Rien
3 |
Label :
L'Amicale Underground |
||||
S'il y a un groupe qui illustre le processus de dénégation, c'est bien Rien. En bon névrosés, Yugo Solo, DJ Goulag, Dos.3, {aka} et Francis Fruit nous obligent à annuler leur existence au moment même où on se met à parler d'eux. Exemple : "T'écoutes quoi ?" "Moi ? J'écoute Rien." "... tu m'en diras tant.". Les saligauds ont eu 15 ans pour s'amuser (et se lasser, probablement, comme toi lecteur au bout de 3 chroniques successives) des quiproquos que leur patronyme n'a pas manqué de causer. Ils ont pavé leur voie de cet humour léger, absurde, articulé l'air de rien avec une virtuosité instrumentale toujours mise au service de voyages inédits (Il ne peut y avoir de prédiction sans avenir ressemble à un équivalent musical de Alice au Pays des Merveilles), composant une discographie en forme de pied-de-nez aux étiquettes de tout poil, celles-là mêmes qui tentent encore maladroitement de les labelliser "post-rock". Mais le temps des rires et des chants est passé, nous sommes en décembre 2014 et tout jeu de mots laid à l'endroit du groupe charrie désormais son lot d'amertume : Rien se meurt. C'était écrit ; la sénescence de Rien est programmée dans ses gènes, c'était même son postulat de base en 1999. Ils ne sont pas légion, les groupes qui ont les couilles de savoir s'arrêter, de se tenir à une promesse vieille de 15 ans. Après deux albums grandioses (je baise mes mots) et des tournées restées mémorables, le groupe a semblé réaliser l'échéance en 2010, lorsqu'est paru un disque en forme de prédiction. Celui-là s'appelait 3.
On a pu se demander ce qu'il signifiait, ce chiffre garant d'un tiers. Troisième production du quatuor devenu quintet ? Ou bien, sinistre augure, entame d'un compte à rebours inexorable nous rappelant que – blague à part – un jour il n'y aura plus Rien, comme nous le prédisait déjà Ferré en 73. Malheureusement à ce propos l'Amicale Underground est formol (formel pardon, lapsus tristement révélateur), 3 constitue le premier volume d'une trilogie. Du genre qui ne porte pas de nom. De là à parler d'ineffable il n'y a qu'un pas... Que je ferais bien de franchir avant que l'on se mette à parler de feu-Rien. De ces trois années qui ont suivi le dernier LP, le groupe a retenu trois fois rien ; quatre morceaux pour un peu moins d'une demi-heure. Avant de crier au scandale, ô lecteur biberonné à la productivité folle d'un Guided By Voice ou autre Ty Segall, avant de clouer Rien au pilori, écoute bien le disque. Écoute le attentivement car il est de ceux qui t'apprennent une leçon de vie : la touche repeat est ton amie. Mieux vaut un disque de 25 minutes qui, écouté trois fois de suite la bave aux lèvres, en fait 75 de pur bonheur, plutôt qu'un autre de même longueur rempli de fillers et sur lequel on ne reviendra pas. Sur ces quatre morceaux, Rien a appliqué un baume magique, de ceux qui transforment le plomb en or, pour que soudainement : POUF! ... Quatre morceaux n'en fassent plus qu'un. Un monstre gigantesque à quatre têtes, dont le rugissement se fait tout en nuance, entre arpèges cristallins et distorsions massives.
Sur 3, Rien se lève du pied gauche. Des chaînes qui se trainent au fond de l'abime, des hululements lugubres, à peine audibles en fond, une tentative d'apaisement par couches synthétiques, comme si Klaus Schulze venait tout juste de se faire refuser l'accès au paradis. Pas facile d'être en enfer, hein connard ? Au début on grogne, comme Rien grogne, puis l'angoisse s'installe, insidieuse, tandis qu'on réalise qu'il n'y a pas d'issue. Alors on se cogne la tête contre la roche brûlante, on lève les yeux au ciel comme pour retrouver au delà de l'obscurité insondable un Soleil perdu. La seule solution, c'est la folie. L'épisode délirant, en forme de solo de guitare impromptu, vient soulager la réalité en la remplaçant par la sienne propre, pleine d'allégresse... Mais qui n'accroche pas vraiment. Le délire ne tient plus, c'est le retour au réel, le début d'une confrontation musicale sans précédent pour la survie de l'esprit. Crescendo après crescendo, disto sur disto, un martèlement mécanique qui tâche de lutter contre le souffle grandissant du cyclone électrique. Quand vient le climax, Rien se réveille dans un cri, en sueur sur son lit. Les images de son songe le hantent, tandis que résonnent dans sa tête des applaudissements imaginaires. Ces mains qui s'entrechoquent à tout rompre, s'imagine-t-il, ne peuvent être que celles d'un public conquis. Une étrange résolution s'empare de Rien alors qu'il se dirige vers son studio, la démarche rendue vacillante par le choc du réveil. Tout cela ressemblait fort à une prémonition. Non, ça faisait plus que "ressembler", c'était une sensation. Et lui, Rien, doit assumer la tâche de lui donner corps, de la dessiner dans le futur. Il est le mieux placé pour savoir qu'il n'y a pas de prédiction sans avenir.
