The Replacements

J'aime les Replacements. Si je ne devais garder qu'un seul album dans toute ma discographie, ce serait sans aucun doute Let It Be. Pour la première fois, je ne parle pas en tant que critique mais bien en tant que fan. All Shook Down est probablement le disque le plus déchirant de toute l'histoire de la musique, du moins pour ce que j'en pense. Le simple fait de se dire qu'il marque la fin d'un aventure aussi belle que celle des Mats est un déchirement de chaque instant. Conçu dans un climat délétère avec les membres du groupe seulement réunis au complet sur un unique morceau, vestige d'un temps où Westerberg était le porte-étendard d'une jeunesse banlieusarde déprimée, le gigantesque et pourtant si simple "Attitude". Mais à part ça, les membres ne se retrouvent jamais ensemble.

On peut dès lors considérer cet album comme le premier album solo de Westerberg. Disque charnière, à la fois de rupture et de renouveau, All Shook Down se pose comme une synthèse des années passées et comme une ouverture sur un futur plutôt opaque. "When it Began", un des singles parfaitement bien choisi de l'album, résume cet état d'esprit : les débuts sont toujours plus grisants, puis s'installe la routine, les disputes, la lassitude. La fin d'une histoire d'amour ressemble à s'y méprendre à la fin des Replacements. Cependant, comme des histoires d'amour peuvent se terminer en apothéose, le groupe réussit parfaitement son chant du cygne.
Souvent sous-estimé par la critique et les fans qui ne voient dans cet album qu'une fin de cycle assagie, digne de peu d'intérêt, l'album est bien plus que cela. C'est un album de Westerberg en pleine possession de ses moyens.

Parfois plus posé, Paul n'en oublie pourtant pas son glorieux passé, et nous pond encore une fois des petites merveilles power pop portées par des riffs anodins, simples, mais pourtant si efficaces et si prenants. "My Little Problem", Bend Out Of Shape" ou le génial "Merry Go Round", plus grand succès du groupe, prouvent que Westerberg sait encore rocker comme toujours. Mais ces morceaux ne forment pourtant pas un ensemble déconstruit par rapport aux moments plus calmes. Porté par le thème si rabâché de l'amour, les Mats jouent tous les registres de cet amour : amour vache, amour perdu, amour maladif, amitié, attachement aux racines de l'enfance, amour de soi ... Et le groupe touche juste à chaque fois, alliant musique et paroles de façon magistrale pour faire passer le message émotionnel de la plus belle des façons. "All Shook Down" est par exemple une démonstration de la fusion émotionnelle : un texte déchirant porté par une ambiance intimiste et un Westerberg à la voix toujours plus au bord du précipice.

Et si quelques morceaux ne sont pas tout à fait au niveau, l'ensemble est si cohérent, si joyeusement mélancolique, que l'auditeur ne peut que succomber. C'est sûrement ça qui fait la force des Replacements par rapport à The Alarm, ou à n'importe quel autre groupe au monde. Leur romantisme adolescent ne sombre jamais dans le pathos. Il ne sombre que dans le sublime. Tout le monde rêve d'une rupture de ce genre.