Alice In Chains
Rainier Fog |
Label :
BMG |
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Avec Rainier Fog, son sixième album, Alice In Chains atteint une marque symbolique : il s'agit en effet du troisième disque que le groupe publie depuis que William DuVall l'a rejoint en 2006, soit autant que durant la période où Layne Staley officiait au micro (sans compter les EP). Aujourd'hui dépositaires de l'héritage de l'une des plus grandes voix du rock des années 90, Jerry Cantrell et sa bande, bien conscients de ce que cela implique, ont creusé un nouveau sillon pour leur lugubre créature métallique, tout en étant les plus fidèles gardiens du Temple du culte dédié à leur défunt chanteur. La présence de DuVall, charismatique et vocaliste puissant, ne peut décemment plus être remise en cause, sinon par de bien tristes sires n'ayant pas grand chose d'autre à faire de leur vie. Black Gives Way To Blue et The Devil Put Dinosaurs Here, les deux albums précédents, et point de départ de la nouvelle vie d'Alice, sont là pour témoigner qu'il est tout sauf quantité négligeable, même si Cantrell tient bon la barre à tous les niveaux. Rainier Fog (inspiré par le mont Rainier, un volcan actif de la région de Seattle) marque également le retour du groupe dans la ville du nord-ouest américain, puisque l'enregistrement s'est principalement déroulé au Studio X, anciennement le Bad Animals Studio, dans lequel il avait mis sur bande son crépusculaire troisième album, et qui a vu défiler la génération grunge et alternative du pays des 90's (Nirvana, Soundgarden, Pearl Jam, Hole, Tad, Mad Season, Cantrell lui-même pour Boggy Depot, son premier album solo en 1998, mais aussi Neil Young, Heart, R.E.M. et j'en passe). Ce nouveau disque est encore produit par Nick Raskulinecz et bénéficie d'un son qui, s'il est toujours aussi massif et imposant, sonne plus ramassé et compact que sur ses deux prédécesseurs, taillé ici d'un bloc dans une matière sonore aussi fascinante qu'aux débuts.
Ainsi les riffs de guitare sont toujours aussi énormes : celui de "The One You Know" résonne de toute sa lourdeur monolithique, appuyé par une rythmique implacable, alors que celui de "Rainier Fog" virevolte avec autant de pesanteur que de finesse, avant qu'un break aussi inattendu que réussi fasse retomber la tension, quand celui de "Red Giant" nous accable et nous oppresse. Les solos sont inspirés et démoniaques d'efficacité, comme celui de "Red Giant", poisseux comme jamais, ou celui de "So Far Under", titre œuvre de DuVall, qui l'exécute avec une vicieuse dextérité. Les ambiances, comme d'habitude, sont plombées et étouffantes, en témoignent les irrespirables "Drone" et "Deaf Ears Blind Eyes" en milieu d'album, dans la lignée des morceaux lourds et lents caractéristiques des nouveaux disques du groupe, comme "A Looking In View" ou "Phantom Limb" avant eux. Et la section rythmique est évidemment irréprochable, Mike Inez et Sean Kinney assurant le job sans faillir.
Parmi les morceaux les plus marquants, il faut mentionner l'excellent "Never Fade", où la complémentarité vocale entre DuVall et Cantrell atteint des sommets, tout comme le refrain, à classer parmi les plus puissants de tout le répertoire du groupe de Seattle (à côté de, oui j'ose, "Rain When I Die" et "What The Hell Have I", rien que ça). La voix de Cantrell sur ce refrain explosif nous laisse entendre un certain abattement de sa part, ce que les paroles traduisent bien ("Never fade/I know you think you're someone I forgot/Never fade/I'm everything you really think I'm not"). Malgré le titre de la chanson, qui exprime sa volonté de ne rien lâcher, peut-être est-il usé par toutes ces pertes à déplorer et dont il faut sans cesse se souvenir, notamment parmi ses camarades musiciens (hier Layne Staley, aujourd'hui Chris Cornell, et ceux qui ne manqueront pas de partir tôt ou tard). Les paroles désabusées, sa façon de chanter d'une voix un peu lasse et résignée rendent le morceau encore plus puissant émotionnellement, et le vigoureux solo de gratte et la rythmique dévastatrice de l'ensemble ne parviennent pas à masquer ce sentiment de vide et d'abandon que l'on ressent à son écoute. Un des autres joyaux du disque est l'atypique "Maybe", une des deux balades de l'album à mêler acoustique et électrique avec "Fly" (rappelez-vous Sap et Jar of Flies, ce dernier EP restant un des meilleurs trucs du monde) et qui se révèle assez irrésistible sur la longueur : les harmonies entre DuVall et Cantrell sont parfaites, le solo de ce dernier met évidemment dans le mille (avec une petite tendance "guitar hero", mais on lui pardonne, cela va sans dire), la basse de Inez est bien présente, Kinney envoie juste ce qu'il faut derrière ses fûts, bref voilà un morceau qui se déguste avec un plaisir à chaque fois renouvelé. Enfin c'est la lente et sépulcrale "All I Am" qui conclut le tout, brillant d'une sinistre lueur dans un lointain incertain mais semble-t-il mis à distance. Mais pour combien de temps ?
