les nouvelles versions de "The Robots" et de "Radioactivity", avec des remixes signés Francois K et William Orbit. Le public, la presse et les critiques ne comprennent pas forcément bien le concept de ce disque, mais l'accueillent avec néanmoins beaucoup plus d'enthousiasme que pour Electric Café, ce qui semble d'ailleurs être assez paradoxal étant donné qu'il ne s'agit "que" d'un album remix. Sur la pochette figurent les tout nouveaux robots de Ralf au recto, Florian au verso. Ces robots, désormais capables de bouger les bras et la tête, prendront la place des musiciens, effectuant une petite danse mécanique télécommandée pendant la performance de la chanson "The Robots" dans les concerts (ce qui fût presque toujours le cas depuis cette date). Dans les crédits du disque, pas de mention de Wolfgang Flür (ce qui semble normal) mais pas de mention de Karl Bartos non plus, alors que celui-ci a tout de même contribué à la mise en "page" de cet "album". Fritz Hilpert par contre apparaît bien dans les crédits.
The Mix se présente donc au final comme une compilation de nouvelles versions de certains morceaux "classiques" de Kraftwerk : "The Robots" et son nouveau beat techno, la version aux accents house de "Computer Love" qui gagne au passage l'une des meilleures envolées mélodiques du groupe, une version de "Pocket Calculator/Dentaku" bien plus rentre dedans, "Autobahn" qui gagne une rythmique hip-hop et des solos de sampling, un "Radioactivity" bien plus adapté aux raves party mais également bien plus politique qu'auparavant (le groupe profite de cette nouvelle version pour faire valoir sa prise de position anti-nucléariste), une version bien plus industrielle de "Trans-Europe Express", un "Home Computer" aux breakbeats et aux infrabasses gonflées ainsi qu'une version bien plus dynamique de "Musique Non Stop", qui gagne au passage des samples de "Boing Boom Tschak" et une ligne de basse mémorable. Certains grands classiques de Kraftwerk, comme "The Model", "Numbers", "Showroom Dummies" ou même "Tour De France" (morceau n'ayant à cette époque jamais connu de sortie physique sur un album ou une compilation officielle) brillent cependant par leur absence. Ne parlons même pas des morceaux archéologiques (pré Autobahn) comme "Ruckzuck", "Kling Klang" ou "Ananas Symphonie" qui auraient pourtant tout eu à gagner avec un lifting digital...
Une tournée, mondiale au départ, puis finalement réduite à l'Europe pour cause de logistique difficile, verra Kraftwerk parcourir le vieux continent pendant l'été puis l'automne 1991. Pour remplacer Karl Bartos, le groupe fait d'abord appel à un musicien germano-portugais nommé Fernando Abrantes. Celui-ci sera tout simplement remercié après le premier leg de la tournée, officiellement car "il habitait au Portugal et ne pouvait pas bien travailler au sein du groupe" (dixit Florian), officieusement car il était bien trop exubérant sur scène (imaginez un robot Kraftwerk qui danse, qui rigole et qui sourit tout le temps) et effectuant d'incroyables solos, écrasant un peu trop au passage le rôle des trois autres dans la musique du groupe. Il est rapidement remplacé pour le second leg par le très sérieux Henning Schmitz, autre ingé son fidèle à Kraftwerk depuis le mixage de The Man-Machine en 1978. Schmitz est resté en place depuis et continue, tout comme Hilpert, d'effectuer des concerts avec le groupe aujourd'hui.
Le reste des années 90 se résume pour Kraftwerk a donner une paire de concert par-ci, par-là. En 1993, après un dernier concert en Belgique dans lequel ils ont joué pour la première fois le morceau "Man Machine", le groupe entre dans une nouvelle phase de silence. Il faudra attendre 1997 et le Tribal Gathering Festival pour les retrouver sur une scène, et 1999 pour finalement entendre un morceau inédit.
Au final, il faut retenir de The Mix qu'il s'agit d'une assez bonne entrée en matière dans la musique de Kraftwerk. Attention cependant, les versions des morceaux présentes ici n'ont bien souvent plus grand chose à voir avec les versions d'origines (sorties entre 1974 et 1986). A noter également que ce disque à lancé une sorte de nouveau "motto" chez le groupe, celui d'être en constant changement et de toujours se réinventer en mettant à jour et en ré-arrangeant les morceaux pour les lives. Preuve en est avec la sortie en 2017 de The Catalogue 3-D, sorte de "The Mix 2.0" dans lequel toute la discographie du groupe a subi ce que Wolfgang Flür qualifie de "viol digital" : un ré-arrangement basé sur les nouvelles technologies disponibles.
Bon 15/20 | par EmixaM |
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