Rien
Lille [La Péniche] - jeudi 27 novembre 2014 |
27 novembre 2014. Je pars pour une soirée classy au possible ; Rien à la péniche. C'est à dire quelques heures passées à assister gaiement à l'un des tout derniers concerts des baroqueux les plus attachants du pays, le tout dans cette salle de concert lilloise atypique ; la bien-nommée " La péniche ". Fidèle à ma naïveté, j'arrive pile à l'heure, juste pour l'ouverture des portes. Me reste plus qu'à... attendre le concert, au moins une heure. Pour m'occuper, Dieu soit loué, il y a le stand merch. L'endroit idéal pour un bon vieil acquis de conscience ; après un accès de téléchargements à prix libre sur le site de l'Amicale Underground, voilà enfin de quoi exprimer financièrement mon amour pour les Grenoblois. Le temps d'un aller-retour au distributeur et me voilà avec Il ne peut y avoir de prédiction sans avenir et le dernier 1 en avant-première. Merci au moustachu du stand pour son amabilité (le dénommé Francis Fruit, apprendrai-je plus tard, batteur émérite et affable).
Au bout d'un certain temps, voilà deux mecs qui montent sur scène avec leur petit mur d'amplis à eux - ils prennent plus de place à deux que Rien à cinq. Ed Wood Jr. Un bon point pour le nom, celui du plus culte des mauvais cinéastes. Un sosie de Jake Gyllenhaal modèle réduit – à la guitare + chant – et un batteur aux yeux fous l'incarnent. Ce set du duo aura eu le mérite de me permettre de formuler pourquoi est-ce que j'ai du mal à accrocher à ce qu'on appelle le " math-rock ". Musique de grands techniciens par excellence, Ed Wood Jr. joue de façon millimétrée des compos nerveuses, tout à la fois changeantes et contrôlées. Du bûcheron, le batteur n'a pas que la chemise ; il tape comme un bœuf – un bœuf précis, notez – et mes pauvres tympans s'en souviennent. Il y a au moins trois limites live à l'approche du duo. Première ; ce contrôle limite obsessionnel des pirouettes instrumentales ne me touche pas vraiment. Je tire mon chapeau à leur maîtrise, mais je n'y sens pas ce côté humain, cette mise en danger qui pourrait m'impliquer dans ce qui demeure au final une simple " performance ", au sens sportif du terme. Ensuite, les mecs sont tellement concentrés sur le réglage minutieux de leurs morceaux, notamment dans la mise en place des loops qu'au final j'ai l'impression de voir un technicien penché sur ses machines pour que le résultat soit cohérent avec l'idée de leurs compos rigides. Au temps pour le jeu de scène. La troisième est le corollaire de la seconde : si ça foire... C'est moche. Ed Wood Jr a eu quelques problèmes de son, des loops loupés, et le batteur de tourner dans le vide pendant que Gyllenhaal bidouille pour trouver ce qui cloche. Le piège de l'extrême rigueur de leur compos rigides se referme alors sur eux. Je suis pas très sympa, en vrai j'ai apprécié certaines choses, dont le son incroyable de leur synthé/basse, mais c'était surtout quelque chose à extrapoler au math-rock en général. Cérébralement satisfaisant, émotionnellement par contre... Finalement, son set terminé, le duo se retire sous les applaudissements, et après une demi-heure de parlotte avec le chanteur de Bärlin présent dans la salle, c'est au tour de Rien de mettre le feu à Péniche.
Ils sont 5 à monter sur scène. Deux guitaristes, un bassiste et deux batteurs-percussionnistes. Alors que le groupe fait ses derniers essais sons, la prodigieuse qualité des compositions de Rien éclate déjà. Une simple ligne de batterie, quelques notes de guitare éparses et voilà le morceau correspondant qui se déroule dans mon crâne. Si ça c'est pas la preuve d'une identité profonde de leurs compos, je vois pas ce que c'est. Pfff... Le concert n'a pas commencé que j'ai déjà des étoiles dans les yeux. Je suis une cible trop facile, conquis d'avance. Le set durera près de deux heures d'après ma montre. Selon ma perspective, le temps s'est arrêté dès la première note de " This Is Our Grunge ". J'ai mis toutes les chances de mon côté pour bien prendre ma claque ; premier rang, au mépris total des spectateurs de petite taille (que j'ai fini par laisser se frayer une place devant moi, je ne suis pas un monstre non plus) et en plein milieu, de manière à ce que les mecs sur scène n'aient d'autre choix de mater ma sale gueule béate pendant tout le concert. Claque prise, donc ; en même temps les zicos ont mis le paquet niveau tracklist. Je ne me souviens absolument pas du titre de celles qui ont été jouées, pour cause de syndrome poisson rouge, mais les mecs ont ratissé large. Un peu de Requiem pour des baroqueux par-ci, de 3 par là, du 2, l'excellent " Défaite des Vainqueurs " du dernier EP, et surtout beaucoup, beaucoup de Il ne peut y avoir de prédiction sans avenir, leur indiscutable chef-d'oeuvre. De quoi me mettre aux anges... Niveau interprétation, c'était assez incroyable de voir des morceaux si ambitieux être rendus dans les moindres détails, avec tout la fluidité du studio conservée dans le live. C'est un peu comme une confrontation avec le réel, mais sans la part habituelle de désillusion. Au contraire, la réalité dépasse l'image qu'on s'était faite. Ainsi s'enchaînent, presque sans pauses, les morceaux les plus virevoltants et ceux plus planant, monolithiques. A ce stade, l'ascenseur émotionnel ne s'arrête plus aux étages ; il se contente de faire des allers et retours frénétiques. Un point culminant de la soirée, peut-être, sera l'intervention de Jull, déclameur de textes imagés, contributeur récurrent du groupe et collègue de l'Amicale Underground. Ce mec dégage un bon gros charisme. J'ai jamais vu quelqu'un avoir autant l'air de faire l'amour avec un pied de micro... Pour un peu j'étais émoustillé... Hem. Quant à la fin du show mes souvenirs sont imprécis. Est-ce 2 ou 3 rappels que le groupe enchaîne ? L'occasion de s'assurer que chaque pièce épique du groupe aura été jouée, assénée dans son évidente beauté, avant que Rien ne se repose à jamais.
Yugo, Goulag, Dos.3, {aka} et le fameux Francis Fruit se retirent finalement, brusquement, avec à peine deux trois signes de main. C'est peut-être mieux ainsi, les adieux déchirant n'ont pas l'air d'être leur tasse de thé. Autant couper le cordon tout de suite, pour que la douleur s'éternise moins. De toute façon, alors que je m'éloigne de la scène en titubant, pour aller m'acheter un t-shirt " RIEN (1999-2014) ", je réalise peu à peu que mes tympans sont en panne. Mes oreilles se s'arrêtent plus de siffler. Je rentre dans mon petit chez moi Lillois, ça siffle toujours. Le lendemain, jusque tard le soir, ce sifflement m'accompagnera dans tout ce que je fais. Maintenant avec le recul, je vois les choses autrement ; oui, peut-être que les cinq compères ont joué trop fort. Mais peut-être aussi que ça m'a servi de défense, un distraction sur laquelle me concentrer pour éviter d'avoir à me focaliser trop fort sur la perte très prochaine de Rien.
Alors voilà, en un mot comme en cent, à l'heure où je vous parle, Rien est mort... Vive Rien.
Au bout d'un certain temps, voilà deux mecs qui montent sur scène avec leur petit mur d'amplis à eux - ils prennent plus de place à deux que Rien à cinq. Ed Wood Jr. Un bon point pour le nom, celui du plus culte des mauvais cinéastes. Un sosie de Jake Gyllenhaal modèle réduit – à la guitare + chant – et un batteur aux yeux fous l'incarnent. Ce set du duo aura eu le mérite de me permettre de formuler pourquoi est-ce que j'ai du mal à accrocher à ce qu'on appelle le " math-rock ". Musique de grands techniciens par excellence, Ed Wood Jr. joue de façon millimétrée des compos nerveuses, tout à la fois changeantes et contrôlées. Du bûcheron, le batteur n'a pas que la chemise ; il tape comme un bœuf – un bœuf précis, notez – et mes pauvres tympans s'en souviennent. Il y a au moins trois limites live à l'approche du duo. Première ; ce contrôle limite obsessionnel des pirouettes instrumentales ne me touche pas vraiment. Je tire mon chapeau à leur maîtrise, mais je n'y sens pas ce côté humain, cette mise en danger qui pourrait m'impliquer dans ce qui demeure au final une simple " performance ", au sens sportif du terme. Ensuite, les mecs sont tellement concentrés sur le réglage minutieux de leurs morceaux, notamment dans la mise en place des loops qu'au final j'ai l'impression de voir un technicien penché sur ses machines pour que le résultat soit cohérent avec l'idée de leurs compos rigides. Au temps pour le jeu de scène. La troisième est le corollaire de la seconde : si ça foire... C'est moche. Ed Wood Jr a eu quelques problèmes de son, des loops loupés, et le batteur de tourner dans le vide pendant que Gyllenhaal bidouille pour trouver ce qui cloche. Le piège de l'extrême rigueur de leur compos rigides se referme alors sur eux. Je suis pas très sympa, en vrai j'ai apprécié certaines choses, dont le son incroyable de leur synthé/basse, mais c'était surtout quelque chose à extrapoler au math-rock en général. Cérébralement satisfaisant, émotionnellement par contre... Finalement, son set terminé, le duo se retire sous les applaudissements, et après une demi-heure de parlotte avec le chanteur de Bärlin présent dans la salle, c'est au tour de Rien de mettre le feu à Péniche.
Ils sont 5 à monter sur scène. Deux guitaristes, un bassiste et deux batteurs-percussionnistes. Alors que le groupe fait ses derniers essais sons, la prodigieuse qualité des compositions de Rien éclate déjà. Une simple ligne de batterie, quelques notes de guitare éparses et voilà le morceau correspondant qui se déroule dans mon crâne. Si ça c'est pas la preuve d'une identité profonde de leurs compos, je vois pas ce que c'est. Pfff... Le concert n'a pas commencé que j'ai déjà des étoiles dans les yeux. Je suis une cible trop facile, conquis d'avance. Le set durera près de deux heures d'après ma montre. Selon ma perspective, le temps s'est arrêté dès la première note de " This Is Our Grunge ". J'ai mis toutes les chances de mon côté pour bien prendre ma claque ; premier rang, au mépris total des spectateurs de petite taille (que j'ai fini par laisser se frayer une place devant moi, je ne suis pas un monstre non plus) et en plein milieu, de manière à ce que les mecs sur scène n'aient d'autre choix de mater ma sale gueule béate pendant tout le concert. Claque prise, donc ; en même temps les zicos ont mis le paquet niveau tracklist. Je ne me souviens absolument pas du titre de celles qui ont été jouées, pour cause de syndrome poisson rouge, mais les mecs ont ratissé large. Un peu de Requiem pour des baroqueux par-ci, de 3 par là, du 2, l'excellent " Défaite des Vainqueurs " du dernier EP, et surtout beaucoup, beaucoup de Il ne peut y avoir de prédiction sans avenir, leur indiscutable chef-d'oeuvre. De quoi me mettre aux anges... Niveau interprétation, c'était assez incroyable de voir des morceaux si ambitieux être rendus dans les moindres détails, avec tout la fluidité du studio conservée dans le live. C'est un peu comme une confrontation avec le réel, mais sans la part habituelle de désillusion. Au contraire, la réalité dépasse l'image qu'on s'était faite. Ainsi s'enchaînent, presque sans pauses, les morceaux les plus virevoltants et ceux plus planant, monolithiques. A ce stade, l'ascenseur émotionnel ne s'arrête plus aux étages ; il se contente de faire des allers et retours frénétiques. Un point culminant de la soirée, peut-être, sera l'intervention de Jull, déclameur de textes imagés, contributeur récurrent du groupe et collègue de l'Amicale Underground. Ce mec dégage un bon gros charisme. J'ai jamais vu quelqu'un avoir autant l'air de faire l'amour avec un pied de micro... Pour un peu j'étais émoustillé... Hem. Quant à la fin du show mes souvenirs sont imprécis. Est-ce 2 ou 3 rappels que le groupe enchaîne ? L'occasion de s'assurer que chaque pièce épique du groupe aura été jouée, assénée dans son évidente beauté, avant que Rien ne se repose à jamais.
Yugo, Goulag, Dos.3, {aka} et le fameux Francis Fruit se retirent finalement, brusquement, avec à peine deux trois signes de main. C'est peut-être mieux ainsi, les adieux déchirant n'ont pas l'air d'être leur tasse de thé. Autant couper le cordon tout de suite, pour que la douleur s'éternise moins. De toute façon, alors que je m'éloigne de la scène en titubant, pour aller m'acheter un t-shirt " RIEN (1999-2014) ", je réalise peu à peu que mes tympans sont en panne. Mes oreilles se s'arrêtent plus de siffler. Je rentre dans mon petit chez moi Lillois, ça siffle toujours. Le lendemain, jusque tard le soir, ce sifflement m'accompagnera dans tout ce que je fais. Maintenant avec le recul, je vois les choses autrement ; oui, peut-être que les cinq compères ont joué trop fort. Mais peut-être aussi que ça m'a servi de défense, un distraction sur laquelle me concentrer pour éviter d'avoir à me focaliser trop fort sur la perte très prochaine de Rien.
Alors voilà, en un mot comme en cent, à l'heure où je vous parle, Rien est mort... Vive Rien.
Exceptionnel ! ! 19/20 | par X_Wazoo |
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