Une nouvelle fois, Alice In Chains nous convainc avec un disque qui dévoile sa grandeur et ses subtilités sur le long terme. Les premières écoutes peuvent être trompeuses, le temps constituant de fait son meilleur allié, et si l'on est patient, la récompense est somme toute aisée à obtenir, tant le groupe maîtrise son sujet et est décidément capable de composer des titres irréprochables et fortement réjouissants. Et même si les sorties d'albums à venir devaient se voir encore plus espacées, comme cela fut le cas entre The Devil Put Dinosaurs Here et Rainier Fog (cinq ans tout de même), ce ne sera certainement pas un problème s'ils recèlent cette qualité et cette profondeur qui semblent ne pas vouloir quitter ce groupe inclassable et indispensable.
Ainsi les riffs de guitare sont toujours aussi énormes : celui de "The One You Know" résonne de toute sa lourdeur monolithique, appuyé par une rythmique implacable, alors que celui de "Rainier Fog" virevolte avec autant de pesanteur que de finesse, avant qu'un break aussi inattendu que réussi fasse retomber la tension, quand celui de "Red Giant" nous accable et nous oppresse. Les solos sont inspirés et démoniaques d'efficacité, comme celui de "Red Giant", poisseux comme jamais, ou celui de "So Far Under", titre œuvre de DuVall, qui l'exécute avec une vicieuse dextérité. Les ambiances, comme d'habitude, sont plombées et étouffantes, en témoignent les irrespirables "Drone" et "Deaf Ears Blind Eyes" en milieu d'album, dans la lignée des morceaux lourds et lents caractéristiques des nouveaux disques du groupe, comme "A Looking In View" ou "Phantom Limb" avant eux. Et la section rythmique est évidemment irréprochable, Mike Inez et Sean Kinney assurant le job sans faillir.
Parmi les morceaux les plus marquants, il faut mentionner l'excellent "Never Fade", où la complémentarité vocale entre DuVall et Cantrell atteint des sommets, tout comme le refrain, à classer parmi les plus puissants de tout le répertoire du groupe de Seattle (à côté de, oui j'ose, "Rain When I Die" et "What The Hell Have I", rien que ça). La voix de Cantrell sur ce refrain explosif nous laisse entendre un certain abattement de sa part, ce que les paroles traduisent bien ("Never fade/I know you think you're someone I forgot/Never fade/I'm everything you really think I'm not"). Malgré le titre de la chanson, qui exprime sa volonté de ne rien lâcher, peut-être est-il usé par toutes ces pertes à déplorer et dont il faut sans cesse se souvenir, notamment parmi ses camarades musiciens (hier Layne Staley, aujourd'hui Chris Cornell, et ceux qui ne manqueront pas de partir tôt ou tard). Les paroles désabusées, sa façon de chanter d'une voix un peu lasse et résignée rendent le morceau encore plus puissant émotionnellement, et le vigoureux solo de gratte et la rythmique dévastatrice de l'ensemble ne parviennent pas à masquer ce sentiment de vide et d'abandon que l'on ressent à son écoute. Un des autres joyaux du disque est l'atypique "Maybe", une des deux balades de l'album à mêler acoustique et électrique avec "Fly" (rappelez-vous Sap et Jar of Flies, ce dernier EP restant un des meilleurs trucs du monde) et qui se révèle assez irrésistible sur la longueur : les harmonies entre DuVall et Cantrell sont parfaites, le solo de ce dernier met évidemment dans le mille (avec une petite tendance "guitar hero", mais on lui pardonne, cela va sans dire), la basse de Inez est bien présente, Kinney envoie juste ce qu'il faut derrière ses fûts, bref voilà un morceau qui se déguste avec un plaisir à chaque fois renouvelé. Enfin c'est la lente et sépulcrale "All I Am" qui conclut le tout, brillant d'une sinistre lueur dans un lointain incertain mais semble-t-il mis à distance. Mais pour combien de temps ?
Une nouvelle fois, Alice In Chains nous convainc avec un disque qui dévoile sa grandeur et ses subtilités sur le long terme. Les premières écoutes peuvent être trompeuses, le temps constituant de fait son meilleur allié, et si l'on est patient, la récompense est somme toute aisée à obtenir, tant le groupe maîtrise son sujet et est décidément capable de composer des titres irréprochables et fortement réjouissants. Et même si les sorties d'albums à venir devaient se voir encore plus espacées, comme cela fut le cas entre The Devil Put Dinosaurs Here et Rainier Fog (cinq ans tout de même), ce ne sera certainement pas un problème s'ils recèlent cette qualité et cette profondeur qui semblent ne pas vouloir quitter ce groupe inclassable et indispensable.
Excellent ! 18/20 | par Poukram |
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