Ty Segall

Freedom's Goblin

Freedom's Goblin

 Label :     Drag City 
 Sortie :    vendredi 26 janvier 2018 
 Format :  Album / CD  Vinyle  K7 Audio  Numérique   

À force d'écrire sur Ty Segall je vais commencer à me répéter, Ty est vraiment meilleur lorsqu'il change d'ambiances au sein d'un même album voire d'une même chanson. Capable de passer d'une décharge électrique à une mélodie acoustique caressant les oreilles avec une fluidité exemplaire – la plupart du temps. Les meilleurs exemples ? Manipulator (2014) et les EPs Mr. Face (2015) / Fried Shallots (2017). Cette année Freedom's Goblin suit la même route avec quelques petits dérapages (d'où mon "la plupart du temps").

Même si certains titres ont encore été enregistré par Ty tout seul, comme un grand garçon qu'il est désormais, il semble que Mr Segall en a un petit peu marre d'être seul dans son studio, il rechigne donc moins à accepter ses potes avec lui pour s'enregistrer – je ne parle pas du Ty Segall Band, ni du Sleeper Band, ni de The Muggers, mais bien de The Freedom Band qui est composé de Mikal Cronin à la basse et au saxophone, Charles Moothart à la batterie, Emmett Kelly à la 2nde guitare et Ben Boye aux claviers, de gentils gaillards qui l'ont accompagné sur le précédent album éponyme et en tournée évidemment (point important, vous allez voir pourquoi).

Que nous sert Ty ce coup-ci ? Et bien presque tout ! Ce qu'il sait faire de mieux, mais avec un groupe qui participe cette fois-ci à la composition.

J'ai aimé faire cet exercice avec une précédente chronique, alors je m'y remets pour ce double album (en version vinyle), voilà du Track-by-Track :

"Fanny Dog" chanson sur sa chienne dont on peut voir la trogne dans le packaging. Une véritable décharge d'énergie garage-rock, un vrai titre d'ouverture et une nouvelle patte sonore apportée par les cuivres et Mikal Cronin qui s'éclate sur son saxophone.

"Rain" on se calme directement avec une triste mélodie au piano. Quelques sursauts de la batterie et on part sur une composition aux accents assez grandiloquents (les cuivres bis). On sent déjà que Ty & co essayent de nouvelles choses, c'est prometteur pour la suite.

"Every 1's A Winner" reprise de Hot Chocolate pile 40 ans plus tard. On perd en groove (la basse moins présente) et gagne en puissance avec l'explosion d'effets fuzz cher à la bande. Les percussions latines sont un ajout intéressant comme avait pu l'être l'harmonica que le groupe The Murlocs avait ajouté dans leur version en 2016. Le côté sexy du titre est également gardé... Ty faire du sexy... 2018 démarre d'une drôle de manière.

"Despoiler Of Cadaver" on change de style, basse funky, riff disco, boîte à rythmes, échanges de voix graves et aiguës, titre addictif, encore une fois sexy et surtout original dans sa discographie.

"When Mommy Kills You" encore un titre rageur en rapport avec Madame, on sait très bien que Ty a un problème avec elle... un duo Ty Segall / Eminem où chacun cracheraient sur sa mère n'est peut-être pas une si mauvaise idée... un brin de folie hérité d'Emotional Mugger intervient en fin de morceau, merci monsieur.

"My Lady's On Fire" titre décontracté, encore en totale contradiction avec la piste précédente. Saxophone et orgue bienvenus, Mikal est vraiment un bon saxophoniste – merci Ty de lui avoir donné une pleine liberté, Cronin brille sur ce disque. Et si Ty était l'un des meilleurs compositeurs de musique acoustique actuellement ?

"Alta" c'est ainsi que l'on ouvre la face d'un vinyle, c'est ainsi que l'on compose un classique !

"Meaning" on fait chanter la copine Denée (aucune erreur d'orthographe), ça donne un petit côté rafraîchissant dans un pur esprit garage-rock "fais gaffe j't'en mets plein la tête, t'es prévenu !"; petite récréation, mais est-elle vraiment utile, surtout placée juste après l'élégance de "Alta" ?

"Cry Cry Cry" l'influence des Kinks se fait entendre, fait assez rare alors que l'on sait très bien que Segall est un grand fan ; George Harrison n'est pas très loin également.

"Shoot You Up" morceau qui repose principalement sur un bon riff lourd qui tourne en rond... Bon riff, mais ça tourne bel et bien en rond et c'est lourd. Dommage donc.

"You Say All The Nice Things" qu'est-ce qu'on fait après un titre énervé ? Allez, vous pouvez deviner, il fait ça depuis quelques titres maintenant... une belle chanson folk avec la douce voix aiguë de Ty ! Pour finir par un solo clair de guitare électrique – qu'il est beau ce solo.

"The Last Waltz" petit délire, mais ne va pas très loin. Les voix sont assez agaçantes à force. Le titre est évocateur, ça fait musique de cabaret un peu énervé.

"She" c'est pour ce genre de titre que j'adore le Freedom Band et son envie d'improvisations. Ce n'est pas pour rien s'ils enregistrent live en studio, c'est pour retrouver l'énergie et l'osmose présente durant leurs concerts. Cette piste est une véritable réussite, avec un riff lourd digne du Sabbath et la cassure avant de repartir pour la dernière partie de la chanson est une idée simple et pourtant toujours aussi efficace. C'était très bon en concert, ça l'est également sur disque.

"Prison" on finit le jam entamé à la piste précédente, on s'amuse encore un peu.

"Talkin' 3" sorte de réécriture/suite à "Talkin' (alt. version)" sur l'EP Fried Shallots qui était une sorte de réécriture/suite à "Talkin'" sur l'album éponyme de 2017... Cette version n°3 est assez inutile, il faut dire, Ty semble juste vouloir s'amuser avec ce titre et nul doute qu'il en fera d'autres versions sur ses prochaines galettes (en espérant que ça redevienne du même niveau que les 2 premières versions).

"The Main Pretender" l'autre titre original de l'album avec rythmique saccadée, basse fuzz et saxophone de free-jazz ; c'est dingue, entraînant, inspiré d'une certaine façon par Mr Zappa, c'est une réussite tout simplement. J'aime quand Ty Segall surprend de cette manière.

"I'm Free" titre acoustique qui n'est pas une reprise de The Who (Tommy, 1969), mais est tout aussi agréable. Il me vient soudainement l'envie d'avoir une suite à Sleeper. Ce gars a un réel don pour composer de belles chansons épurées... enfin c'est ce que je me suis dit avant de regarder plus en détail les crédits de l'album et de voir qu'en réalité ce titre est un cadeau de Kyle Thomas – plus connu sous le nom de King Tuff, bravo monsieur pour ce beau titre et bravo Ty pour l'exécution !

"5 Ft. Tall" titre de fin d'album ; il y a des chansons qui ont cette ambiance particulière, qui éveille de suite cette sensation de fin d'œuvre, ce titre ne pouvait être à aucune autre place, il ne pourrait pas mieux sonner autre part, il est là où il doit être – c'est sa destinée. Le groupe donne tout une dernière fois, dernières notes, on laisse les instruments, larsens partout, on quitte la scène... Enfin...

"And, Goodnight" on a le droit à un rappel qui va durer 12 minutes. "And, Goodnight" = "Sleeper" version électrique, version jam entre Neil Young & Crazy Horse, le Grateful Dead et Mountain. C'est là que le fait que le Freedom Band ait tourné avec Ty est le plus important, ce titre a été confectionné, improvisé, arrangé, amélioré en tournée, dates après dates pour qu'une fois entré en studio, soit enregistré cette version absolument phénoménale ! Version passionnée et passionnante.


Album hétéroclite et ambitieux avec un son oscillant à tour de rôle entre lourd et clair, un travail remarquable sur les mélodies (surtout !), des chansons peaufinées sur plusieurs mois et surtout sur scène. Freedom's Goblin est très proche, au niveau de la qualité des compositions, du niveau atteint par Manipulator ; son seul véritable problème étant le léger manque de logique dans la tracklist, ce n'est pas aussi fluide tout du long, on peut avoir l'impression d'entendre un best of pas assez réfléchi. Ty Segall est pardonné pour cette petite erreur de gestion grâce à toutes les beautés que lui et ses camarades de jeux nous offrent sur ce Freedom's Goblin.


Excellent !   18/20
par Beckuto


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