Au bout du compte 3 était plus qu'un simple avertissement. D'une pierre trois coups, les membres de Rien se préparent à rendre l'âme (à qui elle appartient ?), et certainement pas à la manière d'un vieillard aveugle dictant ses mémoires ; mais plutôt avec l'assurance enjouée de ceux qui savent leur heure venue depuis des lustres, ceux qui ont eu le temps de faire leurs affaires et préparer à tous ses proches un départ spectaculaire qui demeurera longtemps après qu'eux-mêmes soient devenus cendres. Parce que s'il y a bien une chose que Rien a compris, dès le départ, c'est que de la contrainte naît la créativité. En se posant cette limite, cette date butoir à partir de laquelle plus rien ne naîtra sous leur nom, le groupe s'est donné toutes les chances de briller de mille feu pendant sa trop brève existence. Avec 3, le compte à rebours à commencé, nous n'aurons bientôt plus Rien à nous mettre sous la dent, alors embrayons derechef sur 2.
On a pu se demander ce qu'il signifiait, ce chiffre garant d'un tiers. Troisième production du quatuor devenu quintet ? Ou bien, sinistre augure, entame d'un compte à rebours inexorable nous rappelant que – blague à part – un jour il n'y aura plus Rien, comme nous le prédisait déjà Ferré en 73. Malheureusement à ce propos l'Amicale Underground est formol (formel pardon, lapsus tristement révélateur), 3 constitue le premier volume d'une trilogie. Du genre qui ne porte pas de nom. De là à parler d'ineffable il n'y a qu'un pas... Que je ferais bien de franchir avant que l'on se mette à parler de feu-Rien. De ces trois années qui ont suivi le dernier LP, le groupe a retenu trois fois rien ; quatre morceaux pour un peu moins d'une demi-heure. Avant de crier au scandale, ô lecteur biberonné à la productivité folle d'un Guided By Voice ou autre Ty Segall, avant de clouer Rien au pilori, écoute bien le disque. Écoute le attentivement car il est de ceux qui t'apprennent une leçon de vie : la touche repeat est ton amie. Mieux vaut un disque de 25 minutes qui, écouté trois fois de suite la bave aux lèvres, en fait 75 de pur bonheur, plutôt qu'un autre de même longueur rempli de fillers et sur lequel on ne reviendra pas. Sur ces quatre morceaux, Rien a appliqué un baume magique, de ceux qui transforment le plomb en or, pour que soudainement : POUF! ... Quatre morceaux n'en fassent plus qu'un. Un monstre gigantesque à quatre têtes, dont le rugissement se fait tout en nuance, entre arpèges cristallins et distorsions massives.
Sur 3, Rien se lève du pied gauche. Des chaînes qui se trainent au fond de l'abime, des hululements lugubres, à peine audibles en fond, une tentative d'apaisement par couches synthétiques, comme si Klaus Schulze venait tout juste de se faire refuser l'accès au paradis. Pas facile d'être en enfer, hein connard ? Au début on grogne, comme Rien grogne, puis l'angoisse s'installe, insidieuse, tandis qu'on réalise qu'il n'y a pas d'issue. Alors on se cogne la tête contre la roche brûlante, on lève les yeux au ciel comme pour retrouver au delà de l'obscurité insondable un Soleil perdu. La seule solution, c'est la folie. L'épisode délirant, en forme de solo de guitare impromptu, vient soulager la réalité en la remplaçant par la sienne propre, pleine d'allégresse... Mais qui n'accroche pas vraiment. Le délire ne tient plus, c'est le retour au réel, le début d'une confrontation musicale sans précédent pour la survie de l'esprit. Crescendo après crescendo, disto sur disto, un martèlement mécanique qui tâche de lutter contre le souffle grandissant du cyclone électrique. Quand vient le climax, Rien se réveille dans un cri, en sueur sur son lit. Les images de son songe le hantent, tandis que résonnent dans sa tête des applaudissements imaginaires. Ces mains qui s'entrechoquent à tout rompre, s'imagine-t-il, ne peuvent être que celles d'un public conquis. Une étrange résolution s'empare de Rien alors qu'il se dirige vers son studio, la démarche rendue vacillante par le choc du réveil. Tout cela ressemblait fort à une prémonition. Non, ça faisait plus que "ressembler", c'était une sensation. Et lui, Rien, doit assumer la tâche de lui donner corps, de la dessiner dans le futur. Il est le mieux placé pour savoir qu'il n'y a pas de prédiction sans avenir.
Au bout du compte 3 était plus qu'un simple avertissement. D'une pierre trois coups, les membres de Rien se préparent à rendre l'âme (à qui elle appartient ?), et certainement pas à la manière d'un vieillard aveugle dictant ses mémoires ; mais plutôt avec l'assurance enjouée de ceux qui savent leur heure venue depuis des lustres, ceux qui ont eu le temps de faire leurs affaires et préparer à tous ses proches un départ spectaculaire qui demeurera longtemps après qu'eux-mêmes soient devenus cendres. Parce que s'il y a bien une chose que Rien a compris, dès le départ, c'est que de la contrainte naît la créativité. En se posant cette limite, cette date butoir à partir de laquelle plus rien ne naîtra sous leur nom, le groupe s'est donné toutes les chances de briller de mille feu pendant sa trop brève existence. Avec 3, le compte à rebours à commencé, nous n'aurons bientôt plus Rien à nous mettre sous la dent, alors embrayons derechef sur 2.
Parfait 17/20 | par X_Wazoo |
En ligne
260 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages