Beirut
March Of The Zapotec And Realpeople Holland |
Label :
Pompeii |
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J'avais hâte de retrouver la fanfare de mon pays adoptif. Un pays aux frontières plutôt floues après la chute du mur, deux trois révolutions et le despotisme de quelques dirigeants avides du culte de la personnalité. Adoptif... Enfin à chaque fois que ma platine lance ces hymnes fédérateurs où cet orchestre soulève un patriotisme qui ne m'appartient pas mais qui pourtant m'émeut et me rattache à la cause de la moindre population minoritaire de l'ex URSS. Nous voici donc à l'heure tant attendue de March Of The Zapotec And Realpeople Holland. Ou plutôt voici mon heure arrivée. Tiens j'ai trépassé ? Que nenni, je divague. Sûrement la joie de retrouve Zach Condon qui a réussi ce que je n'aurai jamais le cran de faire. Bazarder les études pour voyager et s'oxygéner de toutes les sources musicales qui soient. Faire le tour de tous ces états qui se disputent le moindre chouilla de n'importe quoi et malgré cela ne font qu'un lorsque le tempo est lancé et que les gens se rassemblent pour danser.
Beirut poursuit inlassablement son périple de la mer Adriatique à la mer Egée avec son solex démodé. Un modèle comme on ne fait plus mais que les amateurs s'arrachent pour s'accrocher à un passé glorieux révolu qu'ils ont connu. Un marathon trop riche et intense pour le boucler en quelques albums et donc mérite encore un nouvel EP. Un double EP même, qui rend hommage à un athlète du ‘pays' qui plus est. A la différence peut-être que Zach ne cherche pas à faire dans l'endurance comme Emil Zatopek mais plutôt essaie au mieux de ne pas louper les meilleurs sites qui ponctuent son périple. Les paysages défilent donc le long des routes délabrées qu'emprunte ce petit Nicolas américain à l'apparence très sage sur la pochette. Le vent fouette son visage ainsi que les airs qui s'échappent alors de son esprit. Le temps passe vite, les kilomètres aussi et il ne faut rien rater. Il photographie ce qu'il peut, respire les embruns lorsqu'il passe près de la mer et mémorise les mélodies pleines de vie qui débordent des chaumières dès qu'il pénètre dans un hameau. Le plus dur reste finalement de synthétiser les couleurs de cette région, la vitalité des populations à qui rien ne manque et enfin la passion de ce voyage et celle échangée à l'amorce d'une note de tuba.
Sous la ola de "El Zócalo" en guise d'introduction pétillante, le premier disque se fait donc pour devoir de restituer cette nouvelle étape en six titres. On retrouve ce rythme voilé communiqué par les roues de la mobylette que Condon a empruntée et qui n'ont jamais du être changées. Un rythme tout en contre temps, sautillant et élastique dont l'amplitude renvoie une image des musiciens qui jouent en se déplaçant avec des pas exagérément grands et souples. Bercé par "La Llora", la magie opère déjà et on se projette rapidement loin, très loin à rêver qu'on ne rêve plus. On aura quand même eu un petit doute à la lecture de ses deux titres en espagnol. J'ai bien lu Zatopec ou Zapotec ? D'autant plus que l'instrumental "My Wife" lance un peu plus tard sa trompette de mariachi avant de rentrer dans les rangs. Passé cette feinte due à la rencontre d'une formation mexicaine (The Jimenez Band) avec laquelle il a échangé autant de conseils musicaux que de traditions, on constate que le vilain petit canard trop mauvais pour l'école en a encore appris pas mal. Il dépeint à présent des ambiances qui ne sont plus forcément festives ou sont dans un état de latence mais qui ne vient pas à maturité. Le routard a enfin réussi à mettre son engouement pour les Balkans également aux services des causes perdues, et cela en partie grâce à sa collaboration à Oaxaca. Car même si ‘la vie est un miracle' il subsiste des épreuves que l'on ne peut passer sous silence. Ainsi si "The Akara" puise avec son ukulélé la cadence chaloupée que l'on aime tant, elle est insérée par une intro funeste qui force le respect et incite à une minute de silence. Idem pour les cuivres de "On A Bayonet" qui portent un hommage émouvant et désarmant, c'est le cas de le dire. J'ai le sentiment que c'est dans ces rares moments que nos cœurs battent le plus à l'unisson, battent la chamade et battent au vent comme le drapeau de ce pays imaginaire qu'évoquent à jamais les litanies de Beirut.
Et puis il y a la seconde galette, dont je me serais bien garder de parler ou plutôt dont j'aurais préféré qu'elle n'existe pas. Car si le précédent disque affichait tous les avantages d'une nouvelle escapade insouciante en vélomoteur sécurisée par le cadre alentour imprenable, là on assiste à une belle gamelle. Zach Condon sort ses premières compositions solo sous le nom de Realpeople. Et on ne peut pas franchement dire que c'est un succès. L'américain fait un mélange improbable entre les références européennes qui lui tiennent à cœur et une électro douteuse. Une sauce si étrange que l'on remettrait presque en question son amour pour l'orient tant l'excès est scandaleux. Autant l'EP Pompeii était bien passé, donnant un peu de fraîcheur et de nouveauté dans le répertoire de l'artiste, autant ici on frôle l'overdose. Et malgré tout Condon, puisqu'il ne faut pas l'appeler Beirut sur ce Holland, fait comme si de rien n'était. Pour preuve le premier titre "My Night With The Prostitute From Marseille" très aguichant qui se trouve enlaidi par un beat neuneu qui fait des gammes ou "My Wife, Lost In The Wild" si synthétique que l'on se dit que l'on assiste à la pire des trahisons. Le songwriter a beau jouer de son timbre suranné et tirer vers les chœurs de matelots on n'y croit pas une seule seconde. Le résultat est fadasse, attristant et d'une langueur... Or on ressent pourtant bien en fond l'inspiration que le jeune homme a toujours eu qui ressort d'ailleurs sur "The Concubine" qui n'est pas sans rappeler Yann Tiersen. Le seul morceau qui n'est pas défiguré par cet amalgame entre intégrité et expérimentation. Comme si le seul fait de s'approprier les rengaines qui courent le long du Danube n'était pas déjà une preuve d'une grande ouverture d'esprit. Mais non, il a tronqué l'intimité de ses odes et même sa gaieté contre ses sons en boîte dépourvus d'âme. Et le pire, que dis-je la palme revient à l'électro disco pop "No Dice", affligeant de médiocrité.
En somme, March Of The Zapotec And Real People Holland montre que Zach Condon n'a pas à puiser bien loin pour trouver une source d'inspiration intarissable. Il a juste à se remettre en selle et embrayer vers la bonne direction. Il a encore tellement à nous faire découvrir surtout maintenant que le garçon détient les clés de quelques oraisons funèbres et le recueillement qui va de paire. De nouvelles douceurs qui mériteraient qu'il s'y attarde un peu plus longtemps la prochaine fois. En tout cas une chose est sûre, l'électro plus jamais Zach !! D'accord !?!...
Beirut poursuit inlassablement son périple de la mer Adriatique à la mer Egée avec son solex démodé. Un modèle comme on ne fait plus mais que les amateurs s'arrachent pour s'accrocher à un passé glorieux révolu qu'ils ont connu. Un marathon trop riche et intense pour le boucler en quelques albums et donc mérite encore un nouvel EP. Un double EP même, qui rend hommage à un athlète du ‘pays' qui plus est. A la différence peut-être que Zach ne cherche pas à faire dans l'endurance comme Emil Zatopek mais plutôt essaie au mieux de ne pas louper les meilleurs sites qui ponctuent son périple. Les paysages défilent donc le long des routes délabrées qu'emprunte ce petit Nicolas américain à l'apparence très sage sur la pochette. Le vent fouette son visage ainsi que les airs qui s'échappent alors de son esprit. Le temps passe vite, les kilomètres aussi et il ne faut rien rater. Il photographie ce qu'il peut, respire les embruns lorsqu'il passe près de la mer et mémorise les mélodies pleines de vie qui débordent des chaumières dès qu'il pénètre dans un hameau. Le plus dur reste finalement de synthétiser les couleurs de cette région, la vitalité des populations à qui rien ne manque et enfin la passion de ce voyage et celle échangée à l'amorce d'une note de tuba.
Sous la ola de "El Zócalo" en guise d'introduction pétillante, le premier disque se fait donc pour devoir de restituer cette nouvelle étape en six titres. On retrouve ce rythme voilé communiqué par les roues de la mobylette que Condon a empruntée et qui n'ont jamais du être changées. Un rythme tout en contre temps, sautillant et élastique dont l'amplitude renvoie une image des musiciens qui jouent en se déplaçant avec des pas exagérément grands et souples. Bercé par "La Llora", la magie opère déjà et on se projette rapidement loin, très loin à rêver qu'on ne rêve plus. On aura quand même eu un petit doute à la lecture de ses deux titres en espagnol. J'ai bien lu Zatopec ou Zapotec ? D'autant plus que l'instrumental "My Wife" lance un peu plus tard sa trompette de mariachi avant de rentrer dans les rangs. Passé cette feinte due à la rencontre d'une formation mexicaine (The Jimenez Band) avec laquelle il a échangé autant de conseils musicaux que de traditions, on constate que le vilain petit canard trop mauvais pour l'école en a encore appris pas mal. Il dépeint à présent des ambiances qui ne sont plus forcément festives ou sont dans un état de latence mais qui ne vient pas à maturité. Le routard a enfin réussi à mettre son engouement pour les Balkans également aux services des causes perdues, et cela en partie grâce à sa collaboration à Oaxaca. Car même si ‘la vie est un miracle' il subsiste des épreuves que l'on ne peut passer sous silence. Ainsi si "The Akara" puise avec son ukulélé la cadence chaloupée que l'on aime tant, elle est insérée par une intro funeste qui force le respect et incite à une minute de silence. Idem pour les cuivres de "On A Bayonet" qui portent un hommage émouvant et désarmant, c'est le cas de le dire. J'ai le sentiment que c'est dans ces rares moments que nos cœurs battent le plus à l'unisson, battent la chamade et battent au vent comme le drapeau de ce pays imaginaire qu'évoquent à jamais les litanies de Beirut.
Et puis il y a la seconde galette, dont je me serais bien garder de parler ou plutôt dont j'aurais préféré qu'elle n'existe pas. Car si le précédent disque affichait tous les avantages d'une nouvelle escapade insouciante en vélomoteur sécurisée par le cadre alentour imprenable, là on assiste à une belle gamelle. Zach Condon sort ses premières compositions solo sous le nom de Realpeople. Et on ne peut pas franchement dire que c'est un succès. L'américain fait un mélange improbable entre les références européennes qui lui tiennent à cœur et une électro douteuse. Une sauce si étrange que l'on remettrait presque en question son amour pour l'orient tant l'excès est scandaleux. Autant l'EP Pompeii était bien passé, donnant un peu de fraîcheur et de nouveauté dans le répertoire de l'artiste, autant ici on frôle l'overdose. Et malgré tout Condon, puisqu'il ne faut pas l'appeler Beirut sur ce Holland, fait comme si de rien n'était. Pour preuve le premier titre "My Night With The Prostitute From Marseille" très aguichant qui se trouve enlaidi par un beat neuneu qui fait des gammes ou "My Wife, Lost In The Wild" si synthétique que l'on se dit que l'on assiste à la pire des trahisons. Le songwriter a beau jouer de son timbre suranné et tirer vers les chœurs de matelots on n'y croit pas une seule seconde. Le résultat est fadasse, attristant et d'une langueur... Or on ressent pourtant bien en fond l'inspiration que le jeune homme a toujours eu qui ressort d'ailleurs sur "The Concubine" qui n'est pas sans rappeler Yann Tiersen. Le seul morceau qui n'est pas défiguré par cet amalgame entre intégrité et expérimentation. Comme si le seul fait de s'approprier les rengaines qui courent le long du Danube n'était pas déjà une preuve d'une grande ouverture d'esprit. Mais non, il a tronqué l'intimité de ses odes et même sa gaieté contre ses sons en boîte dépourvus d'âme. Et le pire, que dis-je la palme revient à l'électro disco pop "No Dice", affligeant de médiocrité.
En somme, March Of The Zapotec And Real People Holland montre que Zach Condon n'a pas à puiser bien loin pour trouver une source d'inspiration intarissable. Il a juste à se remettre en selle et embrayer vers la bonne direction. Il a encore tellement à nous faire découvrir surtout maintenant que le garçon détient les clés de quelques oraisons funèbres et le recueillement qui va de paire. De nouvelles douceurs qui mériteraient qu'il s'y attarde un peu plus longtemps la prochaine fois. En tout cas une chose est sûre, l'électro plus jamais Zach !! D'accord !?!...
Pas mal 13/20 | par TiComo La Fuera |
Posté le 12 avril 2009 à 12 h 58 |
Je ne suis absolument pas d'accord avec la critique précédente. Le second EP est bien plus intéressant que le premier, March Of The Zatopek... n'étant finalement qu'une relecture chiante et redondante des deux opus antérieurs du groupe ! Il y a dans cet electro désuète et kitsch quelque chose de typiquement adolescent et mélancolique qui séduit bien plus le chaland que ce trip à la "Diarios De Motocicleta", parfaitement bourgeois bohème et nauséeux. De plus, cette passion de Zach Condon pour la crappy electro remonte plus loin que le Pompeii EP, à "The Joys Of Losing Weight", un album autoproduit alors que le monsieur est encore pré pubère et qui me semble parfaitement indispensable.
Alors oui, cette pop psychédélico-balkanique qui est la marque de fabrique de Beirut est délicieuse (surtout "Elephant Gun" !), mais récuser l'electro side de Condom reviendrait à aimer Michelangelo seulement pour ses sculptures en faisant l'impasse sur son travail pictural !
Alors oui, cette pop psychédélico-balkanique qui est la marque de fabrique de Beirut est délicieuse (surtout "Elephant Gun" !), mais récuser l'electro side de Condom reviendrait à aimer Michelangelo seulement pour ses sculptures en faisant l'impasse sur son travail pictural !
Très bon 16/20
Posté le 12 juillet 2009 à 23 h 07 |
Alors tout d'abord il semble nécessaire de rappeler que March Of The Zapotec & Holland sont deux EP bien différents, bien distincts. Certes édités en un même coffret mais ce qui ne doit pas les relier plus que deux albums à part entière.
Je commencerai par le second EP Holland, car chronologiquement dans la discographie personnelle de Zach Condon c'est celui-ci qui fait office de prémices. Excepté "The Concubine" qui signe une possibilité de direction nouvelle intéressante. Dans une histoire moins tourmentée Holland aurait pu sortir avant tous les autres. Avant même The Gulag Orkesta. Car c'est par là qu'encore tout minot le Zach a commencé. Par les bidouilles electro lofi. Sur des synthés orphelins, perdus dans les brocantes et autres vide-greniers d'Albuquerque, Nouveau Mexique. Et à 16 ans, le voilà sur la route, ce lieu d'horizon sans fin où il est le plus ouvert, extasié du bain de culture européen. Fragile parce que rien d'autre que nous même ne nous accompagne lorsqu'on voyage.
Ce sont d'ailleurs ces mêmes routes de tournée qui l'on fait abdiquer. Tout annuler. Revenir. Repartir. Recommencer. Encore et encore.
Et c'est là qu'il tombe dans l'escarcelle polie de Cary Kufunaga qui lui demande d'enregistrer pour son film quelques morceaux aux allures de Mexique. Mais pas du Beirut. Alors Condon l'a vite fait exploser cette escarcelle pour encore en faire ce qui, en chemin, s'était accroché à son oreille. EP transitoire, témoins que dix milles choses sont là, en suspens. Dix milles sons du peuple. Qu'ils ne sont pas si éloignés les uns des autres ces sons, qu'ils glorifient communément le festif aux reflets de mélancolies de conditions humaines.
Du funéraire. Et pas le moindre, celui d'une peuplade aux rituels déjà bien assassinés, en train de mourir à petits feux. Loin justement du bourgeois bohème facile susdit. Le rituel : qui n'est pas sans rappeler les thèmes favoris des orchestres populaires balkaniques qui sont les rois du mariage.
D'abord "El Zocalo", capté par un micro lointain, tendu à bout de bras par un corps plein de sommeil, juste réveillé au travers d'une lucarne par un quotidien fanfaron, "tiens, est-ce un mariage ou un enterrement aujourd'hui ?" Et voilà l'introduction, de la musique captée dans la rue.
Du funéraire. Beirut planté à Oaxaca. Place aux vapeurs lugubres et lumineuses du mezcal de Teotitlan Del Valle. Place à la fanfare d'enterrement Jimenez. C'est aussi cela Beirut. Une place libre. Cinq lignes de partitions parallèles mais concaves, pour accueillir ce qui tombe dedans, laisser décanter. Ce qui se mélange se mélange et ce qui reste reste.
Et sur ce coup, la place fût laissée à ces derniers porteurs d'un héritage presque disparu, les Zapotèques. Et c'est ainsi que l'on entend un Zach Condon, qui laisse sa voix paisible et quelques chœurs se balader de temps à autres sur cette orchestration ivre, chancelante et imposante de "La Llorona". Il n'impose pas, il fredonnerait presque au fond du studio délabré, pudiquement. Accompagnant le chanteur qui ici est le cuivre, le cuivre vibrant de sa trompette et de la quinzaine d'autres instruments dorés. Pas de rivalité. Zach Condon discret passe juste de-ci de-là arrondir les angles avant les refrains instrumentaux.
"My Wife" n'a même pas eu besoin de cette voix. Un bonjour auroral et fatigué de trompettes qui s'endorment avant le bal à la danse lente, macabre et binaire des tubas, accompagnés de quelques cordes aiguës gratouillées. Et c'est enfin ce qui est traditionnel de Beirut, cette force paradoxale du silence dans la musique. L'énergie des secondes perdues. La 21ème et la 22ème seconde de la 1ère minute nous accordent ce qu'il faut de temps pour laisser fleurir une valse où tout s'accorde - peut être à la tombée de la nuit - tubas, cors, trompettes, mandolines, légères percussions... Tous annoncent la transition d'un instant vers un autre, une envolée de poussière, de pollen, de fraicheur, de joie. Des bras en l'air, les fumées de cigarette s'expirent, les sourcils retombent et la raison vacille, le corps entier est dans une danse presque immobile.
Ensuite le bloc des trois derniers morceaux. D'abord la chirurgie de "The Akara" intervient telle une caresse de scalpel-pure-Beirut sur les douces cicatrices qu'on laissé Gulag Orkesta & Flying Club Cup : Roulements de tambour, introduction cuivrée angoissante, que va-t-il se passer après ça ? Et bien tout va s'accorder sur cette baguette qui frappe les cordes pourtant tendre du ukulélé. Le chant d'un Zach "en-forme-ce-matin" qui laisse échapper une mélodie éclatante sur un vent de trompette. Arrive ensuite la complainte mystèrieuse de l'orchestre, "On A Bayonet" qui, prise en sandwich, fait la transition avec l'ultime et mesquin morceau : "The Shrew". Dont si nous avons eu l'insouciance de ne pas observer la pochette, laisse espérer encore milles ballades... Mais non ! Celle de "La Mégère" est bien la dernière.
Ensuite, silence.
On roule une cigarette, on rempli les verres, on remet PLAY... allez !!! Une dernière pour la route !
Une dernière marche Zapotèque, courte mais pleine. Construite de mélodies qui, comme la nuit, cachent plus de choses qu'elles n'en disent. Pour un hommage aux massacres indiens de la Noche Triste.
Gracias Señor Condon !
Je commencerai par le second EP Holland, car chronologiquement dans la discographie personnelle de Zach Condon c'est celui-ci qui fait office de prémices. Excepté "The Concubine" qui signe une possibilité de direction nouvelle intéressante. Dans une histoire moins tourmentée Holland aurait pu sortir avant tous les autres. Avant même The Gulag Orkesta. Car c'est par là qu'encore tout minot le Zach a commencé. Par les bidouilles electro lofi. Sur des synthés orphelins, perdus dans les brocantes et autres vide-greniers d'Albuquerque, Nouveau Mexique. Et à 16 ans, le voilà sur la route, ce lieu d'horizon sans fin où il est le plus ouvert, extasié du bain de culture européen. Fragile parce que rien d'autre que nous même ne nous accompagne lorsqu'on voyage.
Ce sont d'ailleurs ces mêmes routes de tournée qui l'on fait abdiquer. Tout annuler. Revenir. Repartir. Recommencer. Encore et encore.
Et c'est là qu'il tombe dans l'escarcelle polie de Cary Kufunaga qui lui demande d'enregistrer pour son film quelques morceaux aux allures de Mexique. Mais pas du Beirut. Alors Condon l'a vite fait exploser cette escarcelle pour encore en faire ce qui, en chemin, s'était accroché à son oreille. EP transitoire, témoins que dix milles choses sont là, en suspens. Dix milles sons du peuple. Qu'ils ne sont pas si éloignés les uns des autres ces sons, qu'ils glorifient communément le festif aux reflets de mélancolies de conditions humaines.
Du funéraire. Et pas le moindre, celui d'une peuplade aux rituels déjà bien assassinés, en train de mourir à petits feux. Loin justement du bourgeois bohème facile susdit. Le rituel : qui n'est pas sans rappeler les thèmes favoris des orchestres populaires balkaniques qui sont les rois du mariage.
D'abord "El Zocalo", capté par un micro lointain, tendu à bout de bras par un corps plein de sommeil, juste réveillé au travers d'une lucarne par un quotidien fanfaron, "tiens, est-ce un mariage ou un enterrement aujourd'hui ?" Et voilà l'introduction, de la musique captée dans la rue.
Du funéraire. Beirut planté à Oaxaca. Place aux vapeurs lugubres et lumineuses du mezcal de Teotitlan Del Valle. Place à la fanfare d'enterrement Jimenez. C'est aussi cela Beirut. Une place libre. Cinq lignes de partitions parallèles mais concaves, pour accueillir ce qui tombe dedans, laisser décanter. Ce qui se mélange se mélange et ce qui reste reste.
Et sur ce coup, la place fût laissée à ces derniers porteurs d'un héritage presque disparu, les Zapotèques. Et c'est ainsi que l'on entend un Zach Condon, qui laisse sa voix paisible et quelques chœurs se balader de temps à autres sur cette orchestration ivre, chancelante et imposante de "La Llorona". Il n'impose pas, il fredonnerait presque au fond du studio délabré, pudiquement. Accompagnant le chanteur qui ici est le cuivre, le cuivre vibrant de sa trompette et de la quinzaine d'autres instruments dorés. Pas de rivalité. Zach Condon discret passe juste de-ci de-là arrondir les angles avant les refrains instrumentaux.
"My Wife" n'a même pas eu besoin de cette voix. Un bonjour auroral et fatigué de trompettes qui s'endorment avant le bal à la danse lente, macabre et binaire des tubas, accompagnés de quelques cordes aiguës gratouillées. Et c'est enfin ce qui est traditionnel de Beirut, cette force paradoxale du silence dans la musique. L'énergie des secondes perdues. La 21ème et la 22ème seconde de la 1ère minute nous accordent ce qu'il faut de temps pour laisser fleurir une valse où tout s'accorde - peut être à la tombée de la nuit - tubas, cors, trompettes, mandolines, légères percussions... Tous annoncent la transition d'un instant vers un autre, une envolée de poussière, de pollen, de fraicheur, de joie. Des bras en l'air, les fumées de cigarette s'expirent, les sourcils retombent et la raison vacille, le corps entier est dans une danse presque immobile.
Ensuite le bloc des trois derniers morceaux. D'abord la chirurgie de "The Akara" intervient telle une caresse de scalpel-pure-Beirut sur les douces cicatrices qu'on laissé Gulag Orkesta & Flying Club Cup : Roulements de tambour, introduction cuivrée angoissante, que va-t-il se passer après ça ? Et bien tout va s'accorder sur cette baguette qui frappe les cordes pourtant tendre du ukulélé. Le chant d'un Zach "en-forme-ce-matin" qui laisse échapper une mélodie éclatante sur un vent de trompette. Arrive ensuite la complainte mystèrieuse de l'orchestre, "On A Bayonet" qui, prise en sandwich, fait la transition avec l'ultime et mesquin morceau : "The Shrew". Dont si nous avons eu l'insouciance de ne pas observer la pochette, laisse espérer encore milles ballades... Mais non ! Celle de "La Mégère" est bien la dernière.
Ensuite, silence.
On roule une cigarette, on rempli les verres, on remet PLAY... allez !!! Une dernière pour la route !
Une dernière marche Zapotèque, courte mais pleine. Construite de mélodies qui, comme la nuit, cachent plus de choses qu'elles n'en disent. Pour un hommage aux massacres indiens de la Noche Triste.
Gracias Señor Condon !
Bon 15/20